1999 |
2000 |
2001 |
183,9 millions d'euros |
184,0 millions d'euros |
180,3 millions d'euros |
II. QUELQUES DOSSIERS
A. LA DÉGRADATION ACCÉLÉRÉE DE L'ÉCONOMIE DE LA PRESSE
Après une année 2001 satisfaisante, la situation de la presse écrite s'est brutalement dégradée en 2002. Il conviendrait que les pouvoirs publics réagissent à cette situation inquiétante.
1. Une année 2000 satisfaisante
En 2000,
les éditeurs de presse ont réalisé près de 10,8
milliards d'euros (70,84 milliards de francs) de chiffre d'affaires pour leur
seule activité de presse.
Ce chiffre d'affaires représente pour l'ensemble des types de presse une
augmentation de 4,5 % par rapport à l'année
précédente, augmentation qui fait suite à la progression
la plus importante observée depuis le début des
années 1990 (+ 7,1 % en 1999).
Comme en 1999, la hausse du chiffre d'affaires provient principalement de
l'augmentation des recettes de publicité (+ 9 %
en 2000) ; on observe cette tendance à la hausse des recettes
publicitaires depuis la fin de la période 90-93 qui avait vu leur
effondrement. Même si le taux de croissance exceptionnel de 1999
(+ 10,8 %) n'est pas atteint, la hausse de 2000 n'en demeure pas
moins très importante.
Dans le même temps, la faible baisse des ventes au numéro a
limité la progression des recettes de vente (+ 0,9 %) :
au total, en 2000, la publicité n'aura jamais autant
contribué au financement de la presse depuis le début de la
décennie (45,5 % du chiffre d'affaires, taux proche du niveau
de 1990 : 47,5 %).
Les deux composantes de la publicité, publicité commerciale et
annonces, connaissent encore de fortes évolutions :
- la publicité commerciale (+ 7,8 %) en 2000 après
+ 9,4 % en 1999) a bénéficié des nombreuses
insertions publicitaires provenant en particulier des secteurs liés aux
nouvelles technologies, qu'il s'agisse de la nouvelle économie
(Internet) ou des télécommunications ;
- la forte progression des annonces amorcée en 1998 se
poursuit : + 13,6 % en 2000 après + 16,3 %
en 1999 et en 1998.
L'embellie de l'emploi et la situation favorable du marché de
l'immobilier, constatées depuis deux ans, génèrent un
volume important de petites annonces. L'évolution positive des recettes
de vente (+ 0,9 %) résulte en effet d'une légère
baisse des recettes de vente au numéro (-0,3 %) plus que
compensée par l'augmentation des recettes de vente par abonnement
(+ 3,2 %). Toutes les catégories de presse payante connaissent
en 2000 une progression des ventes par abonnement et ceci dans des
proportions comparables.
|
1999
|
2000
|
|
|
|
(P) |
|
Chiffre d'affaires presse |
10
181
|
10
821
|
4,5 % |
Ventes au numéro |
3
680
|
3
801
|
-0,3 % |
Ventes par abonnement |
2
043
|
2
103
|
3,2 % |
Total Ventes |
5
723
|
5
904
|
0,9 % |
Publicité commerciale |
3
536
|
3
830
|
7,8 % |
Petites annonces |
922
|
1
068
|
13,6 % |
Total Publicité |
4
458
|
4
918
|
9 % |
*
Évolution en pourcentage
(P) résultat provisoire
Cette situation globale doit être nuancée au regard de celle des
différentes catégories de presse, dont les tableaux suivants
montrent l'évolution pour la presse nationale et la presse locale
d'information générale et politique.
PRESSE NATIONALE D'INFORMATION GÉNÉRALE ET POLITIQUE
|
1997 |
1998 |
* |
1999 |
* |
2000 |
* |
|
|
|
|
|
|
(P) |
|
Chiffre d'affaires total |
1
584
|
1
611
|
1,7 % |
1
677
|
4,1 % |
1
892
|
8,5 % |
Ventes au numéro |
608
|
574
|
- 5,7 % |
558
|
- 2,9 % |
564
|
- 1,3 % |
Ventes par abonnement |
308
|
313
|
1,6 % |
322
|
2,9 % |
329
|
3 % |
Total ventes |
916
|
887
|
- 3,2 % |
880
|
- 0,9 % |
893
|
0,2 % |
Publicité commerciale |
520
|
547
|
5,3 % |
593
|
8,3 % |
758
|
19 % |
Petites annonces |
148
|
177
|
19,3 % |
205
|
16 % |
241
|
12,1 % |
Total Publicité |
668
|
724
|
8,4 % |
798
|
10,2 % |
999
|
17,2 % |
*
Évolution en pourcentage
En millions d'euros
en millions de francs
PRESSE
LOCALE D'INFORMATION GÉNÉRALE ET POLITIQUE
DONNÉES
DÉTAILLÉES
|
1997 |
1998 |
* |
1999 |
* |
2000 |
* |
|
|
|
|
|
|
(P) |
|
Chiffre d'affaires total |
2
590
|
2
649
|
2,3 % |
2
816
|
6,3 % |
2
984
|
4 % |
Ventes au numéro |
1
127
|
1
124
|
- 0,3 % |
1
136
|
1,1 % |
1
188
|
1,1 % |
Ventes par abonnement |
433
|
457
|
5,7 % |
480
|
5,2 % |
483
|
3,7 % |
Total ventes |
1
560
|
1
581
|
1,3 % |
1
616
|
2,3 % |
1
671
|
1,9 % |
Publicité commerciale |
738
|
750
|
1,5 % |
840
|
12 % |
860
|
1,1 % |
Petites annonces |
293
|
319
|
9 % |
360
|
12,9 % |
451
|
19,7 % |
Total Publicité |
1
031
|
1
069
|
3,6 % |
1
200
|
12,3 % |
1
311
|
6,8 % |
*
Évolution en pourcentage
En millions d'euros
en millions de francs
2. Le brutal retournement de l'exercice 2001
L'économie de la presse sera gravement affectée
en 2001 par une récession des investissements publicitaires
provoquée dès le début de l'exercice par le ralentissement
de la croissance économique, puis accélérée par la
tension dont les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont
provoqué le déclenchement.
Alors que, depuis le début de l'année, le marché
publicitaire donnait déjà de sérieux signes de
ralentissement, le mois de mai s'est révélé très
préoccupant. Ainsi, selon l'institut Secodip, la pagination publicitaire
de l'ensemble de la presse quotidienne a diminué de 27 % par
rapport au même mois en 2000. Selon les chiffres Secodip, la
pagination publicitaire de Libération a chuté de 25 % sur
les cinq premiers mois de l'année, celle du Monde de 12 %. Au
Figaro, la baisse a atteint 16 %, 12 % à l'Équipe, Les
Échos ont accusé un repli de 8 %, Le Parisien un recul
de 5 %, La Tribune et L'Humanité ont subi un repli de
3 %. Seules L'Agefi et La Croix ont enregistré des progressions
respectives de leur pagination publicitaire de 15 % et 5 %.
Les magazines ont connu une évolution plus favorable, même si en
mai la pagination publicitaire a diminué de 10 %, portant
à 2 % la baisse enregistrée sur cinq mois. La presse
hebdomadaire d'actualité (L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur,
Courrier international, L'Equipe magazine, etc.) a été un peu
plus touchée, avec une pagination publicitaire en baisse de 13 % en
mai et de 5 % sur cinq mois.
Ces chiffres qui mesurent la surface occupée par la publicité, et
non les recettes publicitaires, se comparent à un exercice 2000
exceptionnel, notamment au premier semestre où les éditeurs de
presse de toutes catégories ont vu leurs recettes publicitaires
augmenter de 9 %.
Le tableau suivant montre l'évolution des investissements publicitaires
dans l'ensemble des médias sur la période mai 2000 à
mai 2001.
|
Mai
|
Mai
|
Évolution
|
Cumul
|
Cumul
|
Évolution
|
Total |
1
382
|
1
244
|
- 10 % |
5
883
|
5
860
|
- 0,6 % |
Presse |
594
|
586
|
- 10,7 % |
2
436
|
2
386
|
- 2,1 % |
Radio |
157
|
142
|
- 9,4 % |
604
|
642
|
6,3 % |
Télévision |
428
|
394
|
- 8 % |
1
989
|
1
928
|
- 3,1 % |
Affichage |
193
|
177
|
- 8,3 % |
805
|
842
|
4,6 % |
Cinéma |
10
|
- |
- |
49
|
50
|
- 1,4 % |
En
millions d'euros
en millions de francs
Il est intéressant de noter que, dès le mois de mai, aux
Etats-Unis, les groupes de presse ont commencé à tirer les
conséquences du retournement du marché publicitaire. Plusieurs
grands éditeurs ont annoncé des diminitions d'effectifs. En
France, Libération a annoncé cette année deux plans
d'économies d'une trentaine de millions de francs chacun et, tout comme
Le Monde, a augmenté son prix de vente en septembre. Plus globalement,
l'ensemble des éditeurs s'efforce de serrer les coûts
d'exploitation. A la fin des années 1990, la structure des
coûts des entreprises de presse s'était en effet sensiblement
alourdie. Les groupes de presse ont en particulier beaucoup investi pour
développer des sites Internet. A cela, se sont ajoutés les
coûts de la réduction du temps de travail et la hausse, l'an
dernier, du prix du papier.
Le mois d'août avait apporté un léger sursis à la
récession en cours depuis le début d'année. En août,
en effet, les investissements bruts Secodip ont augmenté
de 1,4 % pour la presse.
Les attentats du 11 septembre ont donné un coup d'arrêt
à toute perspective de redressement du marché, comme le confirme
l'indication, par le président du directoire de Publicis, dans une
interview publiée le 15 octobre par Les Echos, du fait que la
chute brutale de l'activité après le 11 septembre s'est
manifestée aux Etats-Unis par un gel total des campagnes publicitaires.
En ce qui concerne l'évolution à venir, et s'il est trop
tôt pour faire le point sur la situation de la presse française,
il est intéressant de noter que le président de Publicis
remarquait dans la même interview : «
en
décembre dernier, Zenith Media prévoyait une croissance
de 4 % du marché publicitaire américain, et de
4,5 % à 5 % à l'échelle mondiale, par rapport
à une année 2000 tout à fait exceptionnelle, en
croissance de 7 à 8 %. Dès mars, Zenith a apporté un
premier correctif à ces prévisions. Aujourd'hui, la baisse
générale du marché mondial pour le second semestre devrait
être désormais supérieure à 4 % et d'un
peu plus de 2 % sur l'année
. »
Le président du syndicat de la presse quotidienne régionale
notait de son côté dans une interview publiée
le 25 septembre dans le même journal : «
nous
sommes sans aucune visibilité aujourd'hui. Nous nous attendions
déjà à une rentrée moyenne, voire médiocre
et, depuis les attentats, le comportement des annonceurs est de plus en plus
irrationnel. Ils réservent de l'espace publicitaire, puis annulent. En
tout état de cause, comme à chaque période
électorale, nous savons que le premier semestre 2002 sera difficile
sur le plan publicitaire
. »
Il remarquait aussi à titre d'exemple : «
les offres
d'emploi qui avaient été le moteur au premier semestre, avec une
progression de 9,2 %, commencent à fléchir dans certaines
régions. Juillet a marqué une véritable rupture, avec un
recul de 4 % des petites annonces par rapport
à juillet 2000
. »
3. La réactivité nécessaire des pouvoirs publics
Face
à cette situation, votre commission demande, comme il est exposé
dans la première partie du présent rapport, que le fonds de
modernisation soit mis en mesure de jouer un rôle de fonds d'intervention
d'urgence
. Il pourrait s'agir, par exemple, d'alimenter partiellement un
fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires
dont les objectifs auraient été élargis. On pourrait
imaginer de lisser momentanément, en fonction de la dégradation
plus que préoccupante de la conjoncture, les recettes publicitaires de
cette presse indispensable à la qualité du débat public.
On pourrait aussi imaginer d'étendre le bénéfice d'un tel
mécanisme à l'ensemble de la presse d'information politique et
générale.
Quoiqu'il en soit des mécanismes à
imaginer à ces fins, il conviendrait que les textes qui les institueront
garantissent le caractère temporaire et conjoncturel des aides
dispensées et prévoient les verrous nécessaires pour
éviter tout laxisme et tout risque de dérive
financière
.
Des procédures de remboursement pourraient ainsi éventuellement
être créées. Il serait aussi possible de limiter le montant
des aides aux recettes de fonds de modernisation non utilisées dans le
cadre des objectifs actuels du fonds ou dans le cadre de l'aide à la
distribution.
Tout ceci mérite un examen approfondi et des initiatives rapides, les
quelques pistes tracées ici ne devant être
considérées que comme un appel pressant à l'action. Il
appartient en effet au gouvernement d'organiser ce processus dans les
délais très courts que justifie l'urgence des problèmes
à résoudre.
B. LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE DES SECTEURS INTERDITS
L'élaboration des décrets d'application du
régime de la Télévision Numérique de Terre (TNT)
défini par la loi de 1
er
août 2000 pose à
nouveau la question de l'accès des secteurs interdits à la
publicité télévisée.
La restriction d'accès résulte de l'article 8 du décret du
27 mars 1992, qui interdit la publicité télévisée
des boisons comportant plus de 1,2 degré d'alcool, de l'édition
littéraire, du cinéma, de la distribution sauf dans les DOM-TOM.
Or un des projets de décrets relatifs aux obligations des chaînes
diffusées par voie hertzienne terrestre numérique prévoit
la modification du décret de 1992, sans toucher cependant à son
article 8, ce qui a lancé le débat en cours.
La ministre de la culture et de la communication a relancé ce
débat en exprimant à la mi-septembre son souhait d'ouvrir, dans
une première étape, la publicité à la presse sur
les futurs services de la TNT. A la suite de plusieurs propos de Mme Catherine
Tasca en ce sens, le ministère a publié le 10 septembre
2001 un communiqué indiquant que des propositions seront
présentées avant la fin de l'année en vue de
« l'ouverture ciblée et progressive de la
publicité »
.
Si le maintien de la réglementation actuelle est annoncé en ce
qui concerne le cinéma et l'édition, le ministère
envisage,
« si le secteur de la presse confirme son accord et donc
en étroite concertation avec lui, d'autoriser la publicité pour
ce secteur sur les chaînes thématiques du câble et du
satellite
». Le communiqué du ministère
précise encore que
« s'agissant du financement des futures
télévisions locales diffusées sur le numérique
hertzien, la réflexion devra être poursuivie , notamment en ce qui
concerne la grande distribution, sur la base du rapport que le gouvernement
devra remettre d'ici à un mois au Parlement sur le développement
de la télévision de proximité »
.
Le CSA a pris le relais en publiant à la fin d'octobre 2001 ses
observations sur les points qui
« auraient justifié
d'être traités et qui sont absents du projet de
décret »
modifiant le décret du 27 mars 1992.
Remarquant qu'aucune modification n'est apportée à l'article 8,
le CSA estime que dans le contexte du développement du numérique
terrestre, des assouplissements des prohibitions instituées par cet
article pourraient s'avérer nécessaires compte tenu de
l'accroissement de l'offre d'espaces publicitaires
télévisés et des besoins accrus en recettes publicitaires.
Dans l'optique d'une ouverture
« progressive et
concertée »
aux secteurs interdits, le CSA propose
d'autoriser tous les services, à l'exception des services hertziens
analogiques nationaux, à diffuser des messages publicitaires pour la
presse, l'édition littéraire et le cinéma, et d'autoriser
les chaînes locales hertziennes ainsi que les canaux locaux du
câble à faire la publicité de la distribution, notant qu'un
équilibre devra être trouvé avec les services
radiophoniques. Le CSA ne va toutefois pas jusqu'à préciser ce
que pourrait être un tel équilibre et ne fait aucune allusion aux
secteurs économiques autres que la radio concernés par ces
changements.
Il convient de rappeler que la question des secteurs interdits avait
déjà fait l'objet d'un débat difficile en février
2000, après que le CSA ait décidé de permettre
l'accès des sites internet, y compris les sites de la presse, de la
distribution, du cinéma et de l'édition, à la
publicité télévisée. Le CSA avait
considéré que les activités des sites internet
constituaient un secteur économique nouveau et spécifique auquel
les restrictions d'accès à la publicité
télévisée prévues par l'article 8 du
décret du 27 mars 1992 ne devaient pas être
appliquées. Le Conseil d'Etat, saisi par un certain nombre
d'organisations professionnelles, avait annulé le
3 juillet 2000 la décision publiée dans le
communiqué n° 414 du CSA, au motif que le régulateur
n'était pas compétent pour fixer une règle juridique
nouvelle dans ce domaine.
Dès le 6 juillet, la ministre de la culture et de la communication
avait alors annoncé sa décision
« d'engager une
large consultation sur l'accès à la publicité
télévisée des secteurs interdits, en vue d'une
éventuelle modification de l'article 8 du décret du
27 mars 1992 ». « Les technologies
numériques modifient profondément le paysage
audiovisuel »
, avait estimé Mme Catherine Tasca, pour qui
« le déploiement de la télévision
numérique de terre, le développement de l'internet et des hauts
débits et le rôle accru de la publicité dans
l'économie renforcent la nécessité de conduire une
évaluation des dispositifs de régulation actuellement applicables
en vue de les adapter si nécessaire, en fonction des
spécificités de chacun des secteurs, aux évolutions
constatées ou prévisibles »
.
Dans son avis sur le projet de budget des aides à la presse pour
2001, votre commission avait de son côté estimé
indispensable de définir de façon pragmatique un partage
équitable entre les préoccupations tenant au maintien de la
diversité des titres et celles inspirées par le souci de
favoriser l'accès de la presse à ses lecteurs potentiels.
Puis le dossier avait été oublié. Il resurgit aujourd'hui
dans des termes assez largement identiques et sans qu'aucune
« large consultation »
ait été le
moins du monde engagée entre temps.
Un élément nouveau est quand même survenu, la Commission
européenne s'invite dans le débat. On a en effet appris au
début du mois de novembre 2001 que celle-ci envisageait d'ouvrir, d'ici
mars prochain, une procédure d'infraction contre la France sur le
fondement des dispositions du traité de Rome relatives à la libre
circulation des services, peut-être à la suite d'une plainte
portée contre la réglementation française par le syndicat
de la presse magazine et d'information.
Cet emballement préoccupe votre commission.
Celle-ci souhaiterait que la concertation nécessaire ait lieu autrement
que par voie de presse ou dans le secret du cabinet de Mme Catherine Tasca.
Les enjeux sont suffisamment importants pour qu'une consultation publique et
formelle soit organisée sur ce dossier, en demandant par exemple
à une personnalité qualifiée de présenter un
état exhaustif de la question et de tracer les voies d'un compromis
à partir des positions de chaque partie, compte tenu de l'ensemble des
intérêts légitimes en cause
.
De ce point de vue, on ne peut qu'exprimer une
vive réserve à
l'égard de l'idée d'
ouverture ciblée et progressive
exprimée par Mme Catherine Tasca comme de celle d'
ouverture
progressive et concertée
utilisée par le CSA. Ces formules
font du démantèlement plus ou moins accéléré
de la réglementation le seul horizon du processus qui s'engagera
tôt ou tard
. La presse quotidienne départementale et
régionale, dont la distribution assure une très large proportion
du chiffre d'affaires publicitaire, n'a d'ailleurs pas manqué d'observer
que les propositions ministérielles et celles du CSA convergent
implicitement vers un aboutissement identique, l'ouverture à terme des
antennes des grandes chaînes traditionnelles à la publicité
de la grande distribution.
C'est l'aboutissement qui se profile manifestement derrière la notion
d'
ouverture progressive
.
Votre commission continue pour sa part, comme l'année
dernière, d'estimer indispensable de définir de façon
pragmatique, à l'issue d'une véritable concertation de toutes les
parties concernées, pour une durée suffisante et garantie, un
partage équitable
entre les intérêts
légitimes des uns et des autres
.
S'il apparaissait par exemple inévitable, juste ou utile, pour des
raisons économiques ou juridiques, de permettre à la distribution
de faire de la publicité à la télévision, ne
doit-on pas en fixer ouvertement les modalités raisonnables, au lieu de
dissimuler les vraies perspectives derrière l'arbitraire et à
terme intenable distinction entre les télévisions locales
hertziennes et les autres.
L'évocation des chaînes locales par le ministère et par le
CSA résulte sans doute, plus que d'une vocation particulière
à recueillir la publicité de la distribution, du souci d'amadouer
la presse quotidienne régionale, principale victime potentielle du
démantèlement de la réglementation. L'idée consiste
à promettre aux chaînes locales que la PQR souhaite constituer
l'accès exclusif et temporaire aux précieuses ressources de la
publicité de la distribution.
En réalité, le président du syndicat de la presse
quotidienne régionale (SPQR) le rappelait récemment, c'est
l'accès à de grands bassins de population c'est à dire
soit les chaînes hertziennes traditionnelles soit le réseau d'une
quinzaine de chaînes locales d'agglomérations que la PQR souhaite
créer sur le réseau hertzien analogique, qui intéresse la
distribution. Les chaînes locales hertziennes numériques, dont
l'audience évoluera péniblement au rythme très
aléatoire des progrès de la TNT (voir le rapport pour avis de
votre commission sur les crédits de l'audiovisuel public pour 2002)
n'ont guère de chance d'attirer ces investissements dont il sera
dès lors difficile d'interdire le bénéfice aux autres
services.
On méditera utilement sur ce point les remarques du co-président
des Centres Leclerc, relatées dans le Figaro du 11 septembre 2001 :
« le réseau numérique hertzien offre une
visibilité trop limitée et trop segmentée. [...] la TNT ne
constitue pas une véritable alternative à la presse et à
la radio, elle en est la concurrente. [...] Les distributeurs sont près
à s'engager par contrat au maintien pluriannuel de leurs investissements
presse en contrepartie d'une ouverture progressive des chaînes
hertziennes »
.
La voie d'un partage négocié est esquissée dans cette
déclaration sans faux-semblant. Elle devra être
sérieusement explorée le jour où la modification de la
réglementation des secteurs interdits sera révisée sous la
pression de Bruxelles ou pour tout autre motif.
C. LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE
Dans son
rapport pour avis sur les crédits de la presse pour 2001, votre
commission des affaires culturelles avait présenté une analyse
détaillée de l'évolution récente, à compter
de la mise en oeuvre du plan de modernisation 1994-1997, de la réforme
des NMPP et du système coopératif de distribution. Sans revenir
sur cet arrière-plan, il est intéressant de rendre compte cette
année des nombreux développements qui ont marqué
l'évolution de ce dossier, mettant toujours un peu plus en relief la
fragilité de l'édifice construit sous l'égide de la loi
Bichet du 2 avril 1947.
Un rappel préliminaire s'impose cependant.
1. Le plan stratégique 2000-2003
La
direction des NMPP avait soumis en septembre 1999 aux coopératives
d'éditeurs de nouveaux barèmes tarifaires plus favorables aux
magazines, en précisant que leur adoption devait se traduire par un
déficit prolongé. Ces propositions se sont heurtées
à l'opposition des quotidiens. Par suite, la décision a
été reportée au 1
er
janvier 2000, dans
l'attente des conclusions d'une mission sur la distribution de la presse
nommée par le gouvernement.
A la suite de la publication de ce rapport, un consensus a pu être
établi en février 2000 entre les éditeurs de la presse
quotidienne et magazine ainsi qu'entre les éditeurs et
l'opérateur-actionnaire Hachette sur les grands axes d'un plan
stratégique de réorganisation des NMPP.
Les axes stratégiques retenus étaient :
- améliorer l'efficacité de la distribution des quotidiens
dans les domaines industriel et commercial ;
- tirer le meilleur parti de la nouvelle logistique des magazines ;
- achever la réforme des invendus ;
- refonder la structure de distribution de Paris Diffusion Presse (Paris
et petite couronne) sur une logique de dépôts ;
- redéfinir la relation avec les dépositaires de presse dans
une optique concurrentielle : passer de 350 dépôts
aujourd'hui à 200 dépôts et 30 plates-formes quotidiens et
mettre en place une rémunération modulée ;
- optimiser les actions commerciales vers les éditeurs : mieux
relayer leurs opérations de terrain, mieux valoriser la richesse des
bases de données NMPP ;
- adapter la tarification à l'environnement concurrentiel ;
- optimiser l'adéquation du niveau 3 (réseau des points de
vente) aux attentes des lecteurs pour vendre plus et mieux la presse ;
- accroître la performance des équipes fonctionnelles ;
- réformer l'informatique pour mieux accompagner les
activités de l'entreprise et produire de la valeur ajoutée ;
- moderniser les structures institutionnelles.
Un volet social accompagnait ces orientations. Il prévoyait
797 suppressions de postes d'ici à la fin de 2003 : 429 postes
d'ouvriers, 129 postes d'employés et 239 postes de cadres.
L'organisation prévue à la fin de 2003 était ainsi de 1540
salariés : 640 ouvriers, 210 employés et 690 cadres. Ce
volet social concernait tous les établissements de l'entreprise. Les
NMPP rappelaient à cet égard que l'ajustement des effectifs
était une nécessité ancienne et permanente,
conséquence des aménagements industriels et des
réorganisations du plan stratégique visant à
réduire les coûts.
La priorité était donnée à la concertation, avec
comme objectifs de rechercher un accord d'entreprise, optimiser les mutations
internes, favoriser l'aide à la formation et à l'installation,
mettre au point un dispositif de départ pour les salariés les
plus âgés.
En ce qui concerne le financement du plan, trois axes avaient été
prévus :
- l'entreprise engageait l'ensemble de ses fonds propres ainsi que les
provisions constituées à cet effet ;
- l'opérateur renonçait à percevoir sa redevance à
partir de 1999 et pour la durée du plan. Un effort similaire
était attendu de la part des éditeurs en ce qui concerne le
« trop perçu » ;
- la mission de service universel qui incombe aux NMPP amenait à
solliciter de l'État une aide publique indispensable pour
résoudre l'équation économique du plan. Il s'agissait
d'obtenir de l'État la compensation du surcoût pour l'entreprise
de la distribution des quotidiens.
2. La participation de l'État au financement
La
réponse de l'État sur sa participation au financement de la
mission de service universel des NMPP, en particulier au financement des
surcoûts dus aux modalités particulières de distribution de
la presse parisienne, est restée un temps ambiguë.
On a vu ci-dessus que l'examen du projet de budget de 2002 sera l'occasion
d'avancer sur ce point.
3. La mise en oeuvre du plan
Les cinq
coopératives des NMPP ont adopté de nouveaux barèmes en
juin 2000 puis en juin 2001. Ces diminutions tarifaires représentent un
total de 214 millions de francs, soit une baisse de 1,3% du coût de la
distribution NMPP.
La réforme de la logistique du niveau 1 (NMPP) est en cours de poursuite
afin de la faire coïncider à la nouvelle réforme du niveau
2, celui des dépositaires. Ceci comprend l'achèvement de la
réforme du circuit de traitement des invendus. Le dépôt de
traitement de Paris a ainsi été fermé en juin 2001, et les
fonctions de traitement localisées à Bobigny ont
été transférées à une société
de transport. Les économies attendues de la réforme du niveau 1
devraient s'élever à 190 millions de francs en 2003.
En ce qui concerne le niveau 2, une économie de 100 millions de francs
est attendue de la réduction du nombre des dépositaires en 2002.
La réforme de Paris Diffusion Presse (PDP), structure des NMPP
chargée du niveau 2 de la distribution en Ile-de-France, et dont la
réforme constitue un enjeu essentiel du plan de modernisation dans la
mesure où elle doit engendrer une économie de 140 millions de
francs, est en cours. Les positions des différents protagonistes
paraissent actuellement en cours de rapprochement. Les NMPP ont
précisé le 22 juin 2001 les lignes d'action qu'elles entendaient
suivre, et dès le 1
er
août, des mutations ont
été effectuées en application du plan prévoyant
l'organisation de PDP en 5 dépôts modernisés et
mécanisés de plein exercice organisés comme en province
avec un centre d'invendus et un centre de coordination. Le 9 octobre 2001, le
direction des NMPP a présenté aux partenaires sociaux le volet
industriel du plan de réforme de PDP. Il nécessitera un
investissement de 140 millions de francs en investissements immobiliers,
d'aménagement de locaux et d'acquisitions de matériels
d'exploitation. Sa mise en oeuvre prendra 25 mois, le premier
dépôt ouvrant 10 mois après le lancement effectif du
projet. Le nombre de salariés devrait baisser de 230 pour arriver
à 329 à la fin de l'exécution du plan.
Ces différents efforts, consolidés par une amélioration
des prestations informelles et commerciales, ont permis de préserver le
chiffre d'affaires des NMPP dès la deuxième année
d'exécution du plan. En 2000, les départs vers des structures
concurrentes avaient représenté plus de 450 millions de francs de
ventes en année pleine. En 2001, un gain d'environ 100 millions de
francs en année pleine est attendu.
4. Un dossier connexe : la distribution du Parisien
En mars
2001, estimant indispensable de quitter les NMPP pour améliorer le taux
de pénétration du journal, la direction du Parisien a
annoncé sa décision d'assurer à partir de mai sa
distribution par des moyens de l'entreprise, Aujourd'hui en France,
édition nationale du Parisien, continuant d'être distribué
par les NMPP. Il s'est ensuivi une série de conflits, portés sur
le plan juridique et social par les différents protagonistes, et
marqués entre autres péripéties par la signature entre le
groupe Amaury, propriétaire du Parisien et les deux composantes du
Syndicat du livre, le 17 juin, d'un accord (immédiatement
dénoncé par les NMPP comme contraire à la loi Bichet)
prévoyant la distribution du Parisien par une filiale du groupe - la
SDVP - en dehors de la zone couverte par Paris Diffusion Presse, et la reprise
par la SDVP de salariés des NMPP affectés à la branche
quotidiens des NMPP.
Le 29 juin, un accord mettant fin au conflit entre eux était
signé par les NMPP et le groupe Amaury, jetant les bases d'un
règlement dont les prolongements sociaux et financiers ne semblent pas
encore entièrement précisés.
Cet accord trace des principes de solution aux objections que les NMPP avaient
opposées au document du 17 juin et prévoit de mettre fin aux
procédures judiciaires en cours. Sur le fond, il entérine la
distinction du Parisien et d'Aujourd'hui en France ; prévoit
l'adhésion distincte de chacun des deux titres à la
coopérative NMPP Coopé-Presse (l'accord du 17 juin
prévoyait la sortie du Parisien) ; SDVP devient prestataire de
services du groupe NMPP pour la distribution de Parisien hors Paris et proche
banlieue, à laquelle elle limitera son activité ; le
Parisien s'engage à embaucher les salariés des NMPP
affectés à sa distribution ; l'impact financier de la perte
de la distribution du Parisien pour les NMPP fera l'objet d'une indemnisation.