SUISSE
La
responsabilité médicale est appréciée selon les
règles du
droit commun
de la responsabilité et les
dossiers d'indemnisation sont, en principe, réglés par les
tribunaux.
|
1) Le régime juridique de la responsabilité médicale
En
l'absence de dispositions spécifiques, le droit commun de la
responsabilité s'applique.
La relation entre patient et médecin est soumise aux règles des
articles 394 et suivants du code des obligations, qui régissent le
contrat de mandat
. Le mandat est "
un contrat par lequel le
mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer
l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a
promis
". Dans le domaine médical, l'intervention
thérapeutique constitue l'objet du contrat.
Le mandataire est "
responsable envers le mandant de la bonne et
fidèle exécution du mandat
", ce qui exclut toute
obligation de résultat.
Bien que le code des obligations pose le principe de la présomption de
faute lorsqu'une obligation n'est pas exécutée ou ne l'est
qu'imparfaitement, le patient qui veut établir la responsabilité
du médecin doit apporter la preuve de la violation du contrat,
c'est-à-dire du manque de diligence du médecin, ainsi que du
dommage subi et du lien de causalité. En revanche, le médecin
peut se disculper en établissant qu'aucune faute ne lui est imputable.
Si le médecin agit hors du cadre conventionnel, sa responsabilité
délictuelle peut être engagée. Le patient doit alors
prouver que le médecin a commis un acte illicite, c'est-à-dire un
acte "
qui viole des ordres ou défenses édictées
pour la protection des droits atteints
" et une faute, qui est
définie comme un manque de diligence blâmable imputable à
son auteur. Il doit aussi établir qu'il a subi un dommage et qu'il
existe un rapport de causalité entre la faute et le dommage.
Ces actions permettent d'obtenir réparation du préjudice physique
et, à un degré moindre, du préjudice moral.
La pratique médicale dans le secteur public (hôpitaux cantonaux)
relève des règles cantonales sur la responsabilité de
l'Etat et de ses agents. Chaque canton a la liberté d'aménager le
régime de la responsabilité des fonctionnaires et employés
publics pour les dommages qu'ils causent dans l'exercice de leurs fonctions.
2) Le mécanisme d'indemnisation
La
Fédération des médecins helvétiques (FMH), qui
regroupe environ 90 % du corps médical, a institué, en 1982,
deux bureaux d'expertises extrajudiciaires
, l'un pour la Suisse
alémanique et le Tessin, et l'autre pour la Suisse romande. Ils
siègent respectivement à Berne et à Lausanne. Ces bureaux
mettent à la disposition des parties un réseau d'experts, qui
sont chargés d'élucider le plus rapidement possible, avant un
éventuel procès, les erreurs de diagnostic ou de traitement
invoquées et de fournir ainsi les bases d'un arrangement amiable.
Tout médecin membre de la FMH est tenu de se soumettre à ces
procédures d'expertises
. La FMH a édicté un
règlement concernant l'expertise extrajudiciaire en cas de
responsabilité civile du médecin
.
La plupart du temps, le bureau d'expertises est saisi par le patient qui
s'estime victime d'une faute médicale, mais il peut aussi l'être
par le médecin soupçonné d'avoir commis une erreur,
à moins que le patient ne s'y oppose. La saisine est exclue si une
expertise a déjà été produite, si une
procédure judiciaire est en cours, si un jugement a déjà
été rendu, ou si le droit à d'éventuels dommages et
intérêts est prescrit au moment de la requête
(6(
*
))
. En outre, dans le cas où la
responsabilité d'un tiers pourrait être mise en cause, celle du
canton dans le cas d'un hôpital public par exemple, l'accord de ce tiers
est requis.
Le bureau d'expertises de la FMH n'accepte cependant d'intervenir que si les
conditions suivantes sont remplies :
" -
le patient a subi ou subira une atteinte à sa santé
en raison d'une faute présumée de diagnostic ou de
traitement ;
" -
le médecin conteste l'existence d'une faute
diagnostique ou thérapeutique ;
" -
il existe une certaine probabilité qu'une faute de
diagnostic ou de traitement a réellement eu lieu ;
" -
on peut supposer que l'expertise sur la faute
présumée de diagnostic ou de traitement contribuera dans une
large mesure à élucider le droit du patient d'invoquer la
responsabilité civile de la partie adverse.
"
Le bureau d'expertises de la FMH est en mesure d'apprécier ces
conditions, dès qu'il est saisi. En effet, le patient requérant
doit alors lui communiquer les documents et les informations qu'il
détient, se tenir à sa disposition pour un examen médical,
et libérer le médecin concerné du secret professionnel,
à son égard comme à l'égard de toute partie
à la procédure.
L'expertise est peu onéreuse, puisque le patient ne doit, en principe,
acquitter, que les frais d'ouverture du dossier, d'un montant de 500 CHF
(soit environ 2 000 FRF). Dans les cas qui lui paraissent douteux, la
FMH peut réclamer une avance de frais de 2 000 CHF, qui n'est
pas restituée si l'expertise confirme les doute initiaux ou si le
requérant refuse de coopérer.
L'expert est désigné par le bureau d'expertises en accord avec,
d'une part, le patient ou ses ayants cause, ainsi que le médecin
concerné, et, d'autre part, l'assureur de ce dernier.
L'expert a de larges pouvoirs d'investigation : il vérifie si le
dossier est complet et le fait compléter si nécessaire. Il peut
convoquer le patient pour une consultation ou avoir un entretien avec ses
proches, si celui-ci est décédé.
La procédure est contradictoire : l'expert donne à toutes
les parties l'occasion de s'exprimer et recueille l'avis de l'assureur du
médecin. De plus, les parties peuvent lui transmettre, par
l'intermédiaire du bureau d'expertises, des questions qu'elles sont
tenues, dans la mesure du possible, d'élaborer en commun, et qui sont
rédigées selon un schéma élaboré par la FMH.
L'expert se prononce exclusivement sur l'existence d'une faute de diagnostic
ou de traitement qui a causé ou qui causera des dommages à la
santé du patient. Il n'évalue pas l'importance du
préjudice.
L'expertise est assez rapide, puisque le rapport, rédigé sur la
base d'un canevas établi par la FMH, est transmis sous pli fermé
dans un délai de trois à quatre mois au bureau d'expertises, qui
le remet immédiatement aux parties.
Les parties ne sont pas liées par les conclusions de l'expert.
Cependant, dans la très grande majorité des cas, celles-ci
servent de base à un arrangement amiable. En cas d'échec de la
procédure extrajudiciaire, elles peuvent aussi être
utilisées devant un tribunal.
* *
*
Seule
une minorité de patients a recours à ces expertises
extrajudiciaires : entre 1982 et fin 1998, ces bureaux ont traité
un peu plus de 2 000 dossiers. Une faute thérapeutique ou de
diagnostic a été révélée dans un peu moins
de 30 % des cas.
L'indépendance de ces bureaux, ainsi que la rapidité et
l'objectivité de leurs conclusions sont unanimement reconnues.
ANNEXE
Statistiques relatives au fonctionnement de l'assurance des patients au
Danemark
(1)
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
|
Affaires soumises à l'Association pour l'assurance des patients |
178 |
840 |
1269 |
1658 |
2111 |
2575 |
2405 |
2790 (2) |
|
Décisions rendues par l'Association pour l'assurance des patients |
52 |
555 |
933 |
1433 |
2099 |
2361 |
2446 |
2613 |
|
Indemnités accordées (en millions de couronnes) |
0 |
5,67 |
21,83 |
65,37 |
83,51 |
101,06 |
115,12 |
127,51 |
|
Saisines de la commission de recours |
0 |
70 |
187 |
341 |
568 |
700 |
850 |
790 |
|
(1)
Ces chiffres proviennent du rapport d'activité pour 1999 de
l'Association pour l'assurance des patients.
|
Répartition des indemnités en fonction de leur montant
Montant de l'indemnité |
Pourcentage |
Inférieure à 10 000 couronnes |
3,7 % |
Compris entre 10 000 et 50 000 |
57,8 % |
Compris entre 50 000 et 100 000 |
15,2 % |
Compris entre 100 000 et 250 000 |
8,8 % |
Compris entre 250 000 et 500 000 |
6,7 % |
Compris entre 500 000 et 1 000 000 |
5,2 % |
Supérieure à 1 000 000 |
2,6 % |
Dans environ 75 % des cas, l'indemnisation est inférieure à 100 000 couronnes (soit environ 90 000 FRF).