NOTE DE SYNTHESE
La lutte
contre la délinquance juvénile constitue une préoccupation
commune à tous les pays européens. On a donc cherché
à savoir comment certains de nos proches voisins, l'
Allemagne
,
l'
Angleterre
et le
Pays de Galles
, la
Belgique
,
l'
Espagne
, les
Pays-Bas
et la
Suisse
, réagissaient
face à ce problème. Pour cela, on a analysé les
réformes récemment entreprises ou en cours d'élaboration
dans chacun de ces six pays. Cette étude fait apparaître que :
- l'Angleterre et le Pays de Galles, ainsi que les Pays-Bas, ont
déjà pris un ensemble de mesures pour lutter contre la
délinquance juvénile, tandis que les réformes ne sont
qu'envisagées dans les autres pays ;
- le développement de nouvelles sanctions, le raccourcissement de la
durée des procédures et la collaboration de toutes les
institutions concernées par la lutte contre la délinquance
juvénile constituent des caractéristiques communes à
presque toutes les réformes, adoptées ou en projet ;
- la loi anglaise et le projet de loi espagnol sont les seuls à
comporter des dispositions sur la responsabilisation des parents ;
- la loi anglaise se distingue par sa grande
sévérité.
1) L'Angleterre et le Pays de Galles, ainsi que les Pays-Bas, ont déjà adopté des programmes complets de lutte contre la délinquance juvénile
En revanche, dans les autres pays, les réflexions sont moins avancées : l'Espagne et la Suisse ont cependant préparé des projets de loi, tandis qu'en Allemagne et en Belgique les réformes sont seulement envisagées.
a) Les réformes anglaise et néerlandaise
Le
Parlement anglais
a adopté en
juillet 1998 la
loi sur la
prévention de la criminalité et des troubles à l'ordre
public
, qui comporte un très grand nombre de mesures de toute
nature, toutes destinées à combattre la délinquance
juvénile. Certaines de ces mesures sont appliquées depuis la fin
de l'année 1998, tandis que d'autres ne le seront qu'en 2001
après avoir été testées dans plusieurs
régions.
Aux Pays-Bas,
c'est en
1994
que le gouvernement a
décidé de s'attaquer au problème avec un
plan
comportant
quelques dispositions législatives
et mettant
surtout l'accent sur la
nécessaire collaboration de tous les acteurs
de la société.
b) Les projets de loi espagnol et suisse
Le
projet de loi espagnol a été déposé au
Congrès des députés le 3 novembre 1998.
Il a pour
objectif premier de modifier l'âge de la responsabilité
pénale et celui de la majorité pénale, mais il comporte
également une série de mesures applicables aux jeunes
délinquants.
Le projet de loi suisse régissant la condition pénale des
mineurs est actuellement examiné par le Conseil fédéral.
Ce texte, qui prévoit la séparation du droit pénal des
adultes de celui des mineurs, ne devrait pas être adopté avant de
nombreux mois.
c) Les réformes envisagées en Allemagne et en Belgique
Un
avant-projet de loi est en cours d'élaboration en Belgique,
où les sanctions applicables aux jeunes délinquants sont
définies actuellement par la
loi de 1985 sur la protection de la
jeunesse
, qui vise avant tout à protéger et à
réinsérer les mineurs délinquants, plutôt
qu'à les sanctionner. La réforme envisagée, qui entrerait
dans le cadre de celle de l'organisation judiciaire, n'aura cependant pas lieu
avant plusieurs mois, les élections législatives devant se
dérouler au mois de juin 1999.
En Allemagne, la dernière réforme législative remonte
à l'année 1990,
quand fut adoptée la première
loi de modification du droit pénal des mineurs. Depuis lors, aucune des
propositions tendant à durcir les sanctions n'a abouti, notamment
à cause de l'opposition du parti libéral. Le processus de
réforme, interrompu en 1990, devrait être repris au cours de
l'actuelle législature. Parmi les partis représentés au
Bundestag, il existe un large consensus sur la nécessité de
mener une politique de prévention et de développer les
infrastructures sociales et pédagogiques.
2) Presque toutes les réformes, adoptées ou envisagées, comportent des points communs
Le développement de nouvelles sanctions, le raccourcissement de la durée des procédures et la participation de toutes les institutions concernées à des programmes locaux constituent les principales caractéristiques des réformes.
a) Le développement de nouvelles sanctions
Mesures
de réparation, prestations personnelles, travaux d'intérêt
général, travaux socio-éducatifs... Les nouvelles
sanctions consistent souvent à imposer aux jeunes délinquants la
réalisation d'un certain travail.
Les Pays-Bas sont certainement le pays qui a le plus développé
ce nouveau type de sanctions.
Il les applique en effet à tous les
stades de la procédure pénale :
- un article du code pénal, adopté en 1994 et entré en
vigueur en septembre 1995, permet aux primo-délinquants auteurs
d'infractions mineures (surtout petits actes de vandalisme) de réparer
leur faute avant même le début de la procédure
pénale ;
- un autre permet au procureur de la Reine de poser comme condition à
l'abstention des poursuites l'exécution d'un certain travail ;
- un troisième offre au juge la faculté de remplacer les peines
de détention et d'amende par des peines de substitution limitativement
énumérées (activité non salariée dans
l'intérêt de la collectivité, réparation des
dommages causés par l'infraction ou participation à un projet
éducatif).
b) Le raccourcissement de la durée des procédures
Il
constitue un objectif explicite des réformes anglaise et
néerlandaise.
La première prévoit de réduire de moitié, d'une
part, le délai s'écoulant entre l'arrestation et le début
de la procédure et, d'autre part, celui qui sépare la mise en
examen de la condamnation du mineur délinquant.
Aux Pays-Bas, le ministre de la Justice a demandé aux parquets de
s'efforcer de réduire à moins de six mois le délai entre
l'infraction et la réponse judiciaire qui y est apportée.
c) La participation de toutes les institutions concernées à des programmes locaux
Objectif
affirmé des réformes anglaise et néerlandaise, elle est
également très développée en Allemagne.
Dans ces trois pays, des programmes locaux de lutte contre la
délinquance juvénile associent les services sociaux à ceux
de la justice, de la police et des collectivités territoriales.
Aux Pays-Bas, le ministère de la Justice encourage ces programmes. Il a,
depuis 1995, signé plusieurs dizaines de conventions avec des villes qui
prennent des engagements chiffrés de réduction de la
délinquance juvénile sur leur territoire en contrepartie de
subventions leur permettant de développer infrastructures sportives et
services sociaux par exemple. Par ailleurs, le ministère
néerlandais de la Justice s'efforce depuis 1997 de développer la
justice de proximité en installant les services juridiques
compétents pour les mineurs dans plusieurs quartiers d'une même
ville et en encourageant la polyvalence de ces services, qui peuvent ainsi
traiter la délinquance juvénile sous tous ses aspects.
3) La loi anglaise et le projet de loi espagnol sont les seuls à comporter des dispositions sur la responsabilisation des parents
La loi
anglaise de 1998 a institué l'ordonnance parentale. Prononcée
à l'encontre des parents dont un enfant, mineur, a déjà
fait l'école buissonnière ou commis une infraction, elle leur
impose des obligations (participation hebdomadaire pendant trois mois à
des séminaires et surveillance précise de leurs enfants).
L'exécution en est vérifiée par un travailleur social ou
par un fonctionnaire du ministère de la Justice.
Le projet de loi espagnol prévoit une toute autre forme de
responsabilisation des parents : l'engagement de leur
responsabilité civile lorsque leurs enfants âgés de moins
de dix ans commettent un délit.
4) La loi anglaise se distingue par sa grande sévérité
La loi
anglaise de 1998 cherche aussi à développer les dispositions
préventives et éducatives. Cependant, l'analyse
détaillée de son contenu permet de l'opposer aux autres
réformes, à cause de sa grande sévérité.
Quelques exemples en témoignent.
Elle a en effet créé de
nouvelles condamnations.
Les plus
significatives sont celles, susceptibles d'être prononcées
à l'encontre des mineurs à partir de l'âge de 10 ans, pour
troubles à l'ordre public ou agressions sexuelles. Les jeunes
délinquants peuvent alors se voir interdire de fréquenter
certains lieux et certaines personnes et d'accomplir certains actes pendant une
durée, variable entre deux et cinq ans, en fonction de la nature de
l'infraction. La loi de 1998 a également créé
" l'infraction aggravée à caractère
racial ",
pour laquelle la sanction infligée consiste en une
peine de prison d'au moins deux ans.
Par ailleurs,
la loi limite les possibilités d'exemption judiciaire.
Ainsi, l'admonestation et la mise en garde, qui sont prononcées par
des officiers de police à l'encontre de mineurs qui ont commis des
infractions peu importantes, ne peuvent pas être renouvelées en
cas de récidive : le tribunal a l'obligation de condamner au
minimum à une peine avec sursis.
La loi permet également aux agents de police de vérifier les
agissements des mineurs dans certaines circonstances.
Ils peuvent, d'une
part, contrôler l'obligation scolaire à laquelle sont soumis les
enfants âgés de cinq à seize ans. Si un agent rencontre un
mineur dans un lieu public et qu'il le soupçonne de faire l'école
buissonnière, il peut le ramener à l'école. D'autre part,
dans les villes où le couvre-feu est instauré, s'ils rencontrent
dans un lieu public un enfant de moins de dix ans non accompagné d'une
personne majeure, ils peuvent reconduire l'enfant chez ses parents ou au
commissariat.