Renforcement du principe de laïcité à l'école
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N° 68
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 14 novembre 2003
PROPOSITION DE LOI
relative au renforcement du
principe
de
laïcité
à l'
école
,
PRÉSENTÉE
Par MM. Serge LAGAUCHE, Claude ESTIER, Mme Michèle ANDRÉ, M. Didier BOULAUD, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Gérard COLLOMB, Yves DAUGE, Bernard FRIMAT, Jean-Pierre MASSERET, Louis MERMAZ, Jean-François PICHERAL, Mme Danièle POURTAUD, Gisèle PRINTZ, MM. René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Michel TESTON, Marcel VIDAL, Henri WEBER et les membres du groupe socialistes (1),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1) Ce groupe est composé de : Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber
Laïcité. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La laïcité est le principe qui nous permet, dans notre
République, et quelles que soient nos différences, de vivre
ensemble. Or vivre ensemble suppose un espace de vie commun fait de valeurs
partagées et de règles respectées.
La laïcité est avant tout une protection pour chaque citoyen :
elle garantit la liberté de croire ou de ne pas croire, de changer de
religion, d'éprouver notre esprit critique aussi bien sur le plan
politique, religieux que philosophique, et que cette liberté de
conscience individuelle sera respectée.
Prenons comme exemple la liberté de conscience religieuse, elle ne peut
pas se confondre avec la liberté de pratiquer sa religion à
l'école. La laïcité n'est pas négociable au cas par
cas, sinon elle induit, comme c'est le cas actuellement avec l'application de
l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989 et la jurisprudence qui
en découle, des appréciations différentes selon les
situations et donc des inégalités de traitement. Le traitement au
cas par cas par les personnels enseignants et de direction, les prises en
compte différenciées des « affaires de
voiles » par leur hiérarchie administrative suivant les
académies ont montré leurs limites. C'est pourquoi il convient
que le politique réaffirme la règle commune à tous et
fasse vivre le principe de laïcité, en premier lieu à
l'école.
Parce que l'école s'adresse à des êtres en devenir, elle
doit garantir à chaque enfant, qu'en son sein, il pourra former son
jugement et son esprit critique, à l'abri de toute pression religieuse,
politique ou philosophique. Cela implique naturellement la neutralité
des enseignants et des enseignements, mais aussi parallèlement celle des
élèves du premier et du second degré. Le renforcement du
principe de laïcité à l'école passe donc par
l'interdiction du port de signes religieux, politiques ou philosophiques
à l'école, mais il ne peut pas se limiter à cela. Il
implique également que la liberté d'expression reconnue aux
élèves des collèges et lycées, conformément
à la convention internationale des droits de l'enfant, respecte l'ordre
public scolaire, la liberté et les droits d'autrui.
La laïcité c'est certes la neutralité de l'Etat face aux
différentes opinions mais assurément pas l'indifférence
aux valeurs de La République et à ses principes, qui doivent
être connus de tous. C'est pourquoi, il convient parallèlement
d'inscrire la formation à la laïcité dans le code de
l'éducation. En effet, nombre d'adolescents aujourd'hui ne connaissent
pas la signification du mot laïcité alors même qu'il s'agit
d'un principe fondateur de notre vie en société. Comment le
respecter et le faire vivre quand on ignore jusqu'à son existence ?
Cette éducation des élèves à la laïcité
exige naturellement une formation adéquate en amont des enseignants. La
réforme des IUFM devrait le permettre.
Par ailleurs, les religions sont des faits de civilisation dont la connaissance
objective est nécessaire à la culture commune, ne serait-ce que
pour la compréhension de certaines oeuvres d'art. La connaissance de
l'autre, outre qu'elle représente un enrichissement personnel, constitue
une ouverture à la tolérance, alors qu'à l'opposé,
l'ignorance représente un des ferments des intrégrismes de toute
nature. Il convient donc de donner une place à part entière dans
le code de l'éducation à l'enseignement de l'histoire des
religions.
Bien sûr, nous sommes pleinement conscients que le corollaire à la
réaffirmation du principe de laïcité à l'école
réside dans une politique économique et sociale volontariste
d'intégration pour que dans les faits, au quotidien, chacun trouve sa
place dans notre société et soit reconnu en tant que citoyen.
Vouloir faire vivre le principe de laïcité sans faire vivre le
principe d'égalité serait chose vaine.
L'
article
premier
de ce texte inscrit dans le code de
l'éducation la formation à la laïcité comme un
objectif majeur de l'Education nationale.
L'
article
2
pose le principe de l'interdiction du port de tout
signe religieux, politique ou philosophique dans les établissements
publics, la possibilité de sanction ne devant intervenir qu'en cas de
récidive et après médiation.
L'
article
3
inscrit, dans le code de l'éducation,
l'enseignement objectif de l'histoire des religions par les personnels
enseignants, dans le respect du principe de neutralité.
L'
article
4
stipule que l'application du principe de
liberté d'expression des élèves doit respecter l'ordre
public scolaire, les libertés et droits d'autrui.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qu'il vous est
demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Le chapitre II du titre I er du livre III du code de l'éducation est complété par une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« La formation à la laïcité
«
Art. L. 312-17
. - La formation à la
laïcité constitue l'un des objectifs fondamentaux de
l'éducation nationale.
« Les principes de la laïcité font l'objet d'un
enseignement assuré par des personnels enseignants dans les
établissements des premier et second degrés. »
Article 2
L'article L.141-2 du code de l'éducation est
complété
in fine
par trois nouveaux alinéas ainsi
rédigés :
« Le port apparent de signes religieux, politiques ou philosophiques
est interdit dans l'enceinte des établissements publics d'enseignement
ainsi que dans toutes les activités extérieures organisées
par eux.
« Le règlement intérieur, à l'égard des
élèves ou visiteurs, ou les formations disciplinaires dont ils
relèvent, à l'égard des personnels, mettent en oeuvre la
règle énoncée à l'alinéa
précédent.
« Sauf en cas de récidive, aucune procédure de sanction
ne peut être engagée sans que le chef d'établissement
n'ait, par la voie de la médiation, dans un délai suffisant,
invité l'intéressé à se conformer à la
règle. »
Article 3
Le chapitre II du titre I er du livre III du code de l'éducation est complété par une section 11 ainsi rédigée :
« Section 11
« L'enseignement de l'histoire des religions
«
Art. L. 312-18
. - L'enseignement de
l'histoire
des religions est inclus dans les programmes d'enseignement des premier et
second degrés.
« Cet enseignement qui vise à l'acquisition d'une connaissance
objective de l'histoire des religions, est assuré par les personnels
enseignants de l'éducation nationale, dans le respect du principe de
neutralité. »
Article 4
L'article L. 511-2 du code de l'éducation est complété in fine par les mots : « à l'ordre public scolaire, aux libertés et droits d'autrui. »