NOTE DE SYNTYHESE
Les
règles françaises de prescription et de délivrance des
antalgiques majeurs
(1(
*
))
sont
considérées comme particulièrement sévères,
et donc peu favorables à une prise en charge efficace de la douleur.
C'est pourquoi il a paru utile d'analyser les règles en vigueur chez
quelques-uns de nos proches voisins (l'
Allemagne
, la
Belgique
,
l'
Espagne
, l'
Italie
et le
Royaume-Uni
), ainsi qu'au
Danemark
. Le Danemark est, après l'Irlande, le pays au monde
où la consommation de stupéfiants employés à des
fins médicales est la plus importante. D'après l'Organe
international de contrôle des stupéfiants, la consommation par
habitant sur la période 1992-1996 a été en effet
supérieure à la consommation française au Danemark (de 60
%), en Suisse (de 50 %) et au Royaume-Uni (de 40 %). Elle a été
en revanche inférieure en Belgique (de 40 %), en Allemagne et en Espagne
(de 75 %), ainsi qu'en Italie (de plus de 90 %).
Cet examen, qui ne prend pas en compte les questions relatives au traitement
des toxicomanes par des produits de substitution, fait apparaître
que :
-
à l'exception de la Belgique, tous les pays étudiés
soumettent la prescription et la délivrance des antalgiques majeurs
à des contraintes réglementaires comparables ;
-
un assouplissement de la réglementation est perceptible dans tous
les pays ;
-
au Danemark, celui des pays étudiés où la
consommation d'antalgiques majeurs est la plus importante, le contrôle
repose non seulement sur des dispositions réglementaires, mais aussi sur
la stabilité des relations entre les médecins et leurs
patients.
1) La prescription et la délivrance des antalgiques majeurs sont soumises à de nombreuses contraintes réglementaires dans tous les pays étudiés sauf en Belgique
Dans
tous les pays étudiés,
des textes réglementaires
particuliers régissent la prescription
et la délivrance
des médicaments à base d'opiacés
. Pour éviter
toute consommation abusive,
ces textes imposent aux prescripteurs et aux
pharmaciens le respect de
certaines règles
. A l'exception de
la Belgique, tous les pays étudiés ont adopté des mesures
similaires.
Le prescripteur doit utiliser des imprimés particuliers. Son ordonnance
doit comporter certaines mentions qui ne sont pas requises lorsqu'il prescrit
d'autres médicaments. La mention la plus fréquemment requise est
l'indication en toutes lettres de la quantité prescrite. Les
quantités susceptibles d'être prescrites sont limitées,
tout comme la durée de la prescription. Cette dernière
règle ne s'applique cependant pas au Danemark ni au Royaume-Uni. En
règle générale, les prescripteurs doivent conserver une
trace de leurs ordonnances, car ils sont soumis à une surveillance
particulière portant sur leurs prescriptions d'opiacés.
La délivrance de ces médicaments par les pharmaciens est
également très contrôlée : dans presque tous
les pays, les pharmaciens doivent non seulement conserver les ordonnances
relatives aux médicaments contenant des opiacés, mais aussi
tenir, au jour le jour, un état de leurs stocks.
En Belgique, en revanche, la prescription des opiacés ne
nécessite pas l'utilisation de formulaires spéciaux. Le
médecin est seulement obligé de mentionner en toutes lettres la
quantité prescrite. Quant aux pharmaciens, ils ne sont pas non plus
soumis aux mêmes contraintes que dans les autres pays. C'est seulement
sur rapport motivé de l'Inspection générale de la
pharmacie qu'il peut leur être demandé de tenir un registre des
stocks.
2) Un assouplissement de la réglementation est perceptible dans tous les pays
Tous
les règlements régissant la prescription et la délivrance
des antalgiques majeurs sont assez récents
: le plus ancien
est le règlement anglais, qui date de 1985. Les autres ont tous
été modifiés dans les années 90.
Les nouveaux
textes s'efforcent de faciliter l'emploi de ces médicaments
.
L'évolution la plus notable concerne la durée de prescription,
partout supérieure ou égale à 30 jours, sauf en Italie
où elle reste limitée à 8 jours.
L'
Allemagne
constitue un bon exemple de cette tendance
générale :
l'ordonnance sur les stupéfiants
,
qui énonce les modalités de prescription des antalgiques
majeurs,
a été modifiée au début de
l'année 1998
, afin que soit améliorée la prise en
charge de la douleur. Ainsi, dans les situations d'urgence, le médecin
peut désormais prescrire des antalgiques majeurs sur un formulaire
normal d'ordonnance, voire sur papier libre. Il peut déroger aussi aux
règles normales de prescription, en augmentant par exemple la
durée du traitement ainsi que la quantité prescrite. Par
ailleurs, le nouveau texte supprime la quantité maximale susceptible
d'être prescrite par jour et la remplace par un plafond mensuel.
Grâce à cet assouplissement, les personnes souffrant de douleurs
chroniques ne sont plus empêchées de voyager.
3) Au Danemark, le contrôle de la prescription des antalgiques majeurs repose non seulement sur des mesures réglementaires mais aussi sur la stabilité des relations entre les médecins et leurs patients
Selon
l'Organe international de contrôle des stupéfiants, le Danemark
est, parmi les pays étudiés, celui où la consommation
individuelle de stupéfiants employés à des fins
médicales est la plus élevée.
La circulaire danoise sur " la prescription de médicaments
engendrant la pharmacodépendance " comporte des mesures tout
à fait comparables à celles qui existent dans les autres pays.
Elle soumet médecins et pharmaciens à des contraintes analogues.
Mais elle pose en outre comme principe que
seul le médecin traitant
est habilité à prescrire des antalgiques majeurs dans le cadre
d'un traitement de longue durée.
Si un médecin suppose que
l'un de ses patients recourt fréquemment aux médecins de garde
pour se faire prescrire des médicaments régis par la circulaire,
il doit les en aviser. De même, les médecins de garde doivent
prévenir le médecin traitant. Parallèlement,
un
médecin ne peut pas, sauf circonstance exceptionnelle, prescrire ces
médicaments à une personne qui ne fait pas partie de sa
clientèle régulière
. Il est indubitable que la
stabilité des relations entre médecins et patients constitue un
moyen de contrôle très efficace.
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Ce dernier élément permet de relativiser le rôle de la réglementation et de souligner l'importance des facteurs culturels dans la prescription des antalgiques majeurs. La Belgique fournit d'ailleurs un bon exemple à cet égard : la prescription et la délivrance des opiacés y sont soumis à très peu de contraintes, et cependant leur consommation à titre médical y est beaucoup plus faible qu'en France.