NOTE DE SYNTHESE
Dans
tous les pays développés, les avancées de la
médecine permettent de maintenir artificiellement en vie, parfois
pendant de longues années, des personnes plongées dans un coma
profond et irréversible. Par ailleurs, l'évolution des
mentalités et la priorité donnée au respect de la
volonté individuelle conduisent certains à revendiquer le droit
de pouvoir décider eux-mêmes du moment de leur mort.
Les initiatives en faveur de l'euthanasie se sont donc multipliées. Dans
les faits, l'euthanasie peut recouvrir plusieurs formes :
- l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration
délibérée de substances létales dans l'intention de
provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir, ou
sans son consentement, sur décision d'un proche ou du corps
médical ;
- l'aide au suicide, où le patient accomplit lui-même l'acte
mortel, guidé par un tiers qui lui a auparavant fourni les
renseignements et/ou les moyens nécessaires pour se donner la
mort ;
- l'euthanasie indirecte, c'est-à-dire l'administration d'antalgiques
dont la conséquence seconde et non recherchée est la mort ;
- l'euthanasie passive, c'est-à-dire le refus ou l'arrêt d'un
traitement nécessaire au maintien de la vie.
Pour chacun des sept pays couverts par l'étude (l'
Allemagne
,
l'
Angleterre et le Pays de Galles
, le
Danemark
, les
Pays-Bas
, la
Suisse
, l'
Australie
et les
Etats-Unis
), on s'est attaché d'abord à décrire les
règles juridiques qui régissent, directement ou non, les
différentes formes d'euthanasie, puis à analyser les principaux
éléments de la pratique ainsi que l'état actuel du
débat.
Cependant, dans la présente note, on a choisi de ne mettre en
évidence que les dispositions, légales ou réglementaires,
qui régissent explicitement l'euthanasie.
Il apparaît que :
- le Danemark, plusieurs cantons suisses, la moitié des Etats ou
territoires australiens et tous les Etats américains ont adopté
des lois reconnaissant à chacun le droit d'exprimer par avance son refus
de tout acharnement thérapeutique ;
- la loi danoise sur l'exercice de la profession médicale permet aux
médecins de ne pas maintenir en vie un malade incapable d'exprimer sa
volonté et condamné à brève échéance,
même si ce dernier n'a pas antérieurement exprimé son refus
de tout traitement médical dans certaines circonstances ;
- l'Etat américain de l'Oregon a récemment légalisé
le suicide médicalement assisté ;
- depuis que la loi sur le droit des malades en phase terminale du
Territoire-du-Nord (en Australie) a été abrogée, les
Pays-Bas sont le seul pays à disposer d'une procédure de
contrôle de toutes les interruptions de vie pratiquées par des
médecins.
1) La reconnaissance législative de l'expression par avance de la volonté individuelle au Danemark, dans quelques cantons suisses, dans certains Etats ou territoires australiens et dans tous les Etats américains
Tous les
pays sous revue admettent sans difficulté qu'un être humain
capable de discernement puisse refuser un traitement médical qui ne sert
qu'à prolonger sa survie.
En revanche, la réponse qu'ils apportent diffère lorsque le
patient n'est plus en mesure de donner son accord. Certains pays ont donc
choisi de légiférer sur ce point afin de donner à chacun
le droit :
- d'exprimer par avance, dans un
testament de vie
, son refus d'un
traitement médical visant uniquement la prolongation de la survie, sans
perspective de guérison ;
- ou de désigner un
mandataire
chargé de prendre toute
décision médicale à sa place en cas
d'incapacité.
a) Les testaments de vie au Danemark et en Suisse
Au
Danemark
,
depuis 1992
, la loi, reconnaissant ainsi une pratique
antérieure, permet à toute personne majeure et capable d'exprimer
par avance son refus d'être soignée, si elle devait se trouver
dans une situation dans laquelle elle ne pourrait plus manifester sa
volonté.
Actuellement, ce droit figure explicitement dans la loi sur l'exercice de la
profession médicale, ainsi que dans celle qui régit le statut du
patient.
Les intéressés doivent remplir
des imprimés
spéciaux
qui sont
enregistrés
, moyennant paiement d'un
droit minime.
La loi oblige le personnel soignant à consulter le registre des
testaments de vie et souligne la force obligatoire de ces documents lorsqu'ils
concernent des malades en phase terminale
. En revanche, les testaments de
vie des malades qui souffrent d'affections graves ou invalidantes n'ont qu'une
valeur indicative.
En Suisse, où la santé publique relève de la
compétence des cantons, plusieurs d'entre eux, parmi lesquels le Valais
et les cantons de Genève, de Lucerne, de Neuchâtel et de Zurich,
ont légiféré pour reconnaître la force juridique des
testaments de vie.
b) Les testaments de vie ou les mandataires dans les Etats australiens et américains
En
Australie, quatre des huit Etats ou territoires ont
légiféré dans ce domaine
: l'Etat de Victoria et
le Territoire-du-Nord ont légalisé en 1988 les testaments de vie,
tandis que le Territoire-de-la-Capitale-Australienne et l'Etat
d'Australie-Méridionale ont, respectivement en 1994 et en 1995,
adopté des lois prévoyant la désignation d'un mandataire
ayant le pouvoir de refuser un traitement médical au cas où le
mandant deviendrait incapable.
Aux Etats-Unis, tous les Etats ont légiféré pour
permettre à chacun de refuser par avance tout acharnement
thérapeutique
. En Alaska, la loi ne prévoit que le testament
de vie ; dans les trois Etats du Massachusetts, du Michigan et de New
York, elle n'autorise que la désignation d'un mandataire ; dans
tous les autres Etats, elle admet les deux formes.
Par ailleurs, aux Etats-Unis, la faible utilisation de ces possibilités
par les malades a conduit
la moitié des Etats à adopter des
dispositions permettant de désigner d'office un mandataire de
santé.
2) La légalisation de l'euthanasie passive et de l'euthanasie indirecte pour des malades en phase terminale au Danemark
Dans
chacun des sept pays étudiés, l'arrêt ou l'abstention des
soins, de même que l'administration de fortes doses d'antalgiques, sont
couramment pratiqués pour abréger la vie de malades en phase
terminale, mais le plus souvent en dehors de toute règle
législative ou réglementaire.
Le Danemark est le seul pays à avoir explicitement
légalisé ces actes médicaux. En effet, la
loi sur
l'exercice de la profession médicale
permet au médecin, en
l'absence de testament de vie et face à un malade en phase terminale, de
"
se dispenser de commencer ou de poursuivre des soins qui ne peuvent
que retarder la date du décès. Dans les mêmes
circonstances, le médecin peut donner des antalgiques, des calmants ou
des produits analogues, qui sont nécessaires pour soulager le patient,
même si une telle action peut conduire à hâter le moment du
décès.
"
3) La légalisation du suicide médicalement assisté dans l'Etat de l'Oregon
Approuvée par référendum en novembre 1994,
cette loi n'est finalement entrée en vigueur qu'en novembre 1997
à la suite d'un nouveau référendum, car un recours en
justice en avait suspendu l'application.
Elle permet à "
un adulte capable (...), dont le médecin
traitant et un médecin consultant ont établi qu'il souffrait
d'une maladie en phase terminale (qui entraînera la mort dans les six
mois) et qui a volontairement exprimé son souhait de mourir, de formuler
une requête pour obtenir une médication afin de finir sa vie d'une
manière humaine et digne
".
4) Le contrôle de toutes les interruptions de vie réalisées par des médecins néerlandais
Le code
pénal néerlandais condamne l'euthanasie et l'aide au suicide.
Cependant, comme la jurisprudence permet que, dans une situation de force
majeure, un médecin puisse les pratiquer, une procédure de
contrôle de toutes les interruptions de vie réalisées par
des médecins a été instituée en 1993 par un
règlement d'administration publique qui a été
approuvé par le Parlement. Elle est entrée en vigueur le
1
er
juin 1994. Elle concernait toutes les interruptions de vie
(euthanasies actives pratiquées sur demande du malade ou sans son
consentement et assistances au suicide). Le règlement de 1993 exigeait
que le médecin auteur de l'interruption de vie fît parvenir au
médecin légiste de la commune un formulaire très
détaillé lui permettant de vérifier que le médecin
avait respecté les critères " de minutie " susceptibles
de justifier l'abstention des poursuites de la part du ministère public.
Depuis le 1
er
novembre 1998, une nouvelle procédure est
applicable. Elle concerne uniquement les
interruptions de vie
réalisées à la demande du malade
. Le contrôle de
ces interruptions de vie est effectué par des
commissions
régionales
. Elles sont cinq, chacune réunissant un
médecin, un juriste et un spécialiste des questions
éthiques. La commission régionale de contrôle
considère que le
médecin a agi avec rigueur
si :
-
" le patient a formulé sa demande librement, de façon
mûrement réfléchie et constante ,
-
les souffrances du patient étaient insupportables et sans
perspective d'amélioration, selon les conceptions médicales
prédominantes du moment ;
-
le médecin a consulté au moins un autre médecin
indépendant ;
-
et si l'interruption de la vie a été pratiquée avec
toute la rigueur médicalement requise ".
En pareil cas, le ministère public, auquel la commission transmet ses
conclusions, classe l'affaire sans suite
.
Quant aux interruptions de vie réalisées par des médecins
en dehors de toute demande expresse du patient, elles devraient, à
l'avenir, être contrôlées par une commission nationale, mais
le règlement relatif à cette procédure de contrôle
n'a pas encore été adopté.
* *
*
Tout en
continuant à condamner l'euthanasie et l'aide au suicide, les Pays-Bas
sont donc le seul pays à disposer d'un dispositif juridique complet
relatif aux différentes formes d'euthanasie.
Jusqu'en 1997, un dispositif similaire existait en Australie, dans le
Territoire-du-Nord, mais la loi sur le droit des malades en phase terminale,
entrée en vigueur le 1
er
juillet 1996 et qui accordait
un droit limité à l'euthanasie et au suicide assisté aux
malades atteints d'une maladie incurable et douloureuse, a été
abrogée par le Parlement fédéral en mars 1997 après
que quatre personnes y eurent recouru.