2. Les cliniques oubliées (articles 34 et 35)
Alors qu'en mars 2000, Martine Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, annonçait des mesures financières d'envergure en direction des hôpitaux publics (plus de 10 milliards de francs sur trois ans), les cliniques privées apparaissent une fois de plus comme les grandes oubliées du système hospitalier français. Elles sont à peine mentionnées dans ce projet de loi de financement.
L'article 34 propose que l'activité de soins d'accueil et de traitement des urgences dans les établissements de santé privés puisse être financée, à titre dérogatoire et de façon conjointe, par les tarifs des prestations d'hospitalisation mais également par un forfait annuel. Il s'agit de rémunérer les cliniques autorisées à exercer une activité de soins d'accueil et de traitement des urgences d'une façon partiellement indépendante de leur niveau d'activité et de prendre ainsi en compte la réalité de leurs charges fixes.
Par ailleurs, comme il a déjà été souligné, l'article 35 du présent projet de loi de financement vise à doter le Fonds pour la modernisation des cliniques privées de 150 millions de francs en 2001. Entre les 150 millions de francs pour les cliniques privées et les 10 milliards de francs pour l'hôpital public, l'écart est à la mesure des préférences du gouvernement.
Pourtant la situation des cliniques privées est tout aussi grave, en termes de crise sociale, que celle des hôpitaux publics.
La crise sociale concerne aujourd'hui l'ensemble des établissements de santé privés sur tout le territoire et pour tous les personnels, notamment soignants. Elle résulte notamment de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques. On peut estimer le déficit global des postes d'infirmiers à plus de 18.000 -soit une promotion complète- dont 6.000 pour les établissements du secteur privé. En outre, l'hospitalisation privée ne peut, dans les conditions tarifaires actuelles, assurer l'égalité de traitement avec les hôpitaux publics et, en conséquence, assumer sa place, pourtant légitime et décisive dans le paysage hospitalier français.
La réduction du temps de travail équivalant à 10 % environ de la durée totale de travail doit être majoritairement compensée (7 %) par des embauches de personnels possédant les qualifications nécessaires au maintien de la qualité des soins et des services. Une telle compensation pourrait notamment être financée par la suppression de la taxe sur les salaires permettant, compte tenu de son montant et de sa proportionnalité aux salaires bruts afin de financer - sans majoration budgétaire mais avec une perte de recettes - les conséquences de la réduction du temps de travail dans le secteur de l'hospitalisation privée.
Ces mesures à destination des cliniques sont d'autant plus nécessaires que leur situation financière est aujourd'hui considérée comme critique. La rentabilité économique des établissements hospitaliers privés est en baisse et a atteint un niveau alarmant de 0,8 % en 1998, un point de moins par rapport à 1997. La généralisation de la dégradation des résultats se traduit globalement par une baisse du taux de résultat net et une augmentation du nombre d'établissements déficitaires de 66 % entre 1997 et 1998. La solvabilité de ces établissements est également en baisse ainsi que leur indépendance financière et le niveau de leurs capitaux propres.
Cette situation est d'autant plus injuste que le programme d'évaluation des coûts hospitaliers (le PMSI) montre que, même une fois les charges propres au service public déduites et les honoraires des médecins libéraux inclus, le même acte de soin revient 30 à 50 % moins cher dans le privé qu'à l'hôpital public. Les cliniques effectuent aujourd'hui un tiers des accouchements, la moitié des interventions chirurgicales, 80 % de la chirurgie ambulatoire. Ceci s'explique par un double mouvement. Les charges des cliniques ont augmenté de 15 à 20 % au cours des sept dernières années d'après la FIEHP. En 1997 et 1998, la progression moyenne du chiffre d'affaires des quelques 1.200 cliniques s'établit à 3,3 % alors qu'elle était de 4,5 % les années précédentes.
Votre rapporteur pour avis estime qu'il serait temps que le gouvernement tienne compte de cet état de fait et prenne à bras-le-corps le problème de l'hospitalisation privée qui répond certes à une attente des Français mais, surtout, procure des économies financières non négligeables à la sécurité sociale, principalement en raison de modes de gestion plus souples et plus efficaces.