NOTE DE SYNTHESE
Afin
d'apprécier la portée de la proposition de loi française
tendant à créer un contrat d'union civile et sociale, il a
semblé utile d'analyser les législations - ou propositions -
correspondantes, adoptées, discutées ou sur le point de
l'être, tant chez nos voisins européens qu'aux
Etats
-
Unis
.
Pour cela, on s'est efforcé de rechercher, d'une part, les pays qui
admettent d'autres formes d'union légale que le mariage, et, d'autre
part, ceux qui accordent un statut juridique à part entière aux
couples d'homosexuels. En revanche, le régime juridique du concubinage
n'a pas été analysé.
Les pays européens suivants ont été retenus : la
Belgique
, le
Danemark
, l'
Espagne
, la
Finlande
,
l'
Islande
, la
Norvège
, les
Pays
-
Bas,
le
Portugal
et la
Suède
. En effet, dans tous ces pays, le
Parlement a été saisi de cette question au cours des dix
dernières années.
L'analyse des législations en vigueur ou en préparation fait
apparaître que :
- à l'image du Danemark, tous les pays scandinaves sauf la Finlande
ont adopté des lois permettant à deux personnes du même
sexe de faire enregistrer et reconnaître leur union ;
- le Parlement néerlandais vient de voter un texte autorisant non
seulement les couples homosexuels, mais aussi les couples
hétérosexuels qui ne souhaitent pas se marier, à faire
enregistrer leur union ;
- l'Espagne et le Portugal ont récemment repoussé des
propositions tendant à accorder une reconnaissance juridique assez
poussée aux unions de fait ;
- aux Etats-Unis, la controverse juridique sur le mariage entre homosexuels,
qui a commencé à se développer à Hawaï au
début des années 1990, a eu des conséquences dans tout le
pays ;
- le Parlement belge doit discuter à l'automne une proposition de loi
selon laquelle le mariage ne constitue qu'une des possibilités d'union
légale.
1) Tous les pays scandinaves sauf la Finlande permettent à deux personnes du même sexe de faire enregistrer leur union.
En 1989,
le Danemark fut le premier pays à adopter, à l'initiative du
Parlement, une loi permettant à deux personnes du même sexe de
faire enregistrer leur union. Suivant l'exemple danois, tous les autres pays
scandinaves à l'exception de la Finlande ont adopté une
législation comparable. La Norvège l'a fait en avril 1993, la
Suède en juin 1994 et l'Islande en juin 1996. En Finlande, une
proposition de loi a été déposée en mai 1996, mais
le Parlement l'a rejetée en septembre 1997.
Toutes les lois scandinaves sont similaires : elles posent le
principe
général de l'identité de l'" union
enregistrée " et du
mariage
, tant pour ce qui concerne
les conditions que les effets.
Les droits et devoirs des personnes qui ont fait enregistrer leur union sont
donc les mêmes que ceux des époux à quelques exceptions
près : l'
adoption
conjointe
et la
procréation
médicalement assistée
leur sont toujours refusées. De
même, l'
autorité parentale conjointe
ne peut leur
être accordée ni au Danemark ni en Suède. En revanche, la
loi islandaise et la loi norvégienne n'excluent pas que deux personnes
qui ont fait enregistrer leur union puissent partager l'autorité
parentale.
Chacune de ces lois s'applique exclusivement aux couples dont au moins un
membre réside dans le pays et en possède la
nationalité.
2) La récente loi néerlandaise, comparable aux lois scandinaves, ne concerne pas seulement les couples homosexuels.
Au
début du mois de juillet 1997, le Parlement néerlandais a
adopté un
projet de loi du ministre de la
Justice
qui
permet aux
couples homosexuels
, qui ne peuvent pas se marier, ainsi
qu'aux
couples hétérosexuels
qui ne le veulent pas, de
faire enregistrer leur union.
La loi, qui entrera en vigueur le 1
er
janvier 1998, leur
confère à peu près les mêmes droits qu'aux couples
mariés, à l'exception de l'adoption conjointe et du partage de
l'autorité parentale. Cependant, un couple hétérosexuel
qui fera enregistrer son union pourra adopter un enfant. De même, il lui
sera possible d'obtenir l'autorité parentale conjointe en le demandant
au tribunal.
Contrairement aux lois scandinaves, la loi néerlandaise ne comporte
aucune condition de nationalité.
3) Les propositions de loi que les Parlements espagnol et portugais viennent de repousser tendaient à reconnaître aux couples de concubins, hétérosexuels ou homosexuels, à peu près les mêmes droits qu'aux couples mariés.
Le
Congrès des députés espagnol a rejeté le
29 avril 1997 à une très courte majorité (163 contre
161) deux propositions de loi assimilant les couples de concubins aux couples
mariés dans tous les domaines : fiscal, successoral, social...
L'Assemblée de la République portugaise a également
repoussé deux propositions de loi similaires le 25 juin 1997.
Dans les deux cas, les propositions ne tendaient pas à créer une
nouvelle forme d'union légale. Elles visaient seulement à
reconnaître les
unions de fait
, mais elles s'appliquaient aussi
bien aux couples
hétérosexuels
qu'
homosexuels
.
Dans ces deux pays, le débat n'est pas clos. En effet, le Congrès
des députés espagnol a chargé une sous-commission
d'étudier la situation juridique des couples non mariés. Quant au
Parlement portugais, il doit discuter à l'automne une proposition de loi
du groupe socialiste qui donnerait aux couples non mariés, stables et
enregistrés auprès des centres régionaux de
sécurité sociale, les mêmes droits qu'aux couples
mariés dans un certain nombre de domaines. Si elle recevait l'appui de
l'extrême-gauche, cette proposition pourrait être
adoptée.
4) Aux Etats-Unis, la controverse sur le mariage entre homosexuels qui a commencé à se développer à Hawaï au début des années 90 s'est traduite par un amendement à la loi fédérale sur le mariage et par des évolutions législatives dans plusieurs Etats.
Aux Etats-Unis, le droit du mariage ne relève pas de la compétence de la Fédération mais de celle des Etats. Aucun d'eux ne reconnaît d'autre forme d'union légale que le mariage entre deux personnes de sexe différent. Cependant, la Cour suprême de Hawaï devrait, au cours des prochaines semaines, se prononcer de façon définitive pour le mariage entre homosexuels. Dans l'attente de cette décision, et pour faire échec à la clause constitutionnelle selon laquelle les contrats valablement passés dans un Etat doivent être reconnus dans les autres Etats, la loi fédérale sur la défense du mariage, votée pendant l'été 1996, permet à un Etat de ne pas reconnaître la loi d'un autre Etat qui autoriserait les mariages entre homosexuels. Parallèlement, une vingtaine d'Etats ont modifié leur législation sur le mariage pour affirmer que ce dernier ne pouvait être célébré qu'entre des personnes de sexe différent.
5) La proposition que le Parlement belge doit examiner à l'automne prévoit l'introduction du contrat d'union civile et la légalisation des conventions de cohabitation.
Cette
proposition tend à offrir aux couples quatre possibilités :
le mariage (réservé aux couples hétérosexuels),
l'union civile, la " cohabitation conventionnelle " et la
cohabitation non conventionnelle.
Elle prévoit que la cohabitation non conventionnelle continue
d'être régie par la jurisprudence en cas de litige. En revanche,
elle vise à légaliser les conventions de cohabitation et à
empêcher qu'elles ne soient contestées. Elle vise également
à introduire une nouvelle forme d'union : l'union civile, qu'elle
ne définit que partiellement. En effet, en matière successorale,
la proposition de loi assimile au mariage l'union civile qui a duré au
moins deux ans, et elle prévoit d'autre part que l'union civile puisse,
comme le mariage, créer une communauté de biens réduite
aux acquêts. La proposition n'évoque ni les conséquences
sociales, ni les conséquences fiscales de l'union civile, laissant au
législateur le soin de régler ultérieurement cette
question.