NOTE DE SYNTHESE
Le 31
octobre 1995, un accord national interprofessionnel sur l'emploi a
été signé entre les syndicats patronaux et quatre
organisations représentatives des salariés. Cet accord
reconnaît que "
la réduction de la durée du travail
constitue un élément de la lutte contre le chômage lorsque
de nouvelles formes d'aménagement du temps de travail permettent des
gains de productivité et le maintien ou la création d'emplois par
des réductions d'horaires
".
Ce texte, qui laisse aux branches professionnelles le soin d'ouvrir des
négociations avant le 31 janvier 1996, afin d'organiser cette
réduction du temps de travail, prévoit notamment de limiter le
recours aux heures supplémentaires aux
" surcroîts
ponctuels d'activité
". Dans cette perspective, les
négociations de branches devront, d'une part, "
remplacer en
tout ou partie le paiement des heures supplémentaires par un repos
équivalent
" pris au minimum par journées
entières et, d'autre part, "
fixer un nombre d'heures
supplémentaires au-delà duquel celles-ci seront
intégralement payées sous forme de repos
équivalent
".
Compte tenu de ces éléments, il a paru intéressant de
comparer la législation française du temps de travail, et plus
particulièrement les dispositions visant à limiter les heures
supplémentaires, à celles de certains pays européens.
En effet, plusieurs de ces législations ont récemment
été modifiées ou sont sur le point de l'être. Cette
évolution résulte notamment de l'obligation de transposer la
directive n° 93/104 du 23 novembre 1994 sur l'aménagement
du temps de travail au plus tard le 23 novembre 1996. La directive impose
notamment aux Etats membres d'établir des limites à la
durée hebdomadaire de travail et de prendre les mesures
nécessaires pour que "
la durée moyenne de travail pour
chaque période de sept jours n'excède pas 48 heures, y compris
les heures supplémentaires
". Elle leur offre cependant la
faculté de prévoir une période de référence
d'au moins quatre mois, et de reporter son entrée en vigueur de 7 ans
sous certaines conditions.
La réduction du temps de travail n'est pas seulement une
préoccupation européenne : le Japon, réputé pour
son nombre élevé d'heures supplémentaires, s'efforce,
depuis 1986, de les réduire.
C'est pourquoi, outre la
France
, le champ géographique de cette
étude comporte
l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et le
Japon
.
En ce qui concerne le Royaume-Uni, où environ 16 % des salariés
travaillent plus de 48 heures par semaine, aucune comparaison ne peut
être réalisée en l'absence de législation sur le
temps de travail. Il est cependant nécessaire d'attirer l'attention sur
le fait que le Royaume-Uni, contestant les bases légales de la directive
93/104, a saisi la Cour européenne de justice et se refuse à
transposer la directive avant que la Cour n'ait rendu sa décision.
De l'étude des législations des autres pays, il ressort que :
- à l'exception de l'Italie, tous les pays ont assoupli la
définition des durées légale et maximale du travail, et en
ont tenu compte pour la définition des heures supplémentaires ;
- le Japon est le seul pays à n'avoir instauré aucune limite
quantitative légale au nombre d'heures supplémentaires ;
- seule la législation française a prévu une double forme
de compensation des heures supplémentaires.
I - A L'EXCEPTION DE L'ITALIE, TOUS LES PAYS ONT ASSOUPLI LA DEFINITION DES DUREES LEGALE ET MAXIMALE DU TRAVAIL, ET EN ONT TENU COMPTE POUR LA DEFINITION DES HEURES SUPPLEMENTAIRES.
Tous les
pays, sauf l'Italie, ont adopté au cours des dernières
années des formules de plus en plus complexes pour déterminer les
durée légale et maximale du travail.
Les formules instaurées sont toutes fondées sur un calcul de la
moyenne des heures de travail au cours d'une période donnée.
Elles n'ont pas toutes la même incidence sur le dénombrement des
heures supplémentaires.
1) En Allemagne et en Espagne, les heures supplémentaires sont calculées par rapport à la durée quotidienne du travail.
En
Allemagne, la durée légale du travail est de 8 heures par
jour
; elle peut être portée à 10 heures si la
durée quotidienne moyenne de travail, sur 6 mois ou 24 semaines,
n'excède pas 8 heures, ce qui correspond à un plafond de 960
heures par semestre.
En Espagne, la durée légale du travail est de 9 heures par
jour
; en outre, elle ne peut excéder 40 heures par semaine sur un
an. Si la convention collective applicable prévoit une
répartition irrégulière du temps de travail, la limite
quotidienne de 9 heures peut être dépassée.
La qualification d'heures supplémentaires s'applique donc aux heures de
travail effectuées au-delà de la huitième heure
quotidienne en Allemagne, et au-delà de la neuvième en
Espagne.
2) En France et au Japon, des formules plus complexes d'aménagement du temps de travail permettent un décompte moins automatique des heures supplémentaires.
En
France, la durée légale du travail s'élève à
39 heures par semaine
et les heures effectuées au-delà de
cette limite sont qualifiées d'heures supplémentaires. Toutefois,
la durée maximale quotidienne est de 10 heures et la durée
maximale hebdomadaire de 48 heures, à condition de rester
inférieure ou égale à 46 heures sur 12 semaines
consécutives.
Par ailleurs, plusieurs possibilités de modulation, permettant une
répartition de la durée du travail sur tout ou partie de
l'année, ont été instaurées. Il existe ainsi
plusieurs types d'annualisation permettant notamment de ne pas dénombrer
les heures supplémentaires effectuées en deçà de 44
heures par semaine, voire de n'en décompter aucune.
Au Japon, la durée légale du travail est de 8 heures par
jour
et de 40 heures par semaine. Cependant, les entreprises ont le choix
entre trois formules d'aménagement du temps de travail permettant de
mettre en place soit un système d'horaires mobiles, soit des
mécanismes de calcul des horaires sur un mois ou sur un an au plus. Ces
modulations permettent de ne pas décompter systématiquement comme
heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 40
heures par semaine ou 8 heures par jour.
3) La législation italienne sur le temps de travail devrait être modifiée très prochainement.
La
législation italienne
remonte à 1923 : elle
fixe la
durée quotidienne de travail à 8 heures
et la
durée hebdomadaire à 48 heures. Toute heure de travail
excédant la durée légale quotidienne est
considérée comme supplémentaire.
Cependant, cette législation a fait l'objet de nombreuses propositions
de modification, en particulier au Sénat où un groupe de travail
chargé d'élaborer un texte a été constitué
au printemps. L'évolution législative attendue pourrait
intervenir très prochainement car un des articles du projet de loi de
finances actuellement en discussion vise à amender les dispositions
relatives aux heures supplémentaires.
II - LE JAPON EST LE SEUL PAYS QUI N'AIT INSTAURE AUCUNE LIMITE QUANTITATIVE LEGALE AU NOMBRE D'HEURES SUPPLEMENTAIRES.
1) En Allemagne, cette limite est journalière.
La loi fixe à 10 heures par jour la durée maximale absolue de travail. Le nombre maximal d'heures supplémentaires est donc de 2 par jour, à moins que la convention collective applicable ne fixe à moins de 8 heures la durée de la journée de travail.
2) En Italie, le plafond d'heures supplémentaires peut être journalier ou hebdomadaire.
Le nombre d'heures supplémentaires ne peut en effet excéder 2 par jour ou 12 par semaine.
3) Seules l'Espagne et la France ont fixé un contingent annuel d'heures supplémentaires.
Ce contingent est de 80 heures en Espagne et de 130 heures en France. Toutefois, lorsque les entreprises françaises ont opté pour un régime d'annualisation du temps de travail et à condition qu'elles respectent les limites supérieures hebdomadaires fixées dans ledit régime, aucune heure supplémentaire ne s'impute sur le contingent annuel.
4) Au Japon, la loi ne fixe aucun plafond d'heures supplémentaires.
Cependant, des directives du ministère du travail limitent le
nombre d'heures supplémentaires hebdomadaire, mensuel et annuel
respectivement à 15, 45 et 360.
Bien que ces directives n'aient pas force de loi, la majorité des
entreprises s'y conforme.
III - SEULE LA LEGISLATION FRANÇAISE A PREVU UNE DOUBLE FORME DE COMPENSATION DES HEURES SUPPLEMENTAIRES.
1) En Italie et au Japon, la compensation des heures supplémentaires est uniquement financière.
Elle
prend la forme d'un supplément de salaire de 10 % en Italie. Celui-ci
varie entre 25 % et 50 % au Japon.
En outre, pour chaque heure supplémentaire payée, les entreprises
italiennes doivent verser au Fonds pour le chômage une somme égale
à 15 % de la rétribution du salarié.
2) En Allemagne et en Espagne, la loi donne la préférence aux repos compensateurs.
En
Allemagne, les heures supplémentaires sont impérativement
compensées par une réduction du temps de travail
équivalente. Toutefois, rien n'empêche que la convention
collective ou le contrat de travail ne prévoie en plus le versement
d'indemnités compensatrices.
En Espagne, la majoration de 75 % du salaire horaire appliquée aux
heures supplémentaires a été supprimée en 1994. La
loi impose désormais aux conventions collectives et aux contrats de
travail de prévoir soit une rémunération supérieure
ou égale à la valeur de l'heure normale, soit l'attribution d'un
repos compensateur. En l'absence de conventions collectives, les heures
supplémentaires doivent être compensées par du repos pris
dans les quatre mois.
3) En France, un repos compensateur est imposé en complément de la compensation financière à partir d'un certain seuil.
Il
existe en effet deux formes de repos compensateurs :
- facultatif, il peut remplacer les majorations de salaires dues au titre des
heures supplémentaires ;
- obligatoire, pour toute heure supplémentaire effectuée
au-delà du contingent annuel de 130 heures, ou au-delà de 42
heures de travail par semaine dans les entreprises de plus de 10
salariés.
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Dans les
différents pays étudiés, la limitation des heures
supplémentaires s'effectue de trois façons :
- par l'aménagement du temps de travail qui peut entraîner une
déqualification des heures supplémentaires en heures normales ;
- par la fixation d'un plafond quantitatif ;
- par l'obligation du repos compensateur.
La France s'est dotée d'un système relativement complet
encourageant les formules souples d'aménagement du temps de travail et
incitant à la réduction des heures supplémentaires.
L'accord du 31 octobre 1995 cherche à développer les
différentes formules de modulation du temps de travail qui,
jusqu'à maintenant, n'ont qu'exceptionnellement retenu l'attention des
branches professionnelles.