NOTE DE SYNTHÈSE
Depuis
l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1987 relative au service public
pénitentiaire,
le travail des détenus n'est plus obligatoire
en France
, mais le code de procédure pénale dispose que
«
toutes
dispositions
sont
prises pour
assurer une
activité professionnelle aux personnes
incarcérées qui le souhaitent
».
Actuellement, dans les prisons françaises, le travail des détenus
est organisé selon trois régimes principaux. Dans chaque
établissement, une partie des détenus est affectée au
service général
, pour l'entretien des locaux et
l'exécution de tâches requises par le fonctionnement courant. Les
activités productives ont lieu soit dans le cadre de la
Régie
industrielle des établissements pénitentiaires
, qui
gère par exemple l'atelier de confection des uniformes
pénitentiaires, soit, plus souvent, en
concession
. En effet,
l'administration pénitentiaire a la possibilité de conclure des
contrats de concession de main-d'oeuvre avec des entreprises privées.
Le code de procédure pénale prévoit également que
les détenus puissent être autorisés à travailler
pour leur propre compte ou pour le compte d'«
associations
constituées en vue de préparer leur réinsertion sociale
et professionnelle
».
Quel que soit le régime,
le travail des détenus
, lorsqu'il
a lieu a l'intérieur des établissements pénitentiaires,
se
déroule dans des conditions exorbitantes du
droit
commun
: les personnes incarcérées ne
signent pas de contrat de travail et, à l'exception des règles
d'hygiène et de sécurité, le code du travail ne s'applique
pas. C'est pourquoi le code de procédure pénale prévoit
que la durée et l'organisation du travail des détenus
«
se rapprochent
autant que possible de celles des
activités professionnelles extérieures
». La
même recommandation vaut pour les rémunérations, mais le
salaire minimum de l'administration pénitentiaire,
légèrement différent selon que le détenu est
incarcéré en maison d'arrêt ou en centre de
détention, s'élève à environ 45 % du SMIC.
Dans ces circonstances, il a paru intéressant d'étudier les
conditions de travail des détenus dans plusieurs pays
européens :
l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, le
Danemark, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas.
Cet examen permet de conclure que :
- à l'exception du Danemark et de l'Espagne, tous les pays
étudiés posent le principe du travail obligatoire des personnes
condamnées à une peine privative de liberté ;
- dans tous les pays étudiés, le travail des détenus
qui sont employés à l'intérieur des établissements
pénitentiaires se déroule dans des conditions exorbitantes du
droit commun.
1)
À l'exception du Danemark et de l'Espagne, tous les pays
étudiés posent le principe du travail obligatoire des personnes
condamnées à une peine privative de liberté
a) Au Danemark et en Espagne, les personnes condamnées à une
peine privative de liberté ont l'obligation d'avoir une activité,
qui ne consiste pas nécessairement en un travail
• Depuis mai 2001, au Danemark, les personnes condamnées à
une peine privative de liberté n'ont plus l'obligation de travailler.
Jusqu'en mai 2001, le code pénal danois comportait un article affirmant
l'obligation de travailler pour les personnes condamnées à une
peine privative de liberté. Cet article a été
supprimé et, désormais, la loi sur l'exécution des peines
dispose que les détenus ont l'obligation d'avoir une
« occupation », qui peut consister en un travail, mais
aussi en une formation, voire en une activité reconnue par
l'administration pénitentiaire, comme l'éducation de leurs
enfants.
En 2000, au Danemark, environ 15 % des détenus suivaient une
formation, un peu plus de 30 % étaient employés au service
général de leur établissement et environ 30 % avaient
une activité productive.
• En Espagne, la loi générale pénitentiaire
énonce le caractère obligatoire du travail des détenus
condamnés, mais elle ajoute que ce travail ne consiste pas
nécessairement en une activité productive.
La loi pénitentiaire assimile en effet au travail productif non
seulement la participation au service général des
établissements, mais aussi la formation professionnelle, les occupations
à caractère thérapeutique et les études.
Environ 17 % des détenus espagnols travaillent : un peu plus
de la moitié dans le cadre du service général des
établissements pénitentiaires et les autres dans des ateliers de
production ou des exploitations agricoles.
b) Les autres pays posent le principe du travail obligatoire des personnes
condamnées à une peine privative de liberté, mais
l'appliquent diversement
• Le principe du travail obligatoire
En Allemagne, la loi sur l'exécution des peines considère le
travail et la formation des détenus comme des garanties de leur
réinsertion ultérieure. Elle prévoit donc que
l'administration pénitentiaire donne à chaque détenu un
travail productif adapté à ses aptitudes et à ses
goûts.
En Angleterre et au Pays de Galles, l'ordonnance sur les prisons oblige les
détenus qui ont été condamnés à accomplir un
«
travail
utile
».
La loi pénitentiaire italienne affirme le caractère obligatoire
du travail pour les personnes condamnées à une peine privative de
liberté, le travail devant faciliter leur réinsertion sociale.
D'après la loi pénitentiaire néerlandaise, les
détenus qui ont été condamnés ont l'obligation de
réaliser le travail qui leur est confié par le directeur de leur
établissement.
Dans chacun de ces quatre pays, l'obligation ne s'applique pas aux
prévenus, qui peuvent cependant travailler s'ils le souhaitent.
• L'application du principe varie d'un pays à l'autre
Aux Pays-Bas, presque tous les détenus travaillent, y compris les
prévenus. En Allemagne, le pourcentage des détenus qui ont
été condamnés et qui ne travaillent pas varie entre 15 et
20 %.
En revanche, en Angleterre et au Pays de Galles, un peu moins de 40 % des
détenus travaillent, les exploitations agricoles et les ateliers
pénitentiaires en employant un peu plus de la moitié, tandis que
le service général des établissements occupe les autres.
En Italie, malgré le caractère obligatoire du travail des
détenus condamnés, seuls 24 % d'entre eux travaillaient en
juin 2000.
2) Dans tous les pays étudiés, le travail des détenus
qui sont employés à l'intérieur des établissements
pénitentiaires se déroule dans des conditions exorbitantes du
droit commun
a) Les règles applicables au travail des détenus
dérogent au droit commun
Alors que les relations entre les détenus qui travaillent à
l'extérieur des établissements pénitentiaires et leurs
employeurs obéissent en grande partie au droit commun, les conditions de
travail des détenus employés dans les établissements sont
régies par des textes spécifiques.
Les grands principes applicables au travail des détenus sont
définis par la loi sur l'exécution des peines en Allemagne et au
Danemark, et par la loi pénitentiaire en Espagne, en Italie et aux
Pays-Bas, des règlements d'application de ces différentes lois
déterminant les dispositions détaillées.
En Angleterre et au Pays de Galles, en l'absence de texte législatif ou
réglementaire précis sur la condition pénitentiaire, les
règles applicables au travail des détenus sont dispersées
dans de nombreux documents internes à l'administration.
En règle générale, les dispositions du droit commun
relatives à l'hygiène et à la sécurité sont
les seules qui s'appliquent au travail des détenus, tandis que les
autres conditions de travail, le cas échéant
déterminées par référence au droit commun, y
dérogent.
C'est en particulier le cas de la rémunération : la
rémunération horaire est généralement de l'ordre
d'un euro. L'Angleterre et le Pays de Galles, avec une
rémunération hebdomadaire de l'ordre de douze euros, font
exception à cette règle. L'Italie fait également exception
à cette règle, puisque la loi pénitentiaire dispose que la
rémunération des détenus ne peut pas être
inférieure aux deux tiers de ce qui est prévu par les conventions
collectives correspondantes. Cependant, compte tenu des retenues
pratiquées sur les gains des détenus, on estime que leur
rémunération nette s'élève à 40 % de
celle des salariés libres.
b) Les règles applicables au travail des détenus forment un
droit spécifique plus ou moins complet
Si l'on excepte l'Angleterre et le Pays de Galles, tous les pays
étudiés ont édicté un ensemble de règles qui
encadrent le travail des détenus et forment un ensemble plus ou moins
cohérent.
Ainsi, le Danemark et les Pays-Bas garantissent un revenu minimum aux
détenus qui ne travaillent pas, l'Italie fixe la
rémunération de ceux qui travaillent à hauteur des deux
tiers de celle qui est garantie par les accords collectifs correspondants,
l'Allemagne leur accorde des congés payés, le Danemark organise
la répartition hebdomadaire du travail et prévoit des pauses
prises sur le temps de travail, l'Allemagne et le Danemark octroient des
compensations horaires lorsque le travail a lieu en dehors des horaires
habituels.
Cependant,
c'est en Espagne que le droit du travail des détenus est
le plus complet
. La loi-cadre portant statut général des
salariés précise que les détenus qui travaillent dans les
établissements pénitentiaires sont employés selon un
régime exorbitant du droit commun, mais qui doit tenir compte des droits
fondamentaux reconnus à chacun par la Constitution.
Ce régime spécial a été défini par un
décret de juillet 2001, qui constitue en
quelque sorte le
droit du travail des détenus
: il organise la classification
des postes de travail, prévoit la publication des emplois vacants,
établit les critères d'attribution des postes,
énumère les motifs de suspension et de rupture de la relation
spécifique qui existe entre les détenus et l'Office autonome pour
le travail et les prestations pénitentiaires (OATPP). En effet,
même lorsque les activités de production sont
concédées à des entreprises privées, l'OATPP reste
l'employeur des détenus. Ces derniers signent cependant avec les
entreprises un contrat qui définit les principales
caractéristiques de l'emploi (nature du poste de travail,
rémunération, horaires, durée des congés...). Le
décret de juillet 2001 affirme aussi le droit des détenus
à la promotion et à la formation, à participer à
l'organisation et à la planification du travail et à ne pas subir
de discriminations dans le travail.