II. LA BELGIQUE
La Belgique a reçu, en 2019, 1 761 demandes de protection internationale provenant de personnes se déclarant mineures non accompagnées, dont 1 168 considérées comme effectivement mineures par les autorités belges 53 ( * ) . Ce nombre est en hausse par rapport à l'année précédente, puisque 1 239 personnes se déclarant mineures avaient introduit une demande de protection internationale en 2018, parmi elles 748 avaient effectivement été considérées comme n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans 54 ( * ) .
La loi-programme du 24 décembre 2002, titre XIII, chapitre VI, « Tutelle des mineurs étrangers non accompagnés » 55 ( * ) définit comme mineur étranger non accompagné (MENA) une personne qui remplit les conditions suivantes :
- elle est âgée de moins de 18 ans ;
- elle n'est pas accompagnée par une personne exerçant l'autorité parentale ou une représentation légale ;
- elle n'est pas ressortissante d'un pays membre de l'espace économique européen ;
- et soit elle a demandé la reconnaissance du statut de réfugié, soit elle est sans autorisation de séjour sur le territoire belge.
A. LES MODALITÉS ET CRITÈRES D'ÉVALUATION DE L'ÂGE D'UN ÉTRANGER SE DÉCLARANT MINEUR
1. L'examen du dossier opéré par le service des Tutelles
En Belgique, lorsqu'une autorité repère une personne semblant être un mineur isolé, elle doit le signaler au service des Tutelles, rattaché au Service public fédéral Justice, ainsi qu'à l'Office des étrangers à l'aide d'une fiche de signalement. La transmission de cette fiche, accompagnée le cas échéant d'une copie des documents d'identité ou de séjour, ouvre la prise en charge du mineur par le service des Tutelles, qui va procéder à l'identification en vérifiant les déclarations du demandeur sur son nom, son âge, sa nationalité et s'il est effectivement un mineur non accompagné.
Aux termes de la loi sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories d'étrangers du 12 janvier 2007 56 ( * ) , « L'étranger qui se déclare mineur et au sujet duquel il n'existe aucun doute quant à sa minorité est accueilli dans un centre d'observation et d'orientation dès son arrivée à la frontière » .
Lorsqu'un demandeur d'asile se déclare mineur, les autorités, dans un premier temps, vérifient les déclarations en s'entretenant avec la personne, au besoin avec un interprète, analysent les documents fournis à l'appui des dires et recueillent l'avis des personnes qui l'encadrent depuis son arrivée (assistants sociaux, personnels des centres d'observation et d'orientation ...). Le test médical intervient dans un second temps 57 ( * ) .
2. L'évaluation médicale de l'âge
Lorsque des doutes apparaissent sur l'âge annoncé par le demandeur, un triple test médical est effectué pour vérifier les dires. Le test est effectué sous le contrôle du service des Tutelles et reste à la charge financière de l'autorité compétente en matière d'asile qui a demandé sa réalisation.
Trois radiographies sont ainsi réalisées : l'une de la dentition (opinion clinique d'un dentiste avec un examen radiologique de la dentition), une deuxième de la main et du poignet de la main non dominante et la dernière des extrémités médiales des deux clavicules 58 ( * ) . La loi n'exige pas que ces tests soient réalisés par des médecins différents.
Le test doit être expliqué au mineur, au besoin par l'intermédiaire d'un interprète. Le choix de cette combinaison de trois tests vise à accroître la fiabilité du résultat. Si toutefois ils donnent des résultats différents, l'âge le plus bas est retenu. D'après le guide pratique d'EASO sur l'estimation de l'âge, dans sa partie relative à la Belgique 59 ( * ) , « il est généralement observé que les examens médicaux ne permettent pas de déterminer un âge exact. En effet, tous les experts (...) reconnaissent que les examens de l'âge dentaire et squelettique sont toujours des estimations éclairées qui ne permettent pas une détermination exacte de l'âge d'une personne. Ils soulignent que le résultat est une estimation et qu'une marge d'erreur d'environ un ou deux ans devrait toujours être prise en considération. Cette méthode permet au service des tutelles de déterminer de manière fiable si un tuteur doit être désigné ou non, en particulier lorsque le jeune n'est pas en mesure de présenter des documents authentiques ou lorsqu'il ne connaît tout simplement pas sa date de naissance » .
Un rapport établi sur la base des examens réalisés et des informations recueillies est ensuite envoyé au service des Tutelles. De l'arrêt n°246.340 du 9 décembre 2019, il ressort, dans les conclusions du Conseil d'État, que « seule la conclusion générale du rapport médical est pertinente pour la détermination de l'âge et non le résultat de chaque test. Il importe cependant que la conclusion générale soit compréhensible au regard des résultats des trois tests qui mènent à sa formulation et que la partie adverse justifie donc suffisamment cette conclusion générale » 60 ( * ) .
3. La prise de décision et ses conséquences
Le service des Tutelles prend la décision relative à la majorité ou à la minorité et en fait part à la personne concernée, d'une part, et à l'Office des étrangers, d'autre part. Ce dernier doit s'y conformer et mettre à jour le dossier avec l'âge retenu. Plus généralement :
- si le service considère que l'âge déclaré par le mineur est possible compte tenu du rapport médical, alors cet âge est accepté ;
- si le service considère que l'âge déclaré est peu probable au regard du rapport médical, il retiendra la fourchette basse de l'évaluation pour mettre à jour le dossier 61 ( * ) ;
- si le service estime que le demandeur a 18 ans ou plus, une décision de cessation de prise en charge lui est notifiée. Dans ce cas, l'Office des étrangers devient l'autorité compétente pour déterminer l'âge et retient habituellement, sur la base d'une courbe de Gauss, l'âge moyen.
Des documents ou autres preuves peuvent être apportés pour justifier l'âge du mineur. Si ce dernier n'est pas d'accord avec la décision du service des Tutelles, il peut déposer un recours auprès du Conseil d'État.
B. L'ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLÉS
Le parcours d'un mineur isolé l'amène à rencontrer notamment :
- le service des Tutelles, qui s'occupe de l'accueil et de la prise en charge d'un mineur isolé sur le territoire, de son identification et qui fait partie de l'administration centrale du Service public fédéral Justice 62 ( * ) ;
- l'agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile Fedasil, chargée de l'accueil des demandeurs de protection internationale, et qui est tenue d'accueillir tous les mineurs isolés, y compris ceux qui n'introduisent pas de demande de protection internationale ;
- l'Office des étrangers, qui enregistre les demandes avant transfert au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et est compétent s'agissant des demandes au titre de la « procédure MENA » ;
- le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), qui examine et statue sur les demandes de protection internationale.
Les communautés 63 ( * ) peuvent également intervenir s'agissant des MENA, notamment via leurs services d'aide à la jeunesse. Depuis 2016, les communautés et Fedasil sont liés par des conventions permettant la mise à disposition de places d'accueil dans les structures communautaires pour les MENA les plus vulnérables 64 ( * ) en phase deux. En phase trois du parcours d'accueil, les centres publics d'action sociale (CPAS), établissements publics dotés d'une personnalité juridique distincte de la commune, jouent un rôle dans l'aide et l'accueil des MENA ayant suffisamment d'autonomie.
1. Cadre général de l'accueil des mineurs isolés
a) L'accueil d'un mineur
Un mineur non accompagné arrivant en Belgique peut déposer :
- une demande de protection internationale lui permettant d'obtenir, en cas d'accord, le statut de réfugié ou celui de bénéficiaire de la protection subsidiaire ;
- une demande au titre de la procédure applicable aux mineurs isolés conformément à la loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers du 15 décembre 1980 amendée en 2011 65 ( * ) et qui instaure la recherche d'une « solution durable » pour les mineurs isolés 66 ( * ) ;
- une demande de titre de séjour pour un autre motif tel que des raisons humanitaires ou médicales, ou encore en tant que victime de la traite des êtres humains.
L'accueil d'un mineur non accompagné en Belgique s'effectue en trois phases.
La première phase est celle de l'observation. Le mineur est accueilli dans un centre d'observation et d'orientation (COO) spécialisé, géré par Fedasil, permettant au service des Tutelles de vérifier, d'une part, qu'il n'est pas accompagné, d'autre part, qu'il est effectivement mineur.
Cette phase permet également de commencer à dresser un premier profil (social, médical et psychologique) du demandeur pour pouvoir l'orienter au mieux, vers des structures adaptées à ses besoins, en cas de vulnérabilités particulières. Cette première phase en COO dure quinze jours, renouvelable une fois 67 ( * ) .
La deuxième phase, appelée stabilisation, s'accompagne d'un placement du demandeur dans une structure d'accueil collective publique gérée directement par Fedasil ou par une association telle que la Croix-Rouge, dans un service dépendant de l'aide à la jeunesse d'une communauté ou dans une famille d'accueil. D'une durée de plusieurs mois, cette phase permet l'accompagnement du demandeur vers plus d'autonomie. Lorsque le demandeur est âgé de moins de 15 ans ou qu'il se trouve dans une situation de vulnérabilité importante, il est accueilli dans un centre spécifique géré par une communauté. Les offres collectives d'hébergement sont encadrées par des accompagnateurs et des éducateurs et permettent, outre de préparer à l'autonomie, d'accompagner le MENA dans son parcours scolaire.
Enfin, la troisième phase correspond à une phase d'autonomie accompagnée pour les mineurs âgés de plus de 16 ans ayant obtenu un titre de séjour supérieur à trois ans (voir infra ).
Un tuteur est nommé auprès du mineur isolé par le service des Tutelles. Ce tuteur personnel aura pour mission de l'aider à chercher un avocat, à introduire la demande de protection internationale et lui donnera des conseils pratiques et juridiques. Il l'assistera également lors des procédures et sera présent lors des différents entretiens jalonnant la procédure de demande d'asile. Aux termes de la loi-programme du 24 décembre 2002 68 ( * ) et de l'arrêté royal portant exécution de cette loi-programme 69 ( * ) , le tuteur gère également les ressources financières et « prend toutes mesures utiles afin que le mineur bénéficie de l'aide des pouvoirs publics, à laquelle il peut prétendre » . Il veille à ce que le MENA soit scolarisé et qu'il reçoive les soins médicaux ou psychologiques dont il aurait besoin.
En matière d'aide, les MENA, comme les autres demandeurs d'asile, peuvent prétendre à une aide financière appelée « pécule hebdomadaire ». Cette aide, dont le montant varie entre 61 et 70 euros par semaine 70 ( * ) , inclut les dépenses alimentaires, les dépenses d'hygiène et un peu d'argent de poche 71 ( * ) .
Tout mineur doit suivre une scolarité, quel que soit son statut au regard du droit au séjour en Belgique. Des initiatives autant dans les communautés wallonnes que flamandes visent à permettre l'intégration scolaire des élèves, par exemple via des classes spécifiques à destination des élèves ne parlant ni le français, ni le néerlandais ou encore des élèves analphabètes. Ainsi, dans la communauté française, le décret visant à l'accueil, la scolarisation et l'accompagnement des élèves qui ne maîtrisent pas la langue dans l'enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française du 7 février 2019 72 ( * ) a pour objectifs :
- d'assurer l'accueil, l'orientation et l'insertion des élèves nouvellement arrivés ;
- d'accompagner leur scolarité, notamment par l'apprentissage de la langue d'enseignement ;
- de préparer l'arrivée des élèves dans le système par étapes.
b) Le cas d'un mineur qui atteint 18 ans avant le rendu de la décision d'asile
Lorsqu'un demandeur atteint l'âge de 18 ans sans que sa demande de protection n'ait été traitée, il est envoyé dans une structure d'accueil pour adultes. La mission du tuteur personnel dont il bénéficiait s'arrête également.
Une demande de transfert dans un centre pour adultes est déposée auprès de Fedasil par les services compétents, laquelle indique « le réseau social du jeune, la localisation de son école et les éventuels besoins spécifiques » pour que Fedasil puisse déterminer le centre d'hébergement le plus adéquat. Des exceptions au transfert peuvent exister, sur accord des autorités compétentes, par exemple si le mineur devient majeur lors du dernier trimestre de sa scolarité et qu'un transfert le ferait changer d'école, ou encore si un délai de transition est nécessaire.
La structure d'accueil doit faire en sorte que le demandeur poursuive sa scolarité, dans la mesure où celle-ci a été entamée avant son dix-huitième anniversaire, qu'il est motivé, que le diplôme peut être obtenu dans les deux ans à compter de la demande et qu'une évaluation annuelle est réalisée pour vérifier que les conditions sont toujours réunies.
2. La prise en charge en cas de décision positive
L'instruction d'un dossier de demande d'asile comporte plusieurs phases, au cours desquelles le mineur est accompagné, outre de son tuteur, d'un avocat lors de la procédure d'examen de la demande. Le cas échéant, un interprète est présent. Une première étape de la procédure consiste en l'enregistrement de la demande de protection auprès de l'Office des étrangers, sans avocat. À cette occasion, l'agent de l'Office des étrangers remplira une déclaration avec les données d'identité, puis le mineur, sur la base d'un questionnaire, expliquera sa situation, les raisons de son départ de son pays d'origine et les raisons pour lesquelles il ne souhaite pas y retourner. L'agent de l'Office des étrangers restituera par écrit ces déclarations. Le MENA peut demander à ce que soient corrigés, si besoin, la restitution des déclarations et le questionnaire, voire peut refuser de signer les documents.
La deuxième étape de la procédure correspond au transfert du dossier auprès du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), qui convoque le mineur, son tuteur et son avocat à un entretien adapté au mineur. Le CGRA va ensuite traiter la demande en vérifiant notamment la crédibilité du récit ainsi que des points formels de procédure, puis statuer sur le rendu de la décision d'asile. L'intérêt supérieur de l'enfant et sa vulnérabilité sont des points décisifs devant être pris en compte lors de l'examen de la demande.
a) Les conséquences de l'obtention d'un titre
Un MENA dont la demande de protection a été acceptée obtient tout d'abord un permis de séjour pour une durée de cinq ans en cas d'octroi du statut de réfugié et d'un an en cas d'octroi d'un permis de séjour au titre de la protection subsidiaire.
Lorsque le mineur voit sa demande acceptée avant d'atteindre son dix-huitième anniversaire, il peut bénéficier d'une aide financière de la part d'un centre public d'action sociale (CPAS) et pourra amorcer la phase d'autonomie réelle, c'est-à-dire un logement indépendant sans accompagnement. En application de l'article 8 de la loi sur l'accueil des demandeurs d'asile et de certaines autres catégories d'étrangers du 12 janvier 2007 73 ( * ) , le CPAS est en effet compétent pour délivrer l'aide sociale à un MENA lorsque celui-ci est autorisé au séjour de plus de trois mois en Belgique.
Le mineur ayant obtenu un titre peut engager la phase trois de la procédure d'accueil du moment où il satisfait à plusieurs critères : outre le fait d'avoir été régularisé, il doit être âgé de plus de 16 ans, avoir résidé au moins quatre mois dans une structure d'accueil de phase deux et ne pas représenter de danger pour lui-même ou pour les autres. Il bénéficie alors, par exemple dans le cadre d'une initiative locale d'accueil (ILA) 74 ( * ) au sein d'un CPAS 75 ( * ) ou d'un projet géré par une ONG, de plus de liberté et d'autonomie, tout en ayant un accompagnement, pour se préparer à vivre indépendamment. Selon l'association sans but lucratif Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), « Cette troisième phase a été conçue afin de faciliter la transition de l'aide matérielle à l'aide sociale et l'intégration des MENA dans la société. Les jeunes sont stimulés à prendre en main leur vie quotidienne au niveau social et relationnel. Au fur et à mesure de l'accueil, les responsabilités des jeunes augmentent. Cette étape dure six mois, au terme desquels le jeune doit trouver un logement et devenir autonome dans sa vie quotidienne. Sous certaines conditions, le jeune pourra bénéficier d'un sursis et son accueil sera prolongé pour une durée définie en fonction de son âge, de son autonomie et de l'avancée de sa recherche de logement » 76 ( * ) .
Le jeune peut également préférer l'autonomie réelle et totale, correspondant à la phase quatre du parcours d'accueil. Cela peut lui ouvrir le droit, sous réserve du respect des critères classiques pour pouvoir en bénéficier, à certaines aides sociales, telles que celle équivalente au revenu d'intégration ou encore des aides du type garantie locative, prime d'installation ou aide aux frais de transports.
b) La possibilité de regroupement familial
L'octroi d'un permis de séjour ouvre la possibilité pour les proches, à savoir les parents dans le cas des mineurs arrivés en Belgique sans parents ni tuteur légal, de bénéficier d'un droit au séjour en Belgique au titre du regroupement familial. Le visa de regroupement familial est à demander auprès d'un poste diplomatique belge pour les personnes se trouvant à l'étranger, tandis que celles étant déjà en Belgique peuvent lancer la procédure de regroupement auprès de la commune dans laquelle elles séjournent. La demande est traitée par l'Office des étrangers.
3. Les conséquences d'une demande d'asile refusée
a) La possibilité de faire appel
Lorsque le CGRA déboute le demandeur, ce dernier a la possibilité d'introduire un recours auprès du Conseil du Contentieux des Étrangers (CCE).
Cette juridiction peut alors confirmer la décision du CGRA (la décision reste inchangée), la réformer (la décision est modifiée) ou l'annuler (le CGRA doit mener une nouvelle enquête). La décision finale du CCE clôt la procédure de demande de protection. Pour autant, il existe un ultime recours pour le demandeur : la cassation de l'acte administratif devant le Conseil d'État. Dans ce cas, l'avocat du MENA a 30 jours pour introduire le recours. Le Conseil d'État opèrera tout d'abord une vérification des motifs de recours et un filtrage des demandes. Il ne se prononce que sur la légalité de la décision du CCE : si celle-ci est illégale, il renverra l'affaire devant le CCE qui devra réétudier le dossier.
À l'issue de l'ultime procédure, deux situations sont possibles. Dans le premier cas, le demandeur a obtenu une protection, que ce soit via le statut de réfugié ou via celui de bénéficiaire de la protection subsidiaire. Dans le second cas, il est débouté et le rejet devient définitif.
b) En cas de rejet définitif
Lorsque, malgré les recours, la demande a été définitivement rejetée, le demandeur débouté reçoit un ordre de reconduire, c'est-à-dire de quitter le territoire belge. Il est toutefois autorisé à rester jusqu'à son dix-huitième anniversaire. S'agissant de l'accompagnement dont il bénéficiait auparavant, il doit quitter le réseau d'accueil à ses 18 ans.
Deux cas peuvent se présenter :
- si le mineur n'a pas encore reçu son ordre de reconduire, il peut toujours bénéficier de son droit à l'accueil sans qu'il ait besoin de faire de formalités particulières. Il est toutefois tenu de préparer son départ à sa majorité ;
- s'il a reçu un ordre de reconduire, il peut néanmoins demander une prolongation de l'aide matérielle pour rester dans le service d'hébergement dans les délais indiqués sur l'ordre de reconduire. Selon le « Guide à destination des Services qui hébergent des mineurs étrangers non accompagnés (MENA) dans le cadre du Plan MENA » 77 ( * ) , « Pour autant que l'accueil soit prolongé, le travail d'autonomisation est poursuivi jusque l'âge de 18 ans, et ce même si le jeune n'est pas en mesure d'être accueilli en 3 e phase. Vu qu'il reste tributaire de l'aide matérielle jusque ses 18 ans (et quelques jours), s'il n'accepte pas le retour volontaire (anticipé par un trajet de préparation), le jeune restera au service d'hébergement. Il devra être préparé à sa majorité, âge à laquelle il devra quitter l'accueil (à ses 18 ans + quelques jours) et se débrouiller. Pour ces jeunes, un contact préalable avec une association qui accompagne des jeunes en séjour illégal (...) avant le départ du jeune du centre, est recommandé ». Ce même document précise toutefois qu'il ne s'agit pas d'inciter le demandeur à se placer dans cette situation mais de les informer des risques qui y sont liés ainsi que des recours et moyens de protection à sa disposition, par exemple en matière d'hébergement et de travail.
c) La politique de retour
Un étranger mineur non accompagné ne peut pas faire l'objet d'une expulsion avant qu'il ait atteint l'âge de 18 ans, aucun ordre de quitter le territoire ne peut lui être notifié, celui-ci est remplacé par un ordre de reconduire aux termes de l'arrêté royal sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers du 8 octobre 1981 78 ( * ) . Le mineur peut toutefois faire acte d'un retour volontaire vers son pays d'origine.
En cas de retour volontaire 79 ( * ) , Fedasil coordonne les modalités de retour et prend en charge le voyage retour. Un projet de réinstallation peut également être élaboré préalablement au voyage 80 ( * ) . C'est l'Organisation internationale des migrations (OIM) qui s'occupe de l'organisation pratique des retours, à savoir la réservation des sièges, l'accompagnement à l'aéroport ou à l'arrêt de bus, selon le moyen de transport choisi. L'OIM se charge également de faire en sorte qu'un soutien soit apporté au demandeur en cas d'escale et prévoit au besoin un accompagnement médical ou opérationnel. L'OIM donne également aux personnes autorisées à en bénéficier (c'est-à-dire ressortissantes d'un pays avec obligation de visa) la somme en espèces destinée à couvrir les premiers frais après le retour, d'un montant de 250 euros par adulte et 125 euros par mineur 81 ( * ) . Une fois arrivés dans le pays de destination, et lorsque c'est possible, un collaborateur de l'OIM peut accueillir les personnes à leur arrivée à l'aéroport et peut également assurer le transfert vers la destination finale en finançant le moyen de transport approprié.
Dans l'éventualité où l'individu ferait l'objet d'un retour forcé, au-delà de ses 18 ans, l'Office des étrangers serait en charge de l'éloignement.
Une procédure particulière : la « procédure MENA »
La « procédure MENA » vise à proposer une « solution durable » aux mineurs isolés n'ayant pas déposé de demande de protection internationale ou à qui cette protection a été refusée. Intégrée à la loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers du 15 décembre 1980 en 2011 82 ( * ) , la « procédure MENA » doit être déposée auprès de l'Office des étrangers par le tuteur du mineur. La décision revient à l'Office des étrangers.
Les solutions durables possibles sont énumérées par ordre de priorité dans la loi, qui propose de préférence le regroupement familial dans le pays où vivent légalement les parents, en deuxième possibilité le retour dans le pays d'origine ou dans un pays où le mineur est admis au séjour « avec des garanties d'accueil et de soins adéquats, en fonction de son âge et de son degré d'autonomie, soit de la part de ses parents ou d'autres adultes qui s'occuperont de lui, soit de la part d'organismes publics ou d'organisations non gouvernementales » 83 ( * ) et, en dernier recours, par l'autorisation de séjourner en Belgique.
Suite à l'examen de la demande, le mineur se voit délivrer soit un ordre de reconduire, si la solution durable consiste en la sortie du territoire, soit un document de séjour valable six mois. Celui-ci peut être prolongé de six mois si, à l'issue de la période initiale, aucune solution durable autre n'a été trouvée.
Dans l'hypothèse où le séjour en Belgique est dès le départ la solution durable envisagée, le titre de séjour remis est d'une durée d'un an renouvelable 84 ( * ) . Avant l'expiration du délai, le tuteur doit transmettre des « éléments probants relatifs au projet de vie » du mineur en Belgique, tels que la preuve qu'il suit une scolarité ou qu'il connaît l'une des trois langues officielles.
C. LE FINANCEMENT DE LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLÉS
Le financement de l'accueil des demandeurs d'asile, incluant les MENA, en Belgique dépend, pour la partie Fedasil, d'une dotation de l'État d'un montant de 410,7 millions d'euros, auxquels s'ajoutent près de 8,6 millions d'euros provenant de sources européennes et de recettes diverses 85 ( * ) . Le financement du programme de retour volontaire est inclus dans le budget de Fedasil et repose donc en grande partie sur des ressources nationales. La participation du Fedasil est également importante dans le financement des prises en charge à un niveau autre que fédéral puisque :
- les conventions signées entre Fedasil et les communautés permettent d'assurer un certain nombre de places dans les structures communautaires pour les MENA en phase deux. Elles comprennent une participation fédérale à hauteur de 86,86 euros par jour et par place occupée 86 ( * ) et 34,75 euros par place inoccupée ;
- les centres publics d'action sociale (CPAS) peuvent prétendre à un remboursement par l'État fédéral d'une partie de l'aide sociale qu'ils octroient à un MENA, à hauteur de 73,37 euros par place occupée et 29,35 euros par place inoccupée.
* 53 https://dofi.ibz.be/sites/dvzoe/FR/Documents/Rapport%20statistiques%202019.pdf
* 54 https://dofi.ibz.be/sites/dvzoe/FR/Documents/Rapport_statistiques_2018.pdf
* 55 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2002A21488&la=F
* 56 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2007002066&la=F
* 57 https://justice.belgium.be/fr/themes_et_dossiers/enfants_et_jeunes/mineurs_etrangers_non_accompagne/service_des_tutelles/identification_d_un_mineur_etranger_non_accompagne
* 58 La Belgique suit les recommandations édictées par le groupe d'étude sur l'estimation de l'âge en médecine légale de l'Association allemande de médecine légale https://www.medizin.uni-muenster.de/en/rechtsmedizin/schmeling/agfad/recommendation.html
* 59 https://easo.europa.eu/sites/default/files/EASO-Practical-Guide-on-Age-Assessment-2018_FR.pdf, p.107
* 60 http://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=246340&l=fr
* 61 Dans ce cas, et même s'il ne définit pas expressément une nouvelle date de naissance, le service des Tutelles prend en considération une date « fictive » dans la mesure où l'âge déclaré et l'âge déterminé ne coïncident pas. Saisi à plusieurs reprises sur cette question, le Conseil d'État belge a considéré que la compétence de « vérifier ses déclarations notamment au sujet de son âge, ne s'étend pas à celle de fixer une nouvelle date de naissance pour l'étranger, différente de celle déclarée » et que « en décidant que la date de naissance déclarée par le requérant ne peut être prise en considération, la motivation de l'acte attaqué implique de facto qu'une nouvelle date de naissance, par essence fictive, doit être attribuée au requérant » https://www.agii.be/sites/default/files/rvs_241990.pdf . Le Conseil d'État estime que « la seule finalité du test médical, comme le prévoit l'article 7 précité de la loi, est de vérifier si l'étranger est âgé ou non de moins de dix-huit ans ». Ainsi, « en décidant dès ores d'écarter la date de naissance déclarée par le requérant au motif qu'elle se situe en dessous de la marge d'erreur inférieure définie par le test médical et en retenant ainsi nécessairement, fût-ce sans la préciser, une autre date de naissance, nécessairement fictive, que celle déclarée, la partie adverse a commis une erreur manifeste d'appréciation et a excédé sa compétence d'identification des mineurs étrangers non accompagnés ». https://www.agii.be/sites/default/files/rvs_242623.pdf
* 62 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2003122261&table_name=loi
* 63 Pour mémoire, la Belgique fédérale compte trois communautés : la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone.
* 64 D'après la publication du Haut-Commissariat aux Réfugiés Vers une protection renforcée des enfants non accompagnés et séparés en Belgique « Le nombre de places dans le cadre de ces accords s'élève à 130 places du côté francophone et à 145 places du côté flamand. Ces places ayant surtout vocation à accueillir les enfants non accompagnés et séparés les plus jeunes et ceux identifiés comme particulièrement vulnérables, les taux d'occupation réels démontrent que des places restent toutefois souvent inoccupées ». https://www.unhcr.org/be/wp-content/uploads/sites/46/2019/09/UNHCR-UASC_Belgium-FRA.pdf
* 65 Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour temporaire au mineur étranger non accompagné du 12 septembre 2011.
* 66 Cette procédure, réservée aux MENA qui soit n'ont pas déposé de demande d'asile, soit ont été déboutés de cette demande de protection, vise à trouver pour le mineur une « solution durable » qui passe soit par le regroupement familial dans le pays où vivent légalement les parents, soit par le retour dans le pays d'origine, soit par l'autorisation de séjourner en Belgique (voir infra).
* 67 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?sql=(text%20contains%20(%27%27))&language=fr&rech=1&tri=dd%20AS%20RANK&value=&table_name=loi&F=&cn=2007040944&caller=image_a1&fromtab=loi&la=F
* 68 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2002A21488&la=F
* 69 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2003122261&table_name=loi
* 70 Montants actualisés par Fedasil valables pour 2021.
* 71 https://www.uvcw.be/no_index/files/4935-2021-02-02---ila-montants-forfaitaires-2021.pdf
* 72 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2019040713&la=F
* 73 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2007002066&la=F
* 74 Une ILA est une structure d'accueil individuelle (parfois collective) gérée par le centre public d'action sociale.
* 75 Une convention est alors conclue entre le CPAS et Fedasil, ayant « pour objet d'organiser l'octroi de l'aide matérielle aux bénéficiaires par le CPAS, dans le cadre de la mission qui lui est confiée par Fedasil. De manière générale, elle fixe la capacité et le lieu de l'ILA, le tarif forfaitaire et les modalités de l'intervention financière, le droit de Fedasil de contrôler l'affectation des montants ainsi que la durée et la date d'entrée en vigueur de la convention ». https://www.brudoc.be/opac_css/doc_num.php?explnum_id=2202
* 76 https://www.cire.be/publication/quel-accompagnement-pour-les-jeunes-les-plus-vulnerables/
* 77 http://www.aidealajeunesse.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=cd11d3a994c1499174c2bdfe224d4713f1f0e0df&file=fileadmin/sites/ajss/upload/ajss_super_editor/DGAJ/Documents/MENA/Guide_Plan_MENA.pdf
* 78 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1981100831&table_name=loi
* 79 https://www.retourvolontaire.be/sites/default/files/public/brochure_fr.pdf
* 80 « Il s'agit de l'élaboration d'un projet concret de réinstallation, avec un soutien temporaire par un partenaire local au pays d'origine qui doit donner l'opportunité au jeune de faire un nouveau départ. Le projet comprend un volet financier, des garanties au niveau de l'accueil et de l'hébergement du jeune, son suivi médical, sa formation et/ou son emploi, des stages, la possibilité de lancer un micro-business, une prime pour les parents du MENA »
* 81 https://www.fedasil.be/fr/retour-volontaire/voyage-de-retour
* 82 Par la loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour temporaire au mineur étranger non accompagné du 12 septembre 2011.
* 83 https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1980121530&table_name=loi
* 84 54 MENA ont bénéficié de cette possibilité en 2018 et 75 en 2019.
* 85 https://www.fedasil.be/fr/propos-de-fedasil/budget
* 86 https://www.uvcw.be/no_index/files/4935-2021-02-02---ila-montants-forfaitaires-2021.pdf