3. Motivations et souhaits à l'égard de l'apprentissage du français
Malgré le manque de débouchés, le
nombre d'étudiants de français continue à croître ;
il est apparu intéressant de s'arrêter sur les raisons de leurs
choix et de leurs motivations.
La motivation naît souvent d'un événement anecdotique.
" Avant d'apprendre à dire " bonjour " et de
savoir
distinguer le français des autres langues, je ne connaissais de la
France qu'Alain DELON, que j'ai vu à l'âge de quinze ans dans le
film Zorro. Après avoir passé plusieurs jours à
rêver à son image, j'ai appris qu'il était français
et j'ai commencé à aimer tout ce qui était
français... Alain n'aurait jamais pu imaginer qu'il avait orienté
une jeune Coréenne vers les cours de littérature
française ".
Cette confidence d'une étudiante de français de Séoul
est une réalité qui existe bel et bien dans l'esprit de nombreux
jeunes. L'extrait d'un poème français, une jolie mélodie
de chanson française, la pétillante beauté de Sophie
MARCEAU, encore plus familière grâce à ses
publicités pour des produits cosmétiques coréens, tout
cela peut éveiller la curiosité pour un pays appelé
France, où l'on parle français.
Une enquête de l'Alliance Française de Séoul, menée
à l'occasion du centenaire des relations franco-coréennes
(1886-1986), a permis aux étudiants d'exprimer leurs motivations et
leurs souhaits. Dans les nombreuses réponses recueillies sur le
thème proposé,
" le français et moi ",
les étudiants évoquent fréquemment la beauté de
la langue parmi les raisons de leur choix, comme le montrent les citations
suivantes :
" j'étais charmé par l'accent et les nasales
particuliers du français ; j'aime sa beauté et sa clarté ;
c'est une langue qui nous charme à mesure que nous avançons dans
notre apprentissage ; pour moi, le français se résume en un mot :
charme ; je ressens une certaine fierté à étudier une des
plus belles langues du monde... ",
éloges innombrables, allant
même jusqu'à un certain snobisme comme
" j'aurais l'air
plus raffiné et plus chic en parlant français ".
Un entretien collectif, effectué à l'Alliance
Française de Pusan, en août 1992, auprès des
étudiants de Pusan et sa région, dégage leurs principales
motivations, un peu plus détaillées :
- plus d'un étudiant sur trois apprend le français pour
continuer cette étude entamée au lycée, avec le souhait de
la prolonger en France ;
- la motivation de 25 % d'entre eux provient de leur admiration pour la
beauté de la langue ;
- 15 % veulent prolonger leurs études en France, notamment dans
les domaines d'art appliqué et de sociologie ou encore en informatique ;
- 5 % désirent se préparer à voyager en France ;
- et 2 % estiment le français nécessaire à leur
métier ;
- les 18 % restants n'ont pas exprimé d'opinion.
Compte tenu de la faible influence du français dans la vie
coréenne, la plupart des étudiants ont donc fait un choix
culturel en vue d'un enrichissement personnel.
Les aspects positifs de cet apprentissage, dans ce cadre semi-institutionnel,
sont exprimés comme suit :
- 35 % considèrent que l'étude du français contribue
à accroître leur connaissance de la France et des Français ;
- 20 % sont fiers de connaître une langue occidentale en dehors de
l'anglais, trop banalisé, malgré le nombre restreint de vrais
connaisseurs de cette langue ;
- 15 % mettent l'accent sur une meilleure compréhension de leurs
études universitaires en français ;
- 10 % pensent que cela leur permet de mieux comprendre la
présence de la langue-culture française dans la vie quotidienne
en Corée ;
- pour 7 %, la connaissance de la langue est appréciée,
parce qu'elle facilite la rencontre de Français ;
- enfin, 3 % avouent que cet apprentissage les a aidés à
surmonter leur peur de s'exprimer en langue étrangère.
Bien que ce sondage ait été effectué sur la population
d'étudiants que l'on peut supposer la plus motivée, il
reflète assez bien l'opinion générale des étudiants
de section française dans leur ensemble. En effet, ceux-ci constituent
le gros du public de l'Alliance Française (entre 65 % et 87 % selon le
lieu et la période).
Quant aux 18 % sans opinion, deux interprétations sont possibles. Soit
l'approche par questionnaire n'était pas opportune -des entretiens
individuels auraient pu donner des réponses plus précises-, soit
ils ont eu du mal à déterminer leurs motivations, du fait qu'ils
sont plutôt là pour satisfaire à la mode coréenne de
passer des vacances studieuses.
Parmi ceux qui ont choisi le français au détriment de l'anglais,
certains ont des regrets à cause de
" son
inutilité "
qui limite le choix d'un travail. De peur de ne pas
trouver une situation intéressante, ceux-ci se reconvertissent à
l'apprentissage de l'anglais. Néanmoins, la plupart des étudiants
en section française estiment que le français n'est pas assez
répandu en Corée par rapport à sa valeur réelle sur
le plan international.