NOTE DE SYNTHÈSE
Les
textes constitutionnels français ne mentionnent pas la discrimination
fondée sur l'orientation sexuelle
. En effet, la Constitution
«
assure l'égalité devant la
loi de tous les
citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion
» et
le préambule de la Constitution de 1946 interdit les discriminations
dans le travail, mais seulement en raison des origines, des opinions ou des
croyances.
Deux lois ont récemment introduit des mesures condamnant
explicitement les discriminations fondées sur l'orientation
sexuelle :
- la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à
la lutte contre les discriminations, qui a notamment modifié les
articles 225-1 et 225-2 du code pénal sur les discriminations
punissables, ainsi que l'article L. 122-45 du code du travail, lequel
définit les discriminations interdites dans le cadre professionnel et
permet à notre pays de satisfaire aux exigences de la directive
2000/78 portant création d'un cadre général en
faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et
de travail ;
- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation
sociale, dont l'article 158 combat les discriminations pratiquées
par les bailleurs de logements.
Par ailleurs, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure modifie plusieurs articles du code
pénal et fait des discriminations fondées sur l'orientation
sexuelle
une
circonstance aggravante
.
En revanche, si
la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse
vise
explicitement les
discriminations raciales et
religieuses, il n'en va pas de même des discriminations fondées
sur l'orientation sexuelle, de sorte que les injures et les diffamations
à caractère homophobe sont actuellement difficilement
punissables, d'autant que les associations de lutte contre les discriminations
n'ont pas la possibilité de se porter partie civile contre des organes
de presse ayant publié des textes ou des dessins injurieux à
l'égard des homosexuels. De plus, la rédaction actuelle de la loi
sur la presse empêche la sanction des incitations à la
discrimination, à la haine ou à la violence homophobe.
Cette situation a suscité le dépôt de
plusieurs
propositions de loi
au cours des dernières années, tant
à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Certaines d'entre
elles prévoient la création d'une autorité administrative
indépendante qui serait chargée de veiller à l'application
du dispositif qu'elles comportent.
La dernière de ces propositions a été récemment
discutée à l'Assemblée nationale. Déposée le
4 novembre 2003 par MM. Patrick Bloche, Jean-Marc Ayrault et les membres
du groupe socialiste, elle portait pénalisation des propos à
caractère discriminatoire, et notamment des propos homophobes. Elle a
été rejetée en séance publique le 27 novembre 2003,
le gouvernement préparant une réforme du droit de la presse. Le
projet de loi envisagé devrait inclure des dispositions sur les
écrits et les propos discriminatoires.
En effet, en juillet 2003, le Premier ministre s'est engagé à
déposer, au cours de l'année 2004, un projet de loi
réprimant les propos à caractère discriminatoire,
notamment les propos homophobes. Ce texte pourrait également autoriser
les associations de lutte contre l'homophobie à se porter partie civile.
Quelques semaines auparavant, le Premier ministre avait confié à
M. Bernard Stasi, Médiateur de la République, la
présidence d'une « mission de préfiguration »
chargée de mener les travaux préalables à
l'élaboration d'un projet de loi portant création d'une nouvelle
autorité administrative indépendante responsable de la lutte
contre toutes les formes de discrimination, la mise en place de cette
autorité devant avoir lieu pendant l'année 2004.
Dans ces conditions, il a semblé utile de rappeler les mesures prises
par le Conseil de l'Europe et par l'Union européenne, puis d'examiner
les dispositifs étrangers de lutte contre l'homophobie.
Pour les pays retenus (
Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne,
Grande-Bretagne, Pays-Bas et Suède
), les points suivants ont
été analysés :
- la prise en compte de l'orientation sexuelle parmi les motifs de
discrimination interdits par la loi ;
- l'existence de dispositions pénales sanctionnant explicitement
les propos homophobes ;
- l'existence d'un organisme indépendant chargé de veiller
au respect des droits des homosexuels.
L'analyse des législations étrangères révèle
que :
- tous les pays étudiés sauf l'Allemagne se sont
dotés de législations qui interdisent les discriminations
fondées sur l'orientation sexuelle ;
- il existe des dispositions pénales sanctionnant les propos
homophobes dans tous les pays étudiés sauf en Allemagne et en
Grande-Bretagne ;
- seuls la Belgique, les Pays-Bas et la Suède ont mis en place un
organisme indépendant qui veille au respect des droits des homosexuels.
1)
Tous les pays étudiés sauf l'Allemagne se sont
dotés de législations qui interdisent les discriminations
fondées sur l'orientation sexuelle
a) L'absence de législation fédérale sur les
discriminations en Allemagne
En dehors de la Loi fondamentale, aucune loi fédérale ne
prohibe les discriminations
, qu'elles soient fondées sur
l'orientation sexuelle ou sur un autre critère. Par ailleurs, le
gouvernement n'a pas encore déposé le projet de loi de
transposition de la directive 2000/78.
b) Dans les autres pays, les textes qui proscrivent les discriminations
fondées sur l'orientation sexuelle s'appliquent
généralement dans tous les domaines de la vie sociale
La Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la
Suède ont légiféré pour condamner les
discriminations fondées sur l'orientation sexuelle.
En règle générale, ces pays ont d'abord adopté une
loi pour lutter contre les discriminations raciales. Dans certains cas
(Belgique et Danemark par exemple), la loi initiale a été
modifiée pour ajouter l'orientation sexuelle aux premiers
critères de discrimination visés (race, origine ethnique ou
nationale...). D'autres, comme la Grande-Bretagne ou la Suède, ont
successivement adopté des lois prohibant un seul type de discrimination,
parfois même un type de discrimination dans un domaine donné, de
sorte que, dans ces pays, il existe plusieurs textes sur les discriminations.
Ces textes visent respectivement les discriminations raciales, les
discriminations sexuelles, les discriminations relatives au handicap, les
discriminations fondées sur l'orientation sexuelle...
Le champ d'application des dispositions protégeant les homosexuels
varie
selon les pays
. Le plus souvent, il vise le refus de fournir
une prestation dans le cadre d'une activité économique ou
d'intérêt général (fourniture de biens, accès
à l'enseignement, aux soins...). Seules, les règles anglaises,
adoptées en juin 2003 pour transposer la directive 2000/78 et qui sont
entrées en vigueur le 1
er
décembre, ne s'appliquent
que dans le milieu professionnel.
2) Dans tous les pays étudiés sauf en Allemagne et en
Grande-Bretagne, des dispositions pénales sanctionnent les propos
homophobes
a) La Belgique, le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et la Suède ont
adopté des dispositions pénales spécifiques
Dans ces cinq pays, des dispositions pénales visent directement
l'incitation à la discrimination, à la haine ou à la
violence envers les homosexuels.
Ces dispositions s'appliquent quel que
soit le moyen de communication utilisé.
Elles sont parfois assez récentes : elles ont été
adoptées en 1987 au Danemark, en 1992 aux Pays-Bas, en 1995, lors de
l'introduction du nouveau code pénal en Espagne, à la fin de
l'année 2002 en Suède et en 2003 en Belgique.
Elles résultent le plus souvent de la modification des articles du code
pénal relatifs à l'incitation à la haine raciale ou
religieuse par l'ajout de l'expression « orientation
sexuelle » à la liste des éléments (origine
nationale, croyance...) caractérisant des groupes susceptibles
d'être la cible d'écrits ou de propos diffamatoires.
b) L'Allemagne et la Grande-Bretagne ne sanctionnent pas les propos
homophobes
Dans ces deux pays, les propos racistes tombent sous le coup de la loi, mais
pas les propos homophobes.
Toutefois, en novembre 2002, l'organe anglais chargé des poursuites
pénales a annoncé que la poursuite des infractions à
caractère homophobe devait devenir une priorité. En même
temps, le gouvernement décidait de remplacer le mot
« homosexuel » par l'expression « personne
orientée vers les personnes du même sexe » dans les
documents officiels.
3) Seuls la Belgique, les Pays-Bas et la Suède ont mis en place un
organisme indépendant qui veille au respect des droits des
homosexuels
a) En Belgique et aux Pays-Bas, il existe un organisme chargé de
lutter contre toutes les formes de discrimination, et donc notamment contre les
discriminations fondées sur l'orientation sexuelle
En Belgique, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte
contre le racisme, créé en 1993, a vu ses compétences
étendues en 2003 à d'autres formes de discrimination, et en
particulier à celles qui sont fondées sur l'orientation sexuelle.
Aux Pays-Bas, la Commission pour l'égalité de traitement,
créée par la loi du même nom adoptée en 1994, traite
de toutes les discriminations.
Ces deux organismes disposent d'importants pouvoirs
et peuvent ester en
justice dans les litiges relatifs à l'application des lois sur
l'égalité de traitement.
b) En Suède, un médiateur spécialisé veille au
respect des droits des homosexuels
Aux différentes lois adoptées pour combattre les
discriminations
fondées sur l'appartenance ethnique, le sexe, le
handicap et l'orientation sexuelle,
correspondent plusieurs
médiateurs, parmi lesquels le médiateur pour les homosexuels.
c) Les autres pays n'ont pas institué d'organisme
spécialisé
Les autres pays, c'est-à-dire l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne et la
Grande-Bretagne, n'ont pas institué d'organisme
spécialisé. Même le Danemark et l'Espagne, qui disposent
non seulement d'une législation très développée sur
l'égalité de traitement, mais pénalisent aussi les propos
homophobes, n'ont pas institué d'organisme spécialisé dans
la défense des droits des homosexuels.
En Grande-Bretagne, où il existe trois commissions chargées de
veiller au respect des lois qui interdisent les discriminations raciales,
sexuelles ou fondées sur le handicap, il est envisagé de
créer, non pas de nouvelles commissions spécialisées, mais
une commission unique qui traiterait de toutes les discriminations, et donc
notamment des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle.
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Cet examen des législations étrangères permet de conclure que la plupart des pays étudiés ont adopté un dispositif de lutte contre l'homophobie plus complet que la France. C'est particulièrement le cas de la Belgique, des Pays-Bas et de la Suède .