SUISSE
L'évaluation des politiques publiques a fait l'objet de
réflexions très approfondies : à l'automne 1987, le
Département fédéral de la justice et de la police a
institué le
groupe de travail interministériel AGEVAL
,
chargé de proposer les mesures nécessaires pour renforcer
l'évaluation prospective et rétrospective des effets de la
législation.
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I - L'EVALUATION PROSPECTIVE
Les
messages et rapports présentés par le Conseil
fédéral
constituent le seul élément
d'évaluation prospective dont dispose le Parlement.
L'article 43-3
de
la loi sur les rapports entre les Conseils
prévoit la fourniture obligatoire au Parlement de certains
renseignements :
"
1.
Pour chaque projet qu'il soumet à l'Assemblée
fédérale, le Conseil fédéral expliquera la relation
existant avec les grandes lignes de la politique gouvernementale et le plan
financier (...)
2. (...)
3. Dans ses messages et ses rapports, il indiquera :
a) Les conséquences financières et les effets sur l'état
du personnel qu'aura pour la Confédération l'application des
règles et mesures proposées, en particulier la manière
dont les frais seront couverts et l'influence qu'ils exerceront sur la
planification financière ;
b) Les frais qui s'ensuivront pour les cantons et les communes ;
c) Les conséquences qui en résulteront pour l'économie ;
d) Dans la mesure du possible, la relation entre l'utilité des
règles et mesures proposées, et les frais causés pour leur
application ; (...) "
L'information ainsi fournie concerne donc les charges financières
nouvelles et les effets prévisibles sur l'économie.
Les exigences posées par la loi ont été
précisées en 1988 par le
" schéma pour
l'établissement de messages du Conseil fédéral à
l'Assemblée fédérale
" : non seulement les
différents points de l'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les
conseils font l'objet d'un commentaire détaillé mais il est
également précisé que, indépendamment des
conséquences financières et des effets en matière de
personnel, les messages doivent "
mentionner brièvement, dans un
chapitre spécial, d'autres effets que pourrait avoir un projet, à
moins que ce point n'ait déjà été traité
auparavant dans le message. Dans la partie générale de celui-ci,
il est de règle de préciser les effets souhaités,
c'est-à-dire les objectifs que les mesures proposées visent ou
les résultats qu'elles cherchent à obtenir. On peut en tout cas
s'y référer. Cependant, il faudrait également souligner
les effets accessoires éventuels (souhaités ou non
souhaités, dans le domaine voulu ou hors de celui-ci), ainsi que les
conséquences lointaines des mesures.
Il convient notamment de préciser les effets qui paraissent importants
sur les plans sociologique, social, économique et écologique,
ainsi que du point de vue de l'aménagement du territoire et de la
politique régionale. Il s'agit aussi de mentionner les
conséquences importantes pour les relations internationales entretenues
par la Suisse. Sur le plan économique, les répercussions peuvent
être importantes pour la situation des entreprises, surtout petites et
moyennes.
Il faut de plus indiquer les bases sur lesquelles s'appuient les
déclarations concernant les effets probables des mesures
(expérience de l'administration, audition d'experts, enquêtes
fondées sur des méthodes scientifiques, etc ...).
"
Dans les faits, on reproche l'
absence de rigueur
de l'évaluation
fédérale : l'AGEVAL qui, pendant sa mission, a analysé
plusieurs messages du Conseil fédéral a conclu que les exigences
sont respectées formellement, mais beaucoup moins en ce qui concerne
leur contenu.
En outre, l'obligation d'évaluation ne vaut que pour les projets de lois
et d'arrêtés fédéraux. Elle ne concerne pas les
projets normatifs de rang inférieur parmi lesquels les ordonnances,
qu'il s'agisse des ordonnances d'exécution ou des ordonnances prises en
vertu d'une délégation législative.
II - L'EVALUATION RETROSPECTIVE
Elle
est réalisée par l'organe parlementaire de contrôle de
l'administration
(O.P.C.A.)
créé par
la loi
fédérale du 22 juin 1990, en vigueur depuis le 1er octobre 1990,
et qui a modifié
la loi sur les rapports entre les conseils
.
L'O.P.C.A. a été créé à la suite d'une
initiative des commissions de gestion des deux assemblées. Elles avaient
d'ailleurs envisagé la constitution d'un organe commun au Parlement et
au Conseil fédéral, mais le gouvernement a estimé, dans
l'avis qu'il a rendu sur l'initiative parlementaire, que la distinction des
fonctions exécutives et législatives s'opposait à la
création d'un organe commun.
Aux termes de la loi, l'organe parlementaire de contrôle de
l'administration est un auxiliaire des commissions de gestion
(3(
*
))
des deux chambres, elles-mêmes
chargées
" d'examiner les rapports de gestion du Conseil
fédéral, des entreprises et établissements de la
Confédération et des tribunaux fédéraux, ainsi que
d'examiner et de surveiller l'activité de
l'administration
fédérale et des organes judiciaires ".
L'O.P.C.A. " examine, sur mandat particulier des commissions de gestion,
les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets
découlant de l'activité des autorités et de
l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la
légalité, de l'opportunité, du rendement et de
l'efficacité.
"
Le terme choisi " mandat particulier " exclut toute autorisation
générale de procéder à des contrôles.
L'O.P.C.A. travaille donc dans le cadre d'un programme annuel approuvé
ou sur demandes particulières.
L'O.P.C.A. décrit ainsi lui-même ses attributions :
"
réaliser des évaluations au sujet :
- des interactions entre le Parlement et le Gouvernement, y compris son
administration,
- de la mise en oeuvre de programmes administratifs,
- du rendement et de l'efficacité de l'organisation, ainsi que des
moyens engagés,
- des effets des activités étatiques sur la
société. "
L'O.P.C.A. a les mêmes pouvoirs de contrôle que les commissions de
gestion et peut donc exiger la remise des documents qu'il estime
nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Opérationnel depuis le milieu de l'année 1991, l'O.P.C.A. est
administrativement rattaché au secrétariat des commissions de
gestion. Il emploie 5 personnes. Il dispose d'un budget annuel variant entre
200.000 CHF
(4(
*
))
et 300.000 CHF.
L'O.P.C.A. peut recourir à des experts externes. Différents modes
de collaboration sont possibles, depuis la simple consultation orale
jusqu'à l'élaboration complète d'une expertise qui
constitue la base du jugement de l'O.P.C.A.
L'O.P.C.A. établit des rapports " scientifiques "
destinés aux commissions de gestion. Ces dernières adressent
ensuite des rapports politiques au Conseil fédéral.
Depuis sa création, l'O.P.C.A. a publié 3 rapports :
- sur les mesures transversales susceptibles d'améliorer
l'efficacité de l'administration fédérale en octobre 1993,
- sur l'évaluation de la coordination des politiques de la
Confédération ayant des effets régionaux en mars 1994,
- sur l'évaluation de la réglementation extra-parlementaire en
matière de prévoyance professionnelle en octobre 1994.