SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2004)
ALLEMAGNE
1) L'indemnisation des chômeurs
L'assurance chômage
est financée par des
cotisations des
employeurs et des salariés. Depuis le
1
er
janvier 2004, elle
est gérée par l'Agence
fédérale du travail, établissement de droit public
placé sous la tutelle du ministre chargé du travail
(2
(
*
))
, mais disposant d'une large
autonomie administrative. L'Agence fédérale a remplacé
l'Office fédéral, qui avait été créé
en 1952.
L'Office fédéral du travail
L'Office fédéral du travail était également un
établissement de droit
public
placé sous la tutelle
du ministre.
Traditionnellement
, l'Office fédéral du travail
était dirigé par des
instances tripartites,
l'organe de
décision était le conseil d'administration, qui réunissait
51 membres : 17 représentants des salariés,
17 représentants des employeurs et 17 représentants des
collectivités publiques (État fédéral,
Länder
et communes). Le directoire, également tripartite,
gérait les affaires courantes et assurait l'exécution des
décisions du conseil d'administration.
Après les révélations de la Cour des comptes
fédérale sur l'opacité de la gestion de l'Office
fédéral du travail, une première réforme des
structures de l'établissement avait été
réalisée dès le début de l'année 2002 :
certains des articles du livre III du code social relatifs à l'Office
fédéral du travail avaient été amendés par
la loi du 23 mars 2002 portant simplification de la représentation
des salariés dans les conseils de surveillance, cette loi modifiant en
effet la loi sur la cogestion, ainsi que plusieurs autres textes à
caractère social.
Depuis la
réforme de mars 2002
,
l'organisation de l'Office
fédéral du travail s'était rapprochée de celle des
entreprises privées
. La direction de l'établissement
incombait au
comité de direction,
composé de trois
personnes, toutes nommées par le président fédéral
sur proposition du gouvernement fédéral, la loi précisant
que le président du comité de direction devait être
proposé par le ministre. Les membres du comité de direction
n'étaient pas fonctionnaires, mais étaient liés à
l'Office par contrat.
Le conseil d'administration était resté tripartite
, mais
ne comptait plus que 21 membres. Il
avait perdu une partie de son
pouvoir de décision
. S'il continuait à établir les
statuts et le budget de l'Office, son rôle principal consistait
désormais à contrôler le comité de direction, ainsi
que l'ensemble des services administratifs de l'établissement.
Le conseil d'administration pouvait ainsi faire procéder à des
missions d'audit par les services internes de l'établissement et charger
des experts extérieurs de contrôles ponctuels. De plus, le conseil
d'administration devait être consulté lors de la nomination des
membres du comité de direction.
L'Office fédéral du travail était représenté
dans la plupart des
Länder
par un office régional. Il
existait
dix offices régionaux
, qui coordonnaient les
activités des instances de niveau inférieur, c'est-à-dire
des
180 bureaux locaux
pour l'emploi
et des
660 antennes
,
lesquelles assuraient l'exécution directe des missions dévolues
à l'Office fédéral du travail et étaient en contact
avec le public. Les organes de direction des offices régionaux et des
bureaux locaux étaient assistés de conseils dont la composition
était tripartite.
La loi Hartz 3 a transformé l'Office fédéral du travail en
Agence fédérale du travail.
L'Agence fédérale du travail
Comme son prédécesseur,
l
'
Agence fédérale
du travail est une personne morale de droit public placée sous
l'autorité du ministre,
mais le gouvernement fédéral
entend
contractualiser ses rapports avec ce nouvel établissement
et
conclure des
accords ciblés et ponctuels.
L'Agence fédérale du travail conserve les structures (conseil
d'administration tripartite, comité de direction...) que la
réforme de mars 2002 avait données à l'Office.
Les offices régionaux deviennent des « directions
régionales » et les bureaux locaux des « agences du
travail ». Les directions régionales et les agences du travail
comportent désormais des directions collégiales.
La loi Hartz 3 précise que le personnel de l'Agence n'est pas
composé de fonctionnaires, mais prioritairement de
salariés de
droit privé.
2) Le placement des chômeurs
a) Les structures publiques
Le
placement et les activités annexes, comme le conseil ou la promotion de
la formation, font partie des missions de l'Agence fédérale du
travail, qui doit fournir ses prestations gratuitement.
Pour éviter le chômage de longue durée, la loi du 14
décembre 2001
portant réforme de la politique de l'emploi,
dite loi Job AKTIV prévoit que les demandeurs d'emploi fournissent un
maximum de renseignements d'ordre personnel et professionnel dès qu'ils
s'inscrivent, afin de permettre au bureau pour l'emploi d'établir des
« profils
». Ensuite, des accords
récapitulant les engagements des deux parties sont conclus : aux
efforts du bureau de placement pour trouver un emploi ou une formation au
demandeur d'emploi, doit correspondre une démarche active de recherche
de ce dernier.
La réforme de mars 2002 avait mis en évidence le fait que
le
placement devait devenir la priorité de l'Office fédéral
du travail.
La loi de mars 2002 comportait plusieurs dispositions relatives à la
modernisation des méthodes de gestion de
l'Office.
Elle
disposait que celui-ci
devait créer un
service d'audit
,
chargé de vérifier que l'établissement accomplissait
effectivement ses missions. Elle prévoyait également de confier
certains contrôles à un organisme extérieur. L'Office avait
par ailleurs été invité à mettre en place un
système de rémunération incitant ses salariés
à porter leurs efforts sur la mission de placement et à faire
preuve d'efficacité.
b) Les agences privées
L'Office fédéral du travail a perdu le monopole du
placement en 1994.
La loi a alors permis aux agences privées
d'exercer l'activité de placement à condition d'obtenir une
autorisation de l'Office fédéral du travail. Octroyée sur
présentation d'un dossier permettant d'évaluer la solidité
de l'entreprise, la première autorisation avait une durée
limitée à trois ans, tandis que la seconde pouvait être
illimitée.
Depuis mars 2002, les agences privées n'ont plus besoin
d'autorisation
, mais elles restent soumises à
l'obligation de
fournir
leurs prestations à titre gratuit aux demandeurs
d'emploi
.
c) La collaboration entre les structures publiques et privées de placement
Le
gouvernement considère que l'Agence fédérale du travail
n'est pas en concurrence avec les agences privées, mais qu'elle tire
profit des partenariats.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi Job AKTIV, l'Office pouvait
déléguer sa mission de placement à des partenaires
privés
auxquels il pouvait
donc
adresser des
demandeurs d'emploi.
Il en va ainsi pour la nouvelle
Agence
fédérale du travail.
De même, la loi Job AKTIV permettait aux demandeurs d'emploi auxquels
l'Office fédéral du travail n'avait pas fourni d'emploi dans le
délai de six mois d'exiger que ce dernier fît appel aux services
d'une agence privée de placement
.
Les modalités de la collaboration entre structures publiques et
privées de placement ont été précisées
ultérieurement, en particulier par la loi de mars
2002 qui a
réformé l'Office fédéral du travail. Elles ont
été reprises par la loi Hartz 3, qui a transformé l'Office
en Agence.
Actuellement, les chômeurs indemnisés auxquels l'Agence
fédérale du travail n'a pas fourni d'emploi dans le délai
de trois mois peuvent s'adresser à une agence privée de
placement. Ils ont droit à un bon d'échange valable pendant trois
mois et dont la valeur varie entre 1 500 et 2 500 € en
fonction de l'ancienneté du chômage. Si l'agence à laquelle
ils s'adressent parvient à leur trouver un emploi, l'Agence
fédérale du travail doit la rémunérer. Pour cela,
l'emploi doit avoir une durée hebdomadaire minimale de 15 heures et le
contrat de travail doit être d'au moins trois mois. Le montant des
honoraires versés à l'agence varie entre 1 000 €
et 2 500 € en fonction de la durée de l'emploi fourni.
Les demandeurs d'emploi qui ne bénéficient pas de tels bons
d'échange (chômeurs non indemnisés ou nouveaux
chômeurs par exemple) ont le droit de s'adresser à des agences de
placement privées. Celles-ci ne peuvent exiger une
rémunération du bénéficiaire que si elles
parviennent à lui trouver un emploi. De plus, leurs honoraires sont
encadrés.
La première loi Hartz obligeait chaque bureau local de l'Office
fédéral
du travail à disposer d'une agence de
travail temporaire
(
Personal Service
Agentur : PSA
). Ces
dispositions s'appliquent à la nouvelle Agence. Les agences PSA mettent
des chômeurs de longue durée à la disposition des
entreprises. Elles peuvent être gérées en régie,
mais la loi prévoit plutôt qu'elles soient
gérées
par des opérateurs privés sous contrat
, choisis à
l'issue d'une procédure d'adjudication.
Les agences sélectionnées signent alors une convention avec
l'Agence fédérale du travail. La convention prévoit
notamment le montant des honoraires versés mensuellement par l'Agence
à l'agence PSA. Les agences PSA recrutent pour une durée en
principe comprise entre neuf et douze mois, les demandeurs d'emploi inscrits
auprès du bureau local avec lequel elles sont en contrat et s'efforcent
de leur trouver des missions d'intérim. Entre deux missions, les agences
PSA ont l'obligation de former leur personnel. Le mode de
rémunération des agences PSA est incitatif : leurs
honoraires sont dégressifs et diminuent en même temps que
l'ancienneté de leur contrat avec le demandeur d'emploi augmente. De
plus, les agences PSA perçoivent des primes pour chaque placement
réussi. Le montant de ces primes est également dégressif.
Les demandeurs d'emplois sont liés aux agences PSA par un contrat de
travail conforme aux règles régissant les agences de travail
temporaire, lesquelles ont également été modifiées
par la première loi Hartz. Les nouvelles règles sur le travail
temporaire sont entrées en vigueur le 1
er
janvier 2004. Elles
devraient encourager le recours à cette forme d'emploi, encore peu
répandu en Allemagne. En insérant la disposition sur les agences
PSA dans la loi, le législateur a fait le double pari que les
chômeurs de longue durée renoueraient avec la vie active et que
les contrats d'intérim seraient transformés en contrats de longue
durée.
3) Les liens entre l'indemnisation et la recherche d'emploi
La
première loi Hartz subordonne le versement des allocations de
chômage
aux personnes sans emploi, mais qui sont aptes à
travailler (salariés licenciés, parents dont le congé
parental se termine...),
à une inscription rapide comme demandeur
d'emploi.
La démarche doit être effectuée
personnellement par les intéressés. Chaque jour de retard
entraîne une diminution des allocations de chômage.
De plus, elle
durcit les critères de l'emploi
« acceptable ».
Ainsi, à partir du
quatrième mois de chômage, un célibataire doit accepter un
emploi loin de son domicile (temps de transport supérieur à deux
heures pour une journée de travail de six heures) ou moins bien
rémunéré que son emploi précédent (la
différence peut atteindre 30 % pendant les six premiers mois et
être supérieure ensuite) s'il ne veut pas perdre le
bénéfice des allocations de chômage. En cas de
désaccord, c'est au demandeur d'emploi qu'il appartient d'apporter la
preuve que sa situation personnelle l'empêche d'accepter l'emploi qui lui
est proposé.
La deuxième loi Hartz prévoit la création de guichets
uniques
pour les demandeurs d'emploi, les
Job Centres
qui cumulent
les fonctions de paiement des indemnités, de placement et de conseil aux
chômeurs. À terme, les
Job Centres
devraient accueillir les
bénéficiaires aussi bien des allocations de chômage que des
prestations d'aide sociale.
* (1) Il a fallu adopter deux lois. En effet, comme certaines dispositions requéraient l'accord du Bundesrat et d'autres non, la procédure parlementaire était différente. Les dispositions des lois Hartz qui ne se rapportent pas à l'organisation de l'indemnisation et du placement des chômeurs n'ont pas été analysées.