C. LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE : DEUX QUESTIONS EN SUSPENS
Votre rapporteur pour avis est très attentif aux conséquences sur le régime agricole de la création d'une couverture maladie universelle.
Deux questions restent posées.
1. La question de l'équité
Une cotisation minimale d'assurance maladie, sur la base d'une assiette forfaitaire, est due, quels que soient le revenu de l'agriculteur ou la superficie de l'exploitation.
Assiette annuelle |
|
Exploitations inférieures à 1,5 SMI. |
800 SMIC |
Exploitations entre 1,5 et 3,5 SMI |
800 SMIC + majoration modulée |
Exploitations au-delà de 3,5 SMI |
800 SMIC +majoration fixe |
Exploitants bénéficiant du RMI |
200 SMIC |
SMI : surface minimum d'installation
De plus, les chefs d'exploitation à titre principal et exerçant une activité salariée ou non salariée non agricole bénéficient d'une réduction de 10 % de leurs cotisations en maladie lorsque celles-ci sont calculées sur l'assiette minimum de 800 SMIC.
Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la suppression de la majoration due par les exploitants dont les exploitations sont comprises entre 1,5 et 3,5 SMI, ce qui entraîne une perte de 148 millions de francs (dont 111 millions de francs en techniques). Cette mesure bénéficie à 94.000 personnes.
Environ 200.000 exploitants agricoles acquittent la cotisation minimale en maladie et bénéficient ainsi, pour une charge mensuelle inférieure à 300 francs, de l'ensemble des prestations.
A partir du 1 er janvier 2000, date d'entrée en vigueur de la loi portant création de la couverture maladie universelle, le lien entre versement des cotisations et bénéfice des versements en nature des assurances maladie et maternité a été coupé.
Des personnes bénéficiant des mêmes revenus, l'une active, l'autre inactive, sont soumises à des règles distinctes. L'exploitant agricole doit s'acquitter de la cotisation minimale, pour des prestations remboursées de façon incomplète, tandis que l'inactif ne paie pas de cotisations et bénéficiera d'une couverture complète, comprise dans " le panier de soins " pris en charge par la CPAM, la caisse de MSA ou la mutuelle.
En conséquence, pour le seul régime agricole, les dispositions du code rural liant le versement des prestations au paiement des cotisations ont été abrogées : la suspension du versement des prestations ne peut intervenir que sous certaines conditions déterminées par décret, lorsque les assurés font preuve de leur mauvaise foi dans le paiement de leurs cotisations.
Des agriculteurs " déchus de droits " ont été réintégrés. Leur nombre est certes limité : 0,8 % des chefs d'exploitation avaient été déchus de leurs droits de l'AMEXA en 1998 (hors départements de la Corse), soit 4.200 personnes.
Les mesures de prévention des caisses de MSA, notamment les prises en charge d'une partie des dettes, permettaient le rétablissement rapide de la couverture sociale des exploitants.
Mais leur réintégration a pu être légitimement mal vécue par ceux s'étant scrupuleusement acquittés de leurs cotisations, dans les bonnes comme les mauvaises années.
Selon le ministère 2 ( * ) , " il est encore trop tôt pour avoir une vision claire des impacts de la mise en place de la CMU en matière de recouvrement. De façon à avoir un recul suffisant, la CCMSA procédera à une analyse détaillée auprès des caisses de MSA des conséquences éventuelles de la CMU au début de l'année 2001. "
La recherche de l'équité pourrait conduire à la suppression des cotisations minimales maladie, ou tout au moins le remplacement de ces cotisations définies selon une assiette forfaitaire par une cotisation proportionnelle.
Sur 545.000 exploitants au champ AMEXA en 1999, 217.000 ont un revenu inférieur au seuil CMU (42.000 francs annuels en 2000).
La suppression de toute cotisation AMEXA pour ces personnes entraînerait une perte de cotisations de 460 millions de francs (dont 350 millions de francs en techniques). La suppression de la cotisation minimale AMEXA assise sur 800 SMIC, remplacée par des cotisations proportionnelles au premier franc, entraînerait une perte de cotisations de 283 millions de francs (dont 219 millions de francs en techniques).
Votre rapporteur souhaite que soit étudiée cette mesure à la fois de simplification et d'équité.
2. La question de la gestion des assurés
Les assurés de la couverture maladie universelle sont pris en charge, pour leur couverture de base, par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Néanmoins, pour des raisons de simplicité, le législateur a explicitement prévu que les personnes affiliées au régime de l'assurance personnelle au 1 er janvier 2000 par l'intermédiaire des caisses de MSA, puissent rester dans ce régime.
L'article 19 paragraphe II de la Loi no 99-641 du 27
juillet 1999
II. - Les personnes relevant des dispositions de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, affiliées au régime de l'assurance personnelle à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, dont les prestations d'assurance maladie et maternité sont servies par un organisme de protection sociale agricole au titre de sa participation à la gestion de l'assurance personnelle, continuent de bénéficier du service de ces prestations. Le service de ces prestations, ainsi que le recouvrement de la cotisation définie à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale si elle est due, sont assurés par cet organisme pour le compte du régime général dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. |
En revanche, les personnes qui bénéficieront de la couverture maladie universelle à compter du 1 er janvier 2000, et qui n'étaient pas auparavant au régime de l'assurance personnelle, seront affiliées aux caisses primaires d'assurance maladie.
La logique de cette répartition administrative n'apparaît pas clairement.
En 1998, 10.483 personnes étaient affiliées en assurance personnelle, 8.465 en 1999. Au 30 juin 2000, 14.220 personnes bénéficient de la CMU de base. Le chiffre pour l'année 2000 est supérieur à celui de 1999, car ont été comptabilisés, dans le cadre de la CMU, les assurés et leurs ayants droits, alors que les années précédentes, dans le cadre de l'assurance personnelle, seuls les assurés étaient dénombrés.
En ce qui concerne la couverture du risque complémentaire, les caisses de Mutualité sociale se retrouvent dans la même situation que les caisses primaires d'assurance maladie. Elles sont tenues de prendre en charge les personnes relevant de la CMU, à la différence des institutions de prévoyance, des organismes mutualistes et des sociétés d'assurance, qui peuvent décider de ne pas prendre en compte ces assurés, moyennant le paiement d'une contribution.
Le décret du 9 décembre 1999 prévoyait la signature d'une convention entre le fonds de financement CMU complémentaire et les différents organismes de sécurité sociale.
Cette convention n'a été soumise au conseil d'administration de la CCMSA que le 7 septembre 2000.
Au 30 juin 2000, les prestations de CMU complémentaire versées par le régime agricole s'élevaient à 60 millions de francs.
Prestations versées par le régime
agricole dans le cadre de la CMU
(janvier - juin 2000)
CMU de base |
CMU complémentaire |
|
Janvier |
3.833.612,09 |
3.150.917,22 |
Février |
5.330.609,17 |
8.022.961,04 |
Mars |
5.438.507,30 |
11.359.874,30 |
Avril |
4.100.632,10 |
9.819.557,34 |
Mai |
5.375.597,50 |
14.981.490,72 |
Juin |
4.984.478,62 |
12.513.487,93 |
TOTAL |
29.063.436,78 |
59.848.288,55 |
Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis.
En ce qui concerne les bénéficiaires, au 30 juin 2000, la MSA comptabilisait 144.710 bénéficiaires de la CMU dont 88 % sont âgés de moins de 60 ans.
Le nombre de bénéficiaires est ainsi nettement en deçà des prévisions.
Le comportement des exploitants agricoles potentiellement bénéficiaires de ce dispositif est identique, pour partie, à celui connu quant à l'obtention du revenu minimum d'insertion.
Certains retraités agricoles, pouvant bénéficier de la CMU complémentaire au regard de leurs ressources, hésitent pourtant à dénoncer leur contrat actuel parce qu'ils craignent les effets d'une revalorisation de leur retraite : cette revalorisation les pousserait en dehors du dispositif et les empêcherait de retrouver un assureur complémentaire du fait de leur âge et de leur état de santé.
Tel est encore le cas des exploitants soumis au régime de l'imposition au réel qui peuvent accéder au bénéfice de la CMU complémentaire que par un mécanisme dérogatoire devant le préfet.
Sur les 123.168 bénéficiaires de la CMU complémentaire, près de 95 % ont opté pour leur affiliation auprès des caisses de MSA.
* 2 Réponse au questionnaire de votre rapporteur.