SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Octobre 2005)
ALLEMAGNE
Depuis le début des années 90, moins de dix affaires auraient été portées devant les tribunaux. La jurisprudence est donc peu abondante. Elle considère généralement que les personnes qui transmettent le virus du sida par voie sexuelle tout en connaissant leur situation sérologique se rendent coupables de lésions corporelles dangereuses . |
Selon la jurisprudence , une personne séropositive qui transmet le virus du sida alors qu'elle s'en savait porteuse tombe sous le coup de l'article 224 du code pénal , relatif aux lésions corporelles dangereuses , à moins qu'elle n'ait fait le nécessaire pour éviter la contamination ou qu'elle n'ait prévenu son partenaire de sa séropositivité.
L'article 224 du code pénal qualifie de « dangereuses » les lésions corporelles qui se caractérisent par un mode de réalisation particulièrement blâmable (1 ( * )). Il vise en particulier celles qui résultent de « l'administration de poison ou d'autres substances nuisibles à la santé ».
Le coupable encourt une peine de prison dont la durée est comprise entre six mois et dix ans . Dans les cas les moins graves, cette durée est comprise entre trois mois et cinq ans. (2 ( * ))
Ainsi, au début de l'année 2005, le tribunal correctionnel de Francfort a condamné à une peine de prison de deux ans et trois mois un jeune homosexuel qui, bien que connaissant sa séropositivité, n'avait pas prévenu son compagnon et l'avait contaminé à la suite de relations non protégées. Dans deux affaires précédentes, des sanctions plus lourdes ont été prononcées (peines de prison de six et de dix années).
Si le partenaire, au courant de la situation, accepte les relations non protégées, la personne séropositive n'est pas punissable.
De même, lorsque la transmission du virus est le fait d'une personne qui ne se savait pas séropositive, celle-ci ne peut pas être poursuivie.
Par ailleurs, la Cour fédérale suprême considère comme une infraction punissable, qu'elle qualifie de « tentative de lésions corporelles dangereuses », le fait d'avoir des relations non protégées alors que l'on connaît sa séropositivité lorsque aucune contamination ne résulte des relations.
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Au 20 juillet 2005, cinq condamnations avaient été prononcées pour transmission du virus du sida par voie sexuelle. Toutes se fondaient sur la même disposition législative, l'article 20 de la loi de 1861 sur les voies de fait , lequel punit les lésions corporelles involontaires . |
La première condamnation pour transmission du virus du sida par voie sexuelle a été prononcée en 2003. Jusqu'à aujourd'hui, les tribunaux n'ont été saisis que d'un très petit nombre d'affaires, mais deux d'entre elles ont été portées devant la Cour d'appel . Les tribunaux de niveau inférieur sont donc liés par ces deux décisions, même si la jurisprudence n'est pas fixée de façon définitive .
D'après les deux décisions de la Cour d'appel, rendues respectivement en 2004 et 2005 dans les affaires Dica et Konzani :
- une personne au courant de sa séropositivité et qui transmet le virus du sida par voie sexuelle peut être poursuivie pour lésions corporelles involontaires ;
- elle peut éviter la condamnation si elle établit que son partenaire avait accepté le risque de contamination ;
- l'acceptation de ce risque ne saurait être déduite de relations non protégées, mais doit être explicite et faire suite à un aveu de séropositivité du partenaire.
La jurisprudence ne s'est pas encore prononcée clairement sur la connaissance qu'une personne a de sa propre séropositivité. Dans une affaire jugée en 2004, un homme a été condamné pour transmission du virus, alors qu'il n'avait pas fait l'objet d'un test, mais avait été prévenu de son éventuelle séropositivité par son ex-femme, elle-même porteuse du virus.
Les auteurs de lésions corporelles involontaires encourent une peine de prison d'au plus cinq années, mais les coupables peuvent être condamnés à des peines plus lourdes en cas de cumul d'infractions, c'est-à-dire s'ils ont transmis le virus à plusieurs personnes. Ainsi, Mohammed Dica avait été condamné en première instance à huit ans de prison pour avoir contaminé deux personnes (la condamnation finale a été ramenée à quatre ans et demi, l'une des plaignantes s'étant désistée) et Feston Konzani a été condamné à dix ans de prison pour avoir contaminé trois personnes.
Actuellement, la jurisprudence considère seulement la transmission du virus comme une infraction, et non l'exposition au risque de transmission.
* (1) L'infraction définie à l'article 224 s'oppose ainsi aux infractions définies à l'article 223 (lésions corporelles simples) et à l'article 226 (lésions corporelles aggravées, à cause de la gravité des conséquences : perte d'un membre, d'un sens, etc.).
* (2) En règle générale, le juge dispose d'une marge d'appréciation pour fixer la peine. De plus, le législateur lui fournit des points de repère en indiquant le cadre dans lequel doit se situer la peine dans les « cas les particulièrement graves » et dans les « cas les moins graves ».