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N° 340
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 avril 2009 |
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
PRÉSENTÉE AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES
EUROPÉENNES
(1)
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73
BIS
DU RÈGLEMENT,
sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes , accouchées ou allaitantes au travail (E 4021).
PRÉSENTÉE
Par Mme Annie DAVID,
Sénatrice
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
(1) Cette commission est composée de : M. Hubert Haenel , président ; MM. Denis Badré, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de directive, présentée par la Commission européenne le 3 octobre 2008, vise à améliorer la protection offerte aux travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. Elle étend notamment la durée minimale du congé de maternité en la portant de 14 à 18 semaines. L'objectif est d'aider la travailleuse à se remettre des conséquences immédiates de l'accouchement, tout en facilitant son retour sur le marché du travail au terme de son congé de maternité. La directive améliore en outre les droits en matière d'emploi des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes. La proposition veut ainsi contribuer à une meilleure conciliation de la vie professionnelle, de la vie privée et de la vie familiale.
Dans le cadre du dialogue direct entre les parlements nationaux et la Commission européenne sur les questions de subsidiarité et de proportionnalité, la commission des affaires européennes du Sénat a examiné cette proposition le 3 décembre 2008 et a décidé d'adresser deux observations à la Commission européenne.
La première portait sur la durée du congé de maternité . La durée minimale fixée par la législation européenne est actuellement de 14 semaines. Dans la pratique, elle varie de 14 semaines dans certains États membres à 28 semaines dans d'autres. Elle est actuellement en France de 16 semaines. La commission des affaires européennes du Sénat demandait à la Commission européenne d'expliquer pourquoi elle proposait de fixer désormais ce délai minimal à 18 semaines plutôt qu'à 17 ou 19 semaines. La Commission européenne nous a répondu qu'un congé de maternité de 18 semaines correspondait à la durée du congé prévue par la recommandation sur la protection de la maternité de l'Organisation internationale du travail, adoptée en 2000. Cette réponse nous a donné entièrement satisfaction.
La deuxième observation adressée à la Commission européenne portait sur le congé prénatal . La proposition de directive interdit aux États membres d'instituer, dans ce délai de 18 semaines, un congé prénatal obligatoire. La commission des affaires européennes contestait que l'Union européenne soit fondée à interdire aux États membres de légiférer en ce domaine et à les empêcher de prévoir qu'une partie du congé de maternité soit prise pendant la période prénatale. Il s'agissait là d'une question relative à l'application du principe de subsidiarité en vertu duquel l'Union européenne ne doit intervenir que si les États membres ne sont pas en mesure d'engager eux-mêmes une action efficace.
La Commission européenne a répondu que « les États membres agissant séparément ne sont pas en mesure de créer un niveau minimal de protection pour les femmes enceintes dans l'ensemble de l'Union européenne et de proposer un niveau minimal de mesures de conciliation entre vie professionnelle et familiale » . Il s'agit là à l'évidence d'une affirmation quasi tautologique et non d'une démonstration et nous continuons de penser que le principe de subsidiarité ne devrait pas permettre à l'Union européenne de prendre une telle mesure.
Mais, au-delà de l'application du principe de subsidiarité, on peut s'interroger sur le bien-fondé de la mesure elle-même. Or, sur cette question, les justifications apportées par la Commission ne sont pas convaincantes. Outre l'argument évoqué précédemment, qui n'apparaît, de toute façon, guère satisfaisant, la Commission indique que les femmes doivent pouvoir conserver le choix de travailler jusqu'au terme de leur grossesse, invoquant le fait que « de nombreuses femmes enceintes ne connaissent aucun problème de santé durant leur grossesse » et qu'elles souhaitent passer le plus de temps possible avec leur nouveau-né. Elle ajoute que « l'instauration du congé de maternité obligatoire n'empêche pas les femmes de travailler à la maison dans des conditions défavorables » . Ces deux arguments apparaissent quelque peu antinomiques. Si la Commission estime que la poursuite de leur activité professionnelle n'a pas de conséquence sur la santé des futures mères, comment pourraient-elles souffrir, en revanche, de travailler à la maison ? En outre, l'Association des utilisateurs de dossiers informatisés en périnatalogie, obstétrique et gynécologie (AUDIPOG), chargée de surveiller la santé périnatale en France, note une augmentation inquiétante du nombre de naissances prématurées : en 2000, l'accouchement prématuré avant 37 semaines s'élevait à 6,68 % ; il était de 8,14 % en 2005. Or, le congé prénatal, en assurant aux femmes enceintes le repos indispensable dont elles ont besoin, surtout durant le dernier mois de la grossesse où tout est plus contraignant, contribue à la prévention des naissances prématurées.
La Commission évoque, par ailleurs, l'idée que les femmes souhaitent passer le plus de temps possible avec leur nouveau-né. Cet argument ne fait de doute pour personne. Mais la plupart des femmes souhaitent également bénéficier de temps avant la naissance pour préparer l'arrivée du nouveau-né au sein de sa famille. Le congé de maternité obligatoire pendant la période prénatale permet de préserver la santé des futures mères tout en leur offrant la possibilité d'effectuer l'ensemble des préparatifs nécessaires à la naissance de l'enfant.
La Commission fait enfin valoir qu' « une participation accrue des femmes au marché du travail est nécessaire pour atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi » et que la possibilité accordée aux femmes par cette proposition de directive de mieux concilier vie familiale et professionnelle y contribuerait. On a peine à croire que l'obligation imposée aux femmes d'entamer leur congé de maternité deux semaines avant la naissance prévue de leur enfant puisse être à l'origine de la décision de certaines femmes de renoncer à leur emploi ; on peut même penser qu'elle a logiquement l'effet contraire. En outre, il n'apparaît pas acceptable de faire ainsi primer les objectifs économiques sur de telles considérations de santé publique.
On doit en effet garder à l'esprit que, si certaines femmes préfèrent travailler jusqu'au dernier moment, d'autres considèrent que le congé prénatal est important. Or, dans certaines entreprises, les femmes sont soumises à des pressions qui les incitent, parfois contre leur gré, à rester à leur poste de travail le plus longtemps possible.
La loi française a d'ores et déjà prévu des aménagements en la matière, mais elle continue d'assurer une certaine protection. Pourquoi devrait-on accepter que les États membres ne soient plus en mesure de légiférer à ce propos en fonction des situations concrètes qu'ils connaissent ?
Compte tenu de l'importance de cette question, il a paru souhaitable que la commission des affaires sociales puisse s'en saisir. C'est à cette fin que la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (E 4021) ;
Estime que permettre aux femmes de travailler le plus tard possible pendant leur grossesse ferait peser un certain nombre de risques sur leur santé et celle de l'enfant à naître ;
Considère en conséquence qu'il ne faut pas supprimer la période de congé prénatal obligatoire, tant elle est essentielle pour préserver la santé des femmes enceintes et de l'enfant à naître ;
Et demande au Gouvernement de s'opposer à la disposition de cette proposition de directive qui interdirait aux États membres de contraindre les femmes à prendre une partie de ce congé pendant la période prénatale.