2. Les effets sur l'emploi sont incertains
Dans leur rapport consacré à l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, nos collègues Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle estimaient que " le nombre d'emplois créé par les 35 heures ne sera jamais connu " 18 ( * ) .
Ils appuyaient leur démonstration sur le fait que la loi " Aubry II " prévoit seulement un vague " engagement de création d'emplois ", ajoutant que les services compétents de l'Etat, en l'occurrence les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, disposaient d'une marge de manoeuvre certaine pour apprécier le respect des engagements de créations d'emplois contenus dans les accords.
Ils rappelaient pourtant que " la communication gouvernementale [...] rapproche souvent le nombre d'emplois créés de manière générale des engagements de créations d'emplois ".
Votre rapporteur pour avis partage entièrement cette analyse, du reste confirmée par l'examen des informations communiquées par le gouvernement.
En effet, l'exploitation des informations transmises par les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle faisait apparaître les résultats suivants, au 31 août 2000 :
Ainsi, à cette date, plus de 222.000 emplois auraient été créés ou préservés grâce à la réduction du temps de travail.
Dans ce total, le ministère de l'emploi et de la solidarité n'est pas capable de distinguer clairement les emplois créés, d'une part, et les emplois préservés, d'autre part.
Surtout, quand il s'y essaie, il ne peut que mentionner des engagements soit de créations soit de préservations d'emplois, et non des effets certains.
Par ailleurs, dans ses commentaires, le ministère indique, s'agissant du second des tableaux présentés ci-dessus, que " dans la mesure où certains emplois auraient de toute façon été créés ou maintenus, les effets nets de la réduction du temps de travail sur l'emploi sont moins importants ". Les effets d'aubaine interviennent donc de façon certaine, et rendent encore plus délicate l'estimation des 35 heures sur l'emploi.
D'autant plus que, comme le précise lui-même le ministère, " les engagements d'emplois peuvent être remplis sous la forme d'une hausse de la durée du travail de salariés à temps partiel ".
Bref, la réduction du temps de travail a des effets pour le moins incertains sur l'emploi.
Cette incertitude est d'ailleurs à l'origine de divergences d'appréciation au sein même des services de l'Etat sur les effets des 35 heures.
Le ministère de l'emploi et de la solidarité, on l'a vu, estime à plus de 220.000 le nombre d'emplois créés ou préservés grâce aux 35 heures. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est, quant à lui beaucoup moins optimiste.
Le rapport économique, social et financier accompagnant le projet de loi de finances pour 2001 prévoit en effet que " de 1999 à 2001, la réduction du temps de travail pourrait conduire à créer entre 220.000 et 280.000 emplois ". L'utilisation du conditionnel comme la marge assez importante en termes de créations d'emplois montrent que la plus grande prudence est de mise.
Il note également que " la diffusion des 35 heures a été accélérée par le dispositif incitatif de la 1 ère loi et le rythme de progression du nombre de salariés couverts fléchirait un peu en 2000 et 2001 ; ce nombre passerait de plus de 5.000.000 fin 2000 à environ 7.000.000 fin 2001 ".
Pourtant, il estime à environ 770.000 le nombre d'emplois salariés créés dans le secteur marchand au cours des années 2000 et 2001. Autrement dit, les créations d'emplois résulteront bien davantage de la croissance que des 35 heures !
* 18 Rapport n° 356, 1999-2000.