B. UNE CLARIFICATION ATTENDUE : LE COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DES VILLES DU 14 DÉCEMBRE 1999
Avant de revenir sur les éléments les plus marquants de ce budget au regard de la compétence de notre commission, il est utile de rappeler les principaux éléments du programme exposé par le Premier ministre " pour des villes renouvelées et solidaires " lors de la réunion du Comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999.
En effet, votre commission n'avait pas pu se prononcer sur ces orientations à l'automne 1999, puisqu'elles ont été finalement adoptées après l'examen du budget de la ville en séance publique ; elle avait du reste vivement regretté que le débat sur le budget " ville " pour 2000 soit largement déconnecté de l'analyse des intentions du Gouvernement, sur lesquelles votre commission ne disposait à l'époque que d'éléments très fragmentaires.
Le CIV clarifie la position du Gouvernement, sachant toutefois qu'un de ses instruments importants est constitué par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dont l'examen est achevé depuis peu. Ce n'est qu'avec la publication de cette loi que le Gouvernement disposera de tous les instruments de sa nouvelle politique de la ville.
Le programme " pour des villes renouvelées et solidaires " se décline sur trois registres : les restructurations urbaines, la revitalisation économique et sociale, le renforcement des services publics.
1. Le programme national de renouvellement urbain
Le premier axe s'articule autour du programme national de renouvellement urbain qui comprend deux types d'interventions inscrites dans les contrats de ville : les grands projets de ville (GPV) et les opérations de renouvellement urbain.
a) Les grands projets de ville (GPV)
Les grands projets de ville (GPV), au nombre de 50 -qui s'inscrivent dans la lignée des grands projets urbains (GPU), lancés par Mme Simone Veil en 1993- ont pour objet de réaliser des opérations lourdes de requalification urbaine , afin de réinsérer un ou plusieurs quartiers dans leur agglomération, dans le cadre d'un projet global de développement social et urbain. Il s'agit de marquer, en profondeur et de manière durable, l'image et la perception d'un quartier, grâce à des opérations de restructuration du bâti, d'amélioration de l'environnement et de désenclavement des quartiers, et à des actions de revitalisation et de valorisation sociale.
Une enveloppe spécifique de 5 milliards de francs doit être dégagée jusqu'à 2006 pour le programme national de renouvellement urbain en plus de 1,2 milliard de francs déjà contractualisé dans les contrats de plan Etat-Régions.
La conduite du projet est organisée autour d'un pilotage politique, d'un pilotage technique et d'une direction de projet. Cette organisation, pour être pleinement opérationnelle, doit être institutionnalisée sous une forme juridique claire, dédiée au GPV et pérenne en lui donnant une stabilité dans le temps au-delà des changements d'acteurs. Le groupement d'intérêt public (GIP) est la formule juridique qui a majoritairement été retenue dans les différentes propositions de GPV.
Les GPV, qui devraient être opérationnels à partir de 2001, doivent faire l'objet d'avenants aux contrats de ville.
b) Les opérations de renouvellement urbain (ORU)
Les opérations de renouvellement urbain , au nombre de 30, comportent des opérations d'investissement financées par les villes concernées et bénéficiant d'un appui renforcé de l'Etat, notamment grâce à des prêts à taux d'intérêt réduit.
L'objectif est de parvenir à une recomposition des équilibres urbains et à une revalorisation des territoires par une " transformation lourde " de certains quartiers à partir d'opérations de démolition de grande ampleur, une offre nouvelle de logements sociaux et une meilleure gestion urbaine de proximité.
Les ORU devraient bénéficier de crédits d'investissement spécifiques non contractualisés sur le budget de l'Etat à hauteur de 700 millions de francs sur la période 2000-2006 ainsi qu'une enveloppe de 10 milliards de francs de prêts " renouvellement urbain " (PRU) mis en place par la Caisse des dépôts et consignations à un taux de 3 %.
2. Le développement économique et social des quartiers
La position du Gouvernement sur les aides à l'économie et à l'emploi dans les quartiers sensibles était très attendue. Aucune alternative n'avait été en effet véritablement tracée, depuis que le Gouvernement s'était prononcé en faveur de la non-reconduction du dispositif de zones franches lancé par MM. Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult sous l'autorité de M. Alain Juppé, premier ministre.
L'objectif du Gouvernement est de favoriser " la revitalisation économique, l'accès à l'emploi et le lien social ".
a) La revitalisation économique
L'élément central du dispositif est la création d'un fonds de revitalisation économique qui aurait pour objet, non seulement, de soutenir les activités économiques existantes dans les zones urbaines sensibles (PME, commerces, artisans, professions libérales), mais aussi de verser une prime de revitalisation économique en faveur des investissements réalisés dans les quartiers sensibles.
Le CIV du 14 décembre 1999 envisage également :
- une franchise de 10.000 francs sur la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat dans les ZUS,
- la majoration du taux d'intervention maximum du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC),
- la mise en place de fonds régionaux en partenariat avec les régions pour financer les opérations de renouvellement urbain et de revitalisation économique.
b) L'accès à l'emploi
Pour favoriser l'accès à l'emploi , trois mesures sont proposées.
Tout d'abord, la création des " équipes emploi-insertion " en liaison avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les missions locales, vise à améliorer la politique de lutte contre le chômage.
Ensuite, le Gouvernement a annoncé le développement des 90 plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) en priorité dans les sites des contrats-villes.
Par ailleurs, l'insertion économique devrait être développée dans les quartiers grâce à un apport de 730 millions de francs sur six ans, au titre du fonds social européen dans le cadre des contrats de ville.
Le Gouvernement a décidé le lancement d'un programme de création sur fonds publics de 10.000 postes d'adultes-relais destiné aux chômeurs afin " de créer du lien social sur les quartiers, de prévenir et de traiter les conflits mineurs de la vie quotidienne et de faciliter l'usage des équipements de proximité ou l'action des associations locales ".
Ce dispositif donne lieu à des observations particulières de votre commission (cf. III ci-après).
3. Le renforcement des services publics, des acteurs de la solidarité et du développement urbains
Parmi les nombreuses mesures retenues, certaines ont paru particulièrement importantes à votre commission.
Tout d'abord, la fonction de sous-préfet délégué à la ville sera revalorisée et l'Etat, s'appuyant sur une expérience menée dans le Rhône, renforce sa présence en prévoyant que des délégués de l'Etat devront être désignés parmi les fonctionnaires et agents publics pour animer la politique de la ville dans les quartiers prioritaires des contrats de ville .
S'agissant des agents publics, une formation interministérielle doit être généralisée pour tous les nouveaux fonctionnaires prenant leur poste dans un quartier sensible.
Enfin, il est souhaité que l'accès à la fonction publique soit favorisé pour les habitants des quartiers sensibles : augmentation du nombre de bourses d'études, préparation aux concours externes de la fonction publique pour les emplois-jeunes ; un dispositif de préparation rémunéré aux concours de la fonction publique serait ouvert pour 5.000 demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE.
Les autres mesures prévues en ce domaine sont les suivantes :
- élaboration d'un plan de renforcement de la présence et de la qualité des services publics et mise en place dans chaque quartier d'un projet de service public ,
- recrutement de 300 délégués supplémentaires du Médiateur de la République ,
- priorité d'accès aux congés formation pour les agents publics en poste depuis 3 ans dans les quartiers,
- aide et prêt à l'installation dans un logement locatif pour les fonctionnaires affectés dans les quartiers difficiles,
- renforcement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) pour les fonctionnaires affectés dans les quartiers sensibles,
- augmentation des bourses d'enseignement pour les jeunes issus des quartiers difficiles.