SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Février 2005)
ALLEMAGNE
En décembre 1999 , le ministre pour la famille, les personnes âgées, les femmes et la jeunesse a rendu public le plan gouvernemental de lutte contre la violence envers les femmes . Constatant l'inefficacité des mesures prises depuis le milieu des années 70, ce plan affirmait que les violences conjugales devaient être considérées comme un tout, et non comme l'addition de différentes formes de violence. Il prônait donc une action multiforme, dont les points essentiels étaient la prévention, la coopération entre les administrations concernées, le renforcement des liens entre les associations pour l'aide aux victimes, ainsi que la sensibilisation de l'opinion publique et des professionnels concernés, notamment par la formation. Le plan comportait également un volet législatif, qui s'est traduit par l'adoption de la loi du 11 décembre 2001 sur l'amélioration de la protection offerte par les tribunaux civils aux victimes de violences et de persécutions . Cette loi est entrée en vigueur le 1 er janvier 2002. Elle permet aux victimes de violences de demander aux tribunaux civils des ordonnances générales de protection , ainsi que la jouissance exclusive du domicile familial . |
1) La qualification pénale des violences conjugales
Les violences conjugales ne font pas l'objet de dispositions pénales spécifiques . Selon les cas, elles sont qualifiées d'homicides, de coups et blessures, d'agressions sexuelles, voire d'infractions contre la vie privée et l'intimité.
2) Le déclenchement de la procédure pénale
En règle générale, le ministère public peut engager des poursuites pénales dès qu'il a connaissance d'une infraction, indépendamment de la volonté de la victime. De plus, la police a l'obligation de dénoncer les infractions qu'elle constate à la suite d'une intervention.
Cependant, il existe des infractions qui ne sont poursuivies qu'à la suite d'un dépôt de plainte. C'est notamment le cas des violations de domicile ainsi que des coups et blessures les moins graves. Ce principe connaît à son tour des exceptions : l'intérêt général peut justifier que ces infractions soient poursuivies malgré l'absence de plainte. La notion d'intérêt général étant susceptible d'appréciations diverses, les procureurs ont reçu des directives les invitant à considérer que la sauvegarde de l'intérêt général s'imposait dans toutes les affaires de violences conjugales.
3) Les mesures d'éloignement
a) Les mesures judiciaires
La loi sur l'amélioration de la protection offerte par les tribunaux civils aux victimes de violences et de persécutions prévoit que les victimes de violences conjugales peuvent demander l'éloignement de l'agresseur ainsi que la jouissance exclusive du domicile commun.
Pour faciliter l'application du dispositif, ces ordonnances sont prises, quel que soit le statut juridique du couple, selon une procédure simplifiée (assistance d'un avocat facultative, liberté des moyens de preuve...) par les tribunaux cantonaux, dont le ressort territorial est généralement inférieur à l'arrondissement et qui sont compétents pour les litiges familiaux.
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Les ordonnances
d'éloignement
Les tribunaux civils peuvent prendre, à la demande des personnes victimes de violences commises intentionnellement - que ces violences soient physiques ou attentatoires soit à la liberté soit à la santé - toute mesure susceptible d'empêcher la répétition de ces faits. Ils peuvent en particulier interdire à l'auteur des violences :
- de s'introduire au domicile de la victime ;
- de séjourner dans un certain rayon autour du domicile de la victime ;
- de se rendre dans certains lieux régulièrement fréquentés par la victime ;
- d'entrer en contact avec la victime, y compris par des moyens utilisables à distance ;
- de provoquer des rencontres avec la victime.
Ces ordonnances sont prises pour une durée limitée, déterminée par le juge en fonction des besoins, mais qui peut être prolongée. Elles sont également applicables en cas de simples menaces. Leur non-respect constitue une infraction pénale punissable d'un an de prison.
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La jouissance du domicile commun
La loi sur l'amélioration de la protection offerte par les tribunaux civils aux victimes de violences et de persécutions permet aussi l'attribution de la jouissance exclusive du domicile commun à la victime de violences conjugales, pour autant que les violences risquent de se répéter.
Cette faculté, auparavant limitée aux couples mariés en instance de divorce, a été étendue à tous les cas où l'auteur et la victime des violences vivent ensemble « de façon durable ». Cependant, la solution retenue dépend du statut juridique du couple.
Les couples mariés :
Sauf circonstances exceptionnelles, l'époux victime des violences ou qui se sent menacé doit obtenir la jouissance exclusive du domicile conjugal. Le cas échéant, il peut avoir à verser une contrepartie financière à son conjoint. La même solution est retenue pour les personnes engagées dans un partenariat enregistré.
Les couples en union libre :
La victime de violences conjugales peut demander la jouissance exclusive du domicile commun. La durée de la jouissance est limitée lorsque le titre d'occupation du domicile (contrat de location par exemple) est détenu à la fois par la victime et par l'auteur des violences. La loi ne détermine cependant pas cette durée, qui est laissée à l'appréciation du juge. En revanche, lorsque la victime ne détient aucun droit sur le logement commun, le code civil limite la durée de jouissance à six mois, avec possibilité de prolongation d'une durée identique en cas de difficultés pour retrouver un logement. Après avoir reçu de simples menaces, la victime a également la possibilité de demander la jouissance exclusive du logement.
b) Les mesures policières
La plupart des Länder ont modifié la loi régionale sur la police afin que les forces de l'ordre puissent, en cas de danger avéré ou imminent, obliger les auteurs de violences conjugales à quitter le domicile familial et leur interdire d'y revenir pendant plusieurs jours.
L'interdiction peut être étendue aux environs immédiats du logement, ainsi qu'au lieu de travail de la victime. Sa durée de validité varie selon les Länder : elle est de dix jours dans certains et de quatorze dans les autres. Dans certains Länder , la durée est doublée si la victime saisit le juge civil pendant la période d'interdiction.
4) Les autres dispositions
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La loi du 20 décembre 1999
qui a modifié le code de procédure pénale pour y
introduire le principe de la
réparation par le délinquant
s'applique en particulier aux violences conjugales. Il est possible de
recourir à cette disposition seulement lorsque l'accusé encourt
une peine maximale d'un an de prison. Le ministère public peut alors
suspendre les poursuites, à condition que l'agresseur mette tout en
oeuvre pour réparer ses torts à l'égard de la victime, par
exemple en suivant un stage de rééducation.
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La loi du 2 novembre 2000 sur la
proscription de la violence dans
l'éducation
,
entrée en vigueur le 1
er
janvier 2001, énonce
notamment : «
Les
enfants ont droit à une
éducation
dénuée de toute
violence
. »
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Dans plusieurs
Länder
, l'organisation des services de police a été
modifiée de façon à ce que les affaires de violences
conjugales soient traitées par des unités exclusivement
composées de femmes.
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Mettant à profit l'expérience menée à Berlin depuis 1995, les autorités fédérales souhaitent développer la coopération entre tous les acteurs de la lutte contre les violences conjugales , institutionnels ou non. Un groupe de travail réunissant des représentants de l'État fédéral, des Länder , des communes et des associations d'aide aux femmes a donc été constitué en avril 2000. Les travaux de ce groupe se sont traduits par l'adoption de nombreuses mesures d'accompagnement de la politique fédérale (sensibilisation des magistrats, des policiers et des professionnels de la santé aux violences conjugales, campagnes d'information, subventions aux associations qui gèrent des foyers...).
D'autres Länder que Berlin ont développé cette stratégie de coopération, notamment au niveau communal.