ESPAGNE
Le
deuxième alinéa de l'article 25 de la
Constitution
,
consacré aux peines privatives de liberté, affirme leur objectif
de «
rééducation et de
réinsertion
». Il précise que les condamnés
ont «
droit à un travail rémunéré et
aux
prestations correspondantes de sécurité
sociale
».
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1) L'obligation de travailler
Tous
les détenus qui ont été condamnés ont l'obligation
de travailler
. Le travail qui leur est confié doit correspondre
à leurs aptitudes. Il ne doit pas être subordonné à
la recherche de résultats économiques de la part de
l'administration ni s'apparenter à une mesure de correction, car il doit
être formateur et permettre aux détenus d'acquérir ou de
conserver des habitudes de travail.
Le travail des détenus ne consiste pas nécessairement en une
activité directement productive. En effet,
la loi
pénitentiaire assimile au travail productif la participation au service
général de l'établissement, la formation professionnelle,
les occupations thérapeutiques, les activités artisanales,
intellectuelles et artistiques, ainsi que les études.
En fonction du
régime pénitentiaire des intéressés, ces
activités se déroulent à l'intérieur ou à
l'extérieur des établissements pénitentiaires.
Les détenus ont l'obligation de réaliser le travail qui leur est
confié, en respectant les mesures de sécurité et les
instructions de l'encadrement.
Outre les détenus qui en sont incapables, ne sont pas soumis à
l'obligation générale de travailler :
- les personnes de plus de soixante-cinq ans ;
- les retraités bénéficiaires d'une pension ;
- les femmes pendant leur congé de maternité, qui dure seize
semaines, réparties au gré des intéressées avant et
après l'accouchement. Les femmes ne peuvent cependant pas travailler
pendant les six semaines qui suivent l'accouchement.
Les personnes qui se trouvent en détention préventive peuvent
travailler
. Si elles le font, leur travail se déroule dans les
mêmes conditions que celui des condamnés.
L'attribution des emplois
se fait selon les règles prévues
par le décret de juillet 2001. La liste des emplois vacants comportant
la description des postes de travail doit être publiée et, dans
chaque établissement, une commission interne présidée par
le directeur affecte les emplois. Les détenus condamnés ont
priorité sur les autres. L'attribution se fait ensuite en fonction du
programme individualisé de traitement des détenus et de leurs
capacités professionnelles. La longueur du séjour dans
l'établissement, la conduite
(3(
*
))
et les obligations familiales sont également prises en compte. Le
texte précise que le changement d'établissement ne doit pas
constituer un handicap. Il prévoit donc que les détenus qui ont
travaillé pendant plus d'un an de manière satisfaisante dans un
établissement bénéficient d'une priorité dans leur
nouvel établissement.
2) L'organisation du travail dans les établissements pénitentiaires
C'est
l'Office autonome pour le travail et les prestations pénitentiaires
(OATPP) qui organise le travail à l'intérieur des
établissements pénitentiaires.
L'OATPP est un établissement doté de la
personnalité
juridique
et de
l'autonomie
financière
. Il a
été créé par le décret n°326 du 3 mars
1995 et s'est alors substitué à un établissement existant.
L'OATPP est rattaché au ministère de l'Intérieur. Le
décret de 1995 lui confie d'autres compétences : la
formation et l'assistance sociale aux détenus, la gestion des peines de
substitution aux peines de prison par exemple. En revanche, l'OATPP
n'intervient pas dans la surveillance des détenus.
Le travail des détenus à l'intérieur des
établissements
pénitentiaires s'effectue selon deux
régimes principaux,
l'OATPP restant l'employeur des
détenus
.
L'OATPP gère directement des ateliers de fabrication et des
exploitations agricoles, les détenus travaillent alors sous la direction
de personnels de l'OATPP
(4(
*
))
. L'OATPP
gère également certains services internes aux
établissements (boulangerie, cuisine, économat,
réparation...) sous forme d'ateliers de production.
L'OATPP peut aussi concéder à des entreprises privées la
totalité des activités de production, les entreprises
concessionnaires organisant le travail, fournissant le personnel d'encadrement
et le matériel, se chargeant de la commercialisation des produits et
veillant au respect de la législation sur l'hygiène et la
sécurité. Les entreprises concessionnaires et les détenus
sont liés par un contrat qui définit le poste de travail, la
durée de l'éventuelle période d'essai, la
rémunération, les horaires et les congés annuels. Les
entreprises concessionnaires remboursent à l'OATPP les coûts qu'il
supporte.
Environ
8 200 détenus
(5(
*
))
travaillent actuellement dans les
établissements
pénitentiaires.
Un peu plus de la
moitié sont employés dans le cadre du service
général des établissements et les autres dans les quelque
400 ateliers de production et exploitations agricoles, où les travaux
d'assemblage représentent la très grande majorité
(75 %) des activités offertes. Le solde se répartit entre la
charpenterie, la confection, la céramique, les arts graphiques et
l'agriculture. Le nombre des détenus employés dans les
établissements pénitentiaires a beaucoup augmenté au cours
des dernières années : il ne s'élevait qu'à
3 200 en 1996.
3) Les conditions de travail dans les établissements pénitentiaires
La
loi-cadre portant
statut général des salariés
précise que les détenus qui travaillent dans les
établissements pénitentiaires sont employés selon un
régime exorbitant du droit du
travail
, mais qui doit
prendre en compte les droits fondamentaux reconnus à chacun par la
Constitution.
Une loi adoptée en décembre 1999 a habilité le
gouvernement à définir par décret le statut professionnel
des détenus. Il est maintenant déterminé par le
décret n° 782
du 6 juillet 2001, qui
constitue en quelque sorte le droit du travail des détenus
,
puisque le droit commun du travail s'applique seulement lorsque le
décret y renvoie explicitement.
Ce régime particulier s'applique uniquement aux détenus qui
sont employés à l'intérieur des établissements
pénitentiaires,
directement par l'OATPP ou par les entreprises
concessionnaires. Les détenus qui travaillent à
l'extérieur des établissements pénitentiaires sont,
à quelques exceptions près, employés selon le droit
commun.
a) La rémunération
La loi
pénitentiaire prévoit que tout travail
«
directement
productif
» doit être
rémunéré. Les détenus qui ont une occupation non
productive ne sont donc pas rémunérés. Ils peuvent
cependant percevoir des gratifications, qui n'ont pas le caractère de
salaires, car les activités non productives ne se déroulent pas
dans le cadre du décret de juillet 2001.
Le mode de calcul des rémunérations est déterminé
chaque année par le conseil d'administration de l'OATPP, par
référence au salaire minimum interprofessionnel
.
La rémunération doit être proportionnelle au nombre
d'heures effectivement travaillées ou au rendement. Elle doit aussi
tenir compte de la classification du détenu, car le décret de
juillet 2001 distingue deux catégories. Les ouvriers « de
base » accomplissent l'ensemble des tâches nécessaires
au fonctionnement des ateliers de production, tandis que les ouvriers de niveau
supérieur réalisent les mêmes tâches
d'exécution et participent en outre à l'organisation du travail.
Par ailleurs, l'OATPP peut également prévoir des primes de
qualité ou de rendement.
En 2001, l'OATPP a consacré 15 % de son budget (soit environ
19,5 millions d'euros) au paiement des rémunérations des
détenus et des charges
sociales
correspondantes.
Actuellement, la rémunération mensuelle des détenus est
d'environ 200 €.
b) La durée du travail
L'administration pénitentiaire doit garantir aux
détenus un
repos
hebdomadaire d'un jour et demi sans
interruption
, en principe le samedi après-midi et le dimanche.
Toutefois, le calendrier de travail établi chaque année par le
directeur de l'établissement peut prévoir une organisation du
travail différente (par équipes, journée continue...).
La durée de la journée de travail ne doit pas dépasser la
durée maximale prévue par le droit commun.
Par ailleurs, les détenus ont droit chaque année à
trente jours de congés payés
.
c) Les autres conditions de travail
Les
dispositions du décret de juillet 2001 s'apparentent au droit commun du
travail :
- application de la loi sur la procédure régissant les
conflits du travail en cas de différend individuel ;
- suspension du contrat de travail pour certains motifs limitativement
énumérés (incapacité temporaire, maternité,
sanctions disciplinaires...), qui permet au directeur de l'établissement
de désigner un autre détenu pour occuper le poste de travail ;
- rupture du contrat de travail pour d'autres motifs également
énumérés (démission, discipline, limite
d'âge, libération, emploi à l'extérieur, infractions
aux règles du travail...) ;
- droit à la promotion et à la formation ;
- participation à l'organisation et à la planification du
travail ;
- droit de ne subir aucune discrimination dans le travail ;
- déroulement du travail dans les conditions d'hygiène et de
sécurité de droit commun.
Grâce au décret de juillet 2001, tous les détenus qui
exercent une activité productive à l'intérieur des
établissements pénitentiaires sont couverts par le régime
général de sécurité sociale
de façon
rétroactive depuis le 1
er
janvier 2001.
L'OATPP
doit assumer les charges qui incombent à tout employeur.
En vertu d'une modification apportée en décembre 2000 à la
loi générale sur la sécurité sociale, l'OATPP
bénéficie d'une réduction de 65 % sur les cotisations
pour l'assurance chômage, la formation professionnelle et le fonds de
garantie salariale (qui se charge du versement des salaires en cas de
défaillance de l'employeur). Pour les cotisations correspondant aux
risques courants (maladie, vieillesse, famille...), l'OATPP
bénéficie des mêmes réductions que les entreprises
qui embauchent des personnes en difficulté. Les cotisations d'assurance
chômage et de formation professionnelle des détenus sont
également diminuées de 65 %.
L'affiliation au régime général de la
sécurité sociale permet en particulier aux détenus de
bénéficier des prestations de l'assurance chômage au moment
où ils sortent de prison.