- LÉGISLATION COMPARÉE -

Recueil des notes de synthèse

DE JUILLET 2019 À OCTOBRE 2019

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AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la Division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

AVANT-PROPOS

Durant l'été et l'automne 2019, la Division de la Législation comparée a procédé aux recherches suivantes.

À la demande de la Mission commune d'information « Transports aériens et aménagement des territoires », la division s'est penchée sur les mesures de soutien au transport aérien comme instrument de désenclavement en Espagne, en Italie et en Suède, ainsi qu'hors d'Europe, en Australie, au Canada et en Colombie.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, elle a étudié, à la demande de la Commission du développement durable, les dispositifs de consigne des emballages de boissons en Scandinavie (Danemark et Suède), en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.

À la demande de Mme Sophie Taillé-Polian, sénatrice du Val-de-Marne, la Division de la Législation comparée a mené une recherche sur les équivalents de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles) et en Suède.

Enfin, à la demande de la Mission commune d'information sur le sauvetage en mer, elle s'est intéressée aux organisations de volontaires intervenant dans le sauvetage en mer dans six pays : la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni qui partage une même structure avec l'Irlande, la Suède, et hors d'Europe, l'Australie.

LE SOUTIEN AU TRANSPORT AÉRIEN COMME INSTRUMENT DE DÉSENCLAVEMENT

La Division de la Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur les politiques de soutien au transport aérien comme instrument de développement et de désenclavement territorial. La division s'est concentrée sur un échantillon de six pays (Australie, Canada, Colombie, Espagne, Italie, Suède) dont elle a examiné la réglementation en détail.

Ces pays offrent des exemples des différentes politiques possibles en mettant l'accent tour à tour sur la détermination d'obligations de service public contre des compensations financières, sur la maîtrise publique ou parapublique directe de compagnies aériennes, sur la subvention aux infrastructures aéroportuaires ou sur le soutien au pouvoir d'achat des résidents des zones enclavées ou isolées.

1. Italie
a) Les caractéristiques du système aéroportuaire italien

Quoique comparable à la France par sa superficie et sa population globales, ainsi que par l'organisation administrative de l'État, l'Italie présente des caractéristiques géographiques, démographiques et politiques qui différencient nettement l'organisation de son système de transport aérien et aéroportuaire.

Du point de vue purement géographique, il faut distinguer la masse homogène de l'Italie du Centre-Nord organisée autour de la plaine du Pô, la longue péninsule étroite et montagneuse s'avançant profondément dans la Méditerranée et le complexe des îles dont deux massives, la Sardaigne et la Sicile. Le sud de l'Italie qui forme un cul de sac est manifestement plus enclavé que le nord et le centre et bénéficie d'un réseau ferroviaire et routier beaucoup moins dense, tant régionalement qu'au niveau des interconnexions nationales. Les îles posent un problème spécifique, même si la Sicile bénéficie de la liaison routière par le pont de Messine. Les lignes à grande vitesse s'étant très récemment étendues notamment à la côte Adriatique, l'enclavement concerne surtout désormais la Calabre, la Sardaigne et les îles isolées dépendantes de la Sicile comme Lampedusa et Pantelleria.

Du point de vue démographique, l'Italie est marquée par un polycentrisme urbain très marqué. Il n'existe aucune mégapole, mais un réseau hiérarchisé de villes dominé par Rome, Milan et Naples au centre, au nord et au sud. Le nord et le centre connaissent un maillage étroit de villes grandes et moyennes, qui est beaucoup moins serré dans le Mezzogiorno. En matière de transport aérien, cela génère une dissémination de petits aéroports qui peuvent se livrer une concurrence sous-optimale dans des bassins de population limités. Certains sont très dépendants de compagnies low-cost . La difficulté d'assurer la complémentarité des escales petites et moyennes au sein d'un même bassin ne facilite pas la tâche des pouvoirs publics nationaux et régionaux dont les moyens de soutien limités se trouvent inévitablement dispersés. C'est particulièrement vrai dans le Mezzogiorno, où par exemple des régions peu dotées comme les Pouilles et la Calabre 1 ( * ) doivent chacune veiller sur 3 aéroports et la Sicile sur 6 dont 2 sur de petites îles isolées. En outre, le polycentrisme italien explique également que la politique de continuité territoriale pour les zones isolées passe par des liaisons avec plusieurs points d'entrée. Comme on le verra en détail plus loin, les trois aéroports de Sardaigne sont par exemple reliés par des lignes de service public, à deux grands aéroports nationaux, Rome Fiumicino et Milan Linate 2 ( * ) .

Du point de vue politique et juridique, l'Italie se présente comme un État régional dont les régions concourent à l'exercice de la puissance législative. L'article 117 de la Constitution fixe la répartition des compétences entre l'État et les régions. La régulation des grands réseaux de transport et de navigation, des ports et aéroports civils ne fait partie ni du domaine de compétence exclusif de l'État, ni du domaine de compétence générale résiduelle des régions, mais du domaine d'exercice concurrent dans lequel l'État fixe les grands principes directeurs et la région les mesures sectorielles spécifiques. On peut donc considérer que l'État et les régions doivent collaborer pour mettre sur pied la politique des transports d'intérêt national. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle confirme par ailleurs que les transports publics d'intérêt local sont du ressort des régions au titre de leur compétence générale résiduelle. 3 ( * )

Toutefois, pour apprécier l'étendue réelle de la responsabilité de l'État dans le domaine des transports, notamment du transport aérien, il convient de relever que le même article 117 de la Constitution italienne lui attribue notamment, à titre exclusif, la réglementation de la concurrence et la détermination des niveaux de prestations garantis sur l'ensemble du territoire national en matière de droits civils et sociaux. Il revient donc à l'État de définir l'organisation générale du système aéroportuaire, la politique de continuité territoriale et les règles de mise en concurrence, en dialogue avec les régions. Il appartient aux régions qui bénéficient de liaisons aériennes de service public de lancer les appels d'offres européens, de désigner les attributaires et de veiller à la bonne exécution de la prestation.

Pour disposer d'une vision systémique de son organisation aéroportuaire afin d'en assurer un développement cohérent et efficace, le législateur italien a prévu :

- l'identification et la classification des aéroports d'intérêt national par décret du Président de la République sur proposition du ministre des transports avec l'accord de la Conférence permanente pour les rapports entre l'État et les régions ;

- la constitution d'un comité de coordination technique auprès du ministre des transports composé de représentants du gouvernement, des régions et du secteur aéronautique pour coordonner les politiques de développement des aéroports d'intérêt régional. 4 ( * )

Le plan national des aéroports est entré en vigueur le 1 er janvier 2016. 5 ( * ) Les aéroports d'intérêt national ont été identifiés sur la base de critères fixés par la loi : il s'agit des sites nécessaires à l'exercice des compétences exclusives de l'État dans tous les domaines (sécurité, économie, environnement, égalité des droits notamment), en tenant compte de la taille et de la typologie du trafic, de leur implantation territoriale, de leur rôle stratégique, ainsi que de leur éventuelle participation aux réseaux de transports transeuropéen. La construction du plan national est particulièrement intéressante puisqu'elle intègre pleinement les considérations d'aménagement du territoire pour articuler différentes classes d'aéroports qui répondent à des vocations et des missions d'intérêt général différentes.

Le territoire italien a été ainsi divisé en dix bassins territoriaux de trafic, tels que leurs confins sont situés à 2 heures de conduite en voiture au plus d'un aéroport considéré comme stratégique, soit pour son insertion dans le trafic international, soit pour l'importance relative de son trafic à l'échelle nationale. Ces bassins de trafic ne représentent pas du tout la même population, ni le même trafic. Le Mezzogiorno enclavé est bien pris en compte et compte 6 bassins dont 2 en Sicile. 6 ( * ) Dans ces 10 bassins, ont été identifiés 38 aéroports d'intérêt national, dont 12 présentant une importance stratégique particulière, dont 3 portails intercontinentaux 7 ( * ) . Il est intéressant d'examiner les choix des aéroports d'intérêt national sans particulière saillance stratégique comme Bergame, Brescia, Cuneo, Gênes, Trieste, Trévise, Rimini, Parme, Ancône, Pérouse, Pescara, Salerne, Brindisi, Tarente, Reggio Calabria, Crotone, Comiso, Trapani, Olbia, Alghero, Pantelleria, Lampedusa. Hormis quelques chefs-lieux de petites régions, il s'agit surtout de villes moyennes typiquement chefs-lieux d'une province, réparties de façon homogène sur le territoire italien. L'intérêt national est ici clairement indexé sur la préservation du développement territorial.

En outre, aux termes du décret, ces aéroports d'intérêt national sans particulière saillance stratégique sont tenus à certaines obligations dont l'État vérifie le respect. Ils doivent être en mesure de jouer un rôle bien défini au sein de leur bassin sur la base d'une spécialisation fonctionnelle. Ils doivent aussi être en mesure de démontrer leur capacité à atteindre l'équilibre financier et leur solvabilité, au moins sur trois ans. Un plan industriel et un plan économique et financier doivent être présentés à l'appui. 8 ( * )

Toutefois, il est prévu une exception « pour les aéroports qui assurent la continuité territoriale de régions périphériques et d'aires en voie de développement ou particulièrement défavorisées, dans la mesure où n'existe aucune autre modalité de transport, en particulier ferroviaire, adéquate pour garantir une telle continuité. » 9 ( * ) Bien qu'ils ne soient pas listés, il n'est pas difficile de conclure que les aéroports des îles Pantelleria et Lampedusa dépendantes de la Sicile, d'Olbia et Alghero en Sardaigne, de Crotone et Reggio Calabria en Calabre sont dispensés de ces obligations, et notamment de l'objectif d'équilibre économique et financier à moyen terme, en raison de leur rôle indispensable dans le développement de régions très enclavées.

Il convient de remarquer le souci marqué de complémentarité entre les modes de transport soit pour prévenir la dispersion des ressources publiques, soit pour accroître la zone de rayonnement des aéroports existants au bénéfice des régions les plus mal desservies. En particulier, le ministre des infrastructures et des transports a la charge de favoriser toute action pour préserver les intérêts des régions dans lesquelles n'existent aucun aéroport d'intérêt national en veillant à l'optimisation des connexions intermodales avec les aéroports les plus proches. 10 ( * )

b) Le cadre juridique des aides au développement de routes aériennes

Les liaisons vers des régions enclavées sont souvent structurellement déficitaires et risquent de disparaître dans un environnement concurrentiel normal. Toutefois, des aides sont autorisées sous certaines conditions dès lors que le développement régional constitue un motif d'intérêt général suffisant. Pour respecter le droit communautaire, les aides au développement de liaisons aériennes doivent assurer des conditions équitables et non discriminatoires d'accès aux infrastructures, notamment aéroportuaires, aux opérateurs, c'est-à-dire aux compagnies aériennes. Cette règle est expressément reprise dans la législation italienne. 11 ( * ) La directive de 2009 sur les redevances aéroportuaires 12 ( * ) prévoit que les aides au lancement de nouvelles routes aériennes pour promouvoir le développement des régions défavorisées ou ultrapériphériques ne peuvent être concédées qu'en conformité avec le droit communautaire, dont le principe de non-discrimination précité est un élément central. Spécifiquement, la même directive impose aux États membres de s'assurer que les taxes d'aéroport ne créent pas de discrimination entre les utilisateurs, tout en autorisant une modulation de ces taxes pour des motifs d'intérêt général, y compris environnementaux, sur la base de critères pertinents, objectifs et transparents. 13 ( * )

Dans ce cadre, la législation italienne prévoit que les gestionnaires d'aéroport qui octroient des concours financiers, des subventions ou toute autre forme de financement à des opérateurs aériens en fonction du lancement et du développement de routes destinées à satisfaire et promouvoir la demande dans leur zone de chalandise doivent mettre sur pied des procédures de choix des bénéficiaires qui soient concurrentielles, transparentes et susceptibles de garantir la plus large participation des opérateurs potentiellement intéressés. Le ministre des infrastructures et des transports en définit les modalités dans des lignes directrices. Il revient à l'établissement public en charge du contrôle de l'aviation civile ( Ente Nazionale per l'Aviazione Civile - ENAC) de vérifier la transparence et l'effectivité de la mise en concurrence menée par le gestionnaire d'aéroport, en lien avec l'Autorité indépendante de régulation des transports ( Autorità di regolazione dei trasporti - ART). 14 ( * )

En 2016, le ministre des infrastructures et des transports a publié de nouvelles lignes directrices relatives aux incitations financières au lancement et au développement de liaisons aériennes pour tenir compte de l'évolution de l'interprétation des règles européennes conformément à la communication de la Commission 2014/C 99/03 du 4 avril 2014, ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 15 ( * ) .

En principe, les conditions commerciales incluses dans les accords entre les gestionnaires d'aéroport public et les compagnies aériennes ne constituent pas des aides d'État s'ils passent le test de l'opérateur d'économie de marché dit test MEO ( Market Economy Operator ) issu du droit communautaire. C'est le cas lorsque le gestionnaire public de l'aéroport considère au terme d'une analyse comparative que le prix pratiqué pour les services aéroportuaires correspond au prix du marché ou lorsque le gestionnaire estime, au moyen d'une analyse ex ante , que l'accord commercial génère sur la durée un bénéfice marginal à l'avantage de l'aéroport. Dès lors que les aéroports desservent un bassin isolé ou enclavé et peinent à attirer des compagnies aériennes, il est raisonnable de penser que les accords commerciaux ne satisferont pas le test MEO. Les lignes directrices de 2016 viennent alors préciser les conditions dans lesquelles des accords entre aéroports publics et compagnies aériennes pour développer des liaisons aériennes au service du développement régional peuvent être validement conclus et appliqués lorsqu'ils échouent au test MEO.

Ces conditions commerciales constituent des aides soumises au contrôle de la Commission mais ne sont pas pour autant illégales si la procédure de choix du bénéficiaire des aides assure une compétition large et transparente en garantissant que chaque candidat potentiel dispose de la même information et participe à armes égales. D'après les lignes directrices de 2016, les gestionnaires d'aéroport sont à ce titre obligés de :

- publier semestriellement sur leur site internet le programme complet des aides qu'ils entendent mettre en oeuvre dans l'année et sur les années à venir en spécifiant leur typologie, leur durée, les montants financiers globaux, les bénéfices attendus en échange de l'octroi de l'aide, les conditions que doivent respecter les compagnies aériennes (flotte, part de marché, respect des normes antimafia, respect des obligations fiscales) ;

- actualiser les programmes d'aide au fil de l'eau ;

- publier également sur internet, dans les 15 jours suivant l'octroi d'une aide ne satisfaisant pas le test MEO, les résultats de la procédure et transmettre ces derniers à l'ENAC et à l'ART pour qu'ils exercent leur contrôle ;

- publier avant le 31 janvier de l'année suivante le volume global des incitations financières qui ne satisfont pas le test MEO et en donner communication à l'ENAC et à l'ART. 16 ( * )

Le gestionnaire de l'aéroport a la liberté de choisir le bénéficiaire de l'aide qu'il juge le plus adapté pour le développement des liaisons aériennes et du trafic, dès lors que ces conditions procédurales sont remplies.

c) Les cahots de la politique de continuité territoriale

Si la définition d'une stratégie de développement aéroportuaire et l'établissement d'un cadre transparent d'octroi d'aides au développement de lignes aériennes répondent avant tout à une logique de développement économique, notamment tourné vers le marché touristique international, l'Italie apporte aussi un soutien au transport aérien sous la forme d'une politique de continuité territoriale qui vise en outre à garantir le droit à la mobilité des citoyens des régions enclavées et renforcer la cohésion du pays. Les pouvoirs publics imposent alors des obligations de service public ( oneri di servizio pubblico - OSP ) aux compagnies aériennes opérant les liaisons aériennes concernées, qui peuvent donner lieu à une compensation financière et à des attributions exclusives.

Le cas de la Sardaigne, qui a donné lieu à de nouveaux développements à rebondissements en 2019, est le plus emblématique. C'est celui qu'on traitera tout en relevant qu'une politique de continuité territoriale de moindre envergure est aussi mise en place pour les îles isolées de Sicile, ainsi que pour l'île d'Elbe selon des modalités parallèles. 17 ( * )

Pour garantir la continuité spécifiquement avec ce territoire dans le respect des règles européennes 18 ( * ) , le législateur a confié en 1999 au ministre des transports le pouvoir et la mission de prévoir par décret :

- les charges de service public pour les liaisons entre les aéroports de Sardaigne et les principaux aéroports nationaux ;

- conjointement avec le président de la région autonome de Sardaigne, l'organisation d'un appel d'offres européen pour l'attribution des liaisons, dans la mesure où aucune compagnie n'a mis en place à son propre compte de liaison aérienne respectant les charges de service public. Les compagnies retenues à l'issue de la procédure bénéficient d'une compensation financière plafonnée au titre des frais qu'elles engagent pour assurer la ligne de service public. L'exploitation des liaisons peut être concédée en monopole à un attributaire unique pour quatre ans. 19 ( * )

Les charges de service public ne sont toutefois pas définies par le ministre seul mais par une conférence mixte État-région présidé par le président de région, qui doit indiquer la classification et les niveaux des tarifs, les bénéficiaires de rabais particuliers, le nombre des vols, les horaires des vols, les types d'avions mobilisés, la capacité d'offre de places. 20 ( * ) C'est à la conférence que revient également d'identifier les principaux aéroports nationaux qui doivent être reliés aux trois aéroports de Sardaigne Cagliari, Olbia et Alghero. En l'occurrence, ont été retenus Rome Fiumicino et Milan Linate. 21 ( * )

La loi de finances pour 2007 a transféré la responsabilité de la continuité territoriale à la région autonome de Sardaigne, qui à partir de 2010 devait en assumer la charge financière. 22 ( * ) La région a adopté des lois régionales pour établir un plan de couverture financière de la continuité territoriale mais ces moyens sont restés trop limités surtout à la suite de la crise économique, si bien qu'en 2016, l'État italien a consenti 120 millions d'euros à la Sardaigne pour soutenir la politique de continuité territoriale. 23 ( * )

La continuité territoriale avec la Sardaigne a donné lieu à de multiples remises en concurrence et réattributions à diverses compagnies en 2013, en 2015, en 2017 puis en 2019. On s'intéressera au régime actuel mis en place, partiellement et avec difficultés, depuis le printemps 2019, et qui devait courir initialement jusqu'en 2022. Les obligations de service public et le cadre de l'appel d'offres européen sont définis conformément à la loi par un décret du ministre des infrastructures et des transports de 2018 qui déclare services d'intérêt économique général la desserte des 6 lignes aériennes entre les aéroports de Sardaigne, Rome et Milan. 24 ( * )

Des conditions sont imposées aux compagnies aériennes en matière de fréquence, d'horaires, de calendrier, de places offertes sur les six lignes. On notera que le cahier des charges impose une augmentation d'environ 50 % du nombre de places offerts dans les vols en continuité territoriale sur les prochaines trois années et on se concentrera sur l'imposition de tarifs préférentiels.

Les résidents de Sardaigne bénéficient d'un tarif réduit maximal ( tariffa onerata agevolata massima - TAM ) identique sur 12 mois de l'année. Leur est assimilé pour le bénéfice du TAM un groupe constitué par les personnes handicapées dont le taux d'invalidité est supérieur à 80 %, les jeunes de 2 à 21 ans, les étudiants jusqu'à leurs 27 ans et les personnes de plus de 70 ans, sans discrimination liée à la nationalité ou au lieu de résidence. Les autres passagers bénéficient aussi d'un plafonnement du prix des billets, mais le plafond est fixé au double du TAM pour la basse saison (1 er octobre - 31 mai) et au triple du TAM pour la haute saison (1 er juin - 30 septembre).

Schéma tarifaire des lignes de continuité territoriale vers la Sardaigne
(hors taxes)

Lignes

Tarif préférentiel maximal pour résidents et assimilés (TAM)

Tarif plafonné pour les autres passagers

(octobre-mai)

Tarif plafonné pour les autres passagers

(juin-septembre)

Alghero - Rome

40 €

80 €

120 €

Alghero-Milan

49 €

98 €

147 €

Cagliari - Rome

40 €

80 €

120 €

Cagliari -Milan

49 €

98 €

147 €

Olbia - Rome

40 €

80 €

120  €

Olbia - Milan

49 €

98 €

147 €

Source : décret ministériel n°367/2018 - annexe technique

Une fois constaté qu'aucune compagnie aérienne n'assumait à son propre compte, sans compensation financière, l'ensemble des obligations de service public, il est revenu à la région Sardaigne de lancer l'appel d'offres et de sélectionner les titulaires pour chacune des 6 lignes aériennes.

Les retournements et coups de théâtre se sont cependant succédé rapidement sans que le nouveau régime puisse être installé. En effet, Alitalia s'est vu attribuer provisoirement le 15 janvier 2019 la totalité des lignes de continuité territoriale après avoir baissé de 30 % son offre financière par rapport à l'exploitation précédente. Or, parmi 10 autres compagnies était aussi en lice Air Italy (Ex-Meridiana) une compagnie sarde basée à Olbia, qui après des déboires financiers a été rachetée pour moitié par Qatar Airways. La perte de l'exploitation de la continuité territoriale Olbia-Rome et Olbia-Milan qu'elle gérait jusque-là signifiait directement des pertes d'emploi chez Air Italy qui, sous la pression de son actionnaire, devait se rapatrier sur Milan. La région Sardaigne, l'État, Alitalia et Air Italy ont donc engagé des négociations pour revenir sur le résultat de l'adjudication provisoire et restaurer le statu quo ante . Un accord transitoire a été trouvé avec les compagnies pour éviter une rupture à Pâques de la continuité territoriale et un compromis s'est imposé fin mai 2019 afin de conserver la continuité territoriale en provenance et à destination d'Olbia dans les mains d'Air Italy, en réservant un aller-retour à Alitalia pendant la haute saison, contre le renoncement d'Air Italy à toute compensation financière. La voie juridique demeure étroite, mais l'abandon des concours publics était le seul moyen de renverser l'adjudication provisoire et de régulariser la nouvelle attribution, d'une part du point de vue formel et procédural, d'autre part, du point de vue matériel pour éviter d'être sanctionné pour l'octroi d'une aide d'État illégale et discriminatoire à une compagnie aérienne locale.

Les difficultés ne se sont pas limitées à ce point. Ryanair a ainsi annoncé un recours auprès des instances européennes après l'adjudication provisoire. Surtout, le contexte politique ne peut pas être ignoré. Les élections régionales de février 2019 ont en effet conduit à un basculement de la majorité en Sardaigne et à un changement d'exécutif régional. La nouvelle équipe a annoncé en avril 2019 la suspension de la procédure d'appel d'offres, qui devrait être relancée sur d'autres bases. Un décret du ministre des transports 25 ( * ) a validé ce changement de pied pour modifier drastiquement la portée des obligations de service public adoptées en août 2018 : elles ne s'imposent plus que pour la liaison avec Olbia, tandis que les liaisons avec Cagliari et Alghero sont sorties de leur champ d'application et renvoyées aux dispositions antérieures approuvées en 2013. Des discussions avec la Commission européenne engagées le 28 mars et le 1 er avril 2019 mentionnées en visa du décret, il transparaît que les autorités européennes étaient favorables à la suspension de l'appel d'offres pour Cagliari et Alghero et n'avaient pas d'objection à l'exercice par Air Italy de la continuité territoriale avec Olbia sans compensation financière.

Plus généralement, la politique de continuité territoriale italienne a perdu beaucoup d'ampleur dans les dix dernières années pour se recentrer soit sur la desserte de petites îles très isolées et dépendantes, soit sur un soutien indirect au développement économique et au tourisme en Sardaigne. En effet, si l'on répertorie l'ensemble des dispositions législatives qui permettraient d'imposer des OSP sur des lignes aériennes, on constate que la plupart est inutilisée. Au moins neuf aéroports supplémentaires pourraient prétendre à des liaisons vers Rome et Milan sous un régime d'obligations de service public. 26 ( * ) Certains ont en réalité virtuellement cessé tout trafic comme Bolzano dans les montagnes du Trentin ou Foggia dans les Pouilles ; d'autres ont bénéficié un temps d'une activation des OSP comme Reggio Calabria en Calabre mais les appels d'offres suivants ont été infructueux. Il est très difficile d'agir si les compagnies aériennes considèrent que le marché est trop restreint. L'État italien comme Alitalia, tous deux très endettés, ne peuvent assumer ces charges financières.

Des efforts récents pour le désenclavement de la Calabre

L'État italien a récemment entrepris d'accroître ses efforts de désenclavement de la Calabre grâce au transport aérien. L'affiliation du ministre des transports italien actuel Toninelli au Movimento 5 Stelle, particulièrement implanté dans le sud de l'Italie, a sans doute joué un rôle de catalyseur dans les décisions récentes.

D'une part, se prépare depuis le début de l'année l'extension vers cette région de la politique de continuité territoriale avec la définition des obligations de service public sur les liaisons Crotone-Rome et Crotone-Milan et l'élaboration décret ministériel nécessaire. Le processus administratif a été lancé en janvier et la région de Calabre a transmis le 22 février 2019 au ministre des transports une lettre d'intention et un mémoire technique, couvrant aussi des hypothèses de liaison avec Turin et Venise.

D'autre part, l'État italien a apporté un soutien budgétaire direct à deux infrastructures aéroportuaires de Calabre. La loi de finances pour 2019 (art. 1 er al. 133) a ainsi autorisé le versement de :

- 3 millions d'euros par an sur le triennat 2019-2021 à l'aéroport de Crotone pour garantir un système de liaison aérienne pérenne et assurer la continuité territoriale ;

- 15 millions d'euros sur 2019 et 10 millions d'euros sur 2020 pour couvrir les travaux de restructuration et de mise en sécurité de l'aéroport de Reggio Calabria.

2. Espagne
a) Une proximité en trompe-l'oeil avec l'Italie

L'Espagne présente un certain nombre de points communs avec l'Italie comme le caractère d'État régional, le polycentrisme urbain, les contraintes insulaires avec les archipels des Baléares et des Canaries 27 ( * ) , de forts contrastes de développement entre Madrid et la Catalogne d'un côté, des provinces rurales, défavorisées et enclavées comme l'Estrémadure, de l'autre. À ces caractéristiques s'ajoutent le cadre partagé du droit communautaire, en particulier la directive de 2009 sur les redevances aéroportuaires, le règlement de 2008 sur les services aériens et les orientations en matière d'aides d'État. C'est pourquoi l'on s'attachera aux nuances entre les deux pays.

Il convient d'abord de noter que l'article 149 de la Constitution espagnole attribue la compétence exclusive en matière de transport aérien à l'État qui agit par l'intermédiaire de la Direction générale de l'aviation civile rattachée au ministère du développement, des infrastructures et des transports ( Ministerio de Fomento ). Les communautés autonomes peuvent solliciter l'action de l'État et collaborer à la mise en oeuvre de la politique mais elles jouent un rôle plus directement subordonné qu'en Italie.

En outre, l'Espagne est considérée comme un exemple de politique orientée vers les passagers résidant dans les zones isolées qui bénéficient de remises tarifaires, ce qui n'est pas sans conséquence budgétaire, les sommes allouées étant considérables.

Si elle n'ignore pas la politique de soutien aux lignes par l'imposition d'obligations de service public, très commune au sein de l'Union européenne, cette politique semble plus détachée d'enjeux touristiques qu'en Italie.

b) Les bonifications tarifaires pour les résidents des régions isolées

Depuis 1960, les résidents des territoires non continentaux d'Espagne -les Canaries, les Baléares et les enclaves de Ceuta et Melilla sur la côte marocaine-, bénéficient de réductions tarifaires sur toutes les liaisons aériennes vers le reste du territoire national. 28 ( * ) Ces réductions prennent la forme de rabais proportionnels : les résidents ne paient qu'une fraction déterminée du billet d'avion au tarif normal pour le reste des autres passagers. Autrement dit, il s'agit d'une réduction forfaitaire non plafonnée sur le prix du marché. Le rabais vaut pour chaque trajet, simple ou aller-retour. Les résidents concernés sont déterminés sans discrimination de nationalité dès lors qu'ils bénéficient d'un droit ou d'un titre de séjour.

Initialement fixée à 33 % du prix, ce rabais a été relevé à 50 % puis à 75 % par la loi de finances pour 2018 qui lui accorde expressément une validité pérenne et non seulement restreinte à l'année budgétaire en cours. 29 ( * ) Le même rabais est par ailleurs appliqué aux liaisons maritimes. Une réduction cumulable de 5 à 10 % est également accordée aux familles nombreuses. 30 ( * )

Depuis le 1 er novembre 2014, les résidents des Canaries, des Baléares, de Ceuta et Melilla peuvent faire certifier leur qualité de bénéficiaire de la bonification tarifaire en amont de l'achat grâce à la plateforme numérique SARA opérant un système d'accréditation de résidence automatique. Sans accréditation préalable, le billet peut être acheté mais il faudra présenter à l'embarquement aux agents de la compagnie aérienne les justificatifs de résidence nécessaire pour en faire usage.

Ce système est souvent critiqué pour son coût. Il est indéniable qu'en l'absence de plafonnement du prix des billets, la subvention par le budget de l'État dans une logique de guichet est massive. On peut estimer à 300-350 millions d'euros par an la charge financière pour l'État espagnol lorsque le rabais représentait 50 % du prix. Cela doit être ramené aux quelque 9 millions de trajets subventionnés dont 400 000 environ au titre des familles nombreuses. Ce coût déjà très dynamique avec une hausse de 23 % entre 2014 et 2017 va encore augmenter de 10 à 15 % avec la hausse du rabais d'après le ministère du développement, des infrastructures et des transports. On considère que ces sommes sont supérieures à la totalité des dépenses publiques de compensation d'OSP sur le transport aérien dans l'Union européenne.

Évolution du coût budgétaire 2014-2017 (rabais à 50 %)

Budget 2014
(millions €)

Budget 2017
(millions €)

Bonification résidents des Canaries

189

238

Bonification résidents des Baléares

83

94

Bonification résidents de Ceuta et Melilla

9

10

Supplément familles nombreuses

1

4

Total

281

346

Source : Plan estratégico de subvenciones 2018-2021 - Ministerio de Fomento

Le soutien public peut en lui-même participer à l'inflation des prix. On constate que les dessertes internationales vers les Canaries sont souvent moins chères que les dessertes nationales. Au final, les résidents locaux peuvent continuer à payer leurs billets à des prix élevés, d'où la pression pour rehausser le pourcentage de rabais qui leur est octroyé.

Pour tenter de répondre aux critiques, en 2018 parallèlement à la hausse du rabais, le législateur espagnol a demandé aux autorités nationales de la concurrence de surveiller spécifiquement les compagnies aériennes qui pourraient avoir formé des ententes et des cartels. Il leur a également donné la faculté de fixer des prix maximaux de référence sur les lignes sur lesquelles auraient été imposées des obligations de service public.

c) La définition de services de transport aérien d'intérêt public

En Espagne, contrairement à l'Italie, l'octroi de rabais aux résidents de zones très isolées est essentiellement déconnecté des obligations de service public qui sont imposées éventuellement sur certaines liaisons aériennes. D'ailleurs, une seule liaison aérienne entre des zones bénéficiant du rabais tarifaire et l'Espagne continentale fait aussi l'objet d'OSP, à savoir la desserte Minorque-Madrid. À moins d'une évolution sur la base de la disposition adoptée en loi de finances pour 2018, ces deux instruments de soutien à la connectivité aérienne des territoires isolés sont totalement découplés et exclusifs l'un de l'autre.

La définition d'obligation de service public est beaucoup moins développée que la bonification tarifaire en Espagne. Elle est donc globalement beaucoup moins coûteuse pour les pouvoirs publics 31 ( * ) , puisqu'au budget 2018, la prise en charge du déficit d'exploitation des compagnies aériennes sur les lignes de service public représentait 4,1 millions d'euros contre 382 millions d'euros pour les rabais tarifaires aux résidents non continentaux et 4,4 millions d'euros pour le rabais supplémentaires aux familles nombreuses.

Les premières lignes de service public ont été créées sur le fondement d'une loi portant diverses dispositions d'ordre fiscal et social en 1997 32 ( * ) . Ce texte ne visait que les routes interinsulaires au sein des archipels des Canaries et des Baléares, après consultation des exécutifs des communautés autonomes.

Le nouveau fondement juridique en droit interne se trouve dans la loi d'économie durable de 2011 qui définit les services de transport d'intérêt public comme les prestations que les opérateurs économiques ne fourniraient pas s'il fallait prendre en compte uniquement leur propre intérêt commercial, alors que ces prestations se révèlent nécessaires pour assurer un service de transport entre certaines localités définies ou pour garantir une prestation acceptable en termes de fréquence, de prix, de qualité et d'accès universel. Conformément au droit communautaire, les opérateurs fournissant des services d'intérêt public peuvent bénéficier de subventions publiques comme compensation aux obligations de service public qu'ils assument. L'attribution des aides n'intervient qu'après une mise en concurrence et ne peut couvrir que la prestation assurée sur le marché géographique déficitaire visé, à l'exclusion de toute subvention croisée. 33 ( * )

Il appartient au Conseil des ministres sur proposition du ministre du développement, des infrastructures et des transports, après avis de la Commission gouvernementale aux affaires économiques ( Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos ) 34 ( * ) de prendre la décision formelle d'imposer des OSP sur des services de transport d'intérêt public, tandis que revient au ministre du développement, des infrastructures et des transports la responsabilité d'établir les conditions sur les prestations et des compensations économiques suffisantes pour couvrir les coûts et laisser un bénéfice raisonnable à l'opérateur. Si l'accès au marché est restreint, voire exclusif au bénéfice d'un seul opérateur, le montant final de la compensation est définie au cours d'une procédure d'appel d'offres publiques transparente, équitable et non discriminatoire « dans laquelle doit être appréciée comme elle se doit l'offre qui demande une moindre compensation ». 35 ( * )

Il existe aujourd'hui 20 liaisons aériennes soumises à des OSP en Espagne : 13 liaisons entre les îles des Canaries depuis 1998, 3 liaisons entre les îles des Baléares depuis 2003, auxquelles se sont ajoutées une liaison entre Minorque et Madrid, une liaison interne à l'Andalousie entre Almeria et Séville, et depuis 2018, deux liaisons entre Badajoz (Estrémadure) et Madrid et Barcelone. En 2017, on notera que 12 liaisons avec OSP (la plupart des liaisons intra-Canaries et toutes les liaisons intra-Baléares) ne donnait pas lieu à une compensation financière publique. En revanche, la ligne Almeria-Séville représentait la moitié du coût total de la politique d'OSP en Espagne en 2017 soit 2 millions d'euros. Il convient de noter que malgré la compétence décisionnelle du ministère national des infrastructures et des transports, ces sommes sont à la charge des communautés autonomes.

Le développement des OSP sur les lignes Badajoz-Madrid et Badajoz-Barcelone en 2018 36 ( * ) constitue un tournant. Il ne s'agit pas de soutenir les dessertes insulaires mais de relier un territoire très enclavé et défavorisé de l'Espagne continentale avec les deux principaux pôles économiques du pays. Les principales OSP se déclinent ainsi 37 ( * ) :

- 11 vols aller-retour Badajoz-Madrid et 4 vols Badajoz-Barcelone par semaine ;

- 2 vols par jour travaillé de la semaine et un le dimanche sur Badajoz-Madrid avec des plages horaires précises et liberté d'organisation sur Badajoz-Barcelone ;

- une capacité minimale annuelle de 54 000 sièges sur Badajoz-Madrid et de 20 000 sièges sur Badajoz-Barcelone ;

- une limitation à 2 % des annulations de vols ;

- 90 % des vols ne devront pas connaître un retard de plus de 15 mn ;

Des tarifs de référence fixés à 90 euros pour Badajoz-Madrid et 140 euros pour Badajoz-Barcelone, les tarifs maximaux ne pouvant leur être supérieurs de plus de 25 %. Les promotions ne pourront pas être soumises à condition si elles ne constituent pas des rabais supérieurs à 20 % du tarif de référence.

Par adjudication publique, la compagnie régionale valencienne Air Nostrum s'est vu attribuer en septembre 2018 les lignes de service public Badajoz-Madrid et Badajoz-Barcelone pour trois ans. Sur cette période, elle recevra 10,5 millions d'euros sur le budget de la région Estrémadure. Globalement, cela représente une augmentation d'environ 3 millions d'euros par an des fonds publics consacrés aux lignes aériennes de service public.

3. Suède
a) La mesure de l'accessibilité des territoires

La question de l'accessibilité de toutes les parties du territoire suédois est au centre de la politique des transports mise en place, notamment, par Trafikverket , l'autorité en charge des transports. Une analyse menée en 2015-2016 sur les 290 communes que compte la Suède mesure le degré d'accessibilité du territoire à partir de 8 critères 38 ( * ) :

- critère 1 : se rendre à Stockholm. 202 communes ont une accessibilité bonne, 59 acceptable et 29 médiocre. Ces dernières se situent principalement dans le Norrland et dans les communes limitrophes des frontières finlandaise et norvégienne ;

- critère 2 : venir de Stockholm. 183 communes ont une accessibilité bonne, 65 acceptable et 42 médiocre. Le rapport l'explique par la structure des vols en provenance et en direction de Stockholm, qui quittent les aéroports de la capitale en matinée et y retournent dans l'après-midi, soit un temps sur place trop court ;

- critère 3 : l'accessibilité des voyages internationaux, mesurée par la possibilité de se rendre dans les grands aéroports suédois offrant de plus grandes possibilités de voyages. 123 communes sont identifiées comme ayant une bonne accessibilité selon ce rapport, 95 une accessibilité acceptable et 72 une accessibilité médiocre ;

- critère 4 : l'accessibilité des métropoles. 224 communes ont une bonne accessibilité, 44 une acceptable et 22 une médiocre. Celles-ci se trouvent principalement dans les terres intérieures du nord de la Suède ;

- critère 5 : l'accès aux hôpitaux régionaux ou universitaires est bon dans 198 communes, acceptable dans 68 et médiocre dans 24. C'est encore une fois le nord de la Suède qui connaît les plus grandes difficultés d'accessibilité ;

- critère 6 : l'accès aux universités et écoles supérieures est bon dans 212 communes - situées essentiellement dans la moitié sud de la Suède dans le triangle Stockholm-Malmö-Göteborg -, acceptable dans 49 d'entre elles et médiocre dans 29 ;

- critère 7 : l'accès aux villes de plus de 50 000 habitants est bon dans 206 communes, acceptable dans 68 et médiocre dans 16. Pour ce critère aussi, c'est dans le nord de la Suède que les difficultés sont les plus importantes, ainsi que sur l'île de Gotland ;

- critère 8 : l'industrie hôtelière. Peu de communes connaissent des lacunes considérant ce critère (10 communes ont un indicateur médiocre contre 240 bon et 40 acceptable), elles se trouvent cependant dans le nord de la Suède.

À partir de cet état des lieux, Trafikverket a extrait les 58 communes ayant obtenu au moins 3 notes « médiocre » sur les 8 critères pris en compte et les a classées en 3 sous-catégories : le premier groupe de 40 communes doit faire l'objet de mesures d'accessibilité prioritaires continues ou accrues, le deuxième groupe de 6 communes nécessite des études complémentaires et le dernier groupe de 12 communes ne requiert pas de mesures d'accessibilité prioritaires.

b) Une politique de soutien aux lignes aériennes

Prenons un exemple ancien qui illustre les premiers développements de la politique suédois de connectivité aérienne. Dans les années 80, la Suède a décidé que, dans le nord, le comté de Jämtlands autour d'Östersund dépendrait désormais du secteur d'Umeå en matière de santé. Pour mener à bien cette réforme, le Parlement suédois a demandé d'assurer une bonne et rapide liaison entre les deux villes. Des lignes de transport aérien peu rentables ont donc eu la possibilité de se maintenir. Une connexion directe par vol était en effet nécessaire, compte tenu de la distance qui séparait Östersund et Umeå. L'État devait donc, par le biais de marchés publics mettant en concurrence différents opérateurs aériens, garantir la continuité du trafic aérien entre les deux villes, dont la ligne devrait comporter au moins deux allers-retours par jour afin de garantir une bonne circulation autant pour les patients que pour les autres voyageurs.

Dès sa création en 1999, l'autorité suédoise chargée des transports 39 ( * ) a récupéré la responsabilité de cette ligne Östersund-Umeå et de la gestion des relations avec les transporteurs aériens. En 2002, 10 autres accords similaires ont été signés, essentiellement pour des liaisons entre l'aéroport de Stockholm-Arlanda et des communes de quelques milliers d'habitants des provinces du nord frontalières de la Norvège et de la Finlande. S'il a été envisagé en 2010 d'en supprimer quelques-unes, les lignes existantes ont finalement toutes été reconduites. 40 ( * ) Le coût total, à cette période, était de 89 millions de couronnes suédoises par an, soit environ 8,32 millions d'euros.

Le rapport pour l'aviation 2019-2023 41 ( * ) , publié par Trafikverket fin 2017, souligne qu'il existe un véritable engagement gouvernemental en faveur du trafic aérien depuis 15 ans. Les accords relatifs aux lignes ont été reconduits pour la période 2015-2019 et une obligation de service public a été mise en place pour 10 lignes. L'analyse des besoins effectuée dans le cadre de ce rapport montre que 7 destinations (Gällivare, Arvidsjaur, Lycksele, Hemavan, Vilhelmina, Sveg et Pajala) connaissent encore des problèmes d'accessibilité, que la politique aérienne a toutefois permis d'améliorer sans qu'une alternative soit d'ailleurs crédible. Les trois autres communes (Torsby, Hagfors et Kramfors) connaissent toujours une accessibilité moindre, tout en étant acceptable, et des temps de trajet longs.

Selon un procédé classique et validé par le droit communautaire, les obligations de service public sont précisées dans un cahier des charges que les entreprises de transport aérien exploitantes s'engage à respecter contre une éventuelle compensation financière. L'exploitant de la ligne Lycksele 42 ( * ) -Stockholm, par exemple, devra à compter du 26 octobre 2019, date de renouvellement des contrats d'exploitation :

- offrir au moins 34 000 places par an, deux allers-retours par jour du lundi au vendredi et un aller-retour les dimanches et jours fériés;

- respecter les horaires de vol prédéfinis, qui peuvent toutefois être ajustés après consultation de la commune concernée ;

- respecter un préavis de 7 mois si l'entreprise décide d'arrêter les liaisons aériennes régulières sur cette ligne ;

- plafonner le prix des billets, en l'espèce au plus 1 110 SEK (104 euros) pour un aller simple, et les réductions pour les enfants (700 SEK, soit 65,50 euros, pour un enfant entre 2 et 12 ans) et les étudiants ;

- respecter des obligations quant à la disponibilité des billets (achat possible sur internet ou chez des distributeurs, information et réservation possible au plus tard deux mois à l'avance) ;

- rendre compte chaque mois de la façon dont le transporteur s'est conformé à ses obligations et fournir des informations telles que le nombre de places offertes, le nombre de vols effectués, le nombre de tickets vendu.

Il convient de remarquer que sur les dix lignes aériennes de service public, deux ne donnent lieu à aucune compensation financière Arvidsjaur-Stockholm et Gällivare-Stockholm. Trafikverket a conclu des accords financiers avec les compagnies aériennes sur les lignes à la rentabilité insuffisante pour que le trafic commercial puisse seul garantir l'accessibilité pérenne de zones isolées. Trafikverket vise un taux de couverture des coûts par les billets d'au moins 20 %. C'est le cas pour toutes les lignes à l'exception de Pajala-Luleå (9 %) qui, malgré une différence importante entre le coût du trafic et le coût du billet, connaît malgré tout un important accroissement de son accessibilité par l'aérien.

Répartition du financement des lignes aériennes soutenues

Ligne

Montant de la compensation
en 2016

Recettes de la vente des billets

Total

Part des recettes des billets

Arvidsjaur-
Arlanda Stockholm

0 SEK

12 808 531 SEK

(1 198 510 €)

12 808 531 SEK

(1 198 510 €)

100 %

Gällivare-
Arlanda Stockholm

0 SEK

37 505 057 SEK

(3 509 629 €)

37 505 057 SEK

(3 509 629 €)

100 %

Hagfors-
Arlanda Stockholm

8 066 665 SEK

(754 807 €)

2 475 775 SEK

(231 741 €)

10 542 440 SEK

(986 548 €)

23 %

Hemavan-
Arlanda Stockholm

12 256 125 SEK

(1 146 113 €)

13 530 814 SEK

(1 265 313 €)

25 786 939 SEK

(2 411 426 €)

52 %

Lycksele-
Arlanda Stockholm

11 239 285 SEK

(1 051 126 €)

16 112 229 SEK

(1 506 855 €)

27 351 514 SEK

(2 557 981 €)

59 %

Pajala-Luleå

10 800 000 SEK

(1 010 053 €)

1 011 210 SEK

(94 571 €)

11 811 210 SEK

(1 104 624 €)

9 %

Sveg-
Arlanda Stockholm

17 141 670 SEK

(1 603 217 €)

5 283 919 SEK

(494 191 €)

22 425 589 SEK

(2 097 408 €)

24 %

Torsby-
Arlanda Stockholm

8 066 665 SEK

(754 471 €)

2 917 237 SEK

(272 789 €)

10 983 902 SEK

(1 027 260 €)

27 %

Vilhelmina-
Arlanda Stockholm

12 256 125 SEK

(1 145 953 €)

13 453 212 SEK

(1 257 935 €)

25 709 337 SEK

(2 403 888 €)

52 %

Östersund-Umeå

9 075 000 SEK

(848 771 €)

7 052 764 SEK

(659 634 €)

16 127 764 SEK

(1 508 405 €)

44 %

Source : Trafikverket, rapport pour l'aviation 2019-2023, page 46

L'autorité suédoise des transports insiste sur le fait que si le transport aérien offre généralement d'importants gains d'accessibilité, il s'agit en même temps d'un moyen de transport coûteux, en termes à la fois de coût par ligne et par passager, qui ne devrait donc être utilisé qu'en l'absence d'autres options demandant un effort plus raisonnable.

c) Le soutien aux aéroports non détenus par l'État

La Suède distingue les aéroports détenus par l'État (statliga flygplatserna) des aéroports qui ne le sont pas (icke statliga) , sans qu'ils soient pour autant privés. Les collectivités territoriales ont un important rôle à jouer en la matière. Il existe en Suède 10 aéroports qui appartiennent à l'État : Kiruna, Luleå, Umeå, Åre-Östersund, Stockholm Arlanda, Bromma Stockholm, Visby, Ronneby, Göteborg-Landvetter et Malmö.

Trafikverket gère une aide d'exploitation annuelle à destination des aéroports non étatiques. Le document stratégique sur l'avenir des voyages et des transports (2008/09 :35) précise la répartition des activités en la matière : l'État est responsable des 10 aéroports précités tandis que les départements/comtés ou les régions doivent se voir accorder les conditions permettant de prendre une plus grande responsabilité dans les autres aéroports.

Une commune ayant sur son territoire un aéroport non détenu par l'État peut recevoir une dotation nationale d'exploitation annuelle pour couvrir une partie du déficit de l'activité aéroportuaire. Il existe deux types d'aides :

- l'aide pour les aéroports ayant un trafic relevant d'une obligation de service public ;

- l'aide pour les aéroports inclus dans des plans régionaux d'infrastructures de transport.

Le règlement suédois 2006 : 1577 sur les aides d'État pour les aéroports non étatiques 43 ( * ) présente les dispositions sur la répartition des aides à destination des aéroports qui répondent à une obligation de service public conformément à l'article 16 du règlement européen de 2008 sur les services aériens. L'aide est versée à la commune sur laquelle l'aéroport est implanté. Selon ce texte, Trafikverket peut décider d'allouer une aide pour couvrir le déficit réel pour l'année d'exploitation en question d'un aéroport. L'excédent éventuel devra être remboursé ou déduit pour l'année d'activité suivante. Le règlement de Trafikverket 2018 : 1 du 13 juillet 2018 modifiant le règlement 2013 :2 sur l'aide d'exploitation aux aéroports non détenus par l'État 44 ( * ) , précise que l'aide versée ne peut pas être d'un montant supérieur à celui du déficit estimé de l'aéroport. Le résultat d'exploitation de l'aéroport doit être remis à Trafikverket par la commune qui a reçu l'aide. Le calcul du montant de l'aide est effectué selon un modèle qui se base sur les coûts et les revenus pendant l'année calendaire précédant l'année de l'aide. La commune qui demande une aide d'exploitation doit remettre des informations et justificatifs pour permettre le traitement de la demande. Celle-ci doit parvenir à Trafikverket avant le 15 janvier de l'année où l'aide est versée. La commune ayant reçu une aide doit transmettre le rapport annuel de l'aéroport au plus tard le 1 er septembre.

S'agissant de la seconde catégorie d'aide, le règlement 1997 : 263 sur les plans relatifs aux infrastructures de transport régionales 45 ( * ) prévoit en son article 3 qu'un plan régional peut inclure des aides pour les aéroports non détenus par l'État considérés comme stratégiquement essentiels pour la région, dès lors que le droit communautaire en matière d'aides d'État est respecté. Les aides de cette catégorie sont distribuées par les autorités chargées de la mise en oeuvre des plans d'infrastructure régionaux (la préfecture ou la région), qui peuvent l'attribuer à d'autres mesures du plan prioritaires. Les aéroports ne disposent donc pas d'un droit à ce soutien, celui-ci est décidé en opportunité par les régions ou les préfectures. Un aéroport connaissant un trafic de plus de 200 000 passagers par an doit être qualifié par la commune comme fournissant un service d'intérêt économique général. Pour un aéroport ayant un trafic inférieur à 200 000 passagers par an, l'aide est accordée conformément au règlement européen d'exemption par catégorie. La demande doit être faite entre le 1 er janvier et le 31 octobre d'une année pour que Trafikverket puisse statuer et verser l'aide sur l'année en cours.

Depuis 2011, l'aide aux aéroports non étatiques est répartie ainsi : environ 63 millions de couronnes (5,9 millions d'euros) sont destinés aux aéroports dont le trafic relève d'une obligation de service public et environ 40 millions de couronnes (3,7 millions d'euros) sont distribués chaque année via les plans d'infrastructure régionaux.

4. Canada
a) Un mouvement historique de dérégulation

Les besoins particuliers des communautés isolées, notamment dans les provinces du Grand Nord (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut), dont la connexion avec le reste du pays, l'accès aux soins, l'approvisionnement tout au long de l'année et le développement économique dépendent étroitement de services de transport aérien, ont été reconnus dès les années 1960 par les autorités fédérales canadiennes. Néanmoins, le mouvement de dérégulation engagé dans les années 1980 avant de s'accélérer dans la décennie suivante a profondément modifié le cadre de la politique aérienne canadienne. 46 ( * )

Dès 1967, le législateur confiait la tutelle du secteur du transport aérien à l'État fédéral, qui était notamment propriétaire des aéroports. Les aéroports reculés incapables de s'autofinancer étaient soutenus par un fonds de consolidation, auquel s'est ajoutée en 1974 une taxe sur les services aériens pour assurer une couverture supplémentaire des déficits d'exploitation. La politique de connectivité et de désenclavement s'appuyait enfin sur Air Canada la compagnie nationale propriété de l'État, et des compagnies régionales, auxquelles étaient assignées des missions de service public.

Puis en 1988 s'amorça un programme de transfert des aéroports de l'État à d'autres opérateurs, tandis que se perpétuait le soutien financier public pour réduire les coûts d'exploitation et améliorer la sûreté des installations. Cette décentralisation s'accompagna d'une dérégulation de l'attribution des licences afin d'accroître la concurrence dans le secteur aérien sur le modèle américain. Toutefois, jusqu'à l'adoption en 1996 de la loi sur les transports encore en vigueur 47 ( * ) , une forme de régulation subsistait sur les dessertes du nord du Canada qui étaient considérées comme trop fragiles pour soutenir d'emblée ce choc concurrentiel. Outre des dispositions explicites d'encadrement pour préserver l'accès aux régions les plus reculées du Canada, l'État fédéral avait mis en place en 1988 un programme d'aides directes aux compagnies aériennes sur les lignes du nord, les compagnies bénéficiaires étant sélectionnées au terme d'un appel d'offres et d'un cahier des charges précisant leurs obligations. Le régime était alors proche de ce qui deviendra le modèle adopté dans l'Union européenne.

La rupture avec ce système est consommée en 1996 quand le législateur canadien fait le choix ferme de l'ouverture généralisée à la concurrence. Dans sa version actuelle, la politique nationale des transports vise l'instauration d' « un système de transport national compétitif et rentable qui respecte les plus hautes normes possibles de sûreté et de sécurité, qui favorise un environnement durable et qui utilise tous les modes de transport au mieux et au coût le plus bas possible ». Il n'est fait aucune mention d'un objectif de désenclavement, de continuité territoriale ou de cohésion nationale. Si le transport aérien, en particulier, veut contribuer « à la satisfaction des besoins de ses usagers et au bien-être des Canadiens » et à « la compétitivité et la croissance économique dans les régions rurales et urbaines partout au Canada », il faut reconnaître que « la concurrence et les forces du marché, au sein des divers modes de transport et entre eux, sont les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces ». 48 ( * ) La réglementation publique joue un rôle subsidiaire et proportionné lorsque le jeu des forces du marché ne permet pas d'atteindre certains résultats notamment environnementaux ou sociaux.

Les autorités provinciales se voient également transférer une partie des compétences, ainsi que la propriété de nouvelles installations, notamment de 8 aéroports arctiques. Certaines autorités ont pu ensuite faire le choix de privatiser certains aéroports trop lourds d'entretien.

Parallèlement est créée en 1996 NAV Canada. Juridiquement, il s'agit d'une société privée sans capital-actions et sans but lucratif qui trouve son financement par l'émission de titres de créance sur le marché. Son objet est de contrôler la sécurité du trafic aérien et de soutenir la planification des vols qui était auparavant une compétence du ministre fédéral des transports. La loi sur la navigation aérienne de 1996 a permis au ministère baptisé Transports Canada de céder à la société ces droits et compétence. 49 ( * ) La société fournit aux usagers les services de navigation aérienne civile octroyés auparavant par le ministère. NAV Canada ne représente pas Transports Canada et n'est pas son mandataire. La société est dirigée par un conseil d'administration comptant des représentants du gouvernement fédéral, des compagnies aériennes et des personnalités indépendantes.

Un chapitre en vigueur de la loi constituant NAV Canada et encadrant son activité est de surcroît consacré aux services aux régions nordiques ou éloignées. Il décrit essentiellement la procédure de suppression ou de réduction des services sur ces lignes aériennes sous l'égide de NAV Canada, qui a également repris les attributions en la matière du ministère fédéral des transports. Si NAV Canada considère qu'une réduction ou suppression du service est susceptible d'avoir des conséquences significatives pour un groupe important d'usagers ou de résidents, elle en informe à titre de préavis les organisations représentant les usagers et le gouvernement de chaque province concernée. 50 ( * ) Un rejet de la proposition de réduction ou suppression est possible soit par un gouvernement provincial, soit par des usagers représentant au moins un tiers des revenus perçus par NAV Canada au titre des services de navigation aérienne civile dans l'aérodrome. 51 ( * ) NAV Canada peut toutefois passer outre ce rejet avec l'agrément du ministre fédéral des transports. 52 ( * )

b) Des compagnies régionales, bras armés des communautés inuites et Premières Nations dans le Grand Nord

Dans la mesure où Air Canada, privatisée en 1989, assumait une position dominante, encore plus manifeste après le rachat de Canadian Airlines en 2000, le législateur avait entendu prémunir les communautés reculées ou situés dans le Grand Nord contre des ruptures ou des cessations unilatérales de service pour des questions de rentabilité exacerbées lors de l'ouverture à la concurrence. Pendant une période transitoire, l'opérateur dominant et ses filiales devaient poursuivre l'exploitation de ces dessertes, à moins qu'un autre opérateur n'entre sur le marché et fournisse ce service dans des conditions de coûts et de qualité similaires.

La période transitoire est achevée. Désormais les services aériens aux régions les plus éloignées ou la zone arctique sont entrés dans un régime de pleine concurrence où Air Canada et diverses compagnies aériennes régionales se disputent le marché. Il convient toutefois de remarquer que les compagnies régionales sont fortement soutenues par les communautés inuites et des Premières Nations indiennes ( First Nations ).

C'est le cas de la société Makivik qui gère les indemnités versées par le Québec à la population inuite (environ 13 000 personnes) du nord de la province aux termes de la Convention de la Baie James de 1975. Cette société d'investissement, qui doit promouvoir le développement économique et social du Nunavik, est dirigée par un conseil d'administration et un comité exécutif élus par la population. Elle possède les compagnies Air Inuit et surtout First Air. Air Inuit assure la desserte des aérodromes isolés du nord du Québec et les relie à Montréal et Québec Ville. First Air a une vocation beaucoup plus large, cette compagnie opérant autour de ses bases des aéroports d'Ottawa (Ontario), de Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) et d'Iqaluit (Nunavut) un vaste réseau reliant des capitales provinciales (Edmonton, Winnipeg, Montréal) et une trentaine d'aérodromes arctiques du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Air North et Canadian North, les deux autres opérateurs majeurs qui relient les trois provinces du nord aux principales villes et aux poumons économiques du pays, obéissent à un schéma analogue. Air North, qui relie Whitehorse et les autres aéroports du Yukon avec Vancouver, Calgary, Edmonton et Ottawa, est la propriété à 49 % de la Communauté Première Nation Vuntut Gwitchin, qui a réglé un conflit territorial avec les autorités canadiennes en 1995. De même, Canadian North, initialement une filiale de Canadian Airlines, a été rachetée par des communautés inuites et est désormais la propriété de l' Inuvialuit Development Corporation, une société d'investissement au bénéfice des populations inuites de l'Ouest canadien.

La multiplication des opérateurs aériens sur des marchés étroits n'étant pas viable, un mouvement de consolidation s'est amorcé. Le gouvernement fédéral canadien a autorisé le 19 juin 2019 la fusion entre First Air et Canadian North en l'encadrant de conditions strictes : pas d'augmentation des tarifs ni pour les passagers, ni pour le fret ; pas de réduction des horaires hebdomadaires sur l'ensemble combiné des dessertes du réseau fusionné ; fourniture de rapports financiers et comptables trimestriels au ministère fédéral des transports.

c) Un soutien aux aéroports

Le gouvernement fédéral canadien a mis en place divers instruments financiers pour soutenir les aéroports isolés ou mal desservis. Ainsi, depuis 1972, le Programme de subvention au fonctionnement et à l'entretien (PSFE) des aéroports géré par Transports Canada offre un soutien financier aux aéroports des zones reculées qui souffrent d'un déficit d'exploitation. Son financement est versé directement à l'exploitant quel que soit son statut et permet de couvrir divers frais, y compris le salaire et les avantages sociaux des employés, la location de terrains, des équipements et les couvertures assurantielles.

Conçu comme un moyen de sécuriser la liaison entre des aéroports isolés et le réseau national, le PSFE couvrait initialement 32 aéroports avant de se restreindre drastiquement. Sur la dernière période quinquennale de financement entre 2010 et 2015, seuls 7 puis 4 aéroports ont été aidés sur le PSFE pour des sommes comprises entre 50 000 et 1,1 million de dollars canadiens par aéroport par an, soit de 33 000 à 730 000 euros. Trois aéroports éloignés, propriétés de collectivités territoriales, et exploités par ces collectivités territoriales ont cessé de recevoir l'aide du PSFE en 2013, si bien que ne restaient financés en 2015 que 4 aéroports québécois, propriété de l'État, mais exploités par l'administration locale ou un organisme à but non lucratif. 53 ( * ) Autrement dit, seuls les aéroports appartenant à Transports Canada sont éligibles au PSFE depuis 2013.

En conclusion de son rapport d'évaluation de cette politique en 2016, Transports Canada estime que le PSFE a atteint ses objectifs, les aéroports étant demeurés ouverts à l'année et ayant conservé leur permis d'exploitation grâce à un niveau de sécurité suffisant. Il en est conclu que le PSFE continue de répondre à un réel besoin, à l'exception d'un aéroport bénéficiaire, et s'harmonise avec le cadre général de la politique fédérale des aéroports. 54 ( * ) Une suppression du PSFE n'entraînerait aucune économie pour le budget fédéral dans la mesure où les 4 aéroports éligibles devraient être exploités par leur propriétaire, l'État fédéral représenté par Transports Canada, soit en régie, soit par concession, pour des sommes équivalentes.

Bien qu'il ne soit pas ciblé sur les zones reculées ou arctiques, le programme d'aide aux immobilisations aéroportuaires (PAIA) offre un levier intéressant. Depuis 1995, il permet de financer les projets d'améliorations des aéroports régionaux. À ce titre, les aéroports dont est responsable Transports Canada n'y sont pas éligibles, si bien qu'il n'y a pas de chevauchement avec le PSFE. En sus de la qualité d'aéroport régional, il faut également offrir toute l'année un service de vols commerciaux pour au moins 1 000 passagers et au plus 525 000 passagers par an pour bénéficier du PAIA. 55 ( * )

Le PAIA est devenu un instrument significatif de soutien aux aéroports dont l'emplacement géographique et la taille pèsent sur la rentabilité. D'après Transports Canada, 904 projets dans 182 aéroports ont été aidés grâce au PAIA pour un montant de 786 millions de dollars canadiens, soit environ 525 millions d'euros depuis sa création. On peut citer comme projets récemment financés des réfections de pistes au Québec, au Nunavut, en Alberta et au Saskatchewan pour des montants compris entre 5 et 12 millions de dollars canadiens, soit entre 3,5 et 8 millions d'euros par opération.

Ce programme finance ainsi les projets liés à l'amélioration de la sécurité, à la protection des équipements aéroportuaires et des pistes et à la réduction des coûts d'exploitation. Les projets prioritaires sont les projets de remise en état d'installations et l'achat d'équipements de sauvetage, ainsi que l'achat d'équipements mobiles lourds et l'amélioration de la sécurité dans les aérogares. Les projets d'immobilisations tels que l'achat d'un terrain, la réalisation d'études de faisabilité ou l'agrandissement d'installations sans motif de sécurité ne sont, ne revanche, pas financés sur le PAIA.

Enfin, il existe un programme de soutien très ciblé, le programme de l'initiative d'adaptation des transports dans le nord, qui finance l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ses effets. Il s'agit d'accroître les connaissances scientifiques sur l'impact du changement climatique sur les réseaux de transport dans les zones arctiques, de développer des outils et des pratiques innovantes pour y répondre, et de former les populations du Grand Nord. Les fonds sont alloués dans la limite de 50 000 dollars canadiens par projet sur la période 2019-2021.

L'initiative des corridors de commerce et de transport au Canada

Bien qu'elle ne soit pas uniquement concentrée sur le transport aérien, ni sur le transport de passagers, il convient de mentionner un nouveau programme d'investissement massif du Canada dans le droit fil du plan stratégique pour les transports à horizon 2030. L'initiative des corridors de commerce et de transport a été adoptée en 2017 par le gouvernement fédéral afin d'améliorer la fiabilité des transports et l'efficacité des échanges en réduisant les goulets d'étranglement et en favorisant les flux de personnes et de marchandises ainsi que le renforcement des infrastructures commerciales du pays.

Le Fonds national des corridors de commerce (FNCC) auquel l'initiative s'adosse devrait investir 2 milliards de dollars canadiens, soit 1,3 milliard d'euros sur 11 ans. Au sein du fonds, 400 millions de dollars canadiens, soit 265 millions d'euros, ont été réservés à des investissements dans les infrastructures de transport au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.

Source : Transports Canada, Rapport annuel 2017.

5. Australie

Le gouvernement fédéral australien organise et finance un programme de soutien au transport aérien régional, le Regional Aviation Access Program (RAAP) 56 ( * ) , qui vise les dessertes aériennes des zones isolées qui ne sont pas commercialement viables mais qui sont essentielles au bien-être social et économique des communautés locales. Ce programme est subdivisé en trois composantes :

- le plan de subvention des services aérien reculés ( Remote Air Services Subsidy - RASS) ;

- le programme de modernisation des aérodromes reculés ( Remote Aerodrome Upgrades - RAU) ;

- le programme d'inspection des aérodromes reculés ( Remote Aerodrome Inspection - RAI).

Depuis 1983, le RASS permet de subventionner des lignes de service public régulières, typiquement un aller-retour hebdomadaire, qui permettent de desservir des communautés isolées et reculées. 85 % du territoire australien est considéré comme reculé. La ligne est indispensable tant pour la mobilité des personnes que pour l'approvisionnement matériel. En 2018, 257 communautés locales étaient concernées, allant d'un élevage de bétail familial avec 6 personnes jusqu'à des tribus aborigènes de quelques centaines de personnes.

La sélection des communautés est le fruit soit d'une stratégie du gouvernement fédéral qui cible des récipiendaires comme certaines tribus aborigènes par exemple, soit d'un processus de sélection sur candidature spontanée des communautés. Une fois une communauté déclarée éligible en raison de son isolement et de son besoin de ravitaillement hebdomadaire, le ministère des transports doit produire une estimation du coût et des moyens financiers mobilisables et une compagnie aérienne doit accepter de desservir l'aérodrome de la communauté en accord avec les régulations de sécurité de l'aviation civile. Les subventions remboursent les surcoûts d'exploitation de l'opérateur aérien auquel elles sont directement versées.

Le budget global qui leur est consacré est de 14 millions AUD, soit environ 8,5 millions d'euros. Il s'agit d'une enveloppe maximale, qui limite aussi le nombre de communautés bénéficiaires.

Sur la période 2015-2019, le gouvernement fédéral australien a également mobilisé 33,7 millions AUD, soit environ 20,7 millions d'euros pour financer la modernisation des aérodromes utilisés par les communautés aborigènes isolées, que cela soit pour du trafic de passagers ou de biens et services, comme l'aide du service médical mobile ( Royal Flying Doctor Service ). Les travaux doivent viser à améliorer la sécurité, accroître la résilience aux conditions météorologiques difficiles ou rendre possibles les opérations de nuit. Le principe demeure le cofinancement, le gouvernement fédéral prenant à sa charge 30 à 50 % des coûts, le reste étant financé en général par les États fédérés ou les entités publiques particulières gérant le territoire d'une communauté. Le bénéficiaire du financement ou l'agence de l'État fédéré qui agit en son nom doit faire la preuve de sa capacité technique à assurer la maîtrise d'ouvrage des projets envisagés ; à défaut, le ministère fédéral des infrastructures peut désigner un directeur de projet.

Le programme d'inspection vise à aider les communautés aborigènes à remplir les obligations de sécurité qui s'imposent aux aérodromes isolés qu'elles gèrent. Il ne s'agit pas de financer des travaux de remédiation ou de correction, ni de couvrir des charges d'exploitation de l'aérodrome. Outre les services d'inspection technique, des formations de personnel et du conseil sur mesure peuvent être offerts. Le ministre des infrastructures a approuvé le soutien en matière d'inspection technique auprès de 59 communautés du nord de l'Australie.

6. Colombie

La Colombie, à l'instar d'autres pays d'Amérique du Sud comme la Bolivie ou l'Équateur, a choisi de mobiliser une compagnie aérienne à capitaux publics pour assurer la connectivité de ses régions les plus isolées, notamment montagneuses, en opérant des routes non rentables. La compagnie aérienne Satena ( Servicio Aéreo a Territorios Nacionales ) fonctionne comme un instrument d'intégration régionale du pays reliant les régions éloignées du pays à l'économie et à la vie nationale par le biais du transport aérien.

Créée en 1962 et constituée d'abord comme établissement public sous l'égide des Forces armées colombiennes 57 ( * ) , la Satena est une société d'économie mixte depuis 2010. 58 ( * ) Instituée par la loi comme une société anonyme par actions dont l'État conserve au moins 51 % du capital, elle développe une activité à caractère industriel et commercial. À ce titre, elle est soumise aux règles communes du droit privé et du droit du travail en tant qu'elle participe au marché du transport aérien dans les mêmes conditions que ces concurrents.

Il convient de noter une particularité : les avions de la compagnie conservent la qualité d'avions militaires et demeurent soumis à la réglementation aérienne propre à ce type d'appareils. Toutefois, en matière de responsabilité contractuelle et extracontractuelle, le droit commun s'applique.

Si la Satena assure le service de transport aérien de marchandises et de passagers dans les régions les moins développées du pays en situation de quasi-monopole sur environ 50 trajets protégés, elle offre aussi ses services sur des lignes commerciales rentables où elle se trouve en concurrence avec d'autres compagnies aériennes privées. Les financements croisés sont autorisés et elle couvre ses charges d'exploitation sur les dessertes de service public grâce aux profits réalisés sur les lignes commerciales et aux subventions publiques.

Par ailleurs, l'agence du transport aérien rattachée au ministère des transports 59 ( * ) ( Aeronáutica Civil de Colombia ) a défini en 2018 à partir d'une conférence sectorielle les axes d'évolution de sa politique.

Son plan stratégique pour le secteur aérien à horizon 2030 identifie principalement deux objectifs :

- l'élaboration d'une politique post-conflit armé, avec la promotion du tourisme et le renforcement de la connectivité des territoires isolés ou enclavés par le biais de systèmes souples dont les aérotaxis ;

- la stimulation de la création de compagnies aériennes à bas coût et la mise en place de mécanismes de réduction tarifaire afin que le transport aérien soit accessible à toute la population. 60 ( * )

Sans renoncer à consacrer une compagnie nationale publique au désenclavement aérien, la Colombie tente de stimuler l'offre d'opérateurs privés. En outre, l'autorité aéronautique colombienne, par la décision du 31 janvier 2019 61 ( * ) a validé et pérennisé les services aériens commerciaux de transport public non régulier de passagers ( aerotaxi ). Ce type de service n'est pas soumis aux modalités de fréquence, de conditions de service et de créneaux fixes annoncés au public des lignes régulières. Les compagnies d'aérotaxis sont autorisées à exercer leurs activités à la condition que les itinéraires proposés ne soient pas exploités au préalable par une compagnie de transport régulier. Bien qu'une situation d'isolement et d'enclavement persiste dans certaines régions, la faculté octroyée de fournir un service de manière non régulière sur 26 trajets non conventionnels a permis de renforcer la connectivité.


* 1 Pour donner un repère, la Calabre a une superficie légèrement plus grande que l'Île de France, deux fois plus petite que la Normandie et compte moins de 2 millions d'habitants.

* 2 Rome Fiumicino est le plus grand aéroport d'Italie et le hub international d'Alitalia. Milan Linate est le deuxième aéroport de la capitale économique du pays. Pendant sa fermeture temporaire au deuxième semestre 2019, les lignes de service public sont réaffectées vers Malpensa, le plus grand aéroport de Milan mais très éloigné de la ville.

* 3 Corte Costituzionale, sentenza n. 222/2005 du 8 juin 2005.

* 4 Art. 698, codice della navigazione. Rédaction issue du D.L. n. 151 du 15 mars 2006 (art. 5).

* 5 Decreto P.R. n. 201 du 15 septembre 2015. Les aéroports qui ne présentaient pas d'intérêt national avaient déjà été transférés au domaine public régional par le décret législatif n. 85/2010 du 28 mai 2010 (art. 5). Les aéroports identifiés a posteriori comme d'intérêt régional qui appartenaient encore au domaine de l'État ont été également transférés aux régions par une clause-balai du décret de 2015 (art. 11).

* 6 Les dix bassins sont : le Nord-Ouest (Piémont-Lombardie), le Nord-Est (Vénétie, Frioul, Trentin), le Centre-Nord (Émilie-Romagne, Toscane, Marches), le Centre (Latium, Ombrie, Abruzzes), la Campanie (autour de Naples), l'Adriatique (Pouilles), la Calabre, la Sicile orientale, la Sicile occidentale et la Sardaigne.

* 7 Rome Fiumicino, Milan Malpensa et Venise.

* 8 DPR 201/2015, art. 4.

* 9 DPR 201/2015, art. 7.

* 10 DPR 201/2015, art. 13. Il n'existe pas d'aéroport d'intérêt national dans le Val d'Aoste, le Trentin-Haut-Adige, le Molise et la Basilicate, plutôt des régions montagneuses et rurales à l'habitat peu nombreux et dispersé.

* 11 Art. 37, al. 2, a), decreto legge n.201/2011.

* 12 Directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires.

* 13 Cette disposition a été transposée en droit italien par l'article 75 du décret-loi n.1/2012.

* 14 Art. 13, al. 14 & 15 du décret-loi n.145/2013 du 23 décembre 2013.

* 15 La CJUE a tranché notamment plusieurs litiges concernant l'aéroport de Charleroi soutenu par des aides publiques pour attirer la compagnie à bas coût Ryanair. Après la publication des lignes directrices, ce corpus s'est encore étoffé de deux décisions importantes. En 2017, elle a accepté de faire valoir le droit du travail belge au profit des salariés de Ryanair qui y travaillaient. Après plusieurs contentieux sur les aides régionales, elle a finalement validé en 2018 la décision de la Commission européenne qui après enquête avait considéré comme trop basses les redevances de concession accordées par la Belgique via la Région wallonne à l'exploitant de l'aéroport, ce qui constituait une forme d'aide d'État illégale depuis 2014. La Commission avait demandé à la Belgique de rehausser de 3 à 15 millions la redevance de concession et de récupérer les sommes antérieures non perçues. La Cour a suivi son diagnostic. Cf. CJUE, affaire T-818/14, Aéroport de Bruxelles Sud - Charleroi, 25 janvier 2018.

* 16 Art. 6, Linee guida inerenti le incentivazioni per l'avviamento e lo sviluppo du rotte aeree di vettori, Ministro delle Infrastructure e dei Trasporti, 11 août 2016.

* 17 L'île d'Elbe est reliée par continuité territoriale aux trois aéroports de Pise, Florence et Milan Linate, Pantelleria aux trois aéroports de Trapani, Catane et Palerme, Lampedusa uniquement à Palerme et Catane.

* 18 Règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, puis Règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté.

* 19 Art. 36 al. 1, Loi n. 144/1999 du 17 mai 1999, Misure in materia di investimenti, delega al Governo per il rioridno degli incentivi all'occupazione, nonchè dispozioni per il riordino degli enti previdneziali. On peut remarquer que ce véhicule législatif n'est pas un texte sur les transports mais davantage un texte portant diverses dispositions en matière sociale.

* 20 Art. 36 al. 3, Loi n. 144/1999.

* 21 La tentative en 2015 d'étendre la continuité territoriale pour soutenir les lignes vers Bologne, Florence, Turin, Naples et Vérone n'a pas eu de suite après que la Commission européenne a estimé qu'il s'agissait d'un contournement des règles communautaires.

* 22 Art. 1 er , al. 837 & 840, Loi n. 296/2006 du 27 décembre 2006.

* 23 30 millions d'euros par la loi n°9 du 22 janvier 2016 et 90 millions d'euros par la délibération du comité interministériel de programmation économique n°54 du 1 er décembre 2016.

* 24 Décret n. 367 du 8 août 2018, MIT, Imposizione di oneri di servizio pubblico - Sardegna.

* 25 Décret du ministre des infrastructures et des transports du 11 avril 2019 modifiant le décret du 8 août 2018.

* 26 En général, il s'agit de dispositions introduites en loi de finances qui autorisent l'extension du dispositif législatif de continuité territoriale pour la Sardaigne datant de 1999, le premier en date, aux dessertes nationales de certains aéroports périphériques : Albenga, Aoste, Bolzano, Cuneo, Tarente, Trapani, Crotone (art. 82, loi n. 289/2002), Reggio Calabria et Foggia (art. 206, loi n. 350/2003).

* 27 Les Canaries sont des régions ultrapériphériques de l'Union européenne.

* 28 On considère que cela représente environ 70 dessertes aériennes différentes. Pour la ville de Ceuta, la réduction porte uniquement sur les liaisons avec les aéroports andalous de Malaga, Jerez ou Séville, d'après le ministère du développement économique.

* 29 Disposition additionnelle 147, Ley 6/2018, de Presupuestos Generales del Estado para el año 2018, du 3 juillet 2018.

* 30 Décret Royal 1621/2005 du 30 décembre 2005 por el que se aprueba el Reglamento de la Ley 40/2003 de Protección a las Familias Numerosas.

* 31 Une analyse économique d'efficacité demanderait cependant de considérer le coût par passager qui ne nous est pas connu.

* 32 Art. 103, Ley 66/1997 de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social, du 30 décembre 1997.

* 33 Art. 95, al. 1 & 2, Ley 2/2011 de Economía sostenible, du 4 mars 2011.

* 34 Il s'agit d'une structure de concertation interministérielle sous la présidence du ministre de l'économie, secondé par le ministre du budget.

* 35 Art. 95, al. 3, Ley 2/2011 de Economía sostenible, du 4 mars 2011.

* 36 Accord du Conseil des ministres du 23 février 2018.

* 37 Décision 2913/2018 du 27 février 2018 de la Direction générale de l'Aviation civile espagnole.

* 38 https://www.trafikverket.se/contentassets/a63eef605b3644caad0758ca6dbb346a/rapport_nationell_behovsanalys_160121.pdf

* 39 L'autorité des transports s'appelait alors Rikstrafiken, elle a été englobée dans Trafikverket en 2011

* 40 Pour être parfaitement exact, une liaison de service public n'avait pas été reconduite dès 2008.

* 41 https://www.trafikverket.se/contentassets/9c2ecf747db449a583f18e9230961a6c/flygutredning-2019-2023-remissversion-20171011.pdf

* 42 Une commune d'environ 8 500 habitants de la Laponie suédoise.

* 43 https://www.riksdagen.se/sv/dokument-lagar/dokument/svensk-forfattningssamling/forordning-20061577-om-statsbidrag-for-icke_sfs-2006-1577

* 44 http://webapp.trafikverket.se/TRVFS/pdf/2018nr001.pdf

* 45 https://www.riksdagen.se/sv/dokument-lagar/dokument/svensk-forfattningssamling/forordning-1997263-om-lansplaner-for-regional_sfs-1997-263

* 46 R. de Neufville & A. Costa, « Air Accessibility in Northern Canada: Prospects and Lessons for Remoter Communities”, ResearchGate, janvier 2011.

* 47 Loi sur les transports au Canada, (L.C. 1996, ch. 10), dernière modification le 3 avril 2019.

* 48 Art. 5, Déclaration, Loi sur les transports, 1996.

* 49 Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, L.C. 1996, ch. 20.

* 50 Art. 18, Loi fédérale sur la navigation aérienne, 1996.

* 51 Art. 19, Ibid.

* 52 Art. 20, Ibid.

* 53 Transports Canada, Évaluation du programme de subvention au fonctionnement et à l'entretien des aéroports, juillet 2016, p. 2.

* 54 Transports Canada, op. cit., p. 8.

* 55 La condition plancher de 1 000 passagers à l'année ne s'applique pas aux 13 aéroports identifiés éloignés en annexe de la politique nationale des aéroports (8 au Québec, 2 au Manitoba, 1 en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique).

* 56 Australian Government, Departement of Infrastructure and Regional Development, Regional Aviation Access Program - Consolidated Program Guidelines, Juillet 2015.

* 57 Décret n° 940 du 12 avril 1962. La Satena est transformée rapidement en établissement public sous tutelle du ministre de la défense par la loi colombienne n° 80 du 12 décembre 1968. Ces agents bénéficiaient d'un statut spécial exorbitant du droit du travail commun. Son organisation interne demeure largement déterminée

* 58 Art. 1 & 5, Ley 1427 por la cual se modifica la naturaleza juri'dica de la empresa Servicio Ae'reo a Territorios Nacionales (Satena) du 29 décembre 2010 .

* 59 Décret 260 du 28 janvier 2004 du Président de la République de Colombie.

* 60 Aeronáutica Civil, Foro sector aéreo 2030 Hacia dónde debe ir la aviación en Colombia? retos y líneas de Acción, Bogotá, 9-10 avril 2018.

* 61 Decisión por la cual se adoptan medidas tendientes a facilitar la conectividad aérea en el país, du 31 janvier 2019.

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