BELGIQUE
La crise
de la dioxine en mai 1999, qui avait été
précédée de plusieurs autres contaminations et de la
révélation de fraudes dans le secteur de la viande, a fait
apparaître les
carences d'un système de surveillance de la
sécurité alimentaire reposant principalement sur deux
ministères : celui de la Santé publique et celui de
l'Agriculture
, le second surtout compétent pour le contrôle
des animaux vivants.
|
1) L'organisation du contrôle de la sécurité alimentaire
La
loi du 4 février 2000 relative à la création de
l'Agence fédérale pour la sécurité de la
chaîne alimentaire cherche à centraliser le contrôle de la
sécurité alimentaire, en intégrant et en coordonnant tous
les services d'inspection et de contrôle existants.
Ainsi,
cinq services des deux ministères de la Santé publique
et de l'Agriculture
(trois relevant du premier et deux du second)
seront, totalement ou partiellement, transférés à cette
structure unique :
- l'Institut d'expertise vétérinaire, établissement public
créé en 1981 et qui est responsable de l'état sanitaire
des établissements travaillant dans le secteur de la viande et du
poisson (abattoirs, ateliers de découpe, points de vente...) ;
- l'Inspection générale des denrées alimentaires,
compétente pour les autres aliments ;
- au sein de l'Inspection générale de la pharmacie,
chargée de l'application de toutes les règles relatives au
médicament (enregistrement, publicité, fabrication...), les
services responsables des médicaments vétérinaires ;
- la direction du ministère de l'Agriculture compétente pour la
qualité des matières premières et du secteur
végétal, et dont l'inspection générale des
matières premières et des produits transformés est
chargée de l'agrément des entreprises du secteur de
l'alimentation animale, ainsi que des contrôles de la qualité des
aliments pour animaux ;
- la direction du ministère de l'Agriculture compétente pour la
santé animale et la qualité des produits animaux, qui comporte
une inspection générale de la qualité des produits animaux
(responsable du contrôle de la qualité de la viande dans les
abattoirs) et une inspection générale des services
vétérinaires (chargée de la prévention, de la
détection et de l'éradication des maladies des animaux, ainsi que
du contrôle de l'utilisation des médicaments
vétérinaires).
Les services d'inspection qui dépendent du ministère de
l'Agriculture interviennent essentiellement dans la filière de la
production de la viande, jusqu'au stade de l'abattage.
L'article 5 de la loi prévoit que les compétences,
institutions, services et organismes correspondant aux missions de l'Agence
seront transférés par arrêté royal
délibéré en conseil des ministres. Le Roi est
habilité, pendant une durée d'un an, à "
abroger,
compléter, modifier, remplacer et coordonner
" les quinze
lois en vigueur régissant le secteur alimentaire et dont l'application
incombe à l'Agence (loi relative à la protection des
consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires, loi relative
à l'expertise et au commerce des viandes, loi relative aux
pesticides...), ainsi qu'à prendre toutes les mesures visant
"
à réaliser le transfert, à rendre l'Agence
opérationnelle, à éviter les conflits de
compétences, à rendre le contrôle le plus efficace possible
et à utiliser de façon optimale les moyens
disponibles
". Les arrêtés pris dans le cadre de cette
habilitation devront être validés par voie législative dans
les dix-huit mois.
a) Le statut
La loi
du 4 février 2000 précise, dans son article 2, que
l'Agence est un
établissement public doté de la
personnalité morale
et classé en catégorie A. En tant
que tel, son projet de budget est établi par le ministre dont elle
relève et les pouvoirs de gestion sont confiés à ce
ministre. En application de l'article 13 de la loi, l'Agence est
placée sous l'autorité du
ministre de la Santé
publique
, auquel elle présente des rapports trimestriels ainsi qu'un
rapport annuel de ses activités. Elle rend également compte de
l'exécution de son budget à son ministre de rattachement et
à celui des Finances.
L'Agence remet au Parlement un rapport annuel de ses activités,
comprenant le bilan des résultats atteints au regard de ses missions.
Par ailleurs, la loi institue, auprès de l'Agence, deux organes
consultatifs qui rendent des avis, de leur propre initiative ou sur demande du
ministre de la Santé publique ou de l'Agence elle-même.
L'article 7 de la loi crée un
comité consultatif
chargé de la conseiller "
à propos de toutes les
matières relatives à la politique suivie et à
suivre
". Il est composé de représentants de l'Etat
fédéral, des régions et des communautés, des
associations de consommateurs, des professions agro-alimentaires, ainsi que
d'experts.
L'article 8 met en place un
comité scientifique
chargé de rendre des avis "
sur toutes les matières
relevant de la compétence de l'Agence et relatives à la politique
suivie et à suivre
". Ses avis relatifs à la
réglementation ont un caractère obligatoire. Il est
composé d'experts nationaux et internationaux.
Un arrêté royal délibéré en conseil des
ministres déterminera la composition de chacun de ces comités,
leur mode de fonctionnement, leur date d'installation ainsi que le
régime des incompatibilités professionnelles. Le conseil des
ministres du 31 mars 2000 a approuvé deux projets
d'arrêtés portant sur la composition et le fonctionnement de ces
deux comités.
b) Le personnel
La
direction de l'Agence est confiée à un administrateur
délégué
. Titulaire d'un contrat de travail à
durée indéterminée, il est chargé de la gestion et
exerce l'autorité hiérarchique sur les membres du personnel.
Un arrêté royal délibéré en conseil des
ministres fixera les conditions de désignation et d'exercice de la
fonction, ainsi que les conditions contractuelles et le statut
pécuniaire. Le 22 mars 2000, le conseil des ministres a
adopté un projet d'arrêté royal relatif aux conditions de
désignation et à la procédure de sélection de
l'administrateur délégué.
L'administrateur délégué n'est pas obligatoirement un
fonctionnaire, mais il doit avoir des compétences dans les domaines des
"
modifications organisationnelles et de la sécurité de
la chaîne alimentaire
".
Le
personnel de l'Agence
proviendra principalement du transfert,
d'office ou volontaire, d'agents des ministères et des organismes
publics, et sera organisé par un arrêté royal pris en
conseil des ministres.
Un arrêté royal délibéré en conseil des
ministres fixera les conditions de recrutement du personnel statutaire et
contractuel afin d'assurer "
son objectivité, son
indépendance et sa compétence
" et déterminera le
cadre et le statut de celui-ci, ainsi que les règles de mobilité.
L'Agence devrait compter environ 1 200 personnes.
La loi oblige tous les membres de l'Agence à déclarer les
intérêts qu'ils détiennent dans des entreprises de la
chaîne alimentaire.
c) Le financement
Afin de
rendre l'opération neutre sur le plan budgétaire, la
création de l'Agence sera financée par les moyens des services
actuellement compétents en matière de sécurité
alimentaire. Il s'agira principalement des droits et redevances que l'Agence
sera autorisée à percevoir en vertu des dispositions des lois
relevant de sa compétence. Ces moyens lui seront affectés par
arrêtés royaux.
Dans l'énumération des sources de financement de
l'article 10 de la loi, figure également la possibilité de
créer par arrêté royal délibéré en
conseil des ministres "
des redevances et des rétributions (...)
à charge des personnes physiques et morales participant à la
chaîne alimentaire
". Ces redevances seront établies
notamment en fonction des risques sanitaires liés aux activités
de ces personnes. L'Agence pourra donc en partie être financée par
les contributions des établissements qu'elle contrôle.
2) Les compétences
a) Le champ d'action
La compétence de l'Agence s'étend à tous les aliments et à la totalité de la chaîne alimentaire, " de la ferme à la table ".
b) Les missions et les pouvoirs
L'article 4 de la loi assigne une
double mission
à l'agence : veiller à la sécurité de la
chaîne alimentaire et garantir la qualité des aliments, afin de
protéger la santé du consommateur.
En outre, l'alinéa 2 du même article précise que
l'Agence "
est chargée de l'élaboration, de l'application
et du contrôle des mesures qui concernent l'analyse et la gestion des
risques susceptibles d'affecter la santé des consommateurs
".
Les alinéas 3 et 4 de l'article 4 précisent les
pouvoirs
de l'Agence :
- le contrôle, l'examen et l'expertise des produits alimentaires et de
leurs matières premières ;
- le contrôle et l'expertise de toutes les activités
économiques relatives aux aliments, depuis la production jusqu'à
la vente ;
- l'octroi des autorisations nécessaires à la production et la
commercialisation des denrées alimentaires ;
- l'élaboration et le contrôle de systèmes d'identification
et de traçage des produits alimentaires et de leurs matières
premières ;
- la collecte et gestion de l'information ;
- l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique de
prévention et d'information ;
- la surveillance du respect de la législation ;
- la communication d'avis relatifs à la réglementation existante
et future, y compris la transposition en droit interne de la
réglementation internationale.
Dans le cadre de sa politique d'information, la loi institue
"
auprès de l'agence un point de contact permanent où le
consommateur peut obtenir des informations objectives et déposer des
plaintes individuelles concernant la qualité et la
sécurité alimentaire
".
* *
*
L'Agence doit remplir complètement les missions
d'évaluation des risques et d'information. En revanche, la gestion des
risques ne lui revient que partiellement, puisque, si elle assure en
totalité le contrôle, l'établissement de la
réglementation relative à la sécurité alimentaire
lui échappe, sa compétence dans ce domaine n'étant que
consultative.
La régionalisation presque complète de l'agriculture, contenue
dans le projet de réforme de l'Etat actuellement en préparation,
risque d'empêcher l'Agence fédérale de remplir toutes les
fonctions que la loi lui assigne.