Étude de législation comparée n° 253 - février 2015

Étude au Format PDF (448 Koctets)


Janvier 2015

NOTE

sur

Les sanctions applicables à la discrimination à raison de la pauvreté

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Afrique du Sud - Belgique - Bolivie - Équateur

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Cette note a été réalisée à la demande de Monsieur Yannick VAUGRENARD, Sénateur de la Loire-Atlantique

AVERTISSEMENT

Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

SYNTHÈSE

Cette note concerne les sanctions applicables à la discrimination à raison de la pauvreté. Complétant l'étude de législation comparée n° 251 sur cette forme de discrimination publiée en décembre 2014, elle y apporte des indications complémentaires concernant les législations d'Afrique du Sud, de Belgique, de Bolivie et d'Équateur.

Après des remarques de portée méthodologique, elle présente la synthèse des observations tirées de l'analyse comparée des exemples présentés dans les monographies qui figurent in fine .

• Remarques de portée méthodologique

Les informations qui figurent ci-après ne prétendent pas avoir un caractère exhaustif. En effet, la recherche a permis de mettre à jour trois régimes de sanctions pénales applicables dans trois des quatre pays étudiés dans l'étude de législation comparée n° 251 qui ont, d'une façon ou d'une autre, prohibé cette forme de discrimination : la Belgique, la Bolivie et l'Équateur. L'Afrique du Sud fait figure de cas sui generis puisqu'elle a institué des tribunaux ad hoc .

Ces exemples méritent d'être signalés même s'ils ne reflètent vraisemblablement qu'une partie du droit positif. Rien n'indique en effet que ces sanctions soient les seules à être appliquées, pour au moins deux raisons.

La première tient à ce qu'il est possible que le juge tire d'une interdiction générale de toute discrimination, elle-même sanctionnée pénalement, la conséquence qu'il doit aussi sanctionner pénalement une discrimination à raison de la pauvreté. Seule une recherche de la jurisprudence pertinente dans les autres pays mentionnés par l'étude n° 251 permettrait de préciser ce point.

La seconde raison, résulte du fait qu'à côté des sanctions pénales pourraient exister d'autres sanctions telles que des sanctions civiles (par exemple, nullité de contrats) ou disciplinaires (figurant dans un règlement intérieur, notamment).

Cette note présente donc de façon nécessairement partielle une matière bien plus ample que les seuls exemples auxquels elle se réfère, ce qui n'ôte rien à l'intérêt que ces exemples revêtent par eux-mêmes. L'essentiel est d'éviter toute simplification, tout raccourci qui opposerait des régimes en apparence « hyper répressifs » à des systèmes qui sembleraient absolument dépourvus de sanctions.

• Synthèse des observations tirées de l'analyse comparée

Trois des quatre régimes étudiés instituent un régime général de sanction pénale de la discrimination à raison de la pauvreté ou de ses équivalents, assorti de circonstances aggravantes.

La sanction encourue consiste en :

- un emprisonnement d'un mois à un an et une amende de 50 000 euros (Belgique) ;

- un emprisonnement d'un à trois ans (Équateur)

- et un emprisonnement d'un à cinq ans (Bolivie).

Constituent des circonstances aggravantes le fait que l'auteur de la discrimination est :

- un agent public agissant dans l'exercice de ses fonctions, l'emprisonnement pouvant être porté de deux mois à deux ans (Belgique) ;

- un fonctionnaire et assimilé, qui encourt une peine de trois à cinq ans (Équateur) ;

- un fonctionnaire et assimilé ou une personne privée agissant dans le cadre d'un service public, dont la peine peut être majorée d'un tiers à un cinquième (Bolivie).

La violence constitue de surcroît une circonstance aggravante en Bolivie où elle entraîne une majoration de la peine comprise entre un tiers et un cinquième de celle-ci.

Le système en vigueur en Afrique du Sud revêt un caractère spécifique, qui ne semble pas revêtir un caractère proprement pénal , comparé aux trois précédents puisque le tribunal peut ordonner diverses mesures, telles que :

- le paiement de dommages pour réparer la perte financière ou de dignité, la peine et la souffrance, ou encore la souffrance émotionnelle et psychologique ;

- la présentation d`excuses « inconditionnelles » ;

- la restriction de pratiques favorisant la discrimination injuste ;

- ou encore des mesures spécifiques telles que l'octroi au plaignant d'avantages et de droits ( privileges ) lui ayant injustement été refusés.

MONOGRAPHIES PAR PAYS
AFRIQUE DU SUD

Le chapitre IV de la loi sur la promotion de l'égalité et la prévention de toute discrimination injuste de 2000 prévoit la création de tribunaux spécialisés dans la lutte contre les discriminations, les discours haineux et le harcèlement, les Equality Courts .

Toute personne agissant en son propre intérêt ou pour le compte d'une tierce personne ne pouvant agir en son propre nom, en qualité de membre ou pour les intérêts d'un groupe ou d'une catégorie de personnes, au nom de l'intérêt public, toute association agissant pour les intérêts de ses membres, la commission sud-africaine des droits de l'Homme ou la commission pour l'Égalité des genres sont fondées à engager une procédure devant une cour pour l'égalité.

Lorsqu'il est saisi, le tribunal doit ordonner une enquête afin de déterminer si l'accusation de discrimination, de discours haineux ou de harcèlement est avérée. La cour rend ensuite une décision, et peut ordonner des mesures telles que le paiement de dommages pour réparer la perte financière ou de dignité, la peine et la souffrance, ou encore la souffrance émotionnelle et psychologique, la présentation d`excuses « inconditionnelles », la restriction de pratiques favorisant la discrimination injuste ou la mise en place de mesures spécifiques, ou encore l'octroi au plaignant d'avantages et de droits ( privileges ) lui ayant injustement été refusés.

Les décisions sont susceptibles d'appel devant la Haute Cour ou la Cour suprême d'appel.

BELGIQUE

Sauf à être justifiée par un but légitime et des moyens appropriés et nécessaires, toute distinction directe ou indirecte fondée sur l'un des critères visés à l'article 3 de la loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination du 10 mai 2007 constitue une discrimination directe ou indirecte.

En cas de discrimination, la victime peut réclamer une indemnisation du préjudice qu'elle a subi (article 18). Le juge peut également condamner au paiement d'une astreinte l'auteur de la discrimination si celle-ci se poursuit. Enfin, le juge peut ordonner la cessation d'un acte qui serait contraire aux dispositions de la loi de 2007.

Aux termes du titre IV, toute discrimination intentionnelle, directe ou indirecte, toute injonction de discriminer ou tout harcèlement fondé sur l'un des motifs prohibés peut être pénalement sanctionné :

- d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante à mille euros, quiconque incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe en raison de l'un des motifs visés à l'article 3 1 ( * ) (article 22) ;

- d'un emprisonnement de deux mois à deux ans pour tout agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, commet une discrimination, à l'égard d'une personne ou d'un groupe, fondée sur l'un de ces motifs (article 23) ;

- et d'un emprisonnement d'un mois à un an et/ou d'une amende de cinquante à mille euros les personnes ne se conformant pas à un jugement ou un arrêt rendu à la suite d'une action en cessation (article 24).

La loi précitée insère également plusieurs articles dans le Code pénal belge visant à qualifier de circonstance aggravante la commission d'un délit dont le mobile est l'un des critères de discrimination illicite mentionnés à son article 3. Dans ce cas, le minimum des peines prévues peut être doublé s'il s'agit de peines correctionnelles et augmenté de deux ans en cas de réclusion.

BOLIVIE

Les articles 281 ter et quater du Code pénal de Bolivie sanctionnent toute personne qui s'oppose, restreint, diminue, empêche ou annule l'exercice des droits individuels au titre de la condition socioéconomique ou sociale, et de l'apparence physique ou vestimentaire.

Ce délit, de même que celui d'incitation à le commettre, est puni d'une peine privative de liberté de 1 à 5 ans dans le cas général. La peine est majorée d'au moins un tiers et d'au plus un cinquième lorsque le fait survient :

- par un fonctionnaires et assimilé ;

- par une personne privée dans le cadre d'un service public ;

- par violence.

Dans le cas où le délit d'incitation est commis par un professionnel du secteur des médias ou par le propriétaire d'un média, celui-ci ne peut invoquer aucune immunité de ce fait.

ÉQUATEUR

L'article 176 du Code pénal de l'Équateur institue un « délit de discrimination » afin de sanctionner notamment toute personne qui, hormis le cas de discrimination positive, propage, pratique, ou incite à toute distinction, restriction, exclusion ou préférence, notamment à raison de la condition socioéconomique.

Ce délit est puni :

- d'une peine privative de liberté de 1 à 3 ans dans le cas général ;

- et d'une peine de 3 à 5 ans s'il est commis par des fonctionnaires et assimilés.

ANNEXE : DOCUMENTS UTILISÉS

AFRIQUE DU SUD

• Texte législatif

Promotion of Equality and Prevention of Unfair Discrimination Act, 2000

loi sur la promotion de l'égalité et la prévention de toute discrimination injuste de 2000

BELGIQUE

• Textes législatifs

Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination modifiée

Code pénal

BOLIVIE

• Texte législatif

Código penal

code pénal

ÉQUATEUR

• Texte législatif

Código orgánico integral penal

code pénal


* 1 L'article 444 du Code pénal est applicable lorsque ces incitations se déroulent :

- soit dans des réunions ou lieux publics ;

- soit en présence de plusieurs individus, dans un lieu non public, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s'y assembler ou de le fréquenter ;

- soit dans un lieu quelconque, en présence de la personne offensée et devant témoins ;

- soit par des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public ;

- soit par des écrits non rendus publics, mais adressés ou communiqués à plusieurs personnes.

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