SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Septembre 2008)

BELGIQUE

L'arrêté royal du 23 décembre 2002 relatif au prélèvement, à la conservation, à l'importation, au transport, à la distribution, à la délivrance de tissus d'origine humaine ainsi qu'aux banques de tissus d'origine humaine, qui encadrait l'activité des banques de sang placentaire, a été suspendu par le Conseil d'État dès le 24 février 2003, puis annulé deux ans plus tard sur la requête d'une société privée de stockage de cellules souches. Cet arrêté interdisait les banques privées et le stockage en vue d'une utilisation personnelle future.

Les banques publiques de sang placentaire continuent à fonctionner dans le cadre fixé par cet arrêté, tandis qu'une banque privée a profité du vide juridique pour s'implanter en Belgique.

Afin de clarifier la situation, le ministre de la santé a présenté le 25 avril 2008 en conseil des ministres le projet de loi sur l'obtention et l'utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications humaines ou à des fins de recherche scientifique. Ce texte autorise les établissements privés, à condition qu'ils soient rattachés à une banque publique , nécessairement exploitée par un hôpital ou par une faculté de médecine, et subordonne à des conditions très strictes la conservation du sang placentaire à des fins personnelles. Il a servi de base à la rédaction d'une proposition de loi qui a été déposée au Sénat le 24 juin 2008, adoptée le 18 juillet et transmise à la Chambre des représentants en vue de son adoption définitive.

1) Le statut du sang placentaire


• La situation actuelle

Dans l' avis relatif aux banques de sang de cordon ombilical qu'il a rendu le 16 avril 2007 , le Comité consultatif de bioéthique souligne que le statut du sang placentaire est incertain : « Le sang de cordon ombilical [...] ainsi que ses cellules souches [...] n'ont pas de statut juridique clairement défini en droit belge. » Il ajoute : « Le flou juridique concernant le statut du sang du cordon ombilical devient préoccupant, son recueil, sa conservation et son utilisation étant dès lors susceptibles de donner lieu à toutes les dérives . »

L'arrêté royal du 23 décembre 2002 relatif au prélèvement, à la conservation, à l'importation, au transport, à la distribution, à la délivrance de tissus d'origine humaine ainsi qu'aux banques de tissus d'origine humaine considérait le sang placentaire comme un tissu .

Toutefois, cet arrêté ayant été annulé par le Conseil d'État le 24 février 2005 après avoir été suspendu le 24 février 2003, c'est l'arrêté royal du 15 avril 1988 relatif aux banques de tissus et du prélèvement, à la conservation, à la préparation, à l'importation, au transport, à la distribution et à la délivrance de tissus qui est à nouveau en vigueur. Cet arrêté, qui a été pris pour l'application de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes, n'évoque pas les cellules souches.


• La proposition de loi adoptée par le Sénat le 18 juillet 2008

Elle conserve au sang placentaire la qualification de tissu , puisqu'elle définit ce dernier comme « toute partie constitutive du corps humain constitué de cellules ».

2) Les banques de sang placentaire

a) Le statut des banques


La situation actuelle

Bien que l'arrêté royal du 23 décembre 2002 relatif au prélèvement, à la conservation, à l'importation, au transport, à la distribution, à la délivrance de tissus d'origine humaine ainsi qu'aux banques de tissus d'origine humaine ait été annulé, les banques publiques continuent à fonctionner dans le cadre qu'il fixe.

Selon ce texte, le fonctionnement de toute banque de tissus devait reposer sur les principes de gratuité et d'anonymat du don, ainsi que sur l'absence de but lucratif et de publicité. Par conséquent, l'arrêté interdisait les banques privées et le stockage en vue d'une utilisation personnelle ultérieure .

Il définissait en effet la « banque de tissus » comme « l'unité technique d'un hôpital ou d'un centre de transfusion sanguine ou d'un organisme à but non lucratif qui a l'agrément pour prélever [...] ». Par ailleurs, il interdisait « l'utilisation de tissus à des fins préventives d'intention différée », « l'utilisation préventive d'intention différée » étant constituée par l'ensemble des opérations nécessaires en vue « d'une éventuelle délivrance et d'une utilisation autologue pour une affection qui n'existe pas chez [le] donneur au moment du prélèvement ».

Bien que cet arrêté ait été annulé, les banques publiques continuent à fonctionner dans le cadre qu'il fixe.


• La proposition de loi adoptée par le Sénat le 18 juillet 2008

Elle réserve aux hôpitaux et aux universités dotées d'une faculté de médecine l'exploitation des banques de sang placentaire , c'est-à-dire l'ensemble des opérations nécessaires à l'utilisation du sang de cordon (obtention, contrôle, traitement, conservation, stockage, distribution, y compris importation et exportation). Elle précise que cette exploitation doit être réalisée par une personne morale sans but lucratif .

Toutefois, les établissements privés , qualifiés de « structures intermédiaires », peuvent réaliser certaines opérations portant sur le sang placentaire : « le traitement, la préservation, le stockage et la distribution ». En revanche, les activités d'obtention, de contrôle, d'importation et d'exportation, leur sont interdites, car elles sont l'apanage des banques stricto sensu .

La proposition condamne toute publicité liée aux activités de conservation du sang placentaire, sauf les campagnes générales de sensibilisation du grand public au don.

Par ailleurs, elle interdit tout stockage destiné à un receveur identifié par avance sauf dans deux cas :

- si l'intéressé souffre (ou présente un risque important de souffrir) d'une pathologie susceptible d'être traitée par une greffe de sang placentaire, étant entendu que l'intérêt de la greffe doit alors être scientifiquement démontré ;

- si le greffon reste à la disposition des banques publiques. La proposition donne donc la priorité à l'intérêt collectif .

La proposition de loi reprend en grande partie les dispositions du projet de loi présenté en conseil des ministres le 25 avril 2008 ainsi que de l'avant-projet de loi de 2006 et tient compte des réflexions menées au cours des derniers mois, notamment au Sénat.

En effet, dès 2006, un avant-projet de loi « relative au prélèvement, à l'obtention et à l'utilisation du matériel corporel humain en vue d'applications humaines ou de recherche scientifique » avait été préparé. Ce texte, qui visait à transposer la directive 2004/23 relative aux tissus et cellules humains, définissait le régime juridique applicable à l'obtention et à l'utilisation des cellules souches du sang du cordon ombilical. Il réservait l'exploitation des banques de sang placentaire aux hôpitaux et aux facultés de médecine et limitait de façon stricte le stockage en vue d'une utilisation différée, d'une part, aux cas où le receveur éventuel souffrait d'une pathologie pour laquelle l'utilisation de sang de cordon était scientifiquement justifiée et, d'autre part, à ceux où il risquait, compte tenu de ses antécédents familiaux, de développer une telle pathologie.

Au cours de la même législature, la commission des affaires sociales ainsi que le groupe de travail « bioéthique » du Sénat avaient commencé à examiner plusieurs propositions de loi sur ce thème. De nombreuses auditions avaient été organisées et un rapport avait été adopté en avril 2007. Ce document, qui prenait également en compte les dispositions de l'avant-projet de loi, préconisait un strict encadrement de l'activité des banques privées et prohibait en particulier la publicité.

Les propositions de loi examinées en 2007 ont été redéposées dès le début de la législature en cours. Depuis le début de l'année 2008, elles faisaient à nouveau l'objet d'auditions, mais c'est la proposition déposée le 24 juin 2008 sur la base du projet présenté en conseil des ministres quelques semaines plus tôt qui a été adoptée.

b) La pratique

Actuellement, il existe cinq banques publiques de sang placentaire en Belgique. Elles sont toutes rattachées à des hôpitaux universitaires : trois sont francophones (Liège, Bruxelles et Louvain-la-Neuve) et deux flamandes (Gand et Louvain). Ces banques ne procèdent à la conservation du sang de cordon en vue d'une utilisation personnelle que dans des cas exceptionnels, pour les familles touchées par des maladies héréditaires très graves.

Le Comité consultatif de bioéthique estime que les banques publiques reçoivent chaque année environ 3 000 prélèvements, mais qu'elles n'en conservent que 500 à 1 000. Il évalue à 12 000 le nombre d'unités actuellement stockées, plus de la moitié l'étant par la banque de Louvain-la-Neuve, qui existe depuis une vingtaine d'années.

Il semble qu' une seule banque privée se soit implantée, Cryo-Save , qui stockerait quelque 75 000 unités, provenant aussi bien de Belgique que de l'étranger.

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