RAPPORT N° 18 - Apprendre le français en Corée
Groupe interparlementaire d'amitié France-Corée du Sud
Rapport Groupe d'amitié France-Corée du Sud n° 18 - 1997/1998
Table des matières
- PRÉFACE
- INTRODUCTION
- I. LA CORÉE TRADITIONNELLE : L'INFLUENCE DU BOUDDHISME ET DU CONFUCIANISME DANS LA SOCIÉTÉ CORÉENNE
- II. PRÉSENTATION ET BILAN DU SYSTÈME ÉDUCATIF ACTUEL
- III. LA CORÉE ET LES LANGUES-CULTURES ÉTRANGÈRES
- IV. LA PLACE DU FRANCAIS DANS L'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES LANGUES-CULTURES
- V. PRÉSENTATION DES ENSEIGNANTS DE FRANCAIS ET BILAN DE LEUR FORMATION
- VI. PRÉSENTATION ET BILAN DES PROGRAMMES D'ÉTUDES
- VII. PRÉSENTATION ET BILAN DE L'ACTION LINGUISTIQUE ET CULTURELLE DE LA FRANCE EN CORÉE
- CONCLUSION GÉNÉRALE
- ANNEXES
- BIBLIOGRAPHIE
PRÉFACE
Premier pays occidental à avoir établi des
contacts avec la Corée, la France a d'emblée, entretenu avec ce
pays des relations culturelles privilégiées.
Aujourd'hui, le français est la deuxième langue enseignée
en Corée après l'anglais et jouit d'une image prestigieuse,
associée à la culture et au raffinement.
Pour autant, au regard du développement connu par la Corée ces
dernières années, la faiblesse relative des échanges tant
économiques que culturels avec un pays devenu le onzième
exportateur mondial et dont le niveau de vie a cru de façon
considérable, nourrit certaines interrogations.
Les activités du groupe sénatorial, par des contacts
réguliers, ont contribué à une meilleure connaissance du
pays.
Des délégations du groupe sénatorial France-Corée
se sont rendues à plusieurs reprises en Corée, en 1986 puis en
1988, et j'ai moi-même eu l'occasion de me rendre à divers titres
dans ce pays qui frappe par son dynamisme, dans une région dont la
croissance reste très soutenue. Le groupe a des liens avec les
associations présentes en France et des manifestations culturelles ont
pu être organisées au Sénat.
Le Président de la République a affirmé, en 1995, la
volonté française de replacer l'Asie au coeur de ses
préoccupations et de ses intérêts.
Les difficultés nées du retard du chantier du T.G.V.
Séoul-Pusan et de l'affaire Thomson témoignent encore d'une
certaine forme d'incompréhension et de la nécessité du
développement des relations franco-coréennes. Dans ce contexte,
une réflexion approfondie sur la place et le rôle de la langue
française en Corée s'inscrit dans le cadre des objectifs de
soutien à la francophonie assignés aux groupes sénatoriaux.
Cette étude issue de la thèse de doctorat de Madame
SUNG-HEE-PARK, présentée le 13 juin 1996, en l'université
de la Sorbonne nouvelle, s'appuie sur une mise en perspective culturelle et
historique du système de pensée coréen soulignant en
particulier le rôle duc confucianisme et l'influence des pays voisins.
Elle décrit l'ensemble du système éducatif dans lequel
s'inscrit l'enseignement des langues étrangères. Recensant les
actions entreprises en faveur du français en Corée, elle propose
une série d'aménagements.
Au service d'une meilleure compréhension réciproque, en vue d'un
approfondissement de nos relations, ces investigations nous montrent que la
grande ouverture culturelle des Coréens demeure une chance pour la
France et la culture française.
Jean FAURE
GROUPE D'AMITIÉ FRANCE-CORÉE
Composition du bureau 1997
Président |
M. Jean FAURE (UC)
|
Vice-Présidents |
M. Charles DESCOURS (RPR) |
|
M. Philippe NACHBAR (RI) |
|
M. François LESEIN (RDSE)
|
Membres du Bureau |
M. Jean PUECH (RI) |
|
M. Hubert DURAND-CHASTEL (NI)) |
|
Mme Paulette BRISEPIERRE (RPR) |
|
M. Jean-Louis LORRAIN (UC) |
INTRODUCTION
Cette étude a pour origine la constatation d'un
paradoxe apparent concernant le statut du français en Corée :
alors que très peu de Coréens maîtrisent cette langue,
celle-ci fait partie du cursus d'un grand nombre d'étudiants, et la
culture française conserve son prestige.
Dans l'esprit de nombreux Coréens, la France est synonyme de pays
d'art, de culture et de luxe. Les références à la France
en terme de littérature, de mode, d'arts plastiques... jusqu'à
l'art culinaire, sont fréquentes.
Pourtant, la langue française concerne essentiellement le milieu
institutionnel. Malgré l'intérêt qu'il suscite, son
enseignement ne s'avère pratiquement jamais être à la
hauteur des espérances des apprenants : ceux-ci souhaiteraient surtout
la maîtrise de l'oral et l'accès à la culture du pays
d'accueil.
Ce constat conduit à rechercher les possibilités d'un
enseignement mieux adapté au contexte local.
On ne peut aborder le statut d'une langue étrangère dans un
pays, sans évoquer au préalable le contexte général
représenté par les traditions intellectuelles et culturelles,
ainsi que le système de valeurs associé à ces traditions.
Le bouddhisme et surtout le confucianisme ont marqué de leur empreinte
la société coréenne, en particulier son système
éducatif.
Par ailleurs, le statut du français ne peut s'établir qu'en
relation avec les autres langues principales enseignées. La conception
de la langue et de la culture par les Coréens eux-mêmes doit aussi
être précisée, car elle influence leur attitude à
l'égard des autres langues-cultures.
L'observation de ce contexte met en évidence la nécessité
de dynamiser l'enseignement/apprentissage du français, ce qui
entraînerait la valorisation de son statut. Cette valorisation devrait se
donner trois objectifs :
- améliorer la formation des enseignants ;
- adapter les programmes aux besoins des apprenants ;
- rendre plus efficace le soutien du gouvernement français.
I. LA CORÉE TRADITIONNELLE : L'INFLUENCE DU BOUDDHISME ET DU CONFUCIANISME DANS LA SOCIÉTÉ CORÉENNE
Pour la Corée qui se veut moderne et ouverte au monde,
l'éducation représente, avant tout, l'assise de la nation, du
peuple et de la démocratie. Les Coréens ayant la volonté
de faire aussi bien que les peuples des pays avancés, estiment que c'est
à travers l'organisation du système éducatif qu'ils
peuvent parvenir à cet objectif.
Dans ce cadre, l'éducation a une double fonction, d'assurer la
formation intellectuelle et culturelle de chaque individu, et de servir le
progrès économique et technologique de l'Etat.
Le prestige de l'éducation est issu de la tradition confucéenne,
qui attache un grand prix au respect du savoir. L'ancien système
éducatif se caractérise, en effet, par une forte influence de la
philosophie confucéenne, elle-même originaire de Chine. Toutes les
institutions des anciens royaumes s'inspiraient directement de celles des
Chinois, et l'enseignement/apprentissage s'effectuait entièrement dans
cette langue, aucun système d'écriture ne pouvant encore
transcrire le coréen. Les lettrés avaient donc adopté les
idéogrammes chinois, étudiaient la langue et connaissaient bien
les textes classiques chinois. C'est par ce biais que le bouddhisme, puis le
confucianisme, pénétrèrent en Corée dès le
IVe siècle. Ce fut surtout le confucianisme -et ceci par la
volonté délibérée du pouvoir en place- qui
exerça une influence considérable sur toute la vie du pays, en
particulier sur l'éducation.
Le système éducatif coréen ne peut être
analysé que replacé dans le contexte de la société
coréenne, et dans son système de valeurs. Les finalités
éducatives en sont le reflet.
A. ORIGINES ET DÉVELOPPEMENT DU BOUDDHISME ET DU CONFUCIANISME
L'adoption du bouddhisme s'est faite dans le cadre des
relations diplomatiques avec la Chine, au début du VIe siècle.
C'est la famille royale qui a imposé cette religion à la noblesse
du pays, afin de favoriser la centralisation du pouvoir. Une seule religion,
commune à tout le peuple, pouvait servir les tendances centralisatrices
du pays ; l'idée de réincarnation pouvait justifier
également les stratifications de la société, mais aussi
les notions de paradis et d'enfer, de bonté et de péché,
de récompense et de punition, contribuaient à faire respecter les
lois et les autorités.
1
Ces calculs politiques accélérèrent l'adoption du
bouddhisme par les classes dirigeantes et le peuple accepta cette nouvelle
religion, plus noble, plus structurée et aussi plus compatissante que
leur religion primitive, le chamanisme.
2
Le bouddhisme réalisa ainsi une fusion symbiotique avec le
chamanisme originel et commença à dominer le climat culturel
général. Les moines bouddhistes jouissaient d'un grand respect
auprès de la population rurale. Beaucoup d'entre eux étaient
d'excellents professeurs, qui dispensaient un enseignement de qualité
dans divers domaines : politique, tactique militaire, philosophie, art, etc. En
somme, le bouddhisme constituait
" la pierre angulaire de
l'éducation pour une large majorité de la population "
(Sun-Young PARK)
3
.
Le confucianisme pénétra, quant à lui, sur la
péninsule de manière plus progressive, avec la propagation des
idéogrammes chinois. Son adoption par les classes supérieures se
généralisa à partir du VIe siècle. Le confucianisme
formait, en effet, une base idéale permettant d'élaborer une
éthique politique, qui prônait la piété filiale
envers les parents et la loyauté envers son souverain.
Le premier institut public, établi en 372 selon le modèle
éducatif chinois, fut d'ailleurs nommé Académie Nationale
Confucéenne ; sa vocation de transmettre l'éthique
confucéenne témoignait déjà d'une volonté de
développer la structure bureaucratique et de renforcer le pouvoir royal.
Le confucianisme, comme éthique nationale, fut légitimé
lors de la première unification de la Corée en 668.
_________________________________
1
Cf. André FABRE, La Grande Histoire de Corée,
Lausanne, FAURE, 1988, pp. 73-79.
2
Les anciens Coréens croyaient que tous les
éléments de la nature possédaient des esprits. Ils
faisaient confiance au Chaman, Chef religieux et temporel dont les incantations
et les exorcismes assuraient l'harmonie du monde et détournaient les
mauvais esprits. Ces pratiques, se rapportant aux désirs et aux besoins
de la vie quotidienne, concernaient rarement la vie antérieure ou la
vie dans l'au-delà.
3
De l'influence du Confucianisme sur le système
éducatif de la Corée de l'ancien temps. Article paru dans Culture
Coréenne, un mensuel édité par le Centre Culturel
Coréen à Paris - n° 28, décembre 1991, p. 3.
Le bouddhisme et le confucianisme coexistèrent durant six
siècles sans conflits majeurs : le premier étant plus
profondément enraciné dans la population rurale, les
lettrés, sans être hostiles au bouddhisme, ayant une
préférence pour la pensée philosophique
confucéenne. Mais la corruption des moines et l'arrivée du
néo-confucianisme chinois, à la fin du XIIe siècle,
amèneront ces lettrés à réexaminer le bouddhisme
avec un regard beaucoup plus critique. La théorie
néo-confucéenne leur apportera surtout une nouvelle base
d'analyse sur les origines de l'homme et de l'univers.
Cette théorie reposait sur l'existence d'une double composante de la
nature humaine : le i représentant la raison et le ki correspondant
à l'énergie. La partie i englobe la compassion, la droiture,
l'humilité et la sagesse et la partie ki a un caractère
plutôt néfaste, car elle correspond aux besoins matériels
et aux désirs égocentriques de l'individu.
L'homme idéal, pour les Confucéens, est celui qui est parvenu
à sublimer son ki et dont le comportement est régi par le i. Cet
homme, cherchant la voie de la sagesse, est appelé
" kunja "
ou
" grand
homme "
. Dans la
société traditionnelle, l'usage voulait que la voie du kunja soit
tracée d'avance. Tout d'abord, il se devait de servir l'Etat en entrant
dans l'administration et d'indiquer au peuple le droit chemin en agissant
toujours avec moralité. A la fin de sa carrière, il devenait
professeur, chargé de transmettre aux jeunes son expérience et
l'enseignement qu'il avait reçu. En résumé, il
était à la fois un érudit, un éducateur et un homme
politique.
Quant aux lettrés ou
" sonbi "
, ils se consacraient
entièrement aux études confucéennes et à leur
propre perfectionnement, en s'efforçant d'atteindre le degré
suprême du i : être exemplaire et conduire les gens dans la bonne
direction. Selon la loi fondamentale dictée par Confucius, le premier
objectif ne pouvait être réalisé qu'à travers le
perfectionnement de soi et l'enseignement confucéen,
considérés comme deux facteurs complémentaires. Autrement
dit, l'acquisition de textes sans un perfectionnement parallèle ne
servait qu'à accumuler un savoir inopérant, tandis qu'une
éducation sans connaissances pour l'éclairer n'aboutissait
qu'à une vision étroite et obscurcissait les choses. Le second
objectif -conduire le peuple dans la bonne voie- pouvait être atteint
à condition que le gouvernement fût bon et que l'éducation
fût dispensée comme il le fallait
(Sung-Young PARK 1991, p.
6).
Tout cela est synthétisé dans l'ancienne sentence chinoise :
Su-Sin-Jé-Ga-Chi-Kuk-Pyung-Chun-Ha, ce qui veut dire :
" le
perfectionnement de soi contribue au bon ordre de la famille, lequel est
nécessaire au bon fonctionnement de la société. Le tout
favorisant un bon gouvernement et donc l'harmonie de l'univers ".
L'éthique confucéenne, fondée sur un idéal d'ordre
dans les relations humaines, obligeait tout individu à se conduire et
à s'exprimer de manière convenable, en accord avec son rôle
et son statut social. Ainsi, chacun devait respecter les principes du code de
conduite : du sujet vis-à-vis de son roi (principe de pouvoir), des
citoyens entre eux (principe de loyauté) et, au sein de la famille, des
enfants vis-à-vis des parents, des cadets à l'égard des
aînés, de la femme envers son mari (principe de respect). Un
individu avait donc, dans l'existence quotidienne, plusieurs rôles
à assumer en fonction des situations et de sa condition sociale, et il
se devait de les intégrer tous, ainsi que les devoirs et les
responsabilités s'y rapportant.
La prédominance du confucianisme eut, pour conséquence directe,
une véritable floraison d'études néo-confucéennes,
mais elle freina aussi le développement des sciences et des techniques,
les activités pratiques et manuelles étant tout à fait
déconsidérées. Il était hors de question, pour les
lettrés, d'entreprendre un quelconque travail et surtout pas une
activité manuelle. A l'inverse, le destin des bourgeois roturiers
était de travailler dur dans leurs champs d'activités respectifs,
sans jamais pouvoir s'adonner à la lecture des écrits
confucéens. Cette hiérarchie était de la plus haute
importance et la fonction de chaque classe était strictement
codifiée et délimitée au sein d'un système rigide,
qu'il était impossible de remettre en question.
Après avoir connu cette période florissante, la doctrine du
néo-confucianisme devint victime, à la fin du XVIIIe
siècle, de son autosatisfaction et de son étroitesse d'esprit.
C'est que la classe dominante se perdait de plus en plus dans des discussions
théoriques ou de vaines élucubrations, qui suscitaient la
division et l'affaiblissement du pays. La lutte entre les notables s'aggravait,
la corruption se répandait dans toute la société et le
peuple souffrait. C'est dans cette atmosphère lourde de déception
que de nombreux lettrés se mirent à chercher une nouvelle
doctrine, capable de remplacer le néo-confucianisme.
Malheureusement, leurs efforts menés pour étudier la Science
pratique (Silhak
4
) ou la Science occidentale (Sohak
5
),
furent réprimés par la classe dirigeante, acharnée
à préserver le système établi et donc incapable
d'aucune vision d'avenir. L'Etat n'ayant su se renforcer à l'aide des
idées nouvelles, ne put faire face, le moment venu, aux puissances
étrangères et y succomba.
________________________
4
Mouvement idéophilosophique né en réaction
d'une société monarchique très affaiblie,
caractérisé par le retour aux sources pour mieux
appréhender l'avenir et une meilleure prise en compte des desiderata de
la population, Encyclopédie du patrimoine culturel de Corée, vol.
14, pp. 114-123.
5
Nom coréen désignant le catholicisme au moment de
son introduction en Corée. Le Sohak, déjà introduit en
Chine, en apportant une nouvelle vision du monde, comprenait non seulement le
dogme catholique, mais surtout la civilisation occidentale centrée sur
les Sciences et excellait dans les domaines de la cartographie, de l'astronomie
et de l'armement.Hung-Yun CHO, La rencontre des religions occidentales et
coréennes, Culture Coréenne n° 20, décembre 1989, p.
3.
B. CONSÉQUENCES SUR L'ANCIEN SYSTÈME ÉDUCATIF
La plupart des instituts publics furent fondés
selon le modèle éducatif chinois et leurs contenus d'enseignement
furent centrés sur les classiques confucéens. L'unique exception
concerna Hwarangdo, une organisation à la fois religieuse et militaire,
qui regroupait les jeunes aristocrates au début du VIe siècle. Ce
mouvement se fondait sur l'étude du bouddhisme et des arts martiaux,
ainsi que sur la transmission de valeurs telles que loyauté et
patriotisme
6
. Ces valeurs donneront au Royaume, quelques
décennies plus tard, la force de cohésion nécessaire, lors
de la première unification de la péninsule coréenne en 668.
L'agrandissement du territoire, consécutif à cette unification,
eut pour conséquence l'accroissement du nombre de fonctionnaires et,
pour répondre à ce nouveau besoin, la création de
l'Institut National Confucéen (Kuk-hak). Le programme d'étude
comprenait trois sections au choix : philosophie, histoire et
littérature.
Le royaume de Koryo (918-1392), succédant à celui de Silla
unifié, s'appuya toujours fortement sur le bouddhisme, tout en
adhérant aux valeurs morales et aux idéaux politiques
confucéens. Mais il fut néanmoins progressivement
réorganisé. C'est ainsi que l'on vit naître, dans la
capitale, une université nationale (Kuk-ja-gam) et des écoles
publiques (Hyang-gyo) dans les campagnes. Le programme de l'enseignement
supérieur comprenait, outre les classiques confucéens, des
matières plus pragmatiques comme la législation, la calligraphie
et même la comptabilité, celui de Hyang-gyo englobait
essentiellement les classiques chinois et l'histoire. Les réformes du
roi Kwangjong (949-975) contribuèrent à fonder un
véritable gouvernement central, avec un appareil administratif
renforcé, grâce à la création du système de
concours national, en 958
7
.
Ce nouveau système de concours fut mis au point par un ex-fonctionnaire
chinois, membre de l'ambassade de Chine et devenu, ensuite, le conseiller du
roi. Auparavant, les fonctionnaires étaient recrutés dans les
familles nobles bien en Cour. Le roi voulut remplacer ce système
élitiste par un examen officiel, qui permettrait de créer une
nouvelle classe de serviteurs de l'Etat, pour contrebalancer l'influence de
l'aristocratie et des propriétaires terriens. Cela présupposait
un effort considérable, qui consistât à créer une
structure bureaucratique nouvelle renforçant l'autorité royale.
Afin de donner plus d'éclat à cette nouvelle élite, le roi
procéda lui-même, à partir de 960, à la remise des
diplômes. La cérémonie avait lieu en costume de Cour et les
rangs des fonctionnaires étaient distingués par la couleur de
leur uniforme : pourpre, rouge, écarlate et vert.
________________________________
6
Les principes édictés par le Moine Won-Kwang
étaient les suivants : servir le roi avec loyauté, servir ses
parents avec piété filiale, être fidèle à ses
amis, ne jamais reculer au combat et ne pas tuer inconsidérément.
7
Cf. André FABRE, 1988, pp. 132-136.
Le concours national comportait trois catégories d'épreuves :
- matières civiles pour les postes civils ordinaires ou les postes
élevés dans l'administration gouvernementale ;
- matières militaires pour les futurs officiers au service du
pouvoir royal ;
- matières diverses pour les fonctionnaires subalternes.
Toutes ces épreuves se déroulaient en trois étapes. On
procédait d'abord à un examen préliminaire dans chaque
région. Ceux qui avaient réussi se rassemblaient dans la
capitale, pour en passer un second à l'Académie Nationale. Pour
chaque province, il y avait un nombre limité d'admissibles,
calculé au prorata de la population. Après ce double barrage, on
pouvait enfin subir, en présence du roi, une ultime épreuve,
l'examen du Palais. Celle-ci proposait trois types de concours correspondant
aux trois catégories déjà citées :
- le grand concours, qui consistait à rédiger une
composition littéraire de culture générale ;
- le petit concours, qui portait sur les classiques chinois ;
- les examens spécialisés, qui servaient à recruter
les spécialistes dans des domaines techniques.
En 425 ans, il y eut 252 sessions d'examens et 6 718 reçus.
Ce système permit l'apparition d'une nouvelle classe au sein de la
société de Koryo : les lettrés confucéens. Pour
eux, la création des examens fut l'occasion rêvée de gravir
l'échelle sociale et de prendre part aux affaires de l'Etat.
Par ailleurs, le concours national étant le seul moyen de recruter les
fonctionnaires, il était un passage obligé pour les membres de la
classe dominante, une garantie de bien-être matériel et, surtout,
un grand honneur. Le succès à ce concours était, pour un
roturier, la voie la plus sûre pour s'élever socialement et aussi
le meilleur moyen de remplir ses devoirs filiaux. Aujourd'hui encore, le
concours national demeure un passage obligé pour accéder aux
postes élevés, par exemple du Ministère des Affaires
Etrangères ou de la Justice.
Vers la fin du XIVe siècle, les programmes furent
réorganisés, le confucianisme devenant le principal et unique
domaine d'études. L'éducation publique était alors
divisée en deux catégories bien distinctes : la première
englobait tout ce qui faisait partie du champ des études
confucéennes, dispensées dans les instituts publics :
l'université nationale (Sung-kyun-kwan) et les établissements
secondaires dans la capitale (Hak-dang) et en province (Hyang-gyo) ; la seconde
comprenait les matières pratiques, enseignées au sein de
départements spéciaux, ouverts dans les services administratifs
concernés. Cette dernière formation avait pour objectif de
fournir à l'Etat des fonctionnaires subalternes dans des domaines
spécifiques : droit, comptabilité, médecine,
géomancie, divination, interprétariat, danse et musique.
L'enseignement privé se développa à partir du XIVe
siècle. Les académies privées, Sowon, officiellement
reconnues par le roi, dispensaient l'étude des classiques
confucéens dans un climat relativement libéral. Certaines
académies concurrençaient directement l'université
nationale par la qualité de leur formation ; mais les lettrés
locaux diffusaient leurs propres conceptions et analyses et
transformèrent peu à peu ces établissements en
écoles de pensée, voire en véritables foyers de
contestation en encourageant, à la fin du XIXe siècle, les masses
à se révolter contre le pouvoir central. A la suite de ces
événements, ils furent interdits par décret royal : seuls
quarante-sept d'entre eux, reconnus comme importants, furent néanmoins
autorisés à poursuivre leurs activités.
Les écoles élémentaires, Sodang, contribuèrent
beaucoup à l'accroissement du niveau d'instruction de la population et
à la diffusion des valeurs et traditions confucéennes dans tout
le pays. Chaque village possédait au moins une ou deux écoles qui
avaient des formes diverses : soit une salle de classe aménagée
dans la maison d'un villageois instruit faisant office de maître
d'école, soit une école construite par les habitants, qui
faisaient venir ensuite un maître pour leurs enfants.
Ce n'est que vers la fin du XIXe siècle que ces établissements
commencèrent à modifier leurs programmes en y ajoutant de
nouvelles matières, notamment des sciences sociales et des langues
occidentales et à créer de nouvelles écoles
destinées aux enfants des milieux modestes. Les femmes étaient
exclues jusqu'alors de l'enseignement public. Leur niveau d'instruction
-dispensée à la maison- dépassait rarement la
maîtrise des caractères coréens et des idéogrammes
chinois rudimentaires. Les seules initiatives des parents consistaient à
développer, en elles, un esprit vertueux et à les préparer
à devenir des épouses idéales : fidèles, loyales,
effacées et efficaces pour le bon fonctionnement de la maison.
D'une manière générale, on peut observer un conservatisme
et une orientation néo-confucéenne, fortement impliqués
à travers tout l'ancien système éducatif.
On peut donc dire que
" l'éducation confucéenne a fait
des Coréens des hommes responsables et modérés, ayant un
sens moral aigu et manifestant beaucoup d'intérêt pour les
études et l'instruction en général. La conviction que
c'est à travers l'éducation que l'on devient vraiment un homme
est encore aujourd'hui profondément enracinée dans l'esprit de la
population " (Sun-Young PARK, 1991, p. 12).
C. RICHESSES ET TRADITIONS CULTURELLES
Les traditions culturelles coréennes sont largement redevables au confucianisme et au bouddhisme. On retiendra trois domaines d'élection : l'écriture, l'art religieux et la peinture.
1. Imprimerie et édition
Il est bien connu qu'au XVe siècle, l'invention
par GUTENBERG des caractères mobiles typographiques devait
révolutionner la circulation de l'information en Occident. On oublie
souvent, en revanche, que GUTENBERG fut inspiré par les méthodes
d'imprimerie coréenne qui, dès le XIIIe siècle, avaient
commencé à faire leur chemin vers l'Europe en passant par la
Chine, puis le monde arabe
8
.
C'est en 1234 que l'on commença à utiliser, en Corée, la
typographie, avec les premiers caractères métalliques amovibles,
pour la publication de vingt-huit exemplaires du
Sang-Jong-Yé-Mun,
le code complet et détaillé de l'étiquette. La plus
ancienne oeuvre, conservée et imprimée avec ces
caractères, est une collection de sermons du bouddhisme Zen,
Traits
édifiants des patriarches rassemblés par le Bonze Paik-Oun,
réalisée en 1377, dont une copie se trouve à la
Bibliothèque Nationale de Paris
(Francis MACOUIN).
9
A cette époque fut également sculptée, sur
de larges planches en bois, la plus ancienne et la plus complète
collection de textes bouddhiques : la
TRIPITAKA
coréenne
était un ensemble de plus de 80 000 planches à imprimer,
réalisé dans l'espoir que ce pieux hommage à Bouddha
protégerait le royaume contre les envahisseurs mongols, espoir qui se
révéla vain, car la première série, fruit d'un
effort national qui dura soixante-treize ans sous six règnes successifs,
fut détruite par ces belliqueux voisins ! Heureusement, la seconde
collection a été conservée dans le temple de Haeinsa, au
centre du pays et constitue, avec les céladons, l'un des principaux
patrimoines de cette période.
_________________________________
8
Cf. L'imprimerie Coréenne de A à Z, Culture
Coréenne, n° 12, février 1986, pp. 34-36.
9
Des livres coréens anciens à Paris, Culture
Coréenne n° 26, 1991, p. 12.
.
Les Coréens furent ainsi les premiers au monde à
s'équiper de la xylographie
10
et des caractères
mobiles d'imprimerie. L'extension de cette technique se fit au début du
XVe siècle, quand le fils du fondateur du royaume de Chosun (1392-1910),
soutint ardemment son développement, afin d'encourager le peuple
à étudier le confucianisme, fondement de l'Etat.
Son successeur, le roi Séjong, dans le but de protéger la
culture coréenne et de la détacher de toute influence chinoise,
prit l'initiative de créer un alphabet coréen. Promulgué
en 1446, après cinq ans de recherche et trois ans
d'expérimentation dans un institut spécialement conçu pour
son élaboration, cet alphabet, le Han'gul, se répandit rapidement
et bénéficia d'une grande popularité, grâce à
son excellente conception : il est à la fois phonétique et
phonémique, le signe de chaque consonne représentant la position
de la langue pour prononcer le son correspondant (cf. le système
d'écriture coréen en annexe 1).
Son invention accéléra le développement et la
démocratisation de l'imprimerie, un grand nombre d'ouvrages chinois
furent traduits et la littérature locale commença à se
développer. En effet, si les écoles confucéennes
continuaient à dispenser un enseignement entièrement en chinois
pour les fils de bonne famille se préparant à la carrière
administrative, les ouvrages rédigés et imprimés en
coréen pouvaient être lus par tous. C'est ainsi qu'en 1866,
l'Officier de Marine
ZUBER
, membre de l'expédition venue demander
des comptes après la mise à mort de missionnaires
français, nota dans son rapport :
" Un fait qu'on ne peut
s'empêcher d'admirer dans tout l'Extrême-Orient et qui ne flatte
pas notre amour-propre, c'est la présence de livres dans les habitations
les plus pauvres. Ceux qui ne savent pas lire sont bien rares et encourent le
mépris de leurs concitoyens. "
De nos jours, la lecture constitue toujours une approche culturelle
importante. La florissante édition coréenne actuelle provient de
cet héritage et repose sur le respect du savoir. En dépit des
qualifications rigoureuses que l'on exige des éditeurs, il existe
environ 2 800 maisons d'édition, qui publient aussi 1 800
périodiques (quotidiens, hebdomadaires, mensuels et trimestriels). En
1992, les ouvrages littéraires représentaient 20 % de l'ensemble
des livres édités, les livres pour enfants 17 %, de sciences
sociales 12 %, ceux des sciences naturelles et des techniques, 12 %, et les
manuels scolaires, 16 %. La part des ouvrages consacrés aux langues
était de 4 %.
_________________________
10
Invention chinoise, développée par les hommes
de Silla au début du VIIIe siècle. La traduction en chinois du
Dharani Sutra " de la lumière pure ", conservée au
Musée National de Séoul, serait le plus vieil imprimé
subsistant au monde. La Corée, Que sais-je ? Paris, PUF 1991, p. 29.
2. Arts et bouddhisme
Si le confucianisme a joué un rôle
essentiel sur le plan intellectuel, le bouddhisme a beaucoup apporté sur
les plans artistique et culturel.
L'art religieux atteignit son apogée au VIIIe siècle,
l'âge d'or du premier royaume unifié. Le bouddhisme, florissant
grâce au soutien de la Cour, a fortement influencé la
création artistique. La capitale, Kyungju, avec alors plus d'un million
d'habitants (dix fois plus qu'aujourd'hui), était renommée pour
sa beauté et sa prospérité.
L'art sacré continua à se développer sous le royaume de
Koryo, qui adopta le bouddhisme comme religion d'Etat. Ce dernier stimula la
construction de temples, la sculpture et la peinture. Les statues bouddhiques
et les pagodes de cette époque furent remarquables par leur grand nombre
et leur finesse. Mais en 1392, au début du royaume de Chosun, le
remplacement de la religion d'Etat bouddhique par le confucianisme amena un
mépris de l'art bouddhique, avec pour conséquence un profond
déclin de la sculpture religieuse.
En ce qui concerne la céramique, le bouddhisme s'intéressa peu
à cet art qui bénéficiait déjà d'une longue
tradition avec son style sobre et modeste. Au XIIe siècle, à
partir du moment où l'influence chinoise fut rejetée, la
créativité locale put s'épanouir dans un raffinement de
haut niveau. Ainsi naquirent le bleu-vert de la glaçure des
céladons et les techniques d'incrustation, au service d'une poterie plus
féminine et élégante. Mais, là aussi, la
prédominance du confucianisme entraîna un changement de style et
de conception artistique : les poteries différèrent radicalement
par leurs formes plus masculines et leurs lignes plus droites et plus lourdes.
Néanmoins, ces deux formes d'expression différente font la
richesse de cette céramique, qui demeure l'objet d'art coréen le
plus connu des historiens et des amateurs.
3. Calligraphie et peinture
Dans la Corée ancienne, il fallait
maîtriser, pour honorer le titre de lettré, les trois disciplines
nobles, la poésie, la peinture et la calligraphie. Pratiquée
depuis le IVe siècle, date de l'introduction des idéogrammes
chinois, la calligraphie reste le plus respecté et le plus vivant de
tous les arts traditionnels ; il fait l'objet d'expositions fréquentes
et réunit à ces occasions de nombreux pratiquants de tous
âges.
Traditionnellement, des maximes calligraphiées étaient
accrochées au-dessus des portes de chaque maison. Aujourd'hui encore, on
les retrouve dans les bureaux et les établissements scolaires et
universitaires.
En ce qui concerne la peinture, on a toujours distingué la peinture
classique de celle dite
" populaire "
ou
" Minwha "
, la première étant étroitement
liée à l'enseignement confucéen. La peinture classique,
influencée par les oeuvres chinoises, avait quelques principes à
respecter : les portraits obéissaient à des règles
précises et les paysages ne représentaient jamais les lieux
réels, mais reflétaient les états d'âmes de l'auteur.
Au XVIIIe siècle, rejetant l'influence chinoise, la peinture populaire,
quant à elle, suivait le goût personnel de l'artiste ou de ses
clients et s'inspirait d'authentiques paysages et de coutumes locales
folkloriques. Libérées de toutes les barrières
conventionnelles, ces peintures étaient vivement colorées et
très expressives.
Cette époque produisit également des peintures raffinées,
au pinceau et à l'encre, prenant comme sujet principal les quatre
plantes nobles, symboles des vertus traditionnelles : la prune (fierté),
l'orchidée (érudition), le chrysanthème
(discrétion) et le bambou (fidélité).
Au début du XXe siècle, la Corée s'est ouverte à
l'art occidental et l'influence de ce dernier s'est considérablement
accrue à partir des années soixante : les nombreux artistes
coréens qui ont étudié en Europe, en particulier à
Paris ou aux Etats-Unis, ont joué un rôle majeur dans
l'introduction des styles et des tendances de l'art contemporain en
Corée. Aujourd'hui, on assiste à un engouement aussi bien pour la
peinture traditionnelle que pour la peinture occidentale.
La richesse de toutes leurs traditions culturelles a prédisposé
les Coréens à s'intéresser plus particulièrement
aux pays étrangers présentant une forte tradition culturelle,
comme la Chine en Asie et la France en Europe. C'est une des principales
raisons qui explique l'attrait exercé par la France sur les
Coréens. Pour qu'un peintre renforce sa notoriété, il lui
faut, par exemple, l'intervention d'un critique d'art français. Un
article de sa part est très apprécié.
D. SYSTÈME DE VALEURS DES CORÉENS
Le système de valeurs des Coréens est,
en partie, issu des préceptes confucéens, sur lesquels se sont
greffées des considérations matérielles. Selon les
résultats d'un sondage réalisé en octobre 1992 par un
quotidien de Séoul (Chosun Ilbo), les principaux voeux des
Coréens sont :
" fonder sa propre famille, assurer la
réussite de ses enfants avec la richesse matérielle et la
santé pour chacun ".
Dans le système de valeurs des Coréens, la famille incarne
quelque chose de fondamental. Le sens de la famille représente la valeur
première (35,1 %), puis la santé (24,3 %) et la
fidélité (17,3 %)... autant d'éléments liés
à cette microstructure considérée comme fondement de la
vie et condition d'un développement harmonieux de la
société.
Quant à leurs souhaits, un Coréen sur trois désire, avant
tout, la réussite sociale pour lui-même et pour ses enfants. Ce
désir est encore accentué chez les cadres et les professions
libérales. Viennent ensuite, presque à égalité, la
richesse matérielle (16,1 %) et la santé (15,6 %). Si la
réunification prend la quatrième position (11,5 %), c'est
précisément parce que dix millions de familles, dispersées
pendant la guerre de Corée (1950-1953), sont toujours à la
recherche des leurs.
L'honneur reste la valeur essentielle chez les gens de plus de cinquante ans
(66,7 %), alors que l'argent prend plus d'importance chez les jeunes
générations du
" boum économique "
(46,9
%).
Cette enquête nous permet d'observer une évolution de la
mentalité. Les jeunes Coréens d'aujourd'hui sont beaucoup plus
individualistes et matérialistes que leurs aînés, qui
insistaient davantage sur le partage avec les moins aisés, sur la
sagesse, plutôt que les richesses matérielles.
Autrefois, l'argent était un sujet tabou que les nobles devaient
ignorer. Avant que l'esprit mercantile n'envahisse la société,
seuls les marchands s'intéressaient à l'argent. Ainsi, un
lettré sans le sou était beaucoup plus respecté qu'un
riche marchand
" à la tête vide ".
De nos jours encore, les patrons coréens ne voient pas d'un bon oeil
les candidats à un emploi qui osent parler de leur salaire. C'est le
meilleur moyen d'échouer à un entretien d'embauche, car on ne
doit pas donner l'impression de rechercher d'abord, dans un travail, les
avantages financiers. De même, chez les gens de plus de trente-cinq ans,
lors de sorties ou de repas au restaurant, une seule personne invite et
règle pour tout le groupe, alors que les jeunes préfèrent
la coutume actuelle de payer chacun pour soi.
La valeur essentielle et constante reste la famille. Le souci de la
réussite des enfants est très ancien ; il a été
fortement encouragé, comme on l'a vu plus haut, par l'instauration du
concours national à la fin du Xe siècle, système qui a
contribué à accroître l'importance de l'éducation et
de l'érudition.
L'histoire des exilés de Bukchong illustre bien cet attachement
à l'éducation et à la réussite des enfants.
Bukchong est une petite ville, située dans la province du Nord, à
la frontière avec la Chine. Jusqu'à la guerre de Corée,
c'était un passage obligé pour accéder à la
Mandchourie, à travers les montages abruptes qui bordent cette
frontière. Bukchong était, à l'origine, un lieu d'exil.
Les lettrés, victimes des luttes que se livraient entre eux les
différents partis politiques, furent envoyés dans cette
région difficile d'accès. Leur exil étant
définitif, ils se replongèrent dans les études, pour
oublier leurs rancunes et la nostalgie de leur ville natale. Ils
s'occupèrent également de l'éducation de leurs enfants, en
vue de conserver la tradition intellectuelle. C'est ainsi que cette
région reculée devint petit à petit un haut lieu
d'études.
Au début de ce siècle, la chute de la dernière dynastie
permit enfin aux familles de ces exilés de pouvoir à nouveau
circuler librement. Les écoles n'étaient pas nombreuses à
Bukchong, et encore moins les établissements supérieurs. Les
parents devaient donc envoyer leurs enfants au chef-lieu de Mandchourie, ou
à Séoul, voire à Tokyo.
Pour financer les études, le père ou le frère
aîné s'installaient à Séoul et gagnaient leur vie en
distribuant l'eau potable pour des familles nobles. Ils vivaient près du
puits, source de revenus, et tous les étudiants de leur région
pouvaient venir se loger et se nourrir chez eux.
Une fois le devoir parental accompli, ils regagnaient leur région les
mains vides. L'obtention par leurs enfants du diplôme universitaire
consacrait la véritable réussite des parents : ils en
étaient bien plus félicités que s'ils avaient acquis la
réussite matérielle.
Dans le premier cas, on leur disait :
" Vous avez bien
réussi ",
alors que, dans le second, on aurait simplement dit :
" Vous avez gagné de l'argent ".
Les études
représentaient la valeur fondamentale et la voie unique conduisant
à la vérité, tandis que les considérations
matérielles étaient tenues pour subalternes
11
.
_________________________________
11
Entretien et témoignage de Sun-Jip JOU, originaire de
Bukchong, lui-même étudiant à Séoul dans les
années 30.
Aujourd'hui, bon nombre de professeurs d'université sont originaires de
Bukchong et un poème célèbre a immortalisé ses
porteurs d'eau.
Le porteur d'eau de Bukchong
Dong-Whan KIM
Mun-yé-dok-bon, 1925
Arrivé chaque matin, dès l'aube,
A travers le chemin en rêve,
Le porteur d'eau de Bukchong
Verse l'eau fraîche d'un seul coup.
Il réveille les gens,
Remue leur coeur,
Et disparaît au loin.
Quand le rêve mouillé d'eau
Appelle le porteur,
Le son grinçant de la palanche
Se fait entendre
Et il disparaît de nouveau sans laisser de traces.
J'attends tous les jours, ce matin encore,
Le porteur d'eau de Bukchong.
Après la guerre de Corée, les parents qui,
malgré tout, avaient réussi à obtenir leur diplôme
universitaire, souhaitèrent que leurs enfants fissent au moins aussi
bien qu'eux, sinon mieux. Ceux qui en avaient été
empêchés voulurent prendre leur revanche à travers leurs
enfants. Dans les deux cas, ils tenaient cette très forte motivation de
leurs propres parents qui avaient vécu sous l'occupation japonaise et
dont la grande majorité avait souffert de ne pouvoir continuer leurs
études.
Tous ces aspects historiques et socio-culturels permettent de dégager
quelques traits caractéristiques de la Corée actuelle.
La volonté d'améliorer les relations humaines implique une
grande modération dans tous les domaines. Cela permet, par exemple, une
coexistance facile entre les différentes communautés religieuses,
tout coréen étant d'abord peu ou prou confucéen, avant
d'être bouddhiste, chrétien ou athée. Mais cette recherche
de l'équilibre et de l'harmonie conduit à un certain conformisme,
en donnant la priorité au bon fonctionnement de la collectivité,
plutôt qu'à l'épanouissement de chaque individu.
La société hiérarchisée fait que l'âge et le
sexe masculin continuent à dominer, aussi bien en famille que dans la
vie active. Nul ne conteste au père son rôle de chef. En cas de
disparition du père, ce rôle revient au frère
aîné ou au garçon de la famille.
Généralement, la femme, après le mariage, reste au foyer
et veille à la bonne marche de la maison. Son rôle est
complémentaire de celui du mari : elle s'occupe de l'éducation
des enfants et gère le budget familial.
Le goût des études reste profondément ancré dans
l'esprit des Coréens. En vertu de l'importance donnée à
l'éducation et à l'érudition en général, les
Coréens terminent au moins leurs études secondaires ; il en
résulte un taux d'alphabétisation exceptionnel (99%).
Malheureusement, cette tradition demeure spéculative, coupée des
aspects pratiques, ce qui aboutit à privilégier l'accumulation du
savoir, au détriment de l'esprit de synthèse et d'analyse.
La famille est l'autre élément fondamental et le culte des
ancêtres est rigoureusement observé
12
. Cependant, on
constate, depuis une quinzaine d'années, une grande évolution de
la vie familiale. L'urbanisation et la taille limitée des logements
tendent à séparer de plus en plus les grands-parents de la
cellule familiale. Les femmes envisagent volontiers de modifier leur existance,
n'étant plus sous la coupe de leur belle-famille
13
. Les
jeunes, quant à eux, tolèrent moins le poids de la tradition et
s'occidentalisent rapidement. Les relations avec le père deviennent
ainsi moins protocolaires et plus intimes. Malgré cette
évolution, la solidarité familiale demeure forte, d'autant plus
que le système de protection sociale sous l'égide de l'Etat est
peu développé.
En l'espace de quarante ans, la Corée a connu un développement
impressionnant : d'un pays ravagé par la guerre, pauvre et
dépourvu de ressources naturelles, elle est devenue aujourd'hui le
onzième exportateur mondial. Au cours des vingt dernières
années (1975-1995), le P.N.B. par habitant a été
multiplié par dix-sept, ce qui représente un taux de croissance
moyen annuel de 15,2 %.
Ce développement accéléré entraîne des
changements dans tous les domaines, accentués par l'influence des
médias, avec l'omniprésence de la culture américaine. Face
à ces bouleversements, le problème des Coréens est donc de
rester fidèles à leurs propres valeurs. La conciliation entre
tradition et modernisme reste ainsi une question cruciale à
résoudre.
________________________
12
10 % du sol coréen sont occupés par les tombes
! Ce n'est pas Confucius qui instaura le culte des ancêtres, mais il lui
donna une dimension nouvelle, en en faisant le prolongement de la
piété filiale, vertu cardinale de sa philosophie.
13
Traditionnellement, les parents finissaient leur vie chez leur
fils aîné. Celui-ci recueillait la majeure partie de
l'héritage et était, dans tous les cas, le responsable de la
famille.
II. PRÉSENTATION ET BILAN DU SYSTÈME ÉDUCATIF ACTUEL
Le système éducatif coréen est marqué par la tradition confucéenne qui en définit les finalités et lui donne une certaine rigidité. Il comporte diverses spécificités, dont certaines sont issues d'influences extérieures, notamment le système universitaire inspiré du modèle américain. Il s'inscrit dans le cadre géographique particulier de la Corée, avec les contraintes qui lui sont liées.
A. FINALITÉS ÉDUCATIVES
L'extrait ci-dessous de l'ancienne Charte du Ministère
de l'Education donne une idée précise des finalités
éducatives en Corée.
"... Afin de développer la capacité de création
et l'esprit d'entreprise, nous devons poursuivre nos études, apprendre
les techniques et exploiter nos ressources et nos talents, tout en ayant une
bonne santé et un esprit sain. Nous donnons la priorité à
l'intérêt commun et à l'ordre social, dans la
continuité de la tradition d'entraide, fondée sur la confiance et
la fraternité. Notre esprit créatif et nos contributions
concourent à la prospérité du pays, elle-même
à la base de la prospérité de chacun.
Nous devons remplir nos devoirs et assumer nos responsabilités pour
préserver notre liberté et nos droits. Nous devons fortifier
l'esprit national, pour contribuer de manière active au
développement du pays... ".
A la différence du système occidental, en particulier
français, où sont d'abord recherchés
l'épanouissement individuel et la formation d'un esprit autonome et
critique, le système coréen privilégie le sens de la
collectivité. Dans la vie active comme au sein de la famille, les
Coréens doivent toujours penser aux conséquences pour les autres
de leurs choix et de leurs actes. Par exemple, les étudiants
n'interrompent jamais les cours par des questions pour ne pas perturber
l'attention de leurs camarades. L'individu doit être éduqué
selon les normes sociales pour être au service du bien commun. La bonne
intégration de chaque individu -responsable et coopératif- dans
la société est considérée comme indispensable
à la prospérité du pays.
Un autre but recherché par l'éducation est de favoriser le
développement de personnalités équilibrées et
harmonieuses, puisque les relations humaines sont fondées sur
l'harmonie. Ainsi, savoir agir ou réagir de façon
équilibrée est beaucoup plus important que d'avoir un esprit vif
ou critique qui apparaît, au contraire, souvent comme un facteur de
désordre. L'intelligence, pour les Coréens, ne repose pas
uniquement sur de brillantes qualités intellectuelles ou des talents
particuliers, mais principalement sur la sagesse et la lucidité,
permettant à chacun de se situer au juste milieu, loin des
extrêmes. Cette modération dans tous les domaines est une valeur
fondamentale exigée depuis toujours.
Les finalités éducatives consistent donc à former des
hommes modérés et responsables, qui s'intègrent
entièrement dans la société, aptes par
là-même à servir le pays pour son plus grand bien.
B. SPÉCIFICITÉ DU SYSTÈME ÉDUCATIF CORÉEN
1. Un système où cohabitent public et privé
Le système éducatif coréen se
caractérise par la cohabitation de l'interventionnisme étatique
et de l'initiative privée.
Le rôle de l'Etat dans l'éducation est très ancien ;
il remonte à l'an 372, date de la fondation du premier institut
supérieur. Il demeure prépondérant dans l'enseignement
primaire et secondaire, et se trouve à parité avec l'initiative
privée dans l'enseignement supérieur.
L'organisation de tout le système éducatif dépend du
Ministère de l'Education. Il est responsable de l'élaboration et
de l'exécution des politiques relatives à l'éducation
publique et aux activités académiques. Les villes principales et
les provinces ont des conseils d'éducation, qui s'occupent des
activités éducatives dans les écoles primaires et
secondaires. Le gouvernement leur donne ses directives et leur fournit une
assistance financière. Les subventions de l'Etat constituent la plus
grande part des ressources de ces écoles.
Le Ministère de l'Education supervise également tout
l'enseignement supérieur, en exerçant son pouvoir de
contrôle sur le nombre d'étudiants admis, sur la qualité du
personnel enseignant, ainsi que sur les cours en général. En
revanche, au plan financier, l'Etat ne subventionne que les universités
nationales, ce qui représente seulement environ 20 % des
établissements supérieurs.
2. Un système coûteux pour les familles
Les contributions financières de l'Etat,
incomplètes au niveau de l'enseignement secondaire et très
réduites au niveau du supérieur, entraînent un transfert de
charge sur les familles.
A l'heure actuelle, l'école primaire est obligatoire et gratuite,
le premier cycle du secondaire est obligatoire mais en partie payant, dans les
écoles privées comme dans les écoles publiques.
Néanmoins, la plupart des élèves suivent le second cycle.
En dépit du coût des études supérieures (environ 20
000 francs par an en moyenne), près de la moitié des
élèves du second cycle entrent en faculté. L'attrait du
diplôme -voire son exigence- est tel que beaucoup de familles acceptent
de faire les sacrifices nécessaires.
A titre indicatif, en 1960, une famille en ville gagnait soixante francs par
mois et dépensait souvent davantage en s'endettant. Aujourd'hui, la
même famille a un revenu beaucoup plus élevé, 13 500 francs
par mois et dépense 12 000 francs en moyenne. Entre-temps, les
frais d'études, y compris les leçons particulières,
très répandues en Corée, ont été
multipliés par 450, soit deux fois plus vite que le revenu
moyen
14
.
Si les parents financent les études en manifestant le plus grand
soutien possible, les jeunes, eux, oublient loisirs et heures de sommeil pour
préparer le concours d'entrée en faculté. Les
universités sont, certes, nombreuses (141 établissements), mais
la plupart sont privées et jouissent d'un prestige très
inégal. La sélection est faite essentiellement sur les notes
obtenues au concours. La compétition est très serrée pour
accéder aux universités les plus cotées car, outre leur
prestige, les relations qui se nouent sur les campus sont un atout
irremplaçable pour la réussite d'une carrière
professionnelle. Ainsi, quand une entreprise recrute, elle donne
généralement la priorité aux candidats venant de la
même faculté que ses dirigeants. Cela explique l'importance des
sacrifices consentis par les parents pour la réussite de leurs enfants.
3. Un système récent dans sa forme actuelle
Malgré l'ancienneté et l'importance de
l'enseignement en Corée, ses caractéristiques actuelles sont
récentes.
________________________
14
Source de l'information télévisée KBS
Séoul, septembre 1993.
Jusqu'en 1887, l'enseignement était strictement
réservé aux garçons. La première ouverture aux
filles eut lieu l'année suivante, avec la création de deux
écoles de filles à Séoul par des missionnaires
américains. La nouvelle politique éducative du gouvernement
royal, marquée par l'adoption, en 1894, d'un système scolaire
d'inspiration occidentale, a été interrompue par l'occupation
japonaise. La mise en place du système éducatif actuel date
seulement de 1945, après le départ des Japonais. C'est le
commandement militaire américain, responsable du Sud de la Corée,
qui réorganisa l'enseignement en s'inspirant du schéma des
Etats-Unis.
a) L'enseignement primaire
La majorité des écoles primaires sont
publiques et mixtes. L'enseignement dure six ans (de la première
à la sixième) et dispense huit matières principales dans
le cadre d'un programme national : morale, coréen, études
sociales, arithmétique, sciences naturelles, éducation physique,
musique et beaux-arts. En quatrième année, sont ajoutés
les travaux ménagers. Tous les manuels scolaires sont
édités et diffusés par le Ministère de l'Education.
Les enfants vont en classe du lundi au samedi midi sans interruption. Il faut
noter l'importance donnée aux matières artistiques, que les
enfants approfondissent à l'extérieur. Les parents les inscrivent
à des cours privés, où ils suivent au moins une ou deux
disciplines différentes (musique, peinture, arts martiaux,
calligraphie...). La connaissance de ces matières forme ainsi la culture
générale des enfants coréens. Depuis quelques
années, l'apprentissage de l'anglais est aussi très suivi.
Pendant toute cette période, les parents sont omniprésents dans
la vie de l'école et des enfants. L'échec scolaire n'existe pas
car, poussés par leurs parents, les petits Coréens savent lire et
écrire avant d'entrer dans le primaire.
Les maîtres d'écoles sont, en général,
nommés dans leur région natale après quatre ans
d'école normale. Chacun s'occupe entièrement d'une classe qui
compte entre trente et cinquante écoliers.
b) L'enseignement secondaire
A l'âge de douze ans, tous les
élèves débutent l'enseignement secondaire. La
mixité devient rare. Il y a autant de professeurs que de
matières, mais en plus de ses cours, chaque enseignant est chargé
de la direction des études pour une classe entière : il rencontre
ses élèves au début et à la fin de chaque
journée, surveille leurs études, remplit les tâches
administratives, etc. Ces enseignants ont généralement suivi
quatre ans de formation dans les facultés de pédagogie.
Le secondaire comprend deux cycles de trois ans chacun.
En premier cycle
, douze matières sont dispensées :
éducation civique, coréen, composition littéraire,
idéogrammes chinois, anglais, mathématiques, histoire de la
Corée, géographie, biologie, éducation physique, musique
et beaux-arts. S'y ajoutent, pour les écoles de filles, la gestion
ménagère et la danse et, pour celles de garçons, les
travaux ménagers et techniques. Les élèves ont huit
à neuf heures de cours par jour, du lundi au samedi midi, plus une
à deux heures par semaine d'activités hors programmes.
En second cycle
, le programme comprend douze matières
principales et obligatoires (coréen, anglais, seconde langue
étrangère, mathématiques, histoire, géographie,
biologie, chimie, physique, géologie, éducation physique et
gestion ménagère ou technologie), des cours facultatifs (musique,
beaux-arts, danse, composition littéraire, idéogrammes
chinois...) et une séance par semaine d'activités hors programmes.
L'enseignement des langues étrangères
est centré
sur l'anglais, première langue obligatoire ; les secondes langues sont
introduites en second cycle sur un programme extensif, une à trois
heures par semaine. Le choix d'une seconde langue ne dépend pas de
l'élève, mais de l'établissement qu'il fréquente.
Les contenus de l'enseignement et les ouvrages sont conçus et
édités par le Ministère de l'Education.
L'évaluation
intervient systématiquement en fonction des
matières. Les lycéens ont, au début de chaque semaine, un
contrôle des matières fondamentales, à la fin de chaque
mois un examen dans toutes les matières et l'étape finale de
leurs études est marquée par le concours d'entrée en
faculté. Leur apprentissage est donc un parcours rempli
d'épreuves à passer en permanence, au point qu'ils n'ont pas le
temps d'approfondir leurs connaissances, ni de rattraper les retards ; ils
doivent apprendre très rapidement tout ce qui est enseigné dans
un programme intensif. L'abondance des cours particuliers peut s'expliquer par
le désir des lycéens de remédier à leurs
difficultés de compréhension et de combler les lacunes des cours
à l'école.
A la fin du premier cycle
, les élèves qui souhaitent
rapidement trouver un emploi optent pour l'enseignement professionnel
dispensé dans les lycées techniques. A la sortie, ces
élèves sont embauchés principalement dans les usines et
les banques, où ils mettent en pratique les connaissances acquises.
L'ouverture récente de lycées spécialisés
dans différents domaines, langues étrangères,
sciences, technologie, marine marchande et sport, va accélérer
les processus de formation des personnels qualifiés. Auparavant, seuls
existaient les lycées de musique et de beaux-arts.
Par ailleurs, il faut souligner
l'importance de l'éducation physique
tout au long du cursus scolaire : elle est obligatoire au concours
d'entrée en faculté, avec cinq ou six épreuves distinctes.
Le sport est également omniprésent dans les programmes
d'université. Dans tous les établissements scolaires et
universitaires, sont organisées chaque année des rencontres
sportives, permettant ensuite de participer à des épreuves
régionales et nationales. Les meilleurs athlètes lycéens
sont directement admis en faculté, sans concours.
Les écoles
organisent aussi des activités extra-scolaires
: sorties au cinéma, au théâtre et au musée,
excursions de printemps et d'automne, où les élèves se
détendent en pleine nature, voyages scolaires de fin d'études...
Les séjours linguistiques sont rares chez les lycéens : la
pratique de la langue est peu prise en compte dans l'enseignement et les
programmes d'études sont déjà surchargés.
Néanmoins, pour les langues occidentales, la destination la plus
fréquente demeure les Etats-Unis. Les élèves des
lycées de langues étrangères se rendent plutôt au
Japon ou à Taïwan, en raison de leur proximité
géographique et de leur influence grandissante.
Les lycéens
participent également à de nombreux
concours proposés soit par le Ministère de l'Education (concours
de mathématiques, concours de l'invention technologique...), soit par
les universités ou les journaux publiés en anglais (concours de
rhétorique anglaise...) ou encore par les médias locaux (divers
concours de musique et de beaux-arts...). Les gagnants obtiennent des bourses
pour financer leurs études ou la permission d'entrer sans examen en
faculté.
c) L'enseignement supérieur
80 % des établissements supérieurs sont
privés et plus d'un tiers se trouve dans la capitale. La mixité
regagne du terrain ; une dizaine de facultés seulement sont
féminines. La plupart de ces universités sont récentes et
toujours présidées par leur fondateur. Le président est
secondé par trois directeurs, l'un en charge des étudiants, le
second en charge des contenus de l'enseignement et le troisième de
l'administration et des finances. Les deux premiers sont des professeurs
titulaires, élus par le conseil des enseignants. Cette organisation
administrative est également valable pour les établissements
secondaires, avec une appellation légèrement différente.
L'enseignement supérieur
comprend les diplômes suivants :
- licence au terme de 4 ans d'études ;
- maîtrise au terme de 6 ans d'études;
- doctorat au terme de 11 ans d'études.
Pour passer de licence en maîtrise, il faut, bien sûr, avoir
obtenu le diplôme mais, de plus, satisfaire à un concours
d'entrée dans le cycle supérieur. Il en est de même de la
maîtrise en doctorat. Le premier diplôme donne lieu à la
rédaction d'un mémoire, les deux autres à celle d'une
thèse. Les épreuves orales n'existent pas, seul un entretien est
inclus dans chaque concours.
Les objectifs principaux
de l'enseignement supérieur consistent,
d'une part, à former des esprits ouverts et cultivés, d'autre
part, à préparer chaque individu à la vie active et
à son insertion professionnelle. Ce sont donc des objectifs à la
fois culturels et pratiques.
Les matières de culture générale, négligées
pendant la période de préparation du concours d'entrée
-elles ne font pas partie du programme- sont reprises au début de
l'enseignement supérieur. A l'instar du système américain,
les deux premières années universitaires permettent de
compléter la culture générale. L'éventail des
matières proposées est très large : les étudiants
doivent en choisir deux ou trois parmi l'histoire, l'histoire de l'art, la
philosophie, la psychologie, l'anthropologie, la sociologie, l'informatique et
les langues étrangères. L'enseignement de ces matières
prend autant de temps que celui de la spécialité suivie et il se
poursuit jusqu'à la fin des études, mais avec un horaire plus
réduit.
Les étudiants
ne se contentent pas de l'enseignement offert par
l'université, mais fréquentent aussi des cours privés pour
compléter leur formation, surtout en informatique et en langues
étrangères. Ces matières, pour lesquelles l'enseignement
est insuffisant, sont indispensables à double titre : les concours
d'entrée en maîtrise et en doctorat comprennent obligatoirement
l'anglais et une seconde langue étrangère, allemand ou
français ; si l'étudiant veut être embauché dans une
entreprise, il doit passer un concours comportant systématiquement
l'anglais et l'informatique.
L'université prépare également aux carrières
spécialisées qui, en France, relèveraient d'écoles
spécifiques : instituteurs, infirmières, secrétaires,
pilotes, hôtesses de l'air, guides touristiques, carrières
militaires...
Les universités
sont largement sollicitées par des
organismes extérieurs pour participer à des manifestations
culturelles et récréatives. Les plus connues sont les concours de
chansons organisés chaque année par les chaînes de
télévision, pour promouvoir la création musicale et
découvrir de jeunes talents parmi les étudiants. Les prix offerts
aux lauréats les aident à financer leurs études. La
plupart des gagnants continuent, avec succès, une carrière
professionnelle dans la chanson : les Coréens adorent les
variétés et apprécient tout particulièrement les
chanteurs étudiants, qui se distinguent par un bon niveau culturel. De
même, des jeux télévisés sont organisés de
façon identique, en étroite relation avec les universités.
Ces jeux, devenus très populaires, furent créés au
départ pour les lycéens et se sont élargis aux
étudiants.
Une autre forme d'ouverture
est apportée par les bourses
d'entreprises. Les plus grandes sociétés prennent en charge les
meilleurs éléments pendant toutes leurs études en
Corée et même à l'étranger. Dans les sections
françaises, l'ouverture à française et concours de
rhétorique, organisés par l'Alliance Française de
Séoul, avec pour premier prix un voyage en France. Plus
récemment, un concours de théâtre en langue
française s'y déroule tous les deux ans, devant un jury
composé de metteurs en scène coréens et de diplomates et
enseignants français. L'Ambassade de France soutient, pour sa part, une
troupe d'étudiants qui présente des pièces de
théâtre en français dans les villes principales.
Une autre particularité
du système d'enseignement
coréen est de solenniser chaque progression dans les études. Le
passage à une étape supérieure est marqué par une
grande cérémonie de remise du diplôme. C'est une occasion,
pour les élèves et étudiants, de recevoir honneur et
reconnaissance et aussi de remercier professeurs et parents. Aucune
étape n'est considérée comme mineure et même les
petits écoliers de maternelle, vêtus de la robe noire de
cérémonie et coiffés d'une toque, sont fiers d'obtenir
leur premier diplôme en présence de leurs parents tout aussi
émus. Ces cérémonies, qui prennent davantage d'ampleur
à mesure que le niveau avance, ont leur origine à la fin du Xe
siècle, lors de la création du concours national et de la remise
solennelle des diplômes par le roi.
C. LE SYSTÈME ÉDUCATIF DANS SON ESPACE
1. L'influence de l'environnement géographique
A l'est du vaste continent asiatique, la péninsule
coréenne côtoie au nord la Mandchourie et l'est de la Russie, et
se rapproche au sud-est d'environ 200 km de l'extrémité du Japon.
Elle est séparée de la Chine à l'ouest par la mer Jaune,
et de l'archipel japonais à l'est par la mer de l'Est (mer du Japon).
Située entre le 33e et le 43e parallèles sur 840 km, 360 dans sa
plus grande largeur, à peine 200 dans sa partie la plus étroite,
elle a une superficie totale de 221 325 km
2
, y compris les 5
579 îles et îlots répartis sur les trois côtes (est,
ouest, sud). A l'issue de la guerre de Corée, la ligne de cessez-le-feu
a divisé le pays à la hauteur du 38e parallèle, ce qui a
laissé au Sud 44,6 % de la totalité du territoire, soit 98 555
km2 qui représentent un peu moins du 1/5e de la France.
La surface du territoire est occupée à 70 % par des collines et
des montagnes d'altitude moyenne. Les plaines sont donc rares et 43 millions
d'habitants vivent sur une surface très limitée, qui correspond
à peu près à la superficie de la Belgique. On observe une
forte concentration urbaine. La moitié de la population habite les trois
villes principales : Séoul, la capitale, avec 13 millions d'habitants,
Pusan, la seconde, 5 millions, et Daegu, 3 millions et demi. C'est une
population jeune : en 1994, la proportion des moins de vingt-cinq
ans s'élevait à 44,7 %.
Le pays est arrosé par un nombre relativement important de cours d'eau.
Le fleuve Han (514 km) traverse la capitale et, plus au sud, l'autre fleuve, le
Nakdong (521 km), contourne Pusan en se jetant dans la mer du sud.
Cette double particularité géographique est soulignée par
le vocabulaire : le mot paysage se dit, en coréen,
" fleuves et
montagnes, kangsan ".
Les montagnes, visibles de partout, constituent un lieu d'excursion durant
les saisons tempérées, c'est-à-dire au printemps et en
automne. Elles ont une découpe caractéristique : sommets de
granit, tantôt en pentes abruptes, tantôt en courbes douces, gorges
profondes où coulent des torrents, cascades, forêts... Les
monastères bouddhiques (7 200 temples et ermitages regroupés dans
les montagnes à la fin du XIVe siècle) y ajoutent un
intérêt particulier, en faisant découvrir aux
élèves leur patrimoine historique et religieux.
Comme le terrain en plaine est très onéreux, beaucoup
d'écoles sont construites sur des collines, situées
elles-mêmes en pleine ville. L'environnement scolaire y est favorable :
davantage d'espace avec verdure, diminution du bruit et de la pollution
atmosphérique. Il s'ensuit un avantage certain grâce à ce
cadre naturel propice à la concentration nécessaire aux
études.
La mer est également un endroit privilégié pour les
élèves des villes portuaires. Ils passent
régulièrement au début de chaque été
quelques jours sur la plage en participant à des activités
collectives : gymnastique, natation, distractions avec chants, danses, etc.
C'est aussi une manière de se détendre pour tous ceux qui vont
passer l'examen d'entrée, avant d'aborder les cours organisés
pendant les vacances.
2. L'influence du climat
La Corée vit quatre saisons bien distinctes
avec une météorologie variée. Le calendrier scolaire
s'organise au rythme de ces saisons.
De novembre à mars, un vent glacial, venant des plaines de
Sibérie, balaie le pays, entraînant un temps froid et sec. La
température moyenne oscille entre -5° et -15°C dans le nord.
Le sud est un peu mieux protégé grâce à l'influence
océanique qui adoucit le climat et la température descend
rarement au-dessous de 0°C.
A l'opposé, de juin à août, la température varie de
25 le matin à plus de 30°C dans la journée avec, en
début d'été, des averses chaudes et humides venant de
l'océan Pacifique.
Cette alternance des vents donne deux saisons extrêmes. Ces
périodes difficiles sur le plan climatique correspondent aux
congés scolaires, qui sont employés par les élèves
au rattrapage des cours dans les instituts privés et, par les
étudiants, à l'apprentissage des langues étrangères
et de l'informatique.
La première rentrée scolaire a lieu en mars, mais le printemps
n'apparaît qu'à la mi-avril et il est précédé
de vents froids, annonciateurs de la fin de l'hiver. Cette lutte entre l'hiver
finissant et l'arrivée du printemps fait dire aux Coréens
" Les vents froids jalousent l'arrivée des fleurs ".
Cette période est marquée par une manifestation
appelée
" la cérémonie d'entrée ",
qui consiste à accueillir les nouveaux élèves de
chaque établissement. Les classes sont rassemblées dans la cour
principale, où les petits et grands grelottent en écoutant les
discours des autorités. Mais, dès les prémices du
printemps, la nature explose littéralement avec un jaillissement de
fleurs, de plantes et de cultures. Les élèves partent alors en
excursion pour aller admirer les cerisiers en fleurs.
L'automne, beau et court, correspond au second semestre ; il est l'occasion de
nombreuses activités intellectuelles et physiques, en particulier la
fête des Sports organisée dans chaque établissement avec la
participation des parents. C'est aussi la saison privilégiée pour
la lecture, comme disaient autrefois les Coréens :
" lire tard
en compagnie des lucioles ".
L'automne est sans doute la plus
belle
saison de l'année : le ciel redevient bleu ; les forêts et
montagnes brillent de mille ors et de la splendeur des érables
rouge-vif. La seconde excursion commence.
Quelques difficultés majeures se présentent à l'occasion
des événements importants qui se déroulent chaque
année en plein hiver : le concours d'entrée à
l'Université en janvier et les cérémonies de remise de
diplôme qui ont lieu en février, avant la rentrée scolaire.
La neige et le verglas créent des embouteillages et il est
fréquent de trouver des retardataires aux examens, ce qui était
impensable il y a dix ans. Certains ont proposé de décaler ces
examens, en début d'hiver par exemple. Pendant toute la durée des
examens, les mères attendent dehors malgré le froid glacial du
plein hiver.
Ces événements, déterminants pour la vie scolaire
coréenne, pourraient se dérouler dans de meilleures conditions
s'ils avaient lieu plus tôt dans la saison.
3. L'influence du milieu
Traditionnellement, il était
préférable d'habiter en ville plutôt qu'à la
campagne pour suivre des études car, si les établissements
primaires étaient répartis dans tout le pays, les
établissements secondaires et supérieurs restaient
concentrés à Séoul et dans les villes principales. Il y
avait bien des lycées dans les petites villes, mais inégalement
répartis et de niveau généralement inférieur. Les
parents préféraient donc envoyer leurs enfants dans la capitale
dès le début des études secondaires, pour leur permettre
d'accéder plus facilement à l'université. Cela
entraînait de très gros efforts, tant pour les enfants qui
devaient suivre les études loin de leur famille, que pour les parents
qui devaient assumer de lourdes dépenses.
L'exode rural, dû à une industrialisation rapide au cours des
trois dernières décennies, a évidemment accentué
cette tendance : il a eu pour conséquence de réduire le nombre de
classes, même de les supprimer dans le milieu rural. Certaines
écoles, dans les montagnes isolées ou les îles peu
peuplées, ont des conditions de fonctionnement extrêmement dures.
Les élèves doivent effectuer un déplacement quotidien en
car ou en bateau. Les collèges de moins de cent cinquante
élèves souffrent du manque de professeurs et d'installations.
Afin d'améliorer cette situation, le Ministère de l'Education
encourage les enseignants à s'installer dans ces zones isolées,
en leur offrant des indemnités importantes et d'autres avantages. Mais
encore faut-il qu'il y ait un minimum d'effectifs.
Au sein des grandes villes, des disparités existent en dépit des
mesures de sectorisation : jusqu'en 1969, l'admission au lycée
était conditionnée par le succès au concours
d'entrée. Depuis cette date, le choix du lycée résulte
d'un tirage au sort effectué dans chaque zone d'habitation. Cette
réforme a eu pour objectif d'éliminer la discrimination entre les
établissements de bonne qualité et ceux de moindre
réputation. Elle a permis ainsi d'uniformiser la qualité de
l'enseignement et de diminuer les tensions que subissaient les
élèves avant, pendant et après le concours, dans l'attente
du résultat, tout autant que l'inquiétude des parents.
Mais, malgré cette sectorisation, on observe encore des
différences entre établissements. Les meilleurs se trouvent dans
les nouveaux quartiers résidentiels, où les familles ont un
niveau de vie élevé, avec peu d'enfants (un ou deux au maximum).
Les parents soutiennent particulièrement les études de leurs
enfants et participent généreusement à
l'amélioration des conditions matérielles. Ces écoles,
proches et bien équipées, offrent ainsi de bonnes conditions de
travail : effectifs raisonnables (trente ou quarante élèves),
groupes homogènes, salles avec vidéo...
Ces écoles font cependant figure d'exception. La concentration des
écoles dans les grandes villes et l'attrait qu'elles exercent alentour,
entraînent des effets pervers dus aux sureffectifs, d'une part, et aux
temps de trajet, d'autre part. En raison des surcharges en effectifs, certains
établissements primaires sont obligés de séparer leurs
plus jeunes élèves en deux groupes et de dispenser un
enseignement en alternance, la place dans les locaux étant encore
insuffisante.
Les élèves et surtout les étudiants habitant loin des
établissements, subissent un surcroît de fatigue due aux
transports longs et pénibles. La majorité d'entre eux perd deux
heures en moyenne dans les trajets aller retour ; ils arrivent fatigués
au cours, après avoir subi la bousculade, le bruit et les
embouteillages. En effet, la croissance économique fulgurante, largement
fondée sur les initiatives privées, a négligé le
développement parallèle des infrastructures. C'est le cas
notamment du réseau routier et des voies urbaines, qui ne peuvent
supporter l'accroissement trop rapide des automobiles, plus de 6 millions
en 1993. Il en est de même pour les transports collectifs urbains, qui
n'ont pas suivi le développement exponentiel et anarchique des villes.
On observe, depuis quelques années, un changement en réaction
contre ces inconvénients. De plus en plus de Coréens souhaitent
s'éloigner des villes surpeuplées pour s'installer à
l'écart, dans un environnement plus favorable à la qualité
de vie. Cette extension des zones urbaines en direction des proches campagnes
pourrait favoriser une répartition plus équilibrée des
écoles sur l'ensemble du territoire avec, pour conséquence, des
classes moins chargées et une meilleure qualité d'enseignement.
D. PROBLÈMES RELATIFS AU SYSTÈME UNIVERSITAIRE
1. Un système confronté à un afflux massif d'étudiants
L'enthousiasme dont font preuve les Coréens
vis-à-vis de l'éducation, la recherche de la réussite
sociale conditionnée par l'obtention du diplôme universitaire et
le nombre de places encore insuffisant dans les facultés, malgré
la forte augmentation de ces dernières années, ont creusé
un décalage énorme entre l'offre et la demande dans
l'enseignement supérieur. Les universités coréennes sont
confrontées à un afflux massif d'étudiants qui
entraîne une dégradation de la qualité de l'enseignement.
Depuis la fondation de l'Université Nationale de Séoul en 1946,
la première de type occidental en Corée, le nombre
d'établissements supérieurs et d'étudiants a
augmenté de façon spectaculaire.
En 1986, la Corée possédait 100 universités,
fréquentées par 250 650 étudiants et, en 1992,
134 établissements pour 1 090 000 étudiants. Le nombre
d'universités est donc tout à fait insuffisant pour absorber cet
énorme surplus d'étudiants. Chaque année, environ 800 000
candidats se présentent au concours d'entrée. Seuls 300 000 sont
admis et les autres tentent leur chance l'année suivante, sans aucune
garantie de succès. Cet important problème de redoublement pousse
souvent les parents à envoyer leurs enfants à l'étranger,
pour qu'ils apprennent au moins une langue étrangère. Cela peut
être une solution dans l'immédiat, mais sûrement pas une
solution définitive car, sans diplôme universitaire, ils auront,
à leur retour en Corée, des difficultés à trouver
du travail. Beaucoup de Coréens s'interrogent donc sur le devenir de ces
étudiants à l'étranger.
La conséquence majeure de cet afflux d'étudiants est un manque
de moyens humains et financiers, comme le montre un rapport récent de
l'Université de Yonsé à Séoul.
·
manque de moyens humains :
Chaque section universitaire a, en moyenne, quatre à cinq cents
étudiants. Dans certains cas extrêmes, un département
compte 2 300 étudiants pour 28 professeurs.
Confrontés au problème des sureffectifs, les enseignants ont
aussi plusieurs rôles à effectuer : chacun doit, en plus de dix
heures de cours par semaine, mener son travail de recherches, en
présenter régulièrement les résultats
15
,
mais aussi s'occuper d'une quarantaine d'étudiants. Il s'agit là
d'un travail supplémentaire, imposé par le Ministère de
l'Education, dans le but précis de mieux contrôler chaque membre
du département. En définitive, les tâches
complémentaires ayant autant d'importance que les cours, les enseignants
éprouvent beaucoup de difficultés à accomplir tout le
travail imposé.
De nombreux enseignants à temps partiel ont dû être
engagés pour compenser le nombre insuffisant des titulaires.
Malgré une rémunération extrêmement faible, beaucoup
acceptent cette expérience, car elle leur est comptée pour leur
carrière dans l'attente d'être titularisés.
·
manque de moyens financiers :
Les universités nationales y échappent, grâce aux
subventions gouvernementales et aux généreuses et
régulières contributions externes qui s'ajoutent aux droits
d'inscription assez élevés, tandis que les universités
privées trouvent l'essentiel de leurs ressources dans la perception de
ces droits d'inscription. Ces derniers augmentent chaque année, mais
sans pouvoir, à eux seuls, permettre le bon fonctionnement de ces
universités.
________________________
15
Nombre de résultats de recherches établi entre
1987 et 1993 : 158 735 à l'Université de Harvard, 89 537 à
l'Université de Tokyo, 6 455 à celle de Hong-Kong, 4 478 à
l'Université Nationale de Séoul, 1 689 à
l'Université de Yonsé, 578 à celle des Philippines, SISA
Journal, 30 septembre 1993, Séoul.
Les professeurs et les étudiants se plaignent des conditions de
travail difficiles dans les laboratoires sans climatisation et dans les
bibliothèques avec, en outre, trop peu de livres
disponibles
16
, et de la lenteur des démarches pour obtenir de
nouveaux matériels ou ouvrages scientifiques. D'autres sujets de
mécontentement pourraient être cités... Ce double handicap
sur le plan humain et financier ne peut être sans conséquences sur
la qualité de l'enseignement.
Seules les écoles militaires ne rencontrent pas ces difficultés.
Elles attirent les meilleurs éléments en raison de la
gratuité des études et de la qualité des postes offerts
à la sortie : parmi les cent cinquante hauts fonctionnaires du
gouvernement actuel, seize sont issus de ces écoles, sans compter les
trois derniers Présidents de la République.
2. Un système dont la qualité a tendance à se dégrader
La plupart des universités coréennes ont
été créées selon le modèle de
l'Université Nationale de Séoul. Ainsi, la faculté de
lettres est divisée systématiquement en section de langue et
littérature coréennes, puis en section de langue et
littérature anglaises, et ainsi de suite pour les sections des autres
langues.
Rappelons toute la prééminence de la littérature dans les
études anciennes. Seule, l'Université des Langues
Etrangères de Séoul ne reproduit pas cette organisation, mais
favorise davantage l'enseignement/apprentissage des langues-cultures en
général.
La sclérose des programmes d'études est aussi à l'image
de la rigidité de l'organisation des facultés : une
réflexion autonome de chaque établissement sur le contenu de son
enseignement n'a pas été faite, mais on a transposé un
système tout fait, sans tenir compte de sa particularité, ni de
ses finalités. Ce système a pu fonctionner au début mais,
à partir du moment où le nombre d'étudiants s'est
multiplié et où les enseignants ont négligé leurs
recherches, l'ensemble du système s'est dégradé
inéluctablement.
Les étudiants sont entassés dans des salles
aménagées pour un nombre relativement limité : les cours
de langues et les travaux pratiques se déroulent dans des conditions
défavorables. Finalement, les étudiants préfèrent
compléter leur formation dans les instituts privés, au lieu
d'attendre l'amélioration de la situation et même les professeurs
les y encouragent. Ainsi, l'Alliance Française complète
l'enseignement/apprentissage de la langue-culture française et profite
de la carence en ce domaine des soixante-quinze facultés pourvues de
section française.
________________________
16
45 livres par étudiant contre 100 livres par
étudiant à l'Université de Singapour et 135 à
l'Université de Hong-Kong, SISA Journal de la même date.
3. Le système universitaire face à l'évolution démographique et à la concurrence internationale
Malgré tous les problèmes
précités, les universités coréennes continuent
à profiter de leur prestige et de l'extrême attachement des
Coréens aux études supérieures. Cependant, cette situation
exceptionnelle ne va pas tarder à être remise en cause. D'abord,
avec la chute de la natalité, le nombre des candidats au concours
d'entrée commence à diminuer : 916 200 en 1990, 778 700 en 1994.
Le nombre d'étudiants devrait décroître au-dessous de 600
000 à partir de l'an 2005 et cette tendance devrait se prolonger
au-delà.
Ensuite, l'accord de l'Uruguay Round va accélérer l'installation
d'annexes d'universités étrangères, fort estimées
en Corée. Les instituts privés locaux, incapables de faire face
à la concurrence internationale, risquent de fermer leurs portes. Un
rapport récent, rédigé par le Centre du
Développement de l'Education, a décrit cette situation comme
" proche de la faillite "
17
.
Il souligne,
à
ce sujet, que les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Australie et le Canada,
représentent la plus grande menace. Pour les établissements de
ces pays, à la qualité certaine mais souffrant de déficit
financier, la Corée, avec sa demande débordante, demeure un
marché alléchant. La question se pose de savoir comment les
universités locales pourront se préparer sereinement à
cette concurrence.
L'Université de Yonsé, après une étude approfondie
dirigée par un comité de professeurs et de parents, propose le
renforcement des programmes en langues étrangères et en
informatique, ainsi qu'une spécialisation dans les études
coréennes, en continuité avec sa tradition
18
.
L'Université bouddhique de Wonkwang représente une parfaite
illustration de cette nouvelle orientation. Installée dans le sud-ouest
du pays, elle s'efforce d'offrir une éducation solide et globale
à partir d'un approfondissement de la
"
coréanité
", garant d'une adaptation
réussie au monde extérieur.
Sur le plan national, le Ministère de l'Education a
décidé d'évaluer régulièrement la
capacité éducogène de chaque établissement, en
commençant par les sections de haute technologie, directement
liées au développement économique du pays. Ainsi,
quarante-cinq départements d'électronique et cinquante-quatre
départements de sciences physiques ont passé le premier test
national. L'évaluation globale, sur l'ensemble des facultés,
se fera tous les cinq ans à partir de 1996. Ce
_______________________
17
Comment le secteur de l'éducation affrontera-t-il
l'ouverture ? Article paru dans le Courrier de la Corée (revue
hebdomadaire éditée par Korea Herald), n° 870, 15 janvier
1994, Séoul, p. 22.
18
Depuis sa création, l'Université de Yonsé a
favorisé la recherche sur la langue-culture (Kuk-Hak). Ainsi, le
professeur Hyun-Bae CHOI a élaboré le premier grand dictionnaire
de coréen, les Professeurs In-Bo CHUNG, Nam-Un BAIK ont approfondi cette
recherche, SISA Journal, 14 octobre 1993.
nouveau système contrôlant à la fois le nombre, la
qualité et l'intérêt pratique de toutes les dispositions
prises, entraînera sans doute une amélioration et apportera
peut-être même la solution de cette crise.
En ce qui concerne l'enseignement/apprentissage des langues
étrangères, bien que le gouvernement reconnaisse son importance,
rien n'est encore proposé et les étudiants continuent
" les leçons privées ",
grâce aux parents
qui paient volontairement. Mais, cela pourra-t-il perdurer dans ce
système déjà fort sélectif, discriminatoire, et
surtout très coûteux ?
En dépit de l'attention que l'Etat porte aux questions liées
à l'éducation et des efforts pécuniers des familles, la
capacité éducogène du système éducatif
coréen reste limitée et, de ce fait, encore perfectible.
III. LA CORÉE ET LES LANGUES-CULTURES ÉTRANGÈRES
Historiquement, la première influence
étrangère fut celle de la Chine. Sa prédominance
culturelle s'est notamment manifestée par l'adoption des
idéogrammes chinois, seule langue écrite jusqu'à
l'invention de l'alphabet coréen et toujours utilisée par la
suite.
Les contacts avec le Japon furent sporadiques et principalement à la
suite de conflits, en particulier lors de l'invasion du XVIe siècle et
de la colonisation du début du XXe siècle.
L'ouverture de la Corée à l'Occident est beaucoup plus
récente. Les deux seuls contacts qui eurent lieu au XVIIe siècle,
à l'occasion de naufrages de bateaux hollandais restèrent sans
lendemain.
Un siècle et demi plus tard (1776), la Corée fut de nouveau
confrontée à un apport occidental, à travers
l'introduction du catholicisme. Mais, en butte aux autorités locales,
les missionnaires et les convertis furent l'objet de persécutions.
L'attitude méfiante des Coréens à l'égard des
étrangers s'expliquait par les épreuves subies au cours des
nombreuses invasions, notamment japonaises et mongoles. Leur perception des
étrangers était liée aux horreurs de la guerre et, par
ailleurs, la Chine était considérée comme la seule
puissance civilisée : cela entraîna le repli sur soi et la
fermeture durable des esprits à tous apports extérieurs.
C'est seulement après la signature des traités d'amitité
et de commerce (1882-1886) que l'enseignement des langues occidentales et des
sciences humaines dans les nouvelles écoles permit aux Coréens de
se rendre compte des dimensions du monde. Ils réalisèrent enfin
qu'ils avaient eu tort d'avoir appelé leur pays
" la Grande
Corée "
et que d'autres puissances
existaient en dehors
de leur voisin modèle.
Préalablement à l'étude détaillée de la
langue-culture française, il est apparu intéressant de
décrire la place qu'occupent aujourd'hui les principales langues
étrangères enseignées, pour montrer leurs relations ainsi
que les éléments favorables et défavorables à leur
développement.
A. LE CHINOIS
1. Forte influence chinoise dans le passé
La Corée a longtemps considéré la
Chine comme le modèle de la civilisation, en raison du rayonnement
culturel de ce
" Pays centre du Monde "
, rayonnement
également favorisé par la proximité géographique.
Les historiens coréens admettent que leurs ancêtres sont
entrés dans la péninsule à partir de la Chine du Nord et
de la Mandchourie au Ve siècle avant J.C.
Très tôt, les peuplades du Nord-Ouest se virent soumises à
l'influence culturelle chinoise dans différents domaines :
- la langue (introduction des idéogrammes chinois) ;
- l'agriculture (culture du riz et de l'orge) ;
- l'organisation judiciaire (premiers éléments d'un code
civil et pénal).
Le déclin et la chute de la dynastie chinoise des Han en 220 permit aux
Coréens de consolider les assises de leurs trois premiers royaumes :
celui du Nord (Koguryo), soutenu par une aristocratie militaire en lutte
ouverte contre la Chine, celui du Sud-Ouest (Paekche) aux terres fertiles et au
climat plus clément, entretenant d'excellentes relations avec la Chine,
et celui du Sud-Est (Silla) le moins imprégné d'influence
chinoise.
Cette influence atteignit son apogée sous la dynastie des Tang, l'une
des périodes les plus brillantes de l'histoire chinoise. La
Corée, unifiée par le royaume de Silla au VIIe siècle,
adopta le modèle administratif des Tang sous une forme mieux
adaptée à sa tradition. En voici un exemple : en pays Silla,
seuls les nobles pouvaient gouverner, alors qu'en Chine les postes
administratifs étaient attribués aux lauréats des examens
impériaux sans distinction de classes. Ce système
démocratique ne pouvant être appliqué tel quel, la
difficulté fut tournée en décrétant que lesdits
examens seraient réservés aux garçons de familles
aristocratiques. Comme ces épreuves exigeaient une parfaite connaissance
des classiques chinois, les lettrés coréens,
imprégnés des idées confucéennes, adoptèrent
pour eux-mêmes des noms de famille chinois qui devinrent de plus en plus
courants dans la classe instruite.
Aujourd'hui encore, ces noms sont préservés grâce à
la conservation de la généalogie de chaque famille.
2. Tradition de l'enseignement/apprentissage du chinois
L'influence chinoise grandissante favorisa
l'enseignement/ apprentissage de cette langue. Dans le cadre de la formation
des interprètes, le chinois était la langue la plus importante
jusqu'à l'ouverture du pays.
Dès le Xe siècle, un bureau chargé de la traduction et de
l'enseignement des langues étrangères commençait à
former des interprètes. En 1276, ce bureau (Ton-mun-kwan) fut
renforcé, d'une part, pour contrôler la qualité de la
traduction et, d'autre part, pour enseigner les langues de manière plus
systématique. Au début du XIVe siècle, il est
transformé en administration centrale (Sa-yok-won) à la demande
du roi, tout en continuant à fournir aux étudiants un
enseignement de la langue dans les zones limitrophes du pays concerné.
Ainsi, pour le chinois, quatre professeurs et quatre assistants s'occupaient de
trente-cinq élèves et le bureau administratif se trouvait au
Nord-Ouest, près de la frontière avec la Chine (Pyung-yang,
Hwang-ju).
L'ouverture de la Corée au monde extérieur -Japon d'abord, puis
puissances occidentales- entraîna le déclin des relations
sino-coréennes. La Chine, préoccupée par des
problèmes intérieurs, ne s'opposa pas à la signature du
traité avec le Japon ; pour ce dernier, ce fut le début d'une
manoeuvre destinée à détacher la Corée de la
vassalité chinoise pour mieux s'en emparer.
Durant l'occupation japonaise, le chinois fut placé au même
niveau que les autres langues étrangères, le japonais devenant la
langue officielle. En 1943, il fut même interdit, à la suite de la
suppression de l'enseignement des langues des pays ennemis du Japon.
Après la guerre de Corée, le rayonnement culturel du chinois fut
de nouveau contrarié, car le gouvernement coréen anti-communiste
s'opposa farouchement à toute importation de
" l'idéologie rouge "
. De plus, l'influence
américaine fit oublier peu à peu les traditions et le
passé.
Si l'enseignement du chinois a survécu, c'est grâce au maintien
de bonnes relations avec Taïwan. En particulier, une forme de culture
s'est développée à travers le cinéma produit
à Taïwan et à Hongkong. Ces films, passe-temps par
excellence, ont toujours eu du succès auprès du public
coréen, ce qui a permis à la langue chinoise d'être
écoutée et appréciée malgré son ostracisme
officiel.
Les programmes d'études conservent l'apprentissage des
idéogrammes chinois à partir du premier cycle de l'enseignement
secondaire. Jusqu'aux années soixante-dix, les écoliers devaient
aussi les apprendre. C'est un mouvement en faveur de l'usage du coréen
dans les établissements publics et privés qui a supprimé
cet apprentissage. Depuis quelques années, ce dernier commence de
nouveau à l'école primaire (87 % des écoles de
Séoul le proposent selon une statistique récente).
Les Coréens estiment que l'utilisation d'environ 1 500
idéogrammes chinois est nécessaire pour deux raisons essentielles
:
- une raison pratique : un grand nombre de mots sino-coréens,
formés au cours des siècles et toujours employés (67 % du
vocabulaire standard, 26 % de mots purement coréens et 7% d'origine
étrangère), peuvent parfois provoquer une confusion de sens en
écriture coréenne à cause des nombreux homonymes ;
- une raison historique et culturelle : ayant été longtemps
la langue écrite officielle de l'administration et la favorite des
lettrés, tous les ouvrages anciens ont été
rédigés en chinois. Actuellement, son utilisation reste encore
courante dans les journaux et revues scientifiques.
Par ailleurs, ces idéogrammes constituent un trait commun à
l'ensemble de la civilisation asiatique. L'écriture permet ainsi la
compréhension globale des textes, dans les divers pays d'Asie,
malgré la différence de prononciation orale. Les Coréens
gardent la forme ancienne de ces idéogrammes qui se lisent à la
coréenne : Tien-an-men se prononce Chun-an-moon en coréen. Les
Japonais, eux, utilisent environ 3 000 idéogrammes qu'ils ont
intégrés dans leur système d'écriture, en les
adoptant tels quels ou bien en les modifiant selon leurs besoins. La
Corée du Nord est un contre exemple : l'emploi des idéogrammes a
totalement disparu, en raison du rejet par le gouvernement de toute
référence au passé.
3. Renaissance de la langue-culture chinoise
A partir du moment où les échanges
commerciaux ont repris, l'enseignement du chinois est apparu nécessaire.
Avant même le rétablissement des relations diplomatiques avec la
Chine en août 1992, les sections universitaires de chinois
commencèrent à être de nouveau reconnues et les instituts
de langues ne tardèrent pas à embaucher des enseignants de
chinois.
Outre les affinités culturelles et la proximité
géographique, le développement très rapide de
l'économie chinoise, son ouverture aux marchés extérieurs,
notamment coréen -comme en témoignent d'importants accords
conclus en mars 1994- et la complémentarité économique des
deux pays, constituent d'incontestables atouts pour l'avenir de la
langue-culture chinoise.
Une liaison entre le continent et la péninsule a été
établie par câble sous-marin à fibres optiques de 549 km de
longueur. La Chine est le troisième partenaire commercial de la
Corée après les Etats-Unis et le Japon et s'intéresse
surtout à la coopération industrielle et technologique plus
qu'aux échanges commerciaux.
Tous les experts prévoient, sauf événements
imprévisibles, que la Chine sera la grande puissance des prochaines
décennies. La Corée sera très bien placée pour
renouer des relations privilégiées avec son partenaire de
toujours et la place de la langue-culture chinoise ne pourra que se renforcer.
B. LE JAPONAIS
1. Le poids de l'histoire
C'est l'introduction du bouddhisme au Japon par des
nobles coréens en 552 qui permit le premier contact avec ce pays. Par la
suite, les relations s'amplifièrent et, au IXe siècle, le tiers
des nobles, à la cour japonaise, était d'origine coréenne,
comme le montre une compilation des registres familiaux japonais faite en 815.
Mais, dès le XIVe siècle, la Corée commença
à subir de nombreuses attaques de pirates japonais sur ses côtes.
Puis, le premier unificateur du Japon, HIDEYOSHI, voulant conquérir un
immense empire, envahit la péninsule en 1592. Le roi coréen avait
interdit le passage des troupes japonaises sur son territoire, mais HIDEYOSHI
passa outre : la guerre dura sept ans entre ses soldats aguerris et
équipés d'armes à feu et les défenseurs
coréens, très peu armés, sans expérience du combat.
Cependant, sur mer, les Coréens remportèrent une grande victoire
: grâce au talent de stratège de l'Amiral Sun-Sin
LEE
19
, la marine coréenne réussit à
anéantir la presque totalité de la flotte ravitaillant
l'armée japonaise. Coupés de leurs bases, les envahisseurs
repartirent après avoir laissé derrière eux un pays
entièrement ravagé. Pendant les deux siècles suivants, les
pirates japonais continuèrent leurs incursions sur les côtes
coréennes. L'invasion de HIDEYOSHI porta à la Corée un
coup mortel marquant le début du déclin du royaume de Chosun, la
dernière dynastie
(A. FABRE, 1988, p. 260).
Le conflit recommença à la fin du XIXe siècle, peu de
temps avant l'ouverture de la Corée à l'Occident. Le pays
était, à ce moment-là, très affaibli en raison
notamment du néo-confucianisme qui exerçait une influence sans
partage sur la
_______________________
19
C'est au cours de cette bataille navale que sont apparus les
ancêtres des cuirassés, les bateaux-tortues,
protégés par une carapace métallique contre l'envoi de
flèches enflammées.
société. Cette philosophie poussait les classes dirigeantes
à l'égoïsme, à l'autosatisfaction et au refus de tout
progrès. Les partis politiques se déchiraient et le pays
était dans un état désastreux, tandis que le Japon avait
évolué et préservé son indépendance tout en
se modernisant.
Déjà trop puissant face à la Corée sombrant dans
le chaos, il l'envahit avec l'ambition de dominer toute l'Asie et la
volonté de s'opposer aux influences extérieures, notamment
chinoise et russe, dans la région. Le Japon obligea la Corée
à devenir un protectorat en 1905. L'assassinat de la reine
coréenne pro-russe mit fin à la dynastie en 1910 et, le 29
août de la même année, la Corée fut annexée
par le Japon. Cette occupation allait durer trente-cinq ans jusqu'à la
fin de la seconde guerre mondiale.
En définitive, ces relations mouvementées et leur histoire faite
de guerres, d'invasions et de colonisation, ont nourri le ressentiment et la
méfiance des Coréens vis-à-vis des Japonais. Pourtant, les
Coréens ne peuvent cacher une certaine admiration à
l'égard de la puisssance économique du Japon qui a su garder ses
traditions. La diffusion de la langue-culture japonaise a largement franchi les
obstacles institutionnels et psychologiques qui subsistaient en Corée.
2. Conséquences culturelles et linguistiques de l'antagonisme Corée-Japon
La Corée a joué, vis-à-vis du
Japon, un rôle assez proche de celui d'Athènes à
l'égard de Rome. Conquise militairement, elle a apporté sa
culture au Japon, mais la réciproque n'a pas eu lieu.
Après la première invasion, les soldats japonais
emportèrent une grande quantité d'ouvrages chinois et
coréens, et emmenèrent des potiers coréens qui furent
à l'origine de la céramique nippone. Les japonais
s'initièrent également à la technique de l'imprimerie. Un
de leurs prisonniers, le lettré KANG, introduisit le
néo-confucianisme au Japon.
En sens inverse, la colonisation très dure pendant la première
moitié du XXe siècle a eu des conséquences linguistiques
et culturelles importantes. Les Japonais avaient été
jusqu'à interdire aux Coréens de parler leur propre langue et de
garder leur nom de famille : on interdit de parler coréen dans la rue et
le gouvernement général décerna des diplômes
d'honneur aux
" familles qui n'utilisaient que le japonais à la
maison ".
Toutes les publications en langue coréenne furent
interdites : les premiers rédacteurs du grand dictionnaire de
coréen furent arrêtés en 1942 ; l'année suivante, la
Société pour l'Etude de la Langue Coréenne, fondée
en 1921, fut dissoute.
Cette période d'occupation a entraîné un rejet officiel de
la culture japonaise par les Coréens. Ainsi, actuellement, il est
toujours interdit de diffuser des variétés japonaises à la
radio coréenne et de passer des films japonais dans les salles ou sur
les écrans de télévision. Il en est de même pour les
spectacles sur scène : tour de chant, théâtre, danse...
C'est seulement en septembre 1993 qu'un chanteur japonais s'est produit pour la
première fois sur le sol coréen et encore était-ce dans le
pavillon de son pays, à l'Exposition Technologique de Daejon.
La normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays n'a eu lieu
qu'en 1960, et contre l'opposition très large de la population
coréenne. La langue japonaise n'a recommencé à être
enseignée dans les lycées qu'à partir de 1973.
3. Importance grandissante de la langue-culture japonaise
Malgré le rejet officiel, par les
autorités coréennes, des manifestations culturelles japonaises,
on assiste, depuis une dizaine d'années, à une
pénétration grandissante de cette culture dans la vie
quotidienne, ainsi qu'au développement rapide de
l'enseignement/apprentissage du japonais.
Des expositions d'art (peinture, calligraphie, arrangement floral) sont
régulièrement organisées en collaboration avec des
artistes locaux. En outre, face à l'omniprésence de la presse et
des films en vidéocassette provenant du Japon, on a le sentiment que le
contact avec la langue-culture japonaise a lieu de manière
discrète en public, mais beaucoup plus expansive en privé.
Depuis l'acceptation du japonais par le Ministère de l'Education comme
seconde langue étrangère, bon nombre de lycées, en
particulier les lycées techniques, ont choisi cette langue, facile
à assimiler et utile pour la recherche d'un emploi. De plus,
géographiquement, le Japon est un voisin et, en raison de sa
réussite, un voisin très attractif. Pour ces raisons, le japonais
s'impose de plus en plus, au détriment de l'allemand et du
français.
Dans l'enseignement secondaire, le japonais vient en seconde position
après l'allemand, mais devant le français. En faculté, il
arrive seulement en cinquième position. Néanmoins, le nombre
d'étudiants de la section de langue et de littérature japonaises
s'accroît et cette langue, enseignée comme option, progresse
également.
Dans les instituts privés, le japonais a autant de poids que l'anglais,
car la puissance économique du Japon crée le besoin de
négocier les affaires dans cette langue. Ces instituts proposent
systématiquement des cours d'anglais et de japonais avec des
méthodes connues du grand public. L'apparition des méthodes
d'auto-apprentissage est aussi à noter : une chaîne de
télévision japonaise (NHK) a mis au point une méthode
audiovisuelle présentée sous forme de vidéocassettes. Ce
type d'enseignement recueille un immense succès : son contenu
répond parfaitement aux besoins et aux attentes du public et sa
diffusion en est facilitée par l'usage très répandu du
magnétoscope dans les foyers coréens.
Enfin, le Centre Culturel Japonais propose des cours de langue gratuits, avec
une sélection et une évaluation rigoureuses des candidats. La
qualité de l'enseignement y est appréciée. Son
organisation valorise davantage le statut de la langue et encourage
l'intérêt grandissant du public à son égard : examen
d'entrée, contrôle continu, obtention de certificat... ce qui
n'existe pas dans les autres instituts de langues. Un autre avantage repose sur
les échanges faciles organisés pendant et après ces
programmes d'études : stages de langue sur place, visites du pays.
Par ailleurs, le Japon devient l'autre destination pour des études
prolongées
20
. Alors que les Etats-Unis ont longtemps
constitué la destination privilégiée pour les professeurs
et étudiants coréens, les pays d'Asie, Corée, Taïwan,
Singapour, comptent désormais sur le Japon pour leur formation
scientifique et technologique. Les étudiants asiatiques commencent
à être présents dans les universités et laboratoires
japonais, sans être pour autant aussi nombreux qu'aux Etats-Unis (50 000
étudiants étrangers en 1992, soit quatre fois plus qu'en 1982).
Les Coréens choisissent le Japon, non seulement pour la facilité
des échanges, mais aussi pour la qualité de l'enseignement,
réputée dans toute l'Asie. Pour les Asiatiques, en effet, la
poursuite des études au Japon représente l'occasion unique
d'apprendre auprès des meilleurs professeurs. De plus, dans divers
domaines, l'enseignement correspond à une technologie très
avancée. Un ancien informaticien du groupe coréen GOLDSTAR s'est
inscrit, après avoir quitté son travail, en maîtrise
d'ingénierie mécanique à l'Institut de Technologie de
Tokyo.
" Après six ans de travail en Corée sur ce sujet,
j'ai compris que le Japon était véritablement à la pointe
dans ce domaine ",
explique-t-il.
Les étudiants consacrent, en général, un an à la
maîtrise de la langue avant d'entamer leur cursus universitaire. Il est
bien évident qu'ils ont des difficultés à rattraper les
Japonais de souche. Cependant, certains réussissent brillamment : en
1992, le lauréat de la Faculté des Sciences de
l'Université de Tokyo était un étudiant originaire de
Singapour, ce qui a constituté un événement dans
l'histoire des universités japonaises.
La politique du Japon, qui veut éviter les problèmes
d'immigration, encourage les étudiants et les chercheurs de passage
à rentrer chez eux. Les bourses sont peu nombreuses. La plupart
financent eux-mêmes leur formation, malgré la cherté
_________________________
20
Cf. Le Japon séduit les étudiants asiatiques,
Courrier international, 18 novembre 1993, p. 24.
du coût de la vie, s'ajoutant aux frais d'inscription,
25 000 francs par an pour le troisième cycle d'une
université nationale et le double dans une faculté privée.
4. Avenir de la langue-culture japonaise
Le développement du japonais est encore
bridé par les réticences de la génération
d'après guerre pour les raisons historiques et psychologiques
évoquées plus haut. Mais l'arrivée des nouvelles
générations, qui n'ont pas les mêmes préventions, a
déjà bien changé cet état de fait. La
langue-culture japonaise a un potentiel de développement important dans
l'avenir.
En premier lieu, l'influence du Japon dans les domaines économique,
technologique et scientifique a toutes les chances de devenir grandissante.
D'autre part, les échanges sont facilités par la proximité
géographique et surtout par la présence d'un fonds commun dans
les deux langues : transparence de vocabulaire d'origine chinoise, construction
grammaticale identique et utilisation d'une forte proportion
d'idéogrammes chinois dans les écrits japonais permettant leur
compréhension globale par les Coréens. Ainsi, les magazines
japonais se lisent assez facilement et n'ont pas besoin d'édition
coréenne.
Enfin, un certain nombre de jeunes recherchent actuellement leurs
références plutôt en Asie qu'aux Etats-Unis. Dans ce cadre,
le modèle reste le Japon, qui a su intégrer l'efficacité
occidentale pour se hisser au troisième rang des puissances
économiques, tout en gardant ses propres traditions, proches des
traditions coréennes. Tout ceci explique la pénétration
rapide de la langue-culture japonaise en Corée.
Toutefois, l'anglais ne risque pas d'être devancé, en raison de
son implantation universelle et de son statut de langue véhiculaire du
commerce international qui semble irréversible. Le japonais peut
constituer dans ce contexte une langue régionale, comme l'est l'allemand
en Europe centrale.
C. LE FRANCAIS
1. Relations historiques anciennes
Avant l'établissement des relations
diplomatiques entre la France et la Corée, en 1886, il y eut plusieurs
tentatives de contacts venant d'abord des Français, puis des
Coréens.
Le premier Français à les avoir rencontrés, sans se
rendre pour autant dans la péninsule, a été le moine
Guillaume de RUBROUCK, envoyé de Saint-Louis auprès du Khan
Mongol, en 1256. Les Coréens, venus rendre hommage à la cour du
Khan en tant que vassaux de la Mongolie, lui semblaient
" petits et
basanés comme des Espagnols ".
Leur vêtement, sorte de
dalmatique, et leur regard, toujours baissé, le frappèrent
également, comme il le relata dans son ouvrage,
Voyage dans l'Empire
Mongol
21
.
Le Père Jean-Baptiste REGIS fut le deuxième français
ayant rencontré des Coréens en Chine vers 1720. Sans être
allé au
" royaume ermite ",
mais à partir de
témoignages chinois et coréens, il publia, en 1748,
Observations géographiques et Histoire de la Corée.
Les premières relations directes franco-coréennes sont
nées à travers l'introduction du catholicisme. Cette introduction
représente un cas unique dans l'histoire : ce n'est pas par des
missionnaires étrangers que la première
évangélisation s'est faite, mais par les Coréens
eux-mêmes. En effet, une ambassade se rendait chaque année
à Pékin, la Corée étant vassale de la Chine. Ces
contacts annuels permirent aux lettrés de prendre connaissance
d'ouvrages en chinois sur la science occidentale et sa religion. Parmi ces
ouvrages se trouvaient
Le discours véridique sur Dieu
du
Père RICCI et
Les sept victoires
du Père de PANTOJA. Les
lettrés coréens furent séduits par
" la
cohérence et la beauté des doctrines
exposées "
22
.
L'Ambassade de 1783 fut décisive pour la naissance de
l'église coréenne. Un attaché de cette Ambassade, sur les
conseils d'un ami déjà instruit de la doctrine occidentale,
demanda aux missionnaires français des éclaircissements à
ce sujet. Ce diplomate, Seung-Hun LEE, qui était le propre fils de
l'ambassadeur, manifesta le vif désir de se convertir. Il fut
baptisé l'année suivante par un jésuite français,
le Père de GRAMMONT, et reçut le nom de Pierre, dans le souhait
qu'il devînt le précurseur de cette église. Seung-Hun
LEE
23
fut ainsi le premier catholique coréen.
A son retour, lui et quelques amis, entièrement acquis au catholicisme,
se mirent à catéchiser et baptiser. Dix ans plus tard, la
Corée comptait 4 000 fidèles. Le désir le plus cher de
cette église qui, au départ, ne comptait que des laïcs,
était d'avoir des prêtres que les chrétiens coréens
demandèrent à l'évêque de Pékin. Seulement de
nombreuses années plus tard, un prêtre chinois fut envoyé
en Corée où il exerça quelques années de
ministère dans la clandestinité, avant d'être
exécuté avec 300 convertis.
________________________
21
Claude et René KAPPLER, Voyage dans l'Empire Mongol,
traduction et commentaire, Paris, Payot, 1985, p. 318.
22
Missions Etrangères de Paris, Lumière sur la
Corée, Paris, Le Sarment Fayard, 1988, pp. 21-22.
Cette nouvelle religion, qui rencontrait un vif succès dans toutes les
classes sociales, apparut très vite suspecte aux yeux des
autorités. En effet, les valeurs chrétiennes fondées sur
l'égalité et donc
" l'abolition des différences
sociales étaient perçues comme une menace contre l'ordre
établi et le système politique en place " (Chul-Koo
WOO)
24
. De plus, le catholicisme s'opposait au culte
confucéen des ancêtres, considéré comme le premier
devoir filial, et surtout comme le pilier central de la religion d'Etat et le
Vatican refusa d'écouter les Jésuites, qui prônaient un
accommodement avec les coutumes locales. La persécution commença
à partir de 1791, avec l'exécution de deux chrétiens qui
avaient osé brûler des tablettes ancestrales. Puis le prêtre
chinois se livra aux autorités, croyant ainsi mettre fin à ces
persécutions.
Le nombre des convertis continua néanmoins de croître. Les
chrétiens voulurent alors envoyer un message de détresse
directement au Pape. Ce message mit de nombreuses années à
parvenir à son destinataire et fut enfin délivré, en 1827,
au Pape Léon XII qui décida de confier
l'évangélisation de la Corée aux missionnaires des
Missions Etrangères de Paris (ce document, retrouvé à
Rome, est actuellement conservé à la Maison mère). C'est
ainsi que douze religieux français partirent, après
l'érection du pays en diocèse, en 1831, et pendant les cinquante
années suivantes. Ces missionnaires, entrés clandestinement
à travers des frontières extrêmement surveillées,
risquaient leur vie en permanence. Ils se déplaçaient la nuit
sous un déguisement. Au bout de quelque temps, ils furent
arrêtés les uns après les autres, torturés et mis
à mort par les autorités locales.
On peut donc remarquer que les premiers occidentaux à être
entrés intentionnellement en Corée étaient des
Français. Le Père MAUBANT, premier missionnaire arrivé,
envoya trois jeunes à Macao pour les préparer au sacerdoce. Ils
furent, à cette occasion, les premiers Coréens à avoir
étudié une langue occidentale, en l'occurence le français.
Mais l'arrivée de ces missionnaires n'a rien apporté quant
à la représentation de la France, si ce n'est une idée
plutôt négative liée à l'expédition punitive
de la marine française, qui demanda des comptes pour l'exécution
de ses compatriotes et tourna court à la suite d'une escarmouche
sanglante. Les Coréens ne s'intéressaient guère à
la France. Les persécutions des missionnaires français et des
néophytes coréens en étaient la cause. Mais, cette
indifférence était sûrement due au fait que, pour les
Coréens, la Chine était reconnue comme la seule puissance
civilisée du monde. Et d'autre part, leur isolement total les rendait
complètement ignorants de la situation du monde extérieur.
________________________
23
Canonisé en 1984, année où le Pape
Jean-Paul II s'est rendu en Corée pour célébrer le
bicentenaire de l'église catholique. A cette occasion, il a
proclamé la sainteté de 103 martyrs : 93 Coréens et 10
prêtres français.
24
L'introduction du catholicisme et l'arrivée des
missionnaires français en Corée, Korea Journal n° 6, juin
1986.
L'échec de l'intervention française confirma les Coréens
dans l'idée que tout ce qui venait de l'extérieur était
mauvais, et qu'ils étaient assez forts chez eux pour imposer leur point
de vue.
Ces relations historiques anciennes n'ont pas eu de conséquences
directes en termes d'influence politique et économique. En revanche, les
premières études occidentales sur le coréen furent
réalisées grâce au travail laborieux des missionnaires
français : dictionnaire coréen-français (1880), grammaire
de la langue coréenne (1881), ainsi que
L'Histoire de l'Eglise de
Corée
(1874) par l'Abbé Charles DALLET, le premier ouvrage
à présenter les moeurs et les coutumes coréennes aux
lecteurs français. A cette époque où les relations
n'étaient pas encore officielles, les missionnaires étaient les
seuls à pouvoir parler d'un pays dans lequel ils s'étaient
entièrement investis en étudiant la langue et la culture
coréennes.
Malgré leur existence précaire, toujours cachés et
poursuivis, ils ont fait de leur mieux pour
" garantir
l'exactitude des
renseignements ",
tout en gardant une certaine
" timidité consciencieuse "
pour respecter la
vérité des paroles (
Charles DALLET)
25
.
Après la signature du traité de 1886, la France resta
très attentive à l'attitude du gouvernement coréen
à l'égard des catholiques. Les missionnaires furent priés
de s'en tenir strictement aux dispositions prévues par le traité,
afin de ne pas indisposer le roi et de l'amener progressivement à
proclamer la liberté religieuse dans son pays. En effet, si l'article 9
donnait aux Français la possibilité d'enseigner librement, la
garantie de l'enseignement religieux et la liberté de culte furent
accordées seulement en 1889, à l'issue d'une véritable
offensive diplomatique de la France. En 1904, les prêtres français
furent autorisés à acheter des terrains et construire des
églises
(Chul-Koo WOO, 1986).
2. Perception progressive de la France par le biais de la culture
Les relations culturelles franco-coréennes sont
indissociables, du moins au départ, des relations diplomatiques.
_________________________
25
Histoire de l'Eglise de Corée, Paris, Librairie
Victor PALME, 1874, Tome 1, p. X.
La France, le premier pays occidental à avoir établi des
contacts avec la Corée, se trouve parmi les derniers à nouer des
relations diplomatiques bilatérales. Le traité d'amitié et
de commerce, signé le 4 juin 1886 et ratifié le 30 mai de
l'année suivante, marque le début des relations diplomatiques
entre les deux pays (cf. le contenu du traité en annexe 3). Conclu
grâce à la volonté des Coréens sans aucune influence
extérieure, il se distingue ainsi des autres traités
signés par la Corée avec les puissances occidentales. Alors que
le Consul général anglais à Séoul dépend de
l'Ambassade de Grande-Bretagne en Chine, le premier diplomate français
en Corée, Victor COLLIN de PLANCY
26
, communique directement
avec le Ministère des Affaires Etrangères à Paris.
Il traite des questions commerciales et culturelles, sans s'immiscer dans les
affaires politiques, contrairement aux diplomates des autres pays. A la
différence de sa politique vis-à-vis de l'Indochine, la France,
dont la présence ne poursuit aucun intérêt politique ou
économique, entretient avec la Corée une relation essentiellement
culturelle, et cela dès l'origine.
Il est intéressant de noter que le premier diplomate français
est le créateur du fonds d'études coréennes en France. Non
seulement il collectionne les livres du pays, dont il fait don d'une partie aux
" Langues O' ",
mais il sait aussi inculquer l'amour
des
livres coréens à son adjoint, Maurice COURANT.
Arrivé à Séoul en 1891, ce dernier se lance dans une
Bibliographie coréenne : tableau littéraire de la
Corée.
Le résultat sera la publication, en 1894, de trois
gros volumes, suivi d'un supplément en 1901
27
. Il s'agit d'un
recensement de tous les livres coréens connus directement de lui ou
relevés dans les sources écrites, de leur analyse
accompagnée d'extraits et d'une reproduction des illustrations, de
façon à faire connaître la culture du pays.
Leur amour de la Corée et le résultat de leurs recherches font
d'eux les pionniers de l'activité linguistique et culturelle qui a pour
but, encore de nos jours, de favoriser l'équilibre des relations
bilatérales, à savoir approfondir la connaissance des
Coréens sur la France, tout en faisant découvrir aux
Français la culture coréenne.
_______________________________
26
Diplômé de chinois de l'Ecole Nationale des
Langues Orientales Vivantes en 1876, il est nommé l'année
suivante élève-interprète en Chine. Après y avoir
passé 10 ans, il est envoyé à Séoul, en 1887, pour
la ratification du traité. Il y sera en poste pendant trois ans, en tant
que chargé d'affaires de France.
27
Un défricheur méconnu des études
extrêmes-orientales, Maurice COURANT (1865-1935) dans Journal Asiatique,
CCLXXI, pp. 43-150. Cette bibliographie a été
réalisée, en bonne partie, grâce aux ouvrages
rapportés par le premier explorateur de la Corée, Charles
VARAT.
La première école de langue française
28
fut
créée en octobre 1895 par Emile MARTEL, diplômé de
l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. Cette école comptait trente-quatre
élèves avec un professeur coréen, Yang-Hwa LEE et deux
assistants. On dénombrait en tout vingt-six diplômés
jusqu'à sa fermeture à la fin de l'occupation japonaise, qui a
entraîné la suppression de tout enseignement des langues
étrangères. Certains étudiants sont allés au Japon
pour pouvoir continuer leurs études ; ils ont été les
premiers professeurs de français en Corée.
Entre-temps, les occupants japonais ont importé bon nombre de mots
d'origine française; coréanisés ensuite, très
usités encore aujourd'hui. Ce sont des mots comme : atelier, ballet,
bourgeois, conte, coup d'état, coupon, début, encore (= bis !),
modèle, montage, parasol, profil, restaurant (qui sonne plus chic que le
même mot coréen), savon....
Quelques-uns ont changé de sens avec une connotation culturelle assez
négative : cabaret, salon, café... pour désigner les
endroits où les hommes consomment l'alcool en présence des
hôtesses (leurs patronnes sont appelées
" Madame "
). Le mot
" avec "
a même
créé un nouveau terme avec un suffixe local :
" Avec-jok "
signifie des amoureux, ainsi que le mot
" Rendez-vous "
désigne automatiquement les
rencontres
d'amoureux.
La perception de la France par la population n'a commencé qu'à
l'issue de la guerre de Corée, d'abord à travers des produits
cosmétiques utilisés sur place. La poudre COTY
représentait, pour les femmes des années cinquante, une sorte
d'évasion de la misère quotidienne.
La guerre a provoqué une cassure de la tradition culturelle
coréenne. Le grand vide qui s'est ensuivi, associé à la
présence américaine, a entraîné un appel d'air qui a
profité aux cultures occidentales, notamment française. Les
intellectuels coréens ont été séduits par les
grands mouvements littéraires et philosophiques en provenance de France.
De nombreux ouvrages ont été traduits en coréen et,
grâce à ces traductions, la lecture des romans français
(BALZAC, FLAUBERT, MAUPASSANT, ZOLA, DAUDET...) a permis de populariser la
littérature française auprès des Coréens.
_______________________
28
Cf. Cent ans de l'enseignement du français en
Corée, dossier paru dans Centenaire des relations
franco-coréennes, Fondation culturelle franco-coréenne - Alliance
française Séoul 1988, pp. 28-37.
A titre d'exemple, on peut citer ce fameux texte d'Alphonse DAUDET,
La
dernière classe
, qui
" émeut des
générations d'écoliers japonais et
coréens "
(Jean HOURCADE
)
29
. Cet instituteur
lorrain qui voulait enseigner à son village
" la plus belle
langue du monde "
mais qui se trouve obligé, par la
défaite de son pays, de laisser sa place à un étranger
venu de Berlin, frappe les Coréens attachés au patriotisme et au
sens du devoir.
La dernière classe
de
DAUDET,intégré chaque année au programme scolaire,
constitue non seulement l'un des textes les mieux connus, mais reflète
l'image des Français, peuple fier de sa langue nationale.
L'engouement dont bénéficie le roman français continue de
se faire sentir de nos jours, comme en témoignent les achats importants
de droits de traduction (La Corée est devenue le premier marché
d'exportation du livre français en Asie). L'enseignement des beaux-arts
à l'école a fait aussi connaître la richesse artistique de
la France. La mode et la haute couture, ainsi que le cinéma, ont
complété l'image raffinée de la culture française.
La présence du Japon francophile a également favorisé la
pénétration de cette culture, mais partiellement, car
adoptée et adaptée à la manière japonaise. Ainsi,
la littérature, la peinture, la chanson française, ont
été introduites en Corée par des Coréens qui
connaissaient la langue-culture japonaise et qui s'intéressaient
à la France. Par exemple, l'impressionnisme français a
été introduit par les artistes coréens ayant suivi leurs
études dans les instituts de beaux-arts à Tokyo dès 1910.
De même, la variété française a été
connue grâce aux disques réédités au Japon. Les
Coréens écoutaient PIAF, MONTAND, BREL, GRECO, ADAMO..., les
faisaient écouter dans les cafés,
" salons de
musique ",
nombreux après la guerre. Ces chansons sont toujours
appréciées et représentent une partie de la culture
française. Certains Français sont étonnés de
constater, en Extrême-Orient, la longévité d'auteurs et
d'interprètes dont la vogue en France s'est beaucoup estompée. La
raison en est simple : les jolies mélodies et leurs paroles
poétiques ont touché la sensibilité de ces habitants
lointains, qui restent fidèles à leur choix.
Pour que cette présence culturelle se concrétise, il a fallu
qu'une minorité coréenne fût rentrée, après
ses études en France, pour occuper des postes de responsabilité,
principalement en faculté, ou bien dans les affaires artistiques. En
constituant une partie de l'intelligentsia du pays, ces personnes ont
joué un rôle essentiel pour la diffusion de la langue-culture
française. Un exemple : Jeong-Ok KIM, diplômé de
français à l'Université Nationale de Séoul,
études de filmologie à la Sorbonne (1953-1956), responsable d'un
groupe théâtral à Séoul qui présente
régulièrement des pièces françaises adaptées
en coréen.
________________________
29
Le Français, les Français et... les autres,
Antony SIDES, 1993, p. 104.
Dans un milieu cultivé,
" avoir un goût à la
française "
est une expression courante qui exprime bien
l'association de la France à l'idée de raffinement. De la
même façon, beaucoup de commerces de luxe, en particulier dans le
prêt-à-porter ou les produits cosmétiques, prennent des
noms français comme
" La beauté, Ballade,
Françoise, Printemps, Rose, De bons... "
; les voitures haut de
gamme portent souvent des noms comme
" Grandeur, Prestige, Prince
Royal, Le Mans... "
marqués tels quels sur les carrosseries.
Tout ce qui est original se réfère également à la
France :
" French bakery, French style... ".
A partir de la fin des années quatre-vingts, les produits
français sont introduits massivement, soit importés (Chanel, Yves
Saint-Laurent, Christian Dior...), soit fabriqués sous licence (Lacoste,
Pierre Cardin...). Ils bénéficient tous d'une image de marque
prestigieuse. En somme, l'attraction exercée par la culture
française est toujours associée à l'idée de
raffinement et de bon goût.
3. Reconnaissance plus large avec la haute technologie
Depuis un temps relativement récent, l'image de
la France, pays d'art et de luxe, s'est élargie à la haute
technologie, électronucléaire (installation de centrales
nucléaires par Alsthom et Framatome) et aéronautique (Concorde,
Airbus, fusée Ariane, satellites).
Cette nouvelle image s'est renforcée avec l'adoption du projet du
T.G.V. français, en compétition avec ses concurrents japonais et
allemand. Cette victoire technologique ne sera pas sans conséquences sur
les relations bilatérales, comme le pense l'ambassadeur de France
à Séoul :
" l'image de la France en Corée va se
trouver modifiée et sa puissance technologique affirmée alors
que, jusqu'à présent, la France restait loin de la Corée ;
c'était surtout le Japon et les Etats-Unis qui en étaient les
partenaires traditionnels "
(Interview sur France Info du 20
août 1993).
Le nombre des entreprises françaises en Corée, passé de
soixante-dix en 1986 à cent dix-huit aujourd'hui, montre l'accroissement
des relations économiques franco-coréennes
30
. La
quasi-totalité des grands groupes français y sont
présents, soit sous la forme de sociétés mixtes, soit,
à tout le moins, sous la forme de sociétés commerciales.
La Chambre de Commerce et d'Industrie de France à Séoul souhaite,
d'une part, l'augmentation des échanges et des investissements (la
France n'arrive qu'en troisième position en Europe, après
l'Allemagne et l'Angleterre) et, d'autre part, l'assouplissement de certains
obstacles administratifs, comme par exemple l'accès à la
propriété immobilière, interdit aux étrangers
encore récemment.
________________________
30
A la fin du XIXe siècle, quelques
sociétés françaises s'intéressaient au tissu et au
papier coréens tandis que les produits français (vin, coton,
conserves alimentaires) ne représentaient que 1 % du total des
importations coréennes (Chul-Koo WOO, 1986).
A l'inverse, l'augmentation des investissements coréens en France
témoigne du renforcement des relations économiques
bilatérales. Le groupe Daewoo, l'un des plus grands conglomérats
coréens, a choisi la Lorraine pour y créer trois usines et un
centre de recherche. Il est intéressant de noter que, dans le processus
de privatisation du groupe Thomson de 1997, deux groupes coréens
étaient candidats à la reprise de Thomson Multimédias,
fleuron de la technologie française : Daewoo associé au groupe
MATRA, Samsung avec ALCATEL-ALSTHOM. Cela aurait été impensable
il y a quelques années.
Un autre exemple de la nouvelle image donnée par la France a
été le succès sans précédent de la
série télévisée
" Pilote ",
diffusée en 1991-1992, tournée en grande partie en France,
notamment au siège d'Airbus, avec des acteurs coréens s'exprimant
en français.
Jusqu'à présent, presque exclusivement tournée vers les
Etats-Unis dans ses échanges avec l'Occident, la Corée
découvre l'Europe comme un autre axe important de relations politiques
et commerciales. Au sein de l'Europe, la France peut jouer un rôle
privilégié. La richesse de la France en matière de haute
technologie est désormais reconnue et les Coréens souhaitent une
bonne coopération bilatérale pour renforcer leur système
économique, en s'inspirant des infrastructures françaises qu'ils
admirent.
Cette reconnaissance se traduit également par un afflux
d'étudiants coréens en France, environ 10 000 en 1995. Ils y
viennent après quatre ans d'études, afin de prolonger leur
recherche et d'enrichir leur connaissance du pays. Mais, en même temps,
on constate que de plus en plus de jeunes arrivent en France avant d'entamer
leurs études universitaires, et s'inscrivent donc aux cours de
français. Les domaines d'études deviennent plus étendus :
la France, qui était une destination renommée pour les
études de littérature et de beaux-arts, présente
aujourd'hui des champs plus larges, aussi bien en sciences, en
publicité, qu'en informatique.
La coopération scientifique reste encore limitée à
certains domaines précis, notamment l'énergie nucléaire et
l'océanologie. Des programmes d'échanges scientifiques ont
été mis en place, avec leurs homologues coréens, par des
organismes tels que l'IFREMER, le CNRS, l'ANVAR, le CNES, le BRGM, etc.
4. Perspective de la langue-culture française
Les rapports franco-coréens ont connu certains
malentendus qui avaient pour origine des incompréhensions culturelles et
linguistiques.
Habitués à la logique confucéenne, les Coréens ont
tendande à porter leurs jugements à travers cette logique, bien
particulière. Des problèmes de communication se posent
couramment, en raison de la différence des cultures d'entreprise : la
logique cartésienne se heurte à la pensée
confucéenne. Ces problèmes sont accentués par une
connaissance insuffisante des langues occidentales.
Les Coréens ont pris conscience de l'importance de la langue-culture en
vue de meilleurs résultats des échanges, tant pour les
études que pour les affaires.
" Sans savoir communiquer en cette
langue, des études approfondies sur le pays dans divers domaines ne
seront guère possibles "
a affirmé l'ancienne
présidente de la Société Coréenne de Langue et de
Littérature Françaises (S.C.L.L.F.)
31
.
Aujourd'hui, les relations franco-coréennes entrent dans une phase de
maturité, fondée, au-delà de certains
éléments objectifs, sur l'attirance permanente des Coréens
envers la France. Cet attrait est sans doute lié aux valeurs
traditionnelles et culturelles fortes de la France à travers son
passé, son présent et un avenir rempli de potentialités.
Si la France était simplement un pays beau et riche mais sans
passé, les Coréens, attachés à l'histoire, ne
pourraient l'apprécier autant.
La langue-culture française possède d'indéniables atouts
au pays du matin calme. Le français jouit d'une image très
positive : il ne s'agit ni d'une langue imposée comme le japonais
pendant l'occupation, ni d'une langue obligatoire pour les études et les
affaires comme l'anglais. Mais c'est une langue choisie pour elle-même,
pour sa beauté et par amour de la culture française.
L'élargissement de sa connaissance favorisera une meilleure
compréhension réciproque et un approfondissement des
échanges dans divers domaines.
Etant donné que l'enseignement/apprentissage du français est
dispensé essentiellement dans les facultés et dans les Alliances
Françaises, le français pourrait profiter de son
côté préservé, à la différence de
l'anglais qui a subi de nombreuses déformations.
Les efforts de la France pour la diffusion de sa langue-culture sont
appréciés des Coréens francophiles et commencent à
porter leurs fruits. Même ceux qui ne connaissent pas la langue
s'intéressent à la culture et fréquentent le
ciné-club du Centre Culturel Français. L'Alliance
Française de Séoul, accueillant environ 5 000 étudiants
par an, est l'une des plus importantes d'Asie. Il faut également compter
les cinq autres Alliances qui se développent peu à peu dans les
principales villes.
_______________________
31
En faveur d'un essor de la langue de Molière en
Corée, Courrier de la Corée, n° 853, 18 septembre 1993,
p. 27.
Si l'on arrivait à mettre à profit tous ces aspects positifs et
à offrir un enseignement/apprentissage adapté aux attentes du
public, le statut du français se valoriserait comme il le mérite
et pourrait ainsi répondre aux nouvelles perspectives
créées par le développement des échanges entre les
deux pays.
D. L'ANGLO-AMÉRICAIN
1. Influence américaine
Les premières tentatives des Anglais et des
Américains, venus au milieu du XIXe siècle pour établir
des relations commerciales, se heurtèrent à un refus
obstiné des autorités coréennes. L'arrivée
d'étrangers était perçue comme une menace, évoquant
pour les Coréens les nombreuses invasions subies, dont ils gardaient un
souvenir détestable. Il y avait aussi, pour les nouveaux venus, une
méconnaissance complète des usages et des coutumes locaux.
La signature en 1882 du traité d'amitié et de commerce marqua le
début de l'ouverture du pays aux influences occidentales. Les Anglais,
qui s'intéressaient principalement à la Chine, ne
développèrent pas leurs relations à la suite de ce
traité. Les Américains, au contraire, profitèrent de ces
nouvelles opportunités pour envoyer des missionnaires protestants. La
particularité de leur apostolat fut d'associer étroitement
l'évangélisation à l'éducation. C'est ainsi qu'ils
créèrent des écoles avec enseignement en anglais, qui
furent à l'origine de la pénétration de cette langue en
Corée. L'anglais s'imposa rapidement comme langue de négociation
avec les Occidentaux et il fut reconnu comme première langue
étrangère par le gouvernement royal.
Durant l'occupation japonaise, de 1910 à 1945, l'anglais fut
supplanté par le japonais, qui devint la langue officielle, et il fut
même interdit à la suite de la guerre entre le Japon et les
Alliés. C'est la capitulation du Japon qui va renforcer de nouveau le
statut de la langue-culture américaine. A ce moment-là, les
Alliés sont préoccupés de l'avenir d'une zone aussi
importante du point de vue stratégique, et de surcroît affaiblie
par une longue colonisation. Les Soviétiques et les Américains se
mettent d'accord pour occuper provisoirement chacun une moitié du pays.
Les Etats-Unis assurent ainsi un protectorat sur la partie Sud et l'U.R.S.S.
fait de même pour la partie Nord.
Mais la situation se dégrade très vite à cause du conflit
idéologique, le Nord ayant basculé rapidement dans le communisme.
Devant la protestation très vive des Sud-Coréens, les
Alliés renoncent à leur projet de maintenir, pendant cinq autres
années, la ligne de démarcation séparant le Nord du Sud.
Les Américains vont alors essayer de trouver une solution auprès
des Nations-Unies, qui tranchent la question conformément aux souhaits
de Séoul : organisation d'élections sur l'ensemble de la
Corée, sous le contrôle d'une Commission d'observateurs. Mais les
émissaires des Nations-Unies ne pourront jamais franchir le 38e
parallèle à cause des Soviétiques et seul le Sud pourra se
rendre aux urnes.
La Première République de Corée naît exactement
trois ans après la défaite japonaise. Elle est nommée
officiellement
" Dae-Han-Min-Kuk "
ou
" Hankuk "
, le pays de HAN. Depuis, les Etats-Unis
en restent
l'allié majeur : ils sont le premier partenaire commercial et apportent
un soutien militaire important. Cela a conduit les Coréens à
assimiler les cultures occidentales à celle des Etats-Unis. Toutefois,
la société coréenne a évolué dans ses
relations avec l'Occident.
2. Evolution des générations
Pendant la guerre de Corée, les Etats-Unis ont
fourni tous les matériels nécessaires et les Coréens ont
" survécu grâce aux Américains "
, comme
ils le disent encore aujourd'hui. Ils se nourrissaient de farine de blé
et de maïs, voire des conserves en boîte préparées
pour les soldats américains. Cette génération, qui devait
savoir dire :
Thank you ! OK ! Give me chocolate !
... a vieilli sans
connaître l'épanouissement de la jeunesse et a ressenti une
certaine humiliation
" qu'il fallait accepter pour
survivre ".
L'influence américaine s'est accrue avec la génération du
" baby boom "
et avec le développement
économique, au début des années soixante : la protection
américaine avait pour contrepartie des relations commerciales quasi
exclusives et, de plus, les autres pays occidentaux ne plaçaient pas la
Corée, considérée comme
" chasse
gardée "
des Etats-Unis, parmi leurs zones prioritaires
d'exportation. Jusqu'à la fin des années soixante-dix, le
gouvernement américain a fait pression sur les Coréens pour
rester leur partenaire politique et économique exclusif. C'est ainsi que
la première implantation française, l'installation de centrales
nucléaires, a été réalisée en dépit
de cette forte pression.
Les jeunes d'aujourd'hui ont une autre vision du monde extérieur. Bien
qu'ils disposent d'un large accès aux langues-cultures
étrangères, la majorité garde une préférence
pour la culture américaine qui correspond le mieux à leur
goût. Ils reconnaissent volontiers l'importance de l'anglais, mais pour
des relations sur un pied d'égalité et non plus d'ordre
hiérarchique. Ils participent régulièrement, avec le
soutien de leurs parents, aux stages de langue organisés aux Etats-Unis
durant les vacances scolaires. Ils voyagent plus librement à
l'étranger, en famille, en groupe, ou même seuls, ce qui
était interdit jusqu'à la fin des années soixante-dix,
afin d'éviter les sorties excessives de devises.
Le modèle américain influence considérablement la jeune
génération, notamment celle des 20-24 ans, née en plein
boum économique. Ceux-ci ont adopté les modes vestimentaires
résolument américaines, sont très au courant des nouvelles
technologies (téléphone portable, ordinateur personnel,
réseau internet...). Cette infiltration se trouve jusqu'aux habitudes
alimentaires, en particulier chez les plus jeunes, qui raffolent des produits
consommés dans les magasins et les restaurants américains.
3. Conséquences sur l'éducation et la culture
Les liens privilégiés noués entre
la Corée et les Etats-Unis ne se sont pas limités aux domaines
militaire, politique et économique, mais ont englobé
également l'éducation et la culture.
Les premiers établissements de type occidental, ainsi que la
première école de filles, ont été fondés par
des missionnaires américains après l'ouverture du pays. Le
système éducatif actuel a été
réorganisé à partir du modèle américain.
Dans ce cadre, l'anglais constitue le premier contact avec une langue
indo-européenne et avec l'écriture latine. Cette langue est
enseignée à tous les collégiens dès l'âge de
douze ans, à raison de six à sept heures par semaine. L'anglais
est une matière fondamentale, de la même façon que la
langue nationale et les mathématiques. Les autres langues
étrangères, considérées comme des matières
mineures, sont abordées seulement en deuxième partie du second
cycle, à raison d'une à trois heures hebdomadaires.
L'enseignement/apprentissage de l'anglais s'est aussi amélioré
ces dernières années. D'un enseignement théorique et
livresque, on est passé à un enseignement plus pratique,
privilégiant la compréhension et l'expression orales. Ceci est
dû à la forte demande pour cette langue et également
à l'omniprésence des médias anglophones.
L'émigration des Coréens vers les Etats-Unis dans les
années 60-70 a renforcé l'urgence de développer un
matériel didactique adéquat et de former des enseignements
compétents, l'anglais étant devenu un élément
fondamental de leur nouvelle vie. Ce besoin a permis ainsi la
réalisation des premières méthodes d'auto-apprentissage
toujours utilisées, tant aux Etats-Unis qu'en Corée. Ces
méthodes se caractérisent par des dialogues pratiques et faciles
à réutiliser dans des circonstances semblables, des explications
de grammaire claires et la récapitulation systématique des
expressions idiomatiques, ce qui correspond exactement à l'attente des
utilisateurs.
L'anglais est aussi la langue des affaires, partout présente dans les
échanges internationaux. Pour cette raison, sa pratique courante est
très utile à la recherche d'un emploi, d'autant que
l'économie coréenne est essentiellement tournée vers
l'exportation.
Avec le mouvement d'internationalisation encouragé par le
président sud-coréen actuel, il a été
décrété la priorité de l'enseignement/apprentissage
de l'anglais sur toutes les autres langues et ce, dès le primaire. Cela
renforcera la dynamique de la langue en prise avec sa culture
déjà omniprésente et ne fera qu'accentuer, s'il en
était besoin, sa domination exercée en Corée.
La présence massive des médias anglophones favorise le contact
avec la langue-culture américaine et surtout constitue la
première approche de la culture occidentale. Tout le monde peut capter
une station de radio et de télévision américaine
(AFKN
: American Forces Korean Network).
Deux journaux quotidiens
rédigés en anglais
(Korea Herald, Korea Times)
sont en
vente dans les kiosques. La presse américaine est également
très répandue
(Life, Washington Post, New-York Times...),
y compris des revues féminines comme
Cosmopolitan, Glamour...
Ces médias sont souvent exploités comme matériel
didactique et deviennent ainsi des objets de l'enseignement/apprentissage de
l'anglais. Des instituts de langues, très nombreux en Corée,
proposent des cours spéciaux pour améliorer la
compréhension orale de AFKN News et celle, écrite, des journaux
anglophones. Les programmes américains sont aussi omniprésents,
avec des séries en version originale sous-titrées sur la
chaîne éducative. Afin de développer
l'enseignement/apprentissage de l'anglais dans le public, le gouvernement
envisage de permettre à davantage de chaînes câblées
anglophones de diffuser des programmes.
Quant au cinéma, les films d'action à gros budget sont
très appréciés de la jeune génération. Les
films et les séries télévisés, manifestation la
plus visible et la plus répandue de cette culture, ont beaucoup de
succès. Il s'agit, en effet, d'une culture populaire, accessible au plus
grand nombre venant d'horizons culturels très variés. Cela
explique sa diffusion et son succès à l'étranger,
indépendamment des moyens mis en oeuvre en Corée comme en
Occident.
4. Perspective de la langue-culture américaine
Dans l'histoire récente des relations
américano-coréennes, il faut mentionner un épisode
fâcheux, survenu lors des Jeux Olympiques de Séoul en 1988,
épisode dont les conséquences sont encore perceptibles
aujourd'hui.
Les Coréens espéraient qu'en organisant ces jeux, les efforts
déployés par chacun et les nombreux sacrifices imposés
à tous seraient reconnus : la Corée comptait beaucoup sur
" son grand frère "
pour qu'il porte un jugement
favorable et l'aide ainsi à se faire admettre parmi les puissances
économiques et politiques mondiales.
Malheureusement, le résultat fut à l'opposé des espoirs
envisagés. Cela commença par une très mauvaise couverture
des reporters de la chaîne de télévision américaine
NBC, qui privilégièrent les aspects les plus négatifs de
la Corée : images de quartiers mal famés,
fréquentés par les militaires américains, restaurants
servant de la viande de chien (en fait très rares !)... Deirdre
DURRANCE, interprète de conférence, constata, à ce propos,
qu'il suffisait
" d'une poignée de représentants de la
presse omnipotente pour affaiblir les liens solides entre deux peuples
alliés "
32
.
Les critiques américaines redoublèrent à la suite d'une
erreur flagrante d'un arbitre de boxe coréen, donnant la médaille
d'or à son compatriote, alors que l'adversaire américain avait,
de toute évidence, remporté le match. D'autres incidents
suivirent. Tout cela développa chez les Coréens,
déçus et blessés, une forte réaction
d'anti-américanisme, qui existait déjà dans le milieu
étudiant contestataire.
Cette vague d'anti-américanisme n'a cependant pas constitué un
frein pour le développement de la langue-culture américaine, tant
à l'école que dans la société. Ce
développement est constant, en raison de l'importance des Etats-Unis et
de l'adoption de l'anglais comme langue véhiculaire pour les
échanges internationaux.
La conséquence directe de ces événements s'est
plutôt située dans un changement psychologique des Coréens
à l'égard de leur puissant allié. Désormais, ils ne
réduisent plus leur vision du monde extérieur à la seule
Amérique, mais s'ouvrent davantage à d'autres horizons et
découvrent, en particulier, l'intérêt d'approfondir leurs
relations avec l'Europe. Dans ce contexte, la France se trouve bien
placée pour profiter de ces nouvelles orientations.
E. L'ALLEMAND
1. Origine de la présence allemande
Les premières relations entre la Corée
et l'Allemagne débutent en 1882, avec la signature du traité
d'amitié et de commerce germano-coréen. Le principal artisan de
l'établissement de ces relations est VON MÖLLENDORF (1848-1901),
attaché au service des douanes chinoises, puis coréennes.
Introduit en Corée grâce à une recommandation du
gouvernement chinois, c'est lui qui crée la première école
d'anglais dans la capitale en 1883.
________________________
32
L'anti-américanisme en Corée, le Courrier de
la Corée n° 670, 19 mars 1990, p. 11.
A la même époque, le gouvernement royal entreprend un certain
nombre de réformes pour moderniser l'éducation et l'armée.
C'est également sous l'influence de VON MÖLLENDORF que vont
être recrutés des conseillers occidentaux dans de nombreux
secteurs comme les douanes, la monnaie, l'électrification, les postes,
les mines et l'agriculture.
Cependant, l'influence allemande ne s'impose guère en raison des
ambitions rivales des puissants voisins de la Corée : Chine, Japon et
Russie. Chacun de ces trois pays va, tour à tour, intervenir dans la
politique intérieure coréenne, jusqu'à l'annexion
japonaise de la péninsule qui va chasser toutes les influences
extérieures
33
.
La langue allemande commence à être enseignée à
partir de 1895 à l'Ecole des Langues Etrangères (la
première créée en Corée), avec le français,
le russe, le japonais et le chinois. Son enseignement est renforcé
à la fin de l'occupation japonaise. En 1945, la réorganisation du
système éducatif par le commandement militaire américain
rétablit la suprématie de l'anglais et donne aux autres langues
occidentales le statut définitif de seconde langue
étrangère.
Suivant une tradition instaurée par les Japonais, la plupart des
lycées enseignaient l'allemand. Par la suite, le nombre des
lycées choisissant le français a augmenté graduellement,
surtout après 1968, année où les autorités de
l'Education Nationale ont commencé à encourager l'enseignement du
français en contenant celui de l'allemand. Depuis, les lycées de
garçons choisissent le plus souvent l'allemand pour son image virile, et
les établissements de filles gardent une préférence pour
le français considéré comme raffiné et
féminin. Toutefois, l'enseignement de l'allemand reste, à l'heure
actuelle, largement majoritaire dans les établissements secondaires.
2. Diffusion de la langue-culture allemande
L'enseignement de l'allemand, comme la plupart des
secondes langues, demeure purement académique et incapable de
dégager une vue panoramique des aspects langagiers et culturels, car il
s'agit d'un enseignement livresque et théorique, fondé sur une
progression grammaticale, sans grand contenu culturel. En outre, avec une ou
deux heures de cours par semaine au lycée, on ne peut guère
aboutir à un résultat concret, d'autant que le contact avec la
langue-culture s'arrête à la classe.
_________________________
33
Cf. Marc ORANGE, L'ouverture de la Corée vers
l'Occident, Que sais-je ? PUF, 1991, pp. 66-72.
Mais en faculté, pour permettre l'accès aux ouvrages originaux
allemands et français, couramment utilisés durant les
études universitaires, quelle que soit la spécialité,
l'enseignement/apprentissage des secondes langues est obligatoire et
renforcé, et c'est là aussi l'allemand qui est le plus
enseigné. En effet, la vocation de l'enseignement supérieur est
de former des esprits cultivés et d'offrir des connaissances dans des
domaines spécialisés. Ainsi, les deux premières
années sont consacrées à la culture générale
dont fait partie l'enseignement/apprentissage du français ou de
l'allemand. De plus, pour passer en maîtrise ou en doctorat, les
étudiants doivent se présenter au concours d'entrée dans
lequel non seulement le français ou l'allemand est obligatoire, mais en
plus représente le tiers des points. Ceci explique la floraison de leurs
études dans le cadre universitaire.
Un certain nombre d'étudiants prolonge également leurs
études en Allemagne, notamment dans les branches littéraire et
artistique. Au sein de cette dernière, la musique et les arts plastiques
sont les plus recherchés.
Dans la vie active, l'allemand présente encore moins d'utilité
que le français, bien que l'Allemagne soit le premier partenaire
commercial européen et qu'un certain nombre d'Allemands travaillent dans
une zone industrielle du sud-est de la Corée. Mais ils communiquent tous
en anglais et ne cherchent pas à recruter du personnel maîtrisant
leur langue.
L'image de l'Allemagne demeure également assez floue. C'est
principalement à travers sa culture que ce pays est perçu :
GOETHE et ses oeuvres traduites en coréen pour la littérature,
BEETHOVEN, SCHUBERT, WAGNER, pour la musique, Heildelberg pour son
université, Munich pour sa tradition culinaire.
C'est aussi un pays réputé pour sa technologie :
l'électroménager et les appareils sophistiqués venant
d'Allemagne sont considérés comme les meilleurs. Les
Coréens pensent ainsi à LEICA pour la photographie, à
MERCEDES pour la voiture, à MIELE pour l'électroménager.
Quant aux Allemands, les Coréens les imaginent costauds, gros
consommateurs de bière, mais surtout économes et sérieux.
Ils sont reconnus comme les artisans du
" Miracle du
Rhin "
,
un modèle de développement économique
particulièrement étudié et apprécié en
Corée. Le rapatriement des infirmières et des mineurs
coréens, embauchés en Allemagne dans les années soixante,
a contribué à former cette image d'un peuple travailleur, solide
et sérieux.
C'est l'Institut GOETHE, implanté dans les quatre villes principales,
qui joue un rôle essentiel pour la diffusion de la langue-culture
allemande. Le premier a été créé à
Séoul en 1969 et, dix ans après, a été
édifié au centre ville le bâtiment actuel avec
bibliothèque, auditorium et salles de classe. L'Institut GOETHE
s'occupe, à la différence du Centre Culturel Français,
à la fois des cours et des manifestations culturelles.
Son rôle consiste à offrir un enseignement/apprentissage de la
langue-culture allemande vivant et adapté aux attentes du public
coréen. Les premiers niveaux de cours sont centrés sur la
compréhension et l'expression orales, sans oublier pour autant la
lecture et l'expression écrite fondées sur des textes simples.
Pour les niveaux moyens, les aspects culturels sont davantage pris en compte :
leur enseignement/apprentissage aide à mieux connaître le pays
à travers l'étude de sa culture et l'analyse de la
société allemande.
En plus de ces programmes, l'Institut GOETHE organise des stages
réguliers pour les enseignants du secondaire. Le but principal du stage
est le perfectionnement linguistique et l'amélioration de la
méthode d'enseignement. Pour cela, les responsables allemands
travaillent en étroite collaboration avec le Ministère de
l'Education et vingt enseignants, entièrement pris en charge, partent
chaque année en Allemagne. Cette organisation rigoureuse et efficace
rencontre un grand succès auprès des Coréens germanistes.
Parallèlement à cette activité didactique, des
manifestations culturelles se déroulent dans les locaux de Séoul.
Les programmes sont variés mais, dans le domaine
cinématographique, les Coréens préfèrent les films
français, plus nombreux et de meilleure qualité,
présentés au ciné-club de nos Centres Culturels.
Par ailleurs, la bibliothèque de l'Institut est accessible à
" tous ceux qui s'intéressent à la langue-culture
allemande "
. Elle prête des livres, des vidéocassettes et
des disques compacts, dispose aussi de tous types de renseignements sur
l'Allemagne, y compris touristiques : les brochures traduites en coréen
sont à la disposition des visiteurs et l'Allemagne y est
présentée à la fois prospère et romantique.
En dépit des efforts des autorités allemandes en faveur de la
diffusion de leur langue-culture et malgré l'importance des
échanges commerciaux entre l'Allemagne et la Corée, l'allemand
reste une langue très peu parlée.
IV. LA PLACE DU FRANCAIS DANS L'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES LANGUES-CULTURES
Si très peu de Coréens pratiquent couramment
une langue occidentale, presque tous sont d'accord pour constater que
l'enseignement/apprentissage des langues-cultures est à la base du
développement des échanges internationaux dans tous les domaines.
En effet, la langue est à la fois le véhicule
privilégié de la transmission de la culture et le
dépositaire de cette même culture.
Cependant, l'enseignement/apprentissage livresque et théorique du
coréen a fortement influencé celui des langues
étrangères, en accordant la priorité à
l'écrit et à la grammaire. Pour bien comprendre la place
qu'occupent les langues-cultures en général, celle du
français en particulier, il est utile de préciser la conception
de la langue et celle de la culture par les Coréens eux-mêmes qui,
naturellement, va se projeter sur les autres langues-cultures. La conception
livresque de l'enseignement/apprentissage induit l'idée que
l'école demeure un lieu d'études déconnecté des
aspects pratiques. La politique linguistique actuelle et les problèmes
relatifs à l'enseignement/apprentissage des langues-cultures
reflètent en partie cette conception.
A. CONCEPTION DE LA LANGUE
A l'origine du système éducatif en
Corée, il existait deux langues, puisque l'enseignement était
entièrement dispensé en chinois, même après
l'invention de l'alphabet coréen au XVe siècle. Dans les huit
grandes écoles, on n'étudiait que la littérature et les
sciences chinoises, le chinois étant
" la langue officielle du
gouvernement et de la haute société " (Ch. DALLET, 1874,
P. 77).
Lorsque le roi Sejong rendit publique son intention de créer un nouveau
système d'écriture, susceptible d'être appris facilement
par tous, un groupe d'érudits aux idées conservatrices s'opposa
violemment à ce projet. Ils pensaient qu'aucune écriture ne
pouvait rivaliser avec l'écriture chinoise et, qu'en l'abandonnant, le
coréen risquait de perdre son prestige, d'autant que ces
idéogrammes avaient été adoptés dix siècles
auparavant pour la transcription de la langue coréenne.
Malgré ces fortes oppositions, l'alphabet coréen fut
promulgué. Mais, si cette invention a contribué à
l'instruction de la population, tout l'enseignement continuait à se
donner en chinois et celui-ci constituait l'outil indispensable pour la
transmission du savoir, réservée aux classes
élevées. Seules la recherche intellectuelle et les études
des classiques chinois étaient prises en considération, tandis
que les études pratiques demeuraient plus ou moins
méprisées. Par exemple, le métier d'interprète
était peu considéré malgré un travail reconnu par
la cour royale et les plus hautes administrations. Ces fonctionnaires ne
pouvaient jamais atteindre des postes élevés ; ils devaient
même supporter un certain mépris dû au fait d'exercer un
travail pratique.
C'est précisément cette longue tradition qui conduisit
l'enseignement - de manière exclusive - vers la transmission du savoir
et non du savoir-faire, c'est-à-dire uniquement expliquer et
mémoriser. Dans cette optique, la maîtrise de l'écrit
était indispensable. Savoir lire et écrire en chinois restait
l'objectif essentiel des études. Le concours national consistait
à évaluer la compétence de chaque candidat à
l'écrit.
En revanche, savoir s'exprimer à l'oral ne fut jamais pris en compte.
" Parler trop "
était même mal
considéré, comme le montrent bien certaines expressions courantes
:
" L'homme doit avoir la bouche cousue ; il vaut mieux se taire
que de
dire n'importe quoi ; il faut bien réfléchir avant de s'exprimer,
car la parole versée est comme l'eau renversée,
irrécupérable... "
En somme, il ne fallait pas trop
parler, mais parler à bon escient, ainsi qu'en témoigne cette
autre maxime :
" une belle parole rembourse une grosse
dette "
.
Cette tradition de la transmission du savoir s'est perpétuée
dans l'enseignement moderne, où l'accent est toujours mis sur
l'écrit. L'enseignement du coréen consiste uniquement dans la
compréhension des textes proposés. Le professeur explique d'abord
l'idée générale, donne ensuite des explications
détaillées de chaque phrase et les élèves
l'écoutent attentivement, en essayant de prendre le plus de notes
possible. Ce sont donc des études livresques où les
élèves apprennent par coeur ce que le professeur enseigne.
La priorité à l'écrit est valable pour les autres
matières, y compris les langues étrangères. Les
élèves travaillent sur la langue, la grammaire et le lexique, qui
doivent normalement faciliter la compréhension de textes. La
littérature étrangère est également
étudiée au travers de traductions de textes, mais les professeurs
essayent rarement de faire comprendre les idées des auteurs ou les
styles qui leur sont propres.
Le contact avec les langues étrangères, lors de l'ouverture du
pays, fut l'occasion de prendre conscience de l'importance de la langue comme
moyen de communication. Depuis, cette prise de conscience s'est
renforcée, car les échanges internationaux s'amplifient et la
langue coréenne n'est pratiquée que localement et dans les
communautés installées à l'étranger.
La connaissance de langues est considérée comme un
enrichissement personnel sur le plan culturel et intellectuel et elle constitue
aujourd'hui l'un des objectifs essentiels des études. L'introduction des
langues étrangères a conduit à une réflexion sur la
conception de l'enseignement/apprentissage des langues en général
et l'a fait, en partie, évoluer dans un sens pratique.
L'anglais et le japonais commencent à privilégier l'oral. De
même, un changement radical est intervenu avec la rénovation des
programmes de l'enseignement du coréen. Désormais, les
écoliers apprennent leur langue maternelle avec des objectifs pratiques
répondant aux besoins de communication exigés dans la vie
courante. Non seulement, le contenu de l'enseignement a changé, mais
aussi son appellation : de coréen tout court, elle se nomme aujourd'hui
cours de coréen parlé, écrit et lu.
Cette prise de conscience de l'importance de l'oral n'a pas eu, à ce
jour, les mêmes conséquences dans chacune des langues
étrangères enseignées. En effet, les langues, dont
l'utilité pratique n'est pas directement perçue, comme le
français ou l'allemand, sont encore largement dispensées selon
les méthodes traditionnelles.
B. CONCEPTION DE LA CULTURE
Autrefois, existaient deux formes de culture
nettement
distinctes : une culture savante réservée aux lettrés qui
pourrait être assimilée au
" cultivé
" et
une culture populaire qui s'apparente au
" culturel "
. La
première concernait essentiellement les domaines littéraire et
artistique, avec une vision du monde élitiste ; la seconde prenait sa
source dans les expressions de la vie quotidienne, avec ses désirs et
ses rêves... Les chapitres précédents ont largement
évoqué la forte influence culturelle chinoise à l'origine
de cette différence.
Aujourd'hui encore, la conception de la culture n'a guère
évolué, elle est toujours considérée comme une
" occupation savante et luxueuse "
, comme le montre
une
enquête réalisée par le Centre de Statistiques Korea
Research, en décembre 1992. Sa définition même,
d'après cette enquête, est automatiquement liée à
une culture élitiste ; la plupart des manifestations culturelles reste
inaccessible au grand public, du fait de leur contenu
" trop
recherché et singulier "
et du prix des places
" trop
élevé "
, sans oublier les problèmes dus à
l'absence de programmation et d'espaces, notamment dans les petites villes.
Par conséquent, la population se tourne vers des loisirs faciles
à consommer : le cinéma, avec une préférence
pour les productions étrangères, la vidéo et la
télévision. Cette dernière a acquis une telle influence
qu'elle est devenue
" la référence de la culture
populaire ".
Un sondage effectué par un quotidien de
Séoul (Donga Ilbo), en août 1993, confirme son impact : pour une
majorité de Coréens (59 %), la télévision
constitue la source essentielle d'informations et de loisirs, suivie des
journaux (28 %), de la radio (8 %) et des revues (5 %). Pour plus des trois
quarts des jeunes (79 %), la télévision représente
l'essentiel de leurs sources culturelles
34
.
Trois chaînes publiques et deux chaînes privées diffusent
divers programmes globalement bien appréciés de l'ensemble de la
population. Les téléspectateurs aiment, par exemple, regarder les
séries, créées à partir d'oeuvres
littéraires ou d'histoires de la vie courante et ces séries
donnent lieu à une forte concurrence entre les chaînes.
Avec la généralisation de la télévision, on
assiste, comme en Occident, à un développement d'une
" culture d'appartement "
35
où
l'écoute de la musique à domicile et celle de la
télévision prennent de plus en plus d'importance. La mutation
technologique dans les secteurs du son et de l'image (baladeur, CDI, disque
laser, ...) ainsi que les transformations de l'offre audiovisuelle
(câbles, vidéo) ont favorisé la progression de
l'équipement des ménages dans ce domaine et sont à
l'origine du développement spectaculaire de cette tendance. Les radios
FM
36
avaient déjà contribué à la
généralisation de l'écoute musicale : leurs
émissions variées sont toujours très suivies, aussi bien
à domicile que dans les lieux publics.
On assiste parallèlement à une diminution de la lecture, surtout
dans la population active. Le livre constituait autrefois le principal vecteur
de diffusion culturelle. Selon l'enquête citée plus haut, les
jeunes se rendent chez les libraires trois à quatre fois par mois et
leurs aînés se contentent d'une visite mensuelle ou bimensuelle.
Au total, on peut interpréter ce changement de pratique culturelle
comme un déplacement du pôle d'activité constitué
par le livre vers le pôle audiovisuel. A l'origine de ces changements
surtout pour la culture quotidienne et comportementale, on trouve, bien
sûr, le rôle majeur des influences occidentales, essentiellement
américaine.
Malheureusement, l'introduction de ces dernières s'est faite de
manière confuse et brutale, en particulier lors de la dernière
guerre de Corée. Les habitants de la péninsule se sont
laissés emporter par cette puissante vague, sans avoir eu le temps de
comprendre ni de s'adapter à ces nouveautés.
________________________
34
Les rapports ne sont pas encore bien tranchés entre
loisirs et culture.
35
La Politique Culturelle, rapport présenté à
l'Assemblée Nationale en décembre 1994.
36
Les radios FM sont exclusivement consacrées à la
musique de tout genre et les radios AM gardent leurs programmations d'origine :
des informations et des divertissements, entrecoupés de cinq à
six heures de musique par jour.
Dans les années cinquante, la culture américaine était
directement liée aux nécessités économiques,
puisque les Américains fournissaient les nourritures de survie et tous
les matériels, tandis que la culture française apparaissait
beaucoup plus raffinée, grâce à l'art, la musique et les
produits de luxe. Pendant cette période, les cultures occidentales leur
semblaient supérieures, au point d'ignorer, voire de mépriser
leurs propres références.
L'influence américaine prenait ainsi le relais des dominations
culturelles chinoise, puis japonaise. Ces expériences malheureuses ont
convaincu les Coréens que seules des sources culturelles diverses et
harmonieuses pouvaient leur être bénéfiques, car au fond,
la culture doit s'appuyer à la fois sur la conscience identitaire et sur
l'ouverture au monde.
La rencontre avec les cultures étrangères a permis finalement
aux Coréens de s'intéresser davantage à leur propre
culture, comme si la présence d'autrui avait réveillé la
conscience de soi. Cette prise de conscience relativement récente les a
entraînés à se rapprocher de leurs traditions et de leur
patrimoine. Un certain nombre d'artistes tente même une synthèse
des expressions artistiques occidentales et orientales, en vue d'une
revalorisation et d'une familiarisation avec les sources culturelles
traditionnelles, et ce travail est fort apprécié du public.
Les mouvements de protection de l'art traditionnel, fondés dès
1930, ont tourné la page : la peur s'est transformée en
désir de s'enrichir à travers les autres cultures.
Par ailleurs, les jeunes sont beaucoup plus autonomes vis-à-vis des
cultures étrangères que leurs aînés : ils ne
s'intéressent plus uniquement à la culture américaine,
mais ils essaient de sélectionner et de s'adapter aux nouveautés
extérieures. Le sentiment d'infériorité envers les
puissances étrangères s'est estompé. C'est plutôt la
curiosité et l'esprit aventurier qui incitent les Coréens
d'aujourd'hui à aller découvrir par eux-mêmes d'autres
horizons.
Le français a la chance de correspondre à cet état
d'esprit, car il a toujours incarné un idéal de culture savante
face à la culture américaine de masse.
C. POLITIQUE LINGUISTIQUE EN CORÉE
C'est à l'école qu'a lieu le premier
contact avec les langues étrangères. En théorie, les
lycéens peuvent choisir deux langues parmi les six suivantes : anglais,
allemand, français, chinois, japonais et espagnol, mais, en
réalité, la plupart des lycées n'enseignent que deux
langues : l'anglais et, en général, l'allemand dans les
lycées de garçons, le français dans les lycées de
filles et le japonais dans les lycées techniques, le chinois et
l'espagnol étant très peu enseignés. La répartition
des élèves apprenant les langues
37
est la suivante :
|
1983 |
1993 |
||
Allemand |
650 000 |
(44,6 %) |
505 000 |
(43,2 %) |
Japonais |
460 000 |
(31,5 %) |
325 000 |
(27,8 %) |
Français |
334 000 |
(22,9 %) |
288 000 |
(24,6 %) |
Chinois |
11 000 |
(0,7 %) |
42 000 |
(3,6 %) |
Espagnol |
4 000 |
(0,3 %) |
9 000 |
(0,8 %) |
TOTAL |
1 459 000 |
(100 %) |
1 169 000 |
(100 %) |
Le nombre total d'élèves a décru
de près de 20 % en dix ans. Cela explique la diminution de leur nombre
dans les trois principales secondes langues étrangères, allemand,
japonais et français. Toutefois, les proportions respectives varient :
la part de l'allemand et du japonais diminue globalement de plus de 5 % au
profit du français (+ 1,7 %) et surtout du chinois (+ 2,9 %) dont le
nombre d'élèves a presque quadruplé. C'est avec l'espagnol
la seule langue dont le nombre d'élèves progresse, partant, il
est vrai, de très bas.
_________________________
37
Statistical Year Book of Education, Ministry of Education,
Séoul, Koréa 1983-1993-1994.
Il est intéressant de constater que l'enseignement/apprentissage des
secondes langues est partagé de façon très variable entre
garçons et filles, comme l'indique le tableau ci-après.
Proportion filles/garçons en 1994
|
Allemand |
Français |
Espagnol |
Chinois |
Japonais |
Filles |
140 115 |
190 855 |
5 063 |
16 169 |
153 419 |
Garçons |
344 855 |
93 502 |
3 394 |
32 045 |
153 532 |
TOTAL |
484 970 |
284 357 |
8 457 |
48 214 |
306 951 |
On constate que l'allemand est enseigné à une
majorité de garçons (71 % de l'ensemble). A l'inverse, plus des
deux tiers des élèves de classes de français sont des
filles (67 %). Le japonais est enseigné à autant de filles que de
garçons.
A l'université, le japonais vient en cinquième position
après l'anglais, l'allemand, le français et le chinois. Cette
différence de classement du japonais entre les lycéens et les
étudiants est due à des motivations différentes :
utilitaires pour les premiers, plus intellectuelles pour les seconds.
A l'issue des études secondaires, les élèves
coréens n'ont retenu que peu de choses de l'enseignement de leur seconde
langue, à l'exception du japonais, plus proche de leur langue
maternelle. Même si ces élèves ont poursuivi l'étude
de cette langue à l'université, ils demeurent incapables de
communiquer avec les natifs du pays concerné. Ce n'est que par des
enseignements complémentaires -cours particuliers, cours diffusés
par des organismes privés ou semi-privés, du type Alliance
Française et Institut GOETHE, ou encore séjours à
l'étranger- que les étudiants peuvent réellement
s'exprimer dans ces langues.
Le Ministère de l'Education a tenté, à plusieurs
reprises, de modifier la politique linguistique concernant les secondes
langues, mais avec des résultats divers.
La première réforme, en 1973,
a eu pour objectif la
valorisation des secondes langues. Le Ministère de l'Education a
donné le feu vert pour le rétablissement du japonais au
lycée et il a permis aux lycéens de choisir, au concours
d'entrée à l'université, une seconde langue à la
place de l'anglais.
Grâce à cette politique, le japonais s'est
développé rapidement, mais, pour les autres langues, cet essai de
valorisation n'a pas donné les résultats escomptés,
à cause du niveau beaucoup trop faible exigé par rapport à
l'anglais : ce dernier était jugé bien plus
sévèrement, car supposé mieux connu, alors que des
connaissances rudimentaires de seconde langue permettaient d'obtenir des notes
plus élevées. Une autre raison de cet échec tient aussi au
manque de formation des enseignants en langues étrangères autres
que l'anglais. De plus, la valorisation de ces langues s'est heurtée au
sentiment général de leur inutilité face à
l'anglais.
La deuxième réforme de 1986
a été nettement
défavorable au développement des secondes langues, car elle
poussait à leur abandon sous prétexte que les lycéens
n'avaient pas le temps de s'y consacrer, trop pris par la préparation du
concours d'entrée : elle permettait aux garçons de choisir une
langue étrangère ou la technologie ; les filles avaient le choix
entre une langue étrangère et la gestion ménagère.
Par conséquent, même les élèves voulant se
spécialiser en langues ne les prenaient pas, pour ne pas être
désavantagés par rapport à ceux qui optaient pour ces
matières relativement faciles à retenir.
De toute évidence, cette mesure ne prenait pas en compte l'une des
exigences de l'enseignement supérieur, c'est-à-dire pouvoir
étudier sur les textes originaux, français ou allemands. C'est
pourquoi l'examen d'entrée en maîtrise et en doctorat demande une
bonne connaissance d'une de ces langues. On peut donc facilement imaginer les
difficultés que peuvent rencontrer les étudiants pour arriver
à mener à bien leurs études universitaires et
post-universitaires, après un apprentissage sommaire de la seconde
langue au lycée
38
.
Cette politique n'a pas tardé à être abandonnée
à la suite d'une forte contestation du milieu universitaire et
intellectuel. Il est à noter que le vice-ministre de l'Education de
l'époque a encouragé les lycées à choisir le
français et l'espagnol de préférence à l'allemand
" majoritairement adopté par un attachement anachronique
à la tradition japonaise " (K.S. JONG, 1988).
En 1992, une nouvelle réforme
a de nouveau pris conscience de
l'importance des langues étrangères dans les études.
Depuis cette date, la seconde langue est obligatoire au concours
d'entrée : ainsi les candidats, désireux de s'inscrire en
sciences humaines ou en lettres, doivent passer les quatre matières
suivantes avec un coefficient variable selon l'importance de la matière :
- Langue nationale : 130
- Anglais : 120
- Mathématiques : 90
- Seconde langue : 60
________________________
38
Cf. Jung-Chul SUH, La deuxième langue
étrangère et l'avenir de l'éducation en Corée,
Fondation culturelle franco-coréenne - Alliance Française 1986,
pp. 38-41.
La dernière réforme, présentée en mars
1995
39
, prévoit, d'une part, d'intégrer l'anglais
à partir de 1997 parmi les matières régulières et
obligatoires des quatre dernières années de l'école
primaire et, d'autre part, d'ajouter dès maintenant le russe et,
à compter de 2001, l'arabe dans l'enseignement des secondes langues au
lycée. A cette même date, le nombre d'heures hebdomadaires pour
toutes ces langues sera augmenté.
Ce projet d'amélioration de l'enseignement/apprentissage des langues
étrangères dans le cadre institutionnel est sans doute
décisif pour la Corée qui entre dans l'ère de la
mondialisation. Les dirigeants ont enfin pris conscience du besoin urgent de
rénover cet enseignement/apprentissage
" centré sur la
grammaire et la lecture ",
qui conduisait à un résultat
médiocre pour la pratique de la langue.
Les efforts prévus pour la mise en valeur de l'oral sont les suivants :
- révision de la loi actuelle interdisant aux étrangers de
donner des cours dans le primaire ;
- recrutement massif d'étrangers d'origine coréenne,
spécialisés dans l'anglais langue étrangère (8 000
embauches annoncées dans un premier temps) ;
- nouveau programme de formation des enseignants du primaire, avec pour
objectif principal de rendre les apprenants capables de
" parler,
écouter et comprendre correctement l'anglais "
;
- autorisation, dès 1996, pour les écoles primaires, d'ouvrir
une classe de conversation anglaise une fois par semaine, puis bi-hebdomadaire
à partir de 1997 ;
- autorisation, pour les universités anglophones, d'établir
leurs annexes en Corée et implantation de lycées internationaux
destinés aux élèves revenant au pays, après avoir
suivi leurs parents en poste à l'étranger.
Ces nouvelles mesures auront ainsi des conséquences pour les
études secondaires et universitaires. L'accent sera mis davantage sur
l'expression et la compréhension orales, y compris au concours
d'entrée en faculté.
Cette meilleure appréhension de l'anglais aura également des
effets sur l'enseignement/apprentissage des secondes langues, plus axé
sur la dynamique de la langue. Ceux qui maîtriseront l'anglais auront
plus de facilités et de motivation pour aborder une autre langue, comme
les enseignants le constatent déjà maintenant : les meilleurs
sont souvent ceux qui parlent couramment anglais ou une autre langue. Leurs
__________________________
39
Les futurs mini-anglophones, Le Courrier de la Corée,
n° 929, 4 mars 1995, p. 21.
habitudes d'apprentissage et leur capacité à s'organiser des
données sont tout à fait transposables. L'augmentation des
horaires obligera, en outre, à diversifier cet
enseignement/apprentissage trop livresque et routinier.
L'ouverture récente de lycées de langues
étrangères dans les villes principales, favorise cette nouvelle
politique. Actuellement, on dénombre douze lycées de langues
étrangères (cinq dans la capitale), comptant 549 enseignants, 13
636 élèves dont 7 284 filles. Celui de Pusan en est un bon
exemple.
·
Lycée des Langues Etrangères de
Pusan
40
Ville portuaire, grand centre d'échanges internationaux, Pusan est
confrontée à la nécessité de s'adapter aux
changements extérieurs. La connaissance des langues
étrangères y prend une dimension particulière.
A la suite d'une expérience positive à Séoul, le
Lycée des Langues Etrangères de Pusan a ouvert en 1985, avec
l'objectif précis de former des lycéens en langues
étrangères (l'anglais, première langue obligatoire, la
seconde langue au choix parmi le japonais, le chinois, le français et
l'allemand), en mettant l'accent sur l'enseignement/apprentissage intensif des
langues-cultures dès le secondaire.
Ce lycée présente certaines particularités : il s'agit
d'un établissement mixte, ce qui est rare en Corée, et il dispose
d'un matériel didactique assez important : trois laboratoires de
langues, trois salles de projection et quatre salles spécialement
aménagées pour la pratique de la langue ; elles sont
conçues pour 25 élèves, avec des tables disposées
en demi-cercle autour du bureau de l'enseignant, et un écran
vidéo au mur.
Il dispense un enseignement conjoint, partagé par des enseignants
natifs et coréens. Six professeurs étrangers enseignent la langue
de leur pays d'origine, où ils ont acquis la formation
nécessaire. La particularité de leur travail tient au fait qu'ils
animent le cours de conversation dans la langue d'apprentissage. La
priorité est donnée à l'oral, aux expressions courantes.
Pour illustrer leurs cours, ils sont libres de choisir le matériel
didactique, ce qui leur permet d'utiliser des sources, écrites ou
sonores, conçues dans le pays d'origine.
Vingt-cinq enseignants locaux sont, quant à eux, chargés de
l'enseignement de la grammaire donné en coréen. Ces enseignants
se perfectionnent dans le cadre de la formation continue, en participant
à des stages à l'étranger et en travaillant sur
l'élaboration et l'approfondissement des matériels didactiques
avec l'aide de spécialistes.
__________________________
40
La présentation du lycée est
réalisée à la suite d'entretiens locaux avec le Proviseur
et les trois enseignants étrangers en mars 1992.
Les élèves brillants bénéficient de bourses
annuelles : une dispense intégrale des droits d'inscription, en plus
d'une allocation de 10 000 francs par an. Les élèves en chinois
et en japonais peuvent effectuer des stages dans des lycées
jumelés à Taïwan et au Japon. S'ils choisissent les
mêmes langues à l'université, les notes qu'ils ont obtenues
au lycée, en contrôle continu, leur resteront acquises pour
l'épreuve de langue au concours d'entrée. C'est une incitation
supplémentaire à étudier davantage les langues, en plus
des programmes d'études imposés par l'Institution.
D. PROBLÈMES RELATIFS A L'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES LANGUES-CULTURES
Mis à part ces quelques heureuses exceptions,
l'enseignement/apprentissage des langues-cultures continue à fonctionner
dans un cadre restreint avec un objectif théorique, sans tenir compte
des attentes et des besoins des apprenants actuels, qui souhaiteraient, en
premier lieu, une bonne maîtrise de la langue orale. Cet aspect
s'accentue dans les secondes langues, en particulier les langues
européennes.
Les conséquences d'une telle situation sont simplement
désolantes. Ainsi, les 3 500 étudiants qui terminent chaque
année leur licence de français sont rarement aptes à
communiquer dans cette langue, à moins d'avoir suivi une formation
complémentaire. Les quatre années d'études universitaires
sont en quelque sorte coupées des réalités de la langue
française contemporaine.
En fait, beaucoup pensent que l'enseignement des langues à
l'école est, de toute façon, insuffisant, surtout quand il s'agit
des langues enseignées de manière livresque comme le
français et l'allemand, et que l'on doit faire appel aux autres moyens
(cours privés ou séjours linguistiques à
l'étranger).
Certains croient même que l'enseignement/apprentissage des langues n'est
pas un des devoirs de l'école, mais une affaire personnelle que chacun
doit prendre à son compte en fonction de ses capacités
intellectuelles, financières, et en fonction du temps dont il dispose.
Un tel raisonnement ne facilite pas le développement des langues
étrangères au sein de l'école, où a lieu le premier
contact avec ces matières.
Au fond, une conception élitiste de l'enseignement reste ancrée
dans la mentalité des Coréens ; l'école doit demeurer un
haut lieu d'étude théorique, les aspects pratiques pouvant
être appris ailleurs. La floraison des instituts privés en
témoigne.
Dans le milieu universitaire, l'observation, l'adaptation, ou la critique,
sont encore très peu prises en compte, et cela ne laisse guère de
place à l'enseignement/apprentissage des langues-cultures,
nécessitant la volonté de s'adapter aux changements constants.
Par ailleurs, l'enjeu économique joue un rôle déterminant
pour le choix des langues. La prédominance de l'anglais et du japonais
le prouve. Pour les secondes langues, cet enjeu est moins crucial, mais non
exempt d'aléas.
Ainsi, la langue vietnamienne a subi un sort difficile. La seule section de
vietnamien à l'Université des Langues Etrangères a
été supprimée à l'arrivée des communistes au
Sud Viêt-nam. Pendant presque quinze ans, ce pays a disparu de l'esprit
des Coréens, alors que le gouvernement y avait
régulièrement envoyé ses soldats, à la demande des
Etats-Unis. A la suite de l'établissement récent des relations
bilatérales qui a stimulé le développement des
échanges commerciaux, le département de cette langue a
été réouvert, et la création de nombreuses sections
dans les facultés encouragée par le Ministre de l'Education.
Ce cas précis illustre bien l'absence de cadre juridique concernant la
création et la préservation des sections de langues :
déjà, dans le programme d'étude, le cours de langue n'est
tenu que s'il y a un professeur, il peut être suspendu à tout
moment et la langue disparaître de l'établissement du jour au
lendemain.
En réalité, les dirigeants coréens considèrent
l'apprentissage de la langue comme un moyen d'accéder à une
formation complémentaire à l'étranger, jugée utile
pour le pays. C'est ainsi que le gouvernement de Séoul donne la
priorité aux disciplines scientifiques et technologiques. Chaque
année, de nombreux boursiers sont envoyés à
l'étranger pour se perfectionner dans ces domaines. Les étudiants
projetant d'aller au Japon ou aux Etats-Unis sont relativement bien
formés dans ces langues, car ils ont acquis de bonnes connaissances de
base, et ils effectuent, en plus, une année de stage linguistique sur
place.
Pour le français ou l'allemand, l'enseignement, trop théorique
et livresque, ne les conduit pas au même niveau, et le stage accompli
dans le pays d'accueil reste insuffisant : en une seule année, ils ne
peuvent combler leur retard.
En définitive, le gouvernement coréen s'efforce de
développer une coopération avec les pays avancés, mais ne
se donne pas les moyens d'un enseignement/apprentissage des langues
concernées à la hauteur de ses ambitions. On peut cependant, pour
le français, tenter de proposer des voies pour rendre plus efficace son
enseignement/apprentissage et sa diffusion en Corée. Il s'agit de
promouvoir un enseignement du français adapté au contexte local.
V. PRÉSENTATION DES ENSEIGNANTS DE FRANCAIS ET BILAN DE LEUR FORMATION
Le contact avec la langue-culture française se fait
essentiellement en milieu institué. Cet enseignement/apprentissage
demeure élitiste et maintient sa vocation intellectuelle et culturelle.
C'est pourquoi la forte augmentation des sections françaises dans les
universités au cours des quinze dernières années ne
signifie pas que le statut du français en Corée se soit affermi
en proportion.
Avec le contenu de l'enseignement/apprentissage livresque, il existe un
décalage sensible entre le français appris à
l'école et la pratique de la langue française. Les enseignants,
issus de ce système, perpétuent ce mode d'enseignement. C'est
donc la formation des enseignants qu'il convient, en premier lieu,
d'améliorer.
Le professorat demeure un métier considéré et
respecté. Pourtant, à la suite de l'extraordinaire
développement économique de ces trois dernières
décennies, les meilleurs éléments délaissent les
postes d'enseignant, pour choisir les filières scientifiques conduisant
aux carrières prestigieuses offertes par l'industrie. Ce changement a
affecté particulièrement l'enseignement secondaire. Au sein de
l'Université, le statut d'enseignant s'est banalisé, en raison de
l'accroissement important du nombre de postes.
La considération pour les enseignants varie en fonction de l'importance
de la matière enseignée : ceux de langues
étrangères, hormis les professeurs d'anglais, sont moins bien
considérés que leurs collègues des matières
scientifiques. Dans cette hiérarchie, les enseignants de français
sont peu reconnus de leur institution, mais bénéficient d'un
certain prestige auprès de leurs élèves, grâce
à la bonne image de la France. Ils sont d'autre part tributaires de la
conception générale de l'enseignement : leur méthode
directive et leur rôle dominant en découlent d'une certaine
façon.
Leur compétence insuffisante en langue-culture française
nécessite de faire appel à des lecteurs français, mais ces
derniers communiquent difficilement avec leurs élèves, en raison
de leur ignorance de la langue-culture coréenne.
Cela pose le problème de la formation des enseignants de
français. L'étude de la formation initiale et de la formation
continue permettra d'en isoler les carences et de proposer quelques projets
d'amélioration.
A. PRÉSENTATION DU CORPS ENSEIGNANT
Préalablement à la présentation du corps enseignant, de son rôle et profil, ainsi qu'à l'évaluation de sa compétence, il semble nécessaire d'exposer la conception générale de l'enseignement, qui influence l'enseignant de français et détermine ses méthodes.
1. Conception et méthode de l'enseignement
Dans un pays où le taux
d'alphabétisation s'élève à 99 % et où le
diplôme universitaire apparaît comme indispensable, quels principes
s'est donné l'enseignement ?
Celui-ci, comme il a été dit plus haut, représente avant
tout la voie pour atteindre le plein achèvement de l'homme. Pour qu'un
être devienne véritablement accompli, il lui faut étudier,
si possible dans les meilleurs établissements, aller jusqu'au bout de
l'enseignement offert et valoriser tout cela par l'obtention de diplômes.
En pratique, l'enseignement repose davantage sur l'accumulation de
connaissances, tant pour la culture générale que pour le domaine
spécialisé. On enseigne surtout à apprendre par coeur et
très peu à réfléchir. Cette attitude ne
développe ni l'esprit de synthèse, ni le jugement critique. Elle
permet simplement l'insertion dans un système voulu, respecté et
rarement contesté.
Cet état de fait est certainement lié au confucianisme qui
imprègne les mentalités de la société
coréenne et privilégie la bonne entente et l'harmonie dans la
collectivité, plutôt que l'autonomie de chaque individu. Dans cet
enseignement directif, les initiatives individuelles sont peu
recherchées, et la nature des relations entre enseignants et apprenants
demeure hiérarchique.
L'enseignant, auquel la tradition accorde le rôle dominant, est de plus
confronté à une classe surchargée. L'effectif moyen est de
soixante élèves et, dans la plupart des sections universitaires,
davantage. Les conditions de travail sont donc défavorables, tout
particulièrement pour les cours de langue. Le cours magistral est
presque une fatalité.
En faculté, le niveau hétérogène des
étudiants est une autre difficulté fréquemment
rencontrée, car certains ont déjà appris la langue au
cours des années de lycée alors que d'autres la
découvrent, ce qui conduit obligatoirement à centrer
l'enseignement sur l'apprentissage de la grammaire, considéré
comme la base nécessaire pour pallier les différences de niveau.
Ces deux phénomènes concourent à renforcer l'aspect
théorique de l'enseignement hérité de la tradition. La
méthode doit aussi tenir compte du degré de motivation des
étudiants, qui ne choisissent généralement pas le
français pour des raisons strictement professionnelles ; ils n'ont pas
une forte incitation à un travail intensif et le rythme de progression
est lent. Mais de ce fait, ils peuvent apprendre de manière plus
détendue.
En ce qui concerne le matériel didactique, les établissements
secondaires utilisent les manuels conçus par les éditeurs locaux.
Quelques facultés élaborent elles-mêmes leur méthode
de langue, mais elles se ressemblent beaucoup. Les méthodes
publiées en France sont couramment adoptées :
Mauger, De Vive
Voix, A Paris...
actuellement remplacées par
Sans
Frontières, Archipel, Libres Echanges...
En dehors des manuels, le dictionnaire est un outil indispensable. Un
dictionnaire français-coréen datant de 1971, le
coréen-français de 1978, publiés par la
Société Coréenne de Langue et Littérature
Françaises,
" constituent la base des études
françaises chez les Coréens "
, comme le précise
l'ancienne Présidente de cette société
41
.
Ainsi, le manuel et le dictionnaire sont les deux sources essentielles ; les
matériaux sociaux ou le recueil de textes sont rarement utilisés,
par manque de formation des enseignants et aussi à cause d'un certain
rejet des étudiants, qui veulent à tout prix terminer la
méthode choisie.
Si les cours de langues ne se font pas toujours dans la langue
enseignée, cela peut s'expliquer par deux raisons principales :
l'utilisation du coréen est due surtout à l'enseignant
lui-même qui maîtrise mal la langue et, par ailleurs, les
étudiants ressentent souvent le besoin qu'on leur explique des mots
difficiles ou des points de grammaire avec la logique de leur propre langue.
Dans les cours animés par les lecteurs étrangers, de grosses
difficultés de communication se posent entre enseignants et
étudiants, l'enseignant étranger ne parlant presque jamais le
coréen. Toutefois, le fait qu'ils s'expriment en langue
étrangère, donnent abondamment leur avis, prononcent de longues
phrases face aux étudiants qui n'en comprennent que des bribes, peut
avoir pour effet une familiarisation formatrice, et ainsi constituer un
avantage pour les étudiants, qui ont peu l'occasion d'entendre la langue
enseignée en dehors du cours.
________________________
41
In-Hwan KIM, Professeur du département de langue et
littérature françaises à l'Université
féminine Ewha, décorée de l'Ordre des palmes
académiques du gouvernement français en 1986.
2. Rôle de l'enseignant
D'une façon générale,
l'enseignant est respectueux de l'institution et de la tradition. Il est peu
enclin à remettre en cause les préceptes qu'il a reçus de
l'Institution et des professeurs auxquels il succède.
Son rôle principal est de dispenser des connaissances et de
vérifier leur assimilation à travers des évaluations
systématiques. Au lycée, l'enseignant suit à la lettre le
livre qui lui est imposé, et contrôle les connaissances acquises
par des partiels hebdomadaires ou mensuels.
En faculté l'enseignant a la liberté de choisir les ouvrages que
les étudiants doivent ensuite acheter. Il établit les objectifs
globaux pour chaque semestre, davantage en fonction du niveau théorique
de ses étudiants que de leur niveau réel. Une certaine
liberté lui est laissée pour fixer ses objectifs et les moyens
propres à les atteindre. Il doit les inscrire sur des imprimés
remis en début de chaque semestre. Nombre d'entre eux se contentent de
reprendre les objectifs déterminés par leurs
prédécesseurs, sans chercher à les modifier.
A l'égard de son groupe, l'enseignant joue un rôle directif : il
anime le groupe et lui donne la parole plus collectivement qu'individuellement
; il évalue les étudiants globalement, compte tenu de leur nombre
trop élevé. En effet, s'adresser au groupe dans son ensemble et
obtenir facilement un écho par une réponse, est une
stratégie d'animation presque nécessaire face au sureffectif.
Dans ce contexte, il lui est difficile de valoriser ses rôles
" d'appreneur "
, facilitant l'apprentissage et
" d'animateur "
, stimulant cet apprentissage, comme
le propose
R. GALISSON
42
. En revanche, le rôle
" d'éducateur "
reste déterminant quel que soit
le niveau d'études. Les enseignants de faculté reprennent
partiellement cette fonction, chacun prenant en charge un certain nombre
d'étudiants de son département.
L'enseignant de langue assure de plus un rôle de
" modèle "
. Comme le souligne
R. GALISSON
dans
un article
43
,
" l'enseignant de langue est non
seulement vu
et entendu mais regardé et écouté"
. L'apprentissage de
la langue passe, en effet, par l'observation et l'imitation de la gestuelle,
des mimiques et de la parole de l'enseignant. Il doit donc être conscient
de ce qu'il représente et se préparer, s'entraîner, en
conséquence.
En réalité, et plus particulièrement au lycée, ce
rôle de
" modèle "
n'est
généralement pas exercé, en raison du contenu livresque de
l'enseignement. Il n'en est pas tout à fait de même en
faculté, dans la mesure où ce rôle est mis en valeur par
les enseignants français. Ceux-ci sont observés, imités,
non seulement dans leur fonction d'enseignant, mais également dans leur
comportement général.
3. Profil de l'enseignant
· Les enseignants de français en
faculté
Les premiers professeurs de section universitaire poursuivaient leurs
études en France après une carrière d'enseignant au
lycée ou en faculté. Nombre d'entre eux étaient des
boursiers du gouvernement français. Actuellement, après une
maîtrise en Corée, soit ils achèvent leur recherche dans
leur faculté d'origine, soit ils obtiennent leur doctorat en France.
Sans transiter par l'exercice d'un professorat au lycée comme leurs
anciens, ils passent directement du statut d'étudiant à celui de
professeur en faculté.
On peut distinguer deux catégories d'enseignants de langue :
- les enseignants coréens qui ont une maîtrise, un D.E.A. ou
un doctorat obtenus dans les universités françaises, car les
séjours dans le pays d'accueil sont considérés comme
indispensables pour enseigner la langue, mais la formation en didactique de
langue-culture n'est pas encore exigée ;
- les lecteurs français dont la présence pallie
l'insuffisance des professeurs coréens en nombre et en qualité.
Ils ont en général un contrat d'un an renouvelable et doivent
être titulaires d'une maîtrise quel qu'en soit le contenu. Ils
peuvent intervenir sur plusieurs facultés. En leur absence, le cours de
français risque d'être supprimé.
L'enseignant de français est unique au sein de chaque
département. Il est donc souvent confronté à un nombre
important d'étudiants, de l'ordre de cinquante à cent par groupe.
Quelques rares universités dispensent les cours de langue en divisant le
groupe en deux pour un effectif plus raisonnable de vingt-cinq ou trente.
En définitive, le statut des enseignants de français est
relativement précaire, il n'y a pas de formation spécifique
exigée et les conditions d'exercice sont difficiles. En revanche, ils
bénéficient de l'image de raffinement et de distinction
liée à la France dans l'esprit des Coréens.
_________________________
42
Où va la didactique du français langue
étrangère, E.L.A. n° 79 -Didier Erudition, 1990,
pp. 31-32.
43
Pour un modèle d'enseignement subordonné à
un modèle d'apprentissage des langues-cultures dans le cadre de
l'école, Centre de documentation de l'E.R.A.D.L.E.C. Paris III,
p. 19.
·
Les enseignants de français au lycée
Pour être enseignant de français au lycée, il suffit
de poursuivre quatre années de formation dans une faculté
pédagogique et d'avoir une compétence linguistique moyenne. Ceux
qui ont eu une formation dans une faculté de lettres doivent valider
leur diplôme, option pédagogique, en passant un concours d'Etat,
ou peuvent être recrutés dans un lycée privé,
souvent par cooptation. Dans les deux cas, la formation initiale demeure
littéraire et linguistique.
Les enseignants de français sont souvent uniques, au sein d'un
établissement, à l'inverse de leurs collègues d'anglais et
de coréen en nombre important. Les enseignants d'allemand sont en
majorité masculins et ceux de français, féminins. Les
enseignants natifs sont extrêmement rares et travaillent principalement
dans les douze lycées de langues étrangères.
En comparaison avec les enseignants d'anglais, fiers de leur statut et
motivés pour leur perfectionnement linguistique et culturel, ceux de
français voient en permanence leur statut remis en question, ou peuvent
même regretter d'avoir choisi cette option. Le nombre de cours et le
niveau de l'enseignement est très inférieur à ceux des
autres matières. Parfois même, le proviseur réquisitionne
les heures de français au profit de l'anglais ! Le contexte social, peu
favorable à l'enseignement/apprentissage du français, et
l'absence d'une politique linguistique stable, sont les raisons principales de
cette situation.
Cependant, pour améliorer leur statut et dynamiser cet
enseignement/apprentissage, il ne suffit pas de déplorer la situation ou
d'attendre la reconnaissance des autres, comme le font souvent la
majorité des enseignants de français, il faut plutôt se
former, se remettre en question.
4. Evaluation de la compétence de l'enseignant
Si l'on entend par évaluation de la
compétence apprécier et juger l'étendue des connaissances
de l'enseignant et de ses capacités dans le cadre de l'Institution et de
la société, il n'existe pas de modèle systématique
et scientifique d'évaluation directe de cette compétence,
l'évaluation se faisant plutôt de manière indirecte, au vu
et su des résultats obtenus.
La concurrence internationale, renforcée par la signature de l'Uruguay
Round, a conduit les universités à vouloir mener une
évaluation globale des enseignants, avec la participation des
étudiants, dans le but de trouver des solutions d'amélioration.
Mais cette tentative a surtout mis en évidence le mécontentement
des étudiants vis-à-vis de leurs enseignants et a
été la source de conflits, plutôt que de solutions à
adopter ; ce type d'évaluation, n'aboutissant qu'à un jugement de
valeur (bon, moyen, mauvais), reste bien sûr peu exploitable.
La faiblesse principale du professeur coréen réside dans une
maîtrise insuffisante du français, surtout à l'oral. Cette
carence a une forte probabilité de se maintenir, dans la mesure
où l'enseignant n'a pas l'occasion d'être immergé dans la
langue-culture du pays d'accueil. De plus, le système d'enseignement,
défavorable à l'apprentissage de la langue, ne l'encourage
guère à améliorer sa pratique. Son atout principal est de
communiquer facilement avec ses étudiants et de leur expliquer
clairement les points de grammaire et de lexique.
Pour le lecteur français, son handicap tient à la
difficulté ou même l'impossibilité de communiquer avec ses
apprenants coréens, ce qui constitue un obstacle majeur à
l'efficacité de son enseignement. La plupart des lecteurs ne
possèdent pas de formation didactique, ni d'expérience
d'enseignement du français langue étrangère. Quant
à ceux qui ont la formation nécessaire, l'incompréhension
linguistique et culturelle demande, malgré tout, pour être
surmontée, beaucoup de temps et de patience. Toutefois,
l'intérêt du lecteur est d'être représentant du pays
de la langue enseignée. Il exerce, à ce titre, une certaine
séduction, voire fascination, qui est une motivation essentielle pour
les apprenants.
Il apparaît donc nécessaire de former des enseignants
coréens compétents, surtout pour dispenser des cours de langues
aux débutants et, parmi ceux-ci, aux vrais débutants du
secondaire. Le renforcement de la formation de ces professeurs est à
envisager d'autant plus sérieusement que la nouvelle politique
linguistique prévoit de leur allouer plus d'heures d'enseignement,
durant lesquelles ils devront fournir un contenu plus varié et plus
consistant. Quant aux natifs, à condition d'avoir une formation
adéquate, ils pourraient être plus utiles pour l'enseignement
à un niveau avancé.
Dans les conditions actuelles, les lycées de langues
étrangères et certaines facultés ont adopté un
enseignement conjoint, combinant l'intervention des lecteurs étrangers
et des enseignants coréens, ce qui permet de combler les faiblesses et
de mettre à profit les compétences de chacun.
B. BILAN DE LA FORMATION
La formation de l'enseignant reste trop académique, pour pouvoir l'aider à faire face à la conduite d'une classe dans son existence quotidienne. Le diplôme obtenu dans une faculté de pédagogie donne automatiquement le titre d'enseignant du secondaire. Le stage pratique survient seulement en fin d'études ; il est vécu, en général, comme une formalité à remplir et ne permet pas une véritable réflexion sur la pratique de l'enseignant.
1. Formation initiale
Voici, pour illustrer
le contenu de cette
formation
, les programmes de section française à
l'Université des Langues Etrangères, caractéristiques de
ceux de la section française d'une faculté pédagogique
(tableau page suivante).
Dans ces programmes destinés aux futurs enseignants de français
du secondaire, on note l'importance accordée aux matières
théoriques (grammaire, composition), par rapport à la pratique de
la langue et à l'audiovisuel.
Les unités de valeur de pédagogie commencent en deuxième
année, avec l'introduction à la science de l'éducation et
l'histoire de l'enseignement. On notera, au cours du cursus, l'importance
grandissante de la pédagogie qui domine enfin le contenu de
l'enseignement de la dernière année.
Le programme de celle-ci semble déséquilibré, dans la
mesure où le stage occupe la première partie de l'année,
la deuxième comprenant un mémoire déconnecté de
cette pratique et un contrôle continu sur l'ensemble des matières,
alors que l'on attendrait l'inverse : terminer par le stage pratique final.
Au total, ces programmes, relativement complets sur le plan théorique
(initiation à la linguistique, introduction à la théorie
pédagogique, méthodologie de l'enseignement avec son
évaluation...), ne sont pas dénués de faiblesses,
notamment dans les aspects suivants :
- une absence de perfectionnement linguistique et culturel qui est
pourtant l'objet d'un département ;
FACULTE DE PEDAGOGIE DES LANGUES ETRANGERES
PROGRAMMES DE L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS
|
1er semestre |
2ème semestre |
||||
|
Discipline |
Coeff. |
Nb
|
Discipline |
Coeff. |
Nb
|
1ère année |
Etude de texte français 1
Composition française 1 Audiovisuel 1 Pratique de la langue française 1 |
4
|
4
|
Idem
Idem Idem Pratique de la langue française 2 |
4
|
4
|
2ème année |
Grammaire française 1
Composition française 2 Audiovisuel 2 Intro à la science de l'éducation |
4
|
4
|
Grammaire française 2
Idem Idem Histoire de l'enseignement |
4
|
4
|
3ème année |
Composition française 3
Audiovisuel 3 Différentes étapes de l'enseignement et son évalutation Psychopédagogie |
2
|
2
|
Idem
Idem Méthodologie et son évaluation Sociopédagogie |
2
|
2
|
U.V.
|
Introduction de la
linguistique française 1 Littérature française du 19ème siècle 1 Littérature française du 20ème siècle 1 |
2
|
2
|
Introduction de la
linguistique française 2 Littérature française du 19ème siècle 2 Littérature française du 20ème siècle 2 |
2
|
2
|
4ème année |
Audiovisuel 4
Administration éducative et gestion d'établis- sement scolaire Stage |
1
|
2
|
Idem
Etude de matériel pédagogique et de la méthode d'enseignement |
1
|
2
|
Optionnels |
Séminaire de littérature
française Linguistique française |
2
|
2
|
|
|
|
- une absence de formation
" personnelle
et
intégrée "
44
;
- un manque de formation didactique qui tienne compte du public.
_______________________
44
Cf. Claude GERMAIN, les formations à l'enseignement
du FLE au Québec, ELA n° 95. Didier Erudition, 1994, pp. 90-95.
Cette formation se termine par
un mois de stage
dans un lycée.
La plupart des facultés pédagogiques possèdent, en annexe,
leur propre lycée qui reçoit régulièrement les
stagiaires. Le directeur du stage, assisté des professeurs titulaires,
les prend en charge.
Pour l'apprentissage des tâches administratives
considérées comme aussi importantes que les cours, chaque
stagiaire s'occupe entièrement d'une classe, partageant ainsi le travail
du professeur responsable. Ce remplacement lui permet de faire face à la
conduite d'une classe, de se familiariser avec la vie d'un établissement
par la connaissance de son organisation et ses règles institutionnelles.
La première semaine, les stagiaires assistent collectivement aux cours
animés par le professeur titulaire, afin de s'habituer à la
méthode d'enseignement et aux élèves auxquels on va
enseigner. Cette observation est suivie de trois semaines de pratique qui doit
se réaliser dans le plus grand respect de la méthode
d'enseignement/apprentissage adoptée par l'établissement.
La dernière étape du stage est la démonstration d'un
cours, préparé collectivement, mais exécuté par un
seul stagiaire devant un jury composé du professeur de français,
du directeur du stage et d'un professeur invité d'une autre
matière. La note attribuée par le jury s'applique à chacun
des stagiaires au titre de la pratique.
Le problème majeur
de cette formation est lié à
son contenu beaucoup trop orienté vers la théorie au
détriment de la pratique.
D'abord, en ce qui concerne la formation en langue-culture, le programme
actuel livresque ne peut garantir une maîtrise minimale de la
langue-culture à enseigner. L'ironie du sort, c'est que la
médiocre qualité du français des enseignants n'est pas un
obstacle majeur à l'exercice de leur fonction. Celle-ci consiste, en
effet, à interroger sur des points de grammaire fixés à
l'avance, expliqués en langue maternelle et vérifiés par
un contrôle écrit mensuel. Au fond, la faiblesse du
français des professeurs-formateurs se transmet perpétuellement
à leurs étudiants sans remise en cause.
Plutôt que de recevoir une formation didactique adaptée aux
besoins professionnels, les futurs enseignants apprennent la théorie
pédagogique, qui ne leur permet de se préparer ni au stage
pratique d'enseignement, ni a fortiori à leur carrière.
De plus, un mois de stage, qui reproduit seulement un cérémonial
et un enseignement préétabli, est insuffisant pour former un
enseignant, capable d'organiser ses cours et de diriger sa classe avec les
problèmes qui peuvent survenir. Aucune réflexion, aucune
critique, ne sont réellement exprimées sur la pratique par le
stagiaire lui-même ou par ceux qui l'entourent.
Le cursus universitaire ignore également une formation qui tienne
compte du développement individuel, ce qui semble primordial avant
même de s'engager dans cette voie.
La formation initiale actuelle, centrée sur le savoir, devrait
être complétée par un savoir-faire et un savoir-être.
Savoir-faire, c'est-à-dire animer les cours, conduire la classe,
stimuler le travail des élèves, tout en gardant
l'équilibre entre autorité et disponibilité. De même
" savoir s'adapter et improviser "
grâce à la
" possession de savoir fluides, disponibles " (R.
GALISSON)
.
Savoir être, toute réflexion qui permet d'
"étendre la
connaissance de soi, de ses motivations, désirs,
résistance "
, sa capacité d'écoute et
d'ouverture... etc.
(Gilles FERRY)
45
.
2. Formation continue
Depuis l'instauration, en 1972, de la loi sur la
formation des enseignants, l'importance de la formation continue commence
à être reconnue. Les enseignants de français
bénéficient de cette formation organisée
régulièrement par le Bureau de Coopération Linguistique et
Educative (BCLE), en collaboration avec le Ministère de l'Education
Coréen. Elle comprend des séances de travail pendant
l'année et un stage de perfectionnement en Corée et en France
pendant les vacances.
Animées par l'attaché linguistique et son assistant,
les
séances de travail
consistent à améliorer la
connaissance du français chez les professeurs coréens. Les
professeurs de Séoul se réunissent toutes les semaines au Centre
Culturel Français, qui abrite le BCLE, pour deux heures de
perfectionnement linguistique, ceux des grandes villes de province ont une
séance sur place par mois.
Afin de faciliter le travail, les participants sont divisés en deux
groupes : le groupe A, ceux qui maîtrisent relativement bien la langue,
et le groupe B, ceux qui éprouvent des difficultés à
s'exprimer en français.
Pour le premier, la présentation de films suivie d'un débat est
une forme de travail ordinaire. Les participants à ce groupe ont
assisté préalablement à la séance hebdomadaire de
projection. La séance de travail portera sur une partie du film, puis
une série de questions est posée pour animer le débat
pendant la réunion. Il est souvent demandé de résumer le
film. Chacun y participe, apporte son appréciation, reconstruit
éventuellement le scénario.
_______________________
45
Le trajet de la formation, Dunod, 1983, p. 29.
Pour le groupe B, des courts métrages à valeur didactique sont
le plus souvent utilisés. En cas de présentation de longs
métrages, le débat s'oriente davantage vers l'observation de
scènes, notamment par le repérage des réactions
typiquement françaises en comparaison avec les habitudes
coréennes. La discussion et le commentaire sont moins riches dans ce
groupe, mais ses membres apprécient de participer au débat,
beaucoup plus vivant que l'apprentissage purement linguistique.
L'animateur français peut, en outre, participer aux cours dans les
lycées, à la demande des professeurs. Il s'agit de donner une
leçon en français à partir du manuel utilisé dans
l'établissement. Cette expérience n'est malheureusement pas bien
accomplie, en raison du sureffectif des classes, de la méthode
centrée sur la grammaire et de l'attitude réservée des
élèves.
Les enseignants participent, tous les quatre ou cinq ans,
au stage de
perfectionnement en Corée
de deux semaines lors des vacances
d'été, et de la même durée pendant les vacances
d'hiver. Ils travaillent sept heures par jour, du lundi au vendredi. Les
objectifs principaux sont de développer la compétence orale et d'
améliorer leurs méthodes d'enseignement.
Chaque formateur prépare son dossier de travail en rapport avec le
niveau général des enseignants coréens. Si chaque dossier
est généralement bien préparé, l'éclatement
des thèmes de chaque séance rend le contenu difficile à
suivre pour les enseignants coréens, qui doivent en permanence faire
déjà beaucoup d'efforts pour comprendre le français. Une
présentation préalable par un formateur coréen, pour
annoncer le déroulement du stage et le résumé du contenu
de chaque séance, faciliterait beaucoup leur participation.
Par ailleurs, en vue de l'élaboration d'un contenu plus
cohérent, il ne faudrait pas laisser à la seule initiative du
formateur la préparation de son dossier ; il vaudrait mieux choisir
quelques thèmes, à partir desquels chacun préparerait le
dossier individuel à travers divers documents : sociologiques,
anthropologiques, sémiologiques.
Si les cours de méthodologie peuvent permettre aux enseignants de voir
autre chose et d'appliquer les nouveautés dans leur classe, les cours de
civilisation, réduits à quelques conférences de
littérature, devraient être remplacés par des
séances qui englobent la diversité de la culture française
actuelle, en dépassant largement l'aspect passéiste. Cela est
tout à fait réalisable par les professeurs d'université
coréens choisis pour cette formation, car ils possèdent une
très bonne connaissance de la langue-culture française et surtout
ils parlent la même langue.
En somme, le stage de perfectionnement, organisé par le BCLE, est une
formation complète, suivie de très près par les formateurs
professionnels, dont tous possèdent au minimum une maîtrise de
FLE. Le problème est de savoir comment cette offre est perçue par
les participants coréens et s'ils en tirent un réel profit.
D'après eux, le stage pourrait être qualifié de
" gâteau sur le tableau "
, expression coréenne
qui signifie
" quelque chose de bon mais
d'inaccessible ",
c'est-à-dire qu'ils n'arrivent pas à profiter pleinement de
ce stage et ne peuvent, par conséquent, l'apprécier, le niveau
étant trop élevé.
Une enseignante du Lycée pilote de français de Pusan souligne
les problèmes de communication. Sauf exception, il ne peut
s'établir d'échanges entre les formateurs français et les
enseignants coréens, à cause d'une insuffisante maîtrise
réciproque de la langue. Les cours de conversation sont souvent
monopolisés par ceux qui n'ont pas peur de faire des fautes. S'il est
difficile d'inviter à prendre la parole les prudents ou les timides, il
n'est gère plus facile de faire taire les bavards minoritaires.
Un ancien professeur de français dans la province de Séoul
relève l'absence de formateurs capables d'écouter les enseignants
et de les aider à se former de façon continue. Les animateurs de
stage sont formés en littérature ou en linguistique, mais ont
rarement l'expérience d'enseignant de lycée. Par
conséquent, il leur est difficile d'analyser les besoins des enseignants
et de réfléchir ensemble sur les difficultés qu'ils
rencontrent quotidiennement dans leur classe. Beaucoup de participants
souhaitent l'intervention de leurs confrères du secondaire, en tant que
formateurs, afin de pouvoir discuter et trouver des solutions adéquates.
Le
stage de perfectionnement en France
serait également
perfectible. Le nombre annuel de participants restant limité à
une vingtaine, les candidats sont sélectionnés en fonction de
leur ancienneté, et non en fonction de leur compétence ni de leur
dynamisme.
Ce stage, qui a souvent lieu à Strasbourg, permet avant tout des
contacts directs avec la langue-culture française et améliore
leurs connaissances, ce qui les aide à mieux s'adapter à leur
travail. Sans jamais avoir vu la France, mais seulement à partir d'une
formation académique, il leur est impossible de satisfaire les besoins
et les attentes des élèves, curieux de savoir ce qui s'y passe
à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle les enseignants
souhaitent partir en plus grand nombre et plus souvent. Ils apprécient
sincèrement ces six semaines de séjour qui leur permettent de se
mettre enfin dans le bain linguistique et culturel, car
" mieux
vaut
voir une fois que d'entendre cent fois "
selon un dicton
coréen. C'est aussi une reconnaissance de leur métier, non
seulement vis-à-vis d'eux-mêmes, mais surtout à
l'égard de leurs collègues et de l'Institution.
C. PROPOSITIONS D'AMÉLIORATION
Il serait trop ambitieux, voire illusoire, de vouloir
réformer le système hors de son contexte actuel. Les propositions
d'amélioration devraient tenir compte de ce contexte et de ses
contraintes pour être pleinement efficaces.
L'amélioration de la formation initiale devrait porter principalement
sur une meilleure maîtrise de la langue-culture et une formation plus
spécifiquement tournée vers la didactique, notamment dans ses
aspects pratiques. L'accent mis sur ces deux aspects se retrouve dans la
formation continue. Celle-ci devrait s'adapter davantage aux besoins des
enseignants et répondre à leurs attentes, avec une offre mieux
ciblée et plus pratique.
1. La formation initiale
L'objectif visé est triple :
- parvenir à une meilleure maîtrise de la langue-culture ;
- développer la formation didactique, avec la capacité de
s'adapter à son auditoire ;
- apporter une expérience pratique à l'apprenti professeur.
·
Renforcer le programme de langue de deux façons :
- en privilégiant, dès la première année,
les cours de langue (à raison de six heures d'audiovisuel sur un
programme hebdomadaire de vingt heures), dans le but d'obtenir une
maîtrise satisfaisante de la langue à enseigner. L'augmentation de
cet horaire sera compensée par une diminution du temps consacré
à l'étude de texte, la composition et la grammaire. Par la suite,
le contenu des cours sera diversifié (discussion sur un sujet
donné préalablement, activité théâtrale...) ;
- en organisant, pendant les vacances, des séjours partagés
avec des professeurs natifs. Cela constituera une immersion linguistique et
culturelle bénéfique et un excellent préalable à un
séjour en France. Cette formule est déjà utilisée
dans les instituts de langue en Corée pour les élèves
d'anglais et de japonais.
·
Sensibiliser progressivement à la culture
Pour cela, il sera fait appel à l'exploitation de documents
authentiques sur les thèmes d'élection des étudiants. Par
exemple, les principales valeurs des Français, le portrait idéal
de la femme par les hommes et vice versa, la découverte des
régions françaises... et aussi des conseils utiles pour la
santé. Les documents qui nécessitent des connaissances
préalables sont plutôt déconseillés (discours
politiques, certaines publicités trop liées au contexte
français...).
·
Initier à la didactique de langue-culture par le biais de
la mise en situation de classes de langue
L'enseignant de langue étant particulièrement observé
et imité par ses élèves, c'est un des moyens d'en prendre
conscience et de s'y préparer, notamment par :
- des mises en scène de cours. Il s'agit de
réfléchir ensemble sur la manière de commencer et de
terminer un cours (organiser un jeu), ainsi que sur le déroulement de
chaque étape du cours (organisation et présentation du contenu,
passage d'une activité à l'autre) ;
- des animations d'exercices et d'activités, façons de
donner des consignes, de les reformuler en cas d'incompréhension ;
- la réalisation de petits cours simulés, etc.
Ces différentes activités seront analysées par les
étudiants, ce qui donnera lieu à des débats sur le sujet
traité, les participants, les propositions d'amélioration. C'est
à partir de ces exercices pratiques et des observations qu'ils auront
suscitées que les étudiants pourront établir
progressivement une méthode d'enseignement propre. L'appréhension
de la didactique par cette approche empirique permettra aux étudiants
d'y être sensibilisés de manière vivante et dynamique. De
plus, les étudiants auront la possibilité d'évaluer,
dès le début, leur capacité d'enseigner. En cas de
difficulté, ceux qui voudront poursuivre dans leur voie auront
conscience des efforts à fournir.
·
Adéquation de la théorie et de la pratique
Toutes les connaissances théoriques (linguistique,
méthodologie, psychopédagogie, sociopédagogie, etc.) ne
doivent pas être pour autant négligées, mais le lien avec
la pratique devrait être plus explicite.
On pourrait prendre, pour support de ce lien, la préparation au stage
d'enseignement qui se déroule en quatrième année. Cette
préparation sera étalée sur l'ensemble de la
troisième année. Il sera procédé
régulièrement à l'analyse des méthodes existantes
(points forts, points faibles, améliorations à apporter...), qui
devra déboucher sur l'élaboration d'un dossier collectif, une
sorte de mémoire de fin d'année, propre au groupe.
Une fois par mois, un cours de préparation au stage sera mis en place.
Il s'agit de créer un lieu d'échanges où se
réuniront les apprentis professeurs et les enseignants en poste. Ces
derniers viendront d'abord parler de leur expérience et recevront
ensuite les apprentis professeurs dans leur classe.
Cette observation sera suivie d'une discussion et d'une analyse. La discussion
pourra porter sur les stratégies personnelles de l'enseignant et sur le
degré de liberté dont pourra bénéficier le
professeur en formation dans sa future animation. Cette séance devra
aussi donner lieu à une discussion plus approfondie entre le formateur
et ses étudiants.
Actuellement, les professeurs accueillant les stagiaires ne sont pas
volontaires, mais y sont contraints par leur Institution. L'idéal serait
que l'accueil des apprentis professeurs soit institutionnalisé, et que
la participation des professeurs aux échanges mensuels soit reconnue
comme faisant partie de leur formation continue.
2. La formation continue
Une formation continue réussie devrait
répondre aux interrogations des enseignants. Ceux-ci devraient
être les artisans de leur formation et non de simples consommateurs d'un
contenu qui leur est étranger. Les auteurs de ce contenu ne daignent pas
tenir compte des demandes des enseignants ; Ils ont aussi une faible
connaissance de la langue-culture coréenne et ignorent le fonctionnement
de l'établissement local.
L'objectif ultime de la formation continue serait d'apporter aux enseignants
des réponses qui leur permettent, à l'issue de chaque session,
d'être plus à l'aise dans leur métier.
·
Séminaire à la carte
Il semble primordial de mener une enquête préalable
auprès des formateurs et des enseignants, afin de déterminer
leurs sujets de préoccupation et leurs attentes de la formation
continue, et d'apporter, à partir de ce constat, les réponses
adéquates. A chaque réponse, pourra correspondre un
séminaire particulier. L'enseignant pourra choisir
" à la
carte "
le séminaire en fonction de ses besoins propres,
et en tirer profit pour modifier ou élaborer son propre programme
d'enseignement.
·
Constante remise à niveau linguistique et culturelle
En raison du faible niveau en français des enseignants
coréens, une autre priorité serait d'améliorer la
connaissance linguistique et culturelle par un accès plus aisé
à des stages en France.
Dans l'état actuel, le stage de perfectionnement en France apporte
à ses participants de grandes satisfactions, mais trop peu de ces
enseignants peuvent chaque année y participer. Il serait souhaitable
d'en augmenter le nombre, car les enseignants sont demandeurs, même si
les frais de déplacement sont à leur charge.
Ces séjours pourraient leur être proposés à deux
périodes différentes de l'année, au lieu d'une
actuellement. Les enseignants devraient avoir la possibilité de
participer à des séjours entièrement consacrés au
perfectionnement linguistique et culturel, alors que le stage existant comprend
aussi un aspect didactique, qui pourrait se donner aussi bien en Corée.
·
Séances de travail complétées par
l'observation de classe
Les enseignants de français de province devraient avoir un
accès plus fréquent aux séances de travail
organisées par le BCLE (au moins deux fois par mois au lieu d'une fois
actuellement). Ces séances, exclusivement tournées vers le
perfectionnement linguistique, devraient être complétées
par les observations de classe, par exemple dans les Alliances
Françaises. Comme pour la formation initiale, ces observations devraient
servir de point de départ d'une discussion entre l'animateur et
l'observateur, ainsi qu'à une analyse approfondie durant la
séance de travail suivante.
·
Initiative locale
Alors que la formation continue est, à l'heure actuelle,
complètement dépendante du BCLE, il serait utile d'encourager les
initiatives locales, à l'image de ce qui existe dans la formation
continue réservée aux professeurs d'anglais. Ceux-ci se
réunissent régulièrement par petits groupes en
présence d'un formateur qui connaît parfaitement la situation de
l'enseignement au lycée.
Pour y parvenir, il faudrait instituer préalablement des observations
des cours par des inspecteurs-formateurs qui organiseraient des
séminaires sur le résultat de ces observations, à
l'intention des enseignants, dans le but d'améliorer leur pratique.
Cette modalité permettrait aux enseignants de vérifier si la
formation continue a réellement apporté des modifications dans
leurs habitudes d'enseignement.
VI. PRÉSENTATION ET BILAN DES PROGRAMMES D'ÉTUDES
L'analyse des contenus de l'enseignement/apprentissage du
français doit être réalisée en examinant les besoins
des apprenants. Il convient donc de connaître la conception de
l'apprentissage et le profil des apprenants qui y sont confrontés.
La pression constante exercée sur les apprenants, focalisée sur
les concours d'entrée en faculté pour les lycéens et les
concours d'admission dans les entreprises pour les étudiants, laisse peu
de place à l'initiative individuelle. Les caractères propres aux
apprenants en général se retrouvent chez les étudiants en
section française. Ces derniers sont guidés par des motivations
plutôt personnelles et intellectuelles, qui ne répondent pas
toujours à une rationalité précise.
Le contenu de l'enseignement/apprentissage du français varie
très sensiblement selon le lieu d'étude.
L'enseignement du français au lycée est fondé
principalement sur la grammaire ; l'oral et les aspects culturels sont, la
plupart du temps, complètement absents. L'étude comparative des
programmes de différentes universités démontrera une
formation essentiellement linguistique et littéraire.
Il en est tout autrement dans les Alliances Françaises, qui ont connu
une succession de périodes marquées chacune par
différentes méthodes. Il sera aussi intéressant d'analyser
le contenu de la formation dans la circonstance particulière des Jeux
Olympiques de Séoul en 1988, puis à travers les émissions
radiophoniques et télévisées.
A. PRÉSENTATION DES APPRENANTS
La conception de l'apprentissage détermine largement le profil des apprenants. Ceux-ci seront décrits comme éléments d'un groupe présentant des caractéristiques générales, indépendamment du choix de la langue. On présentera les lycéens, puis les étudiants de section française, avant de dégager leur motivation et leurs souhaits vis-à-vis de l'apprentissage du français.
1. La conception de l'apprentissage
L'apprentissage représente, pour les
Coréens, un effort à poursuivre en vue d'accomplir au mieux leur
vie et de rechercher la perfection de leur personnalité.
Idéalement, l'apprentissage doit se réaliser à travers un
parcours long et difficile. La réussite ne peut être obtenue qu'au
prix de nombreux efforts auxquels participe toute la famille, et les
Coréens doivent montrer qu'ils font ces efforts pour être pris au
sérieux dans leurs démarches.
Concrètement, il s'agit d'apprendre par coeur et de mémoriser le
plus possible, ce qui entraîne un manque d'adaptation, dès que
l'on sort du cadre habituel des normes apprises. Les étudiants
coréens en France connaissent souvent ces difficultés :
indépendamment des problèmes de langue, ils peinent pour
comprendre les consignes du professeur, et ils ont tendance à reproduire
un travail purement descriptif, au lieu de faire preuve d'esprit d'analyse et
de synthèse.
La conception dominante de l'apprentissage repose sur la mobilisation du
cerveau, ensivagé comme un
" muscle à exercer " (R.
GALISSON, 1990, p. 33).
Ce processus convient à la méthode
grammaire-traduction, qui a été directement
transférée à l'anglais, puis à l'apprentissage des
langues en général. Ce dernier était lui-même
calqué sur l'unique modèle linguistique de
référence, celui du chinois. Les élèves lisaient
ensemble à haute voix un texte écrit comme suit :
" La
lune est moon, le soleil est sun... "
, exactement comme les
débutants commençaient le chinois par
" le ciel est chun,
la terre est ji ... "
, etc.
Avec un objectif limité à l'observation de la civilisation du
pays d'accueil, la conception de cet apprentissage ne pouvait viser que la
compréhension du contenu à enseigner, sans se soucier de la
pratique de la langue. Mais à mesure que cet objectif se transforme
progressivement en échange culturel, ce type d'apprentissage peut
être remis en cause : pendant toute sa durée, la grammaire
doit-elle y occuper une telle place ? Serait-il trop irréaliste de
privilégier l'oral dans un pays où la langue n'est pas
pratiquée ?
Quand on interroge les étudiants, ils confirment que la grammaire est
indispensable pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue en situation
réelle. En revanche, la grammaire par elle-même n'est plus un
enjeu essentiel et cela risque même de les décourager à en
poursuivre l'étude. Pour s'adapter à ces nouveaux besoins, une
nouvelle conception semble nécessaire, comme le propose
R. GALISSON :
" l'apprentissage passant par un traitement actif d'une information
en vue
d'une mobilisation ultérieure ",
à la place d'une simple
mémorisation, qui est malheureusement sujette à l'oubli.
La conception actuelle devra donc évoluer, car les apprenants
coréens n'apparaissent pas comme des acteurs privilégiés
de leur apprentissage, mais comme des récepteurs passifs, qui doivent
suivre les consignes de l'enseignant et attendre docilement leur tour de
parole. En effet, très peu habitués à l'entretien
collectif ou individuel pour discuter de leurs difficultés ou de leurs
souhaits, leur rôle est réduit à se soumettre aux
contraintes et à se conformer aux rites de la classe traditionnelle.
Toutefois, ce comportement n'est pas figé : leur attitude et leurs
aspirations peuvent changer lorsque la méthode diffère. Par
exemple, dans les instituts privés où la méthode
d'apprentissage est plus interactive, les effectifs étant plus faibles
qu'en faculté, les étudiants participent au cours avec plus de
dynamisme. Si l'on compare les tendances générales telles
qu'elles se dégagent dans les questionnaires
" L'Alliance
Française et Vous "
, l'attitude des étudiants
coréens face à l'enseignement/apprentissage du français a
bien évolué dans un sens plus dynamique. Ainsi, en 1982, la
majorité des inscrits venaient
" entendre parler
français ",
alors qu'en 1986, 65 % affirmaient prendre une part
plus active et voulaient participer.
Aujourd'hui, dans ces mêmes instituts, l'évolution est encore
plus nette : en classe, ils prennent la parole, ils s'interpellent et osent
redemander des explications. Autrement dit, la passivité n'est plus de
rigueur dans ce pays imprégné de tradition confucéenne et
l'oral a acquis droit de cité. C'est donc à l'enseignant et
à l'Institution de savoir exploiter ces nouvelles possibilités,
afin d'obtenir un meilleur résultat de l'apprentissage de la langue.
2. Profil des apprenants
A l'image de la société coréenne
qui privilégie la collectivité, l'école fonctionne pour
les apprenants considérés d'abord en tant que groupe. Un exemple
significatif : dans l'enseignement secondaire, les élèves sont
identifiés par un numéro qui leur est donné, en
début d'année, d'après l'ordre de leur taille respective.
Ceci pour faciliter les interrogations au hasard, les enseignants ne pouvant
mémoriser le nom des élèves de leurs différentes
classes. Chacun se présente : année X, classe Y, n° Z, nom
et prénom. De même, les étudiants précisent d'abord
leur appartenance : telle faculté, telle année et leur nom.
En outre, la population coréenne étant constituée d'une
seule ethnie, le profil des apprenants est uniforme. Ces
caractéristiques permettent de présenter les apprenants
coréens en groupe, plutôt que l'apprenant en tant qu'individu.
a) Les lycéens
Agés de quinze à dix-sept ans,
également répartis entre garçons et filles, ils sont issus
d'un milieu socio-culturel relativement varié, dans la mesure où
presque tous les Coréens (99 %) terminent au moins les études
secondaires.
De toute leur vie scolaire et universitaire, la période des trois
années de lycée est la plus chargée, tant par l'importance
des programmes imposés que par le nombre d'heures de cours
dispensées, de huit heures du matin à huit heures du soir, la
journée du lycéen se terminant encore plus tard par des
leçons particulières. Le travail des candidats au concours
d'entrée, très soutenus par leurs parents, s'étale
uniformément tout au long de la journée et de la soirée,
jusqu'à dix-huit heures par jour. Le but de ce travail acharné
est d'être admis en faculté, de préférence dans les
meilleures. Le lycéen coréen n'existe que pour ses études
et pour le succès aux examens.
Ils ont une attitude soumise vis-à-vis de l'Institution et des
enseignants : attentifs, coopératifs, serviables... mais leur
défaut majeur est une passivité et une certaine timidité
qui les empêchent de s'exprimer librement. Ils comptent beaucoup sur les
enseignants pour que la barrière psychologique tombe et que des liens
s'instaurent réellement. L'échec scolaire est extrêmement
rare, car il ne viendrait à l'esprit d'aucun élève
d'abandonner en cours de route.
Leur curiosité en seconde langue est assez grande, d'autant qu'ils vont
étudier, pour la première fois, une nouvelle langue
étrangère en dehors de l'anglais. Ce cours d'une à trois
heures hebdomadaires est considéré comme une bouffée
d'oxygène parmi les programmes d'études surchargés. Ceux
qui apprennent le français, par exemple, sont ravis de saluer en
français et d'échanger quelques mots, déjà entendus
dans les films ou les chansons. Mais, très vite, leur enthousiasme
diminue, car l'apprentissage limité à la grammaire ne leur permet
pas de faire des progrès comme ils le souhaiteraient. C'est souvent
cette insuffisance qui les amène à reprendre cette même
langue en faculté -comme spécialité-, avec l'envie d'aller
plus loin et de combler les lacunes du lycée.
b) Les étudiants en section française
Leur âge se situe entre dix-huit et vingt-huit
ans. Ce dernier cas correspond aux garçons qui doivent assumer deux ans
et demi de service militaire obligatoire durant leurs études et qui ont
voulu passer plusieurs fois le concours d'entrée pour accéder aux
meilleures universités. Chez les filles, l'éventail des
âges est moins large, dans la mesure où elles font rarement
plusieurs tentatives d'entrée en faculté et qu'elles n'ont pas
d'autres obligations.
Les étudiants sont généralement célibataires et
habitent chez leurs parents, sauf ceux qui poursuivent leurs études dans
une autre ville. Ce dernier cas devient de moins en moins fréquent par
rapport aux années soixante - soixante-dix, où les meilleures
facultés se trouvaient dans la capitale. De plus en plus de jeunes
finissent leurs études dans leur ville d'origine, pour éviter aux
parents les dépenses élevées d'hébergement et de
nourriture.
Les étudiants coréens représentent 2 % d'une population
totale de 45 millions et sont issus d'une double sélection :
- intellectuelle : le concours d'entrée est un examen d'autant plus
sélectif que les places offertes en faculté sont en nombre
limité ;
- financière : en raison du coût élevé des
études dans l'enseignement supérieur, seules les familles
aisées peuvent assumer cette lourde charge.
Il en résulte que l'origine sociale est assez homogène et
concerne essentiellement la classe aisée. Le système de bourses,
bien développé grâce à de généreuses
contributions extérieures, n'est réservé qu'aux meilleurs
éléments.
Contrairement aux lycéens, les étudiants ont un emploi du temps
souple. Ils ont, chaque semestre, huit unités de valeur à suivre,
avec environ vingt heures de cours par semaine, et font huit semestres en
quatre ans d'études de licence. La répartition des cours est
régulière pendant la semaine jusqu'au samedi à midi,
tandis que la bibliothèque, ouverte toute l'année, reste toujours
pleine.
Malgré l'augmentation des étudiants en section française,
le fait de choisir le français est toujours considéré
comme
" chic "
, voire snob. Cela est lié au prestige
que conservent la France et sa langue dans l'esprit des Coréens.
Jusqu'à la fin des années soixante-dix, l'enseignement du
français était majoritairement suivi par des jeunes filles de
bonne famille et quelques rares garçons littéraires. Les filles
choisissaient les études de littérature, avec des motivations
personnelles et culturelles, car elles ne travaillaient
généralement pas après leur mariage, pour mieux se
consacrer à l'éducation de leurs enfants. Les garçons,
eux, entraient dans les sections scientifiques en vue d'une meilleure insertion
dans la vie active.
Aujourd'hui, les critères du choix se diversifient et la
répartition entre garçons et filles est moins tranchée.
Ainsi, chaque département de français compte deux tiers ou la
moitié de filles, tandis que les sections allemandes sont plus
prisées par les garçons.
Ces études de langue et de littérature sont à plein
temps. Les étudiants ont, dès la première année,
trois ou quatre unités de valeur de français, où l'accent
est mis sur la grammaire et l'audiovisuel. Par la suite, l'étude de la
littérature devient prédominante. A l'issue de la
quatrième année, les étudiants de français
obtiennent le diplôme de licence ès Lettres, diplôme commun
à tous les étudiants de langue et de littérature.
Leurs souhaits se portent maintenant vers des débouchés
professionnels plus larges qui leur permettent de valoriser le diplôme
obtenu. Pour le moment, ce diplôme n'est reconnu que dans les
établissements secondaires. Dans le monde professionnel, les postes
nécessitant la connaissance du français restent très rares.
3. Motivations et souhaits à l'égard de l'apprentissage du français
Malgré le manque de débouchés, le
nombre d'étudiants de français continue à croître ;
il est apparu intéressant de s'arrêter sur les raisons de leurs
choix et de leurs motivations.
La motivation naît souvent d'un événement anecdotique.
" Avant d'apprendre à dire " bonjour " et de
savoir
distinguer le français des autres langues, je ne connaissais de la
France qu'Alain DELON, que j'ai vu à l'âge de quinze ans dans le
film Zorro. Après avoir passé plusieurs jours à
rêver à son image, j'ai appris qu'il était français
et j'ai commencé à aimer tout ce qui était
français... Alain n'aurait jamais pu imaginer qu'il avait orienté
une jeune Coréenne vers les cours de littérature
française ".
Cette confidence d'une étudiante de français de Séoul
est une réalité qui existe bel et bien dans l'esprit de nombreux
jeunes. L'extrait d'un poème français, une jolie mélodie
de chanson française, la pétillante beauté de Sophie
MARCEAU, encore plus familière grâce à ses
publicités pour des produits cosmétiques coréens, tout
cela peut éveiller la curiosité pour un pays appelé
France, où l'on parle français.
Une enquête de l'Alliance Française de Séoul, menée
à l'occasion du centenaire des relations franco-coréennes
(1886-1986), a permis aux étudiants d'exprimer leurs motivations et
leurs souhaits. Dans les nombreuses réponses recueillies sur le
thème proposé,
" le français et moi ",
les étudiants évoquent fréquemment la beauté de
la langue parmi les raisons de leur choix, comme le montrent les citations
suivantes :
" j'étais charmé par l'accent et les nasales
particuliers du français ; j'aime sa beauté et sa clarté ;
c'est une langue qui nous charme à mesure que nous avançons dans
notre apprentissage ; pour moi, le français se résume en un mot :
charme ; je ressens une certaine fierté à étudier une des
plus belles langues du monde... ",
éloges innombrables, allant
même jusqu'à un certain snobisme comme
" j'aurais l'air
plus raffiné et plus chic en parlant français ".
Un entretien collectif, effectué à l'Alliance
Française de Pusan, en août 1992, auprès des
étudiants de Pusan et sa région, dégage leurs principales
motivations, un peu plus détaillées :
- plus d'un étudiant sur trois apprend le français pour
continuer cette étude entamée au lycée, avec le souhait de
la prolonger en France ;
- la motivation de 25 % d'entre eux provient de leur admiration pour la
beauté de la langue ;
- 15 % veulent prolonger leurs études en France, notamment dans
les domaines d'art appliqué et de sociologie ou encore en informatique ;
- 5 % désirent se préparer à voyager en France ;
- et 2 % estiment le français nécessaire à leur
métier ;
- les 18 % restants n'ont pas exprimé d'opinion.
Compte tenu de la faible influence du français dans la vie
coréenne, la plupart des étudiants ont donc fait un choix
culturel en vue d'un enrichissement personnel.
Les aspects positifs de cet apprentissage, dans ce cadre semi-institutionnel,
sont exprimés comme suit :
- 35 % considèrent que l'étude du français contribue
à accroître leur connaissance de la France et des Français ;
- 20 % sont fiers de connaître une langue occidentale en dehors de
l'anglais, trop banalisé, malgré le nombre restreint de vrais
connaisseurs de cette langue ;
- 15 % mettent l'accent sur une meilleure compréhension de leurs
études universitaires en français ;
- 10 % pensent que cela leur permet de mieux comprendre la
présence de la langue-culture française dans la vie quotidienne
en Corée ;
- pour 7 %, la connaissance de la langue est appréciée,
parce qu'elle facilite la rencontre de Français ;
- enfin, 3 % avouent que cet apprentissage les a aidés à
surmonter leur peur de s'exprimer en langue étrangère.
Bien que ce sondage ait été effectué sur la population
d'étudiants que l'on peut supposer la plus motivée, il
reflète assez bien l'opinion générale des étudiants
de section française dans leur ensemble. En effet, ceux-ci constituent
le gros du public de l'Alliance Française (entre 65 % et 87 % selon le
lieu et la période).
Quant aux 18 % sans opinion, deux interprétations sont possibles. Soit
l'approche par questionnaire n'était pas opportune -des entretiens
individuels auraient pu donner des réponses plus précises-, soit
ils ont eu du mal à déterminer leurs motivations, du fait qu'ils
sont plutôt là pour satisfaire à la mode coréenne de
passer des vacances studieuses.
Parmi ceux qui ont choisi le français au détriment de l'anglais,
certains ont des regrets à cause de
" son
inutilité "
qui limite le choix d'un travail. De peur de ne pas
trouver une situation intéressante, ceux-ci se reconvertissent à
l'apprentissage de l'anglais. Néanmoins, la plupart des étudiants
en section française estiment que le français n'est pas assez
répandu en Corée par rapport à sa valeur réelle sur
le plan international.
B. ANALYSE DES CONTENUS DE L'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FRANCAIS
Malgré l'évolution des mentalités des apprenants, le contexte coréen garde une conception élitiste et livresque concernant les secondes langues. Les contenus langagiers tournent autour de l'étude de la linguistique, de la grammaire et du lexique ; les aspects culturels se limitent à la littérature ou au contenu des méthodes élaborées en France et reprises telles quelles en Corée. Ces contenus seront examinés d'abord dans le milieu institué, puis en dehors de celui-ci.
1. Dans les établissements supérieurs
Les contenus de l'enseignement/apprentissage du
français dans les universités seront étudiés
à partir de l'examen des programmes de deux d'entre elles
représentatifs de l'ensemble (présentation des tableaux
ci-après) :
- l'Université des Langues Etrangères de Séoul dont
l'enseignement/ apprentissage des langues-cultures s'appuie, plus que dans les
autres universités, sur la pratique ;
- l'Université Nationale de Pusan qui conserve les programmes
littéraires et linguistiques traditonnels.
Dans ces tableaux, on notera l'importance accordée à la
littérature tout au long du cursus. La plupart des sections
françaises se nomment d'ailleurs départements de langue et
littérature françaises.
L'étude de la littérature est envisagée soit sous l'angle
chronologique, en partant du XVIIe pour finir avec le XXe siècle, soit
sous l'angle du genre littéraire. Les textes sont choisis selon leur
notoriété : extraits parus dans Lagarde et Michard ou oeuvres
majeures des plus grands écrivains d'une époque.
Cependant, les étudiants débutent à l'université,
après une étude sommaire du français : la rencontre avec
les textes originaux, sans base linguistique et culturelle, ne permet pas
d'aller au-delà d'une simple compréhension textuelle
fondée sur une connaissance grammaticale et lexicologique.
L'interprétation socio-historique des oeuvres ou la réflexion
personnelle sur celles-ci est quasiment absente.
Université des Langues Etrangères
Année |
1er Semestre |
Coef. |
2ème Semestre |
Coef. |
1ère |
Etude de textes 1
Composition 1 Audiovisuel 1 Pratique du Français 1 |
4
|
Etude de textes 2
Composition 1 Audiovisuel 1 Pratique du français 2 |
4
|
2ème |
Grammaire 1
Composition 2 Audiovisuel 2 Littérature 1 |
4
|
Grammaire 2
Composition 2 Audiovisuel 2 Littérature 2 |
4
|
3ème |
Composition 3
Audiovisuel 3 Poésie Roman Histoire de la littérature Littérature du XIXe siècle 1 Littérature du XXe siècle 1 Introduction à la linguistique 1 Séminaire de linguistique 1 |
2
|
Composition 3
Audiovisuel 3 Stylistique Etude d'auteurs Etude socio-politique de la France Littérature du XIXe siècle 2 Littérature du XXe siècle 2 Introduction à la linguistique 2 Séminaire de linguistique 2 |
2
|
4ème |
Audiovisuel 4
Traduction Séminaire de littérature 1 Littérature du XVIIIe siècle Evolution de la langue française Etude des régions françaises |
2
|
Audiovisuel 4
Traduction Séminaire de littérature 2 Littérature classique Pratique du français Etude de l'économie des régions françaises |
2
|
Année |
1er Semestre |
Coef. |
2ème Semestre |
Coef. |
1ère |
Français 1
|
2
|
Français 2
|
2
|
2ème |
Grammaire 1
|
3
|
Grammaire 2
|
3
|
3ème |
Composition 2
|
3
|
Linguistique
|
3
|
4ème |
Littérature du XXe
siècle
|
3
|
Composition 3
|
3
|
Les deux types de support d'étude sont d'une part les
manuels français pour l'utilisation d'extraits de textes originaux, et
d'autre part des manuels de littérature en coréen. Mais, ces
derniers, en privilégiant l'aspect historique, ne font que reprendre la
démarche adoptée dans les écoles françaises.
En ce qui concerne les cours de langue, des différences apparaissent
d'une université à l'autre. A l'Université Nationale de
Pusan, l'audiovisuel est absent du programme des quatre années de
licence. Seuls les cours de conversation apparaissent en deuxième et
troisième années et encore en option. Tandis qu'à
l'Université des Langues Etrangères, l'audiovisuel est
présent tout au long des études, mais demeure une matière
accessoire, si l'on se réfère aux coefficients. En outre, tous
les programmes comprennent obligatoirement l'étude de la linguistique.
D'une manière générale, ces programmes paraissent
s'adresser à des étudiants ayant une bonne maîtrise du
français. Comme ce n'est pas le cas, l'intitulé de ces programmes
donne une image déformée de leur contenu réel. En
pratique, l'étude se cantonne la plupart du temps à la
grammaire-traduction. La grammaire est considérée comme une
matière essentielle, permettant d'accéder aux oeuvres
litttéraires, et la version est le moyen privilégié
d'appréhender les textes, comme dans l'étude des langues
anciennes.
A l'Université des Langues Etrangères, le français n'est
pas étudié uniquement au travers des textes de la
littérature, mais replacé dans le contexte de la
société française (étude de l'économie
française, étude sociopolitique de la France...).
Actuellement, les principales composantes des contenus de
l'enseignement/apprentissage du français, à savoir grammaire,
audiovisuel, littérature et linguistique, évoluent vers un
certain rééquilibrage : l'audiovisuel y occupe une place plus
grande qu'auparavant, même s'il demeure minoritaire ; les cours de
conversation ont été renforcés, souvent à la
demande des étudiants eux-mêmes.
2. Dans les établissements secondaires
Au cours des vingt dernières années,
l'étude du français dans l'enseignement secondaire a subi
différents changements :
- Avant 1974
, le français ne figurait pas dans les contenus
du concours d'entrée en faculté. Une heure de cours par semaine
permettait aux élèves d'apprendre quelques expressions de base
(salutation, présentation), des chansons et des poèmes. Ce cours,
sans enjeu, avait en général beaucoup de succès
auprès des élèves ; il constituait pour eux une
distraction.
- A partir de 1974
, le français est devenu une
matière à option au concours d'entrée, sur un pied
d'égalité avec l'anglais. Bien que ce fût la
première mesure de reconnaissance officielle de
l'enseignement/apprentissage du français, elle n'eut que des effets
très limités, en raison du faible nombre d'heures de cours et des
méthodes non actualisées.
- En 1986
, les treize meilleures facultés de lettres ont
intégré les secondes langues parmi les épreuves
obligatoires au concours d'entrée. Paradoxalement, au lieu de consacrer
l'enseignement/apprentissage du français, cela a créé des
difficultés. L'augmentation de la durée d'enseignement, deux
à trois heures par semaine, s'avérait insuffisante pour passer en
revue l'ensemble des éléments linguistiques nécessaires
à l'épreuve (syntaxe, phonétique et lexique). Le programme
devenait trop dense et difficilement assimilable par les élèves.
Ceux-ci avaient du mal à retenir les leçons d'un cours à
l'autre. Il fallait donc procéder à une révision
systématique du cours précédent avant de passer au suivant.
- En 1992
, les secondes langues dont le français,
étaient systématiquement intégrées au concours
d'entrée dans l'ensemble des facultés de lettres. Cependant, le
Ministère de l'Education ne s'est pas donné les moyens de rendre
cette mesure pleinement opérationnelle, car la formation des enseignants
demeure toujours inadaptée. D'autre part, les méthodes,
élaborées par les éditeurs locaux, ne contribuent pas
à rendre attractif l'enseignement/apprentissage, leur contenu
étant toujours strictement fondé sur la progression grammaticale
linéaire. Les élèves ont beaucoup de mal à
assimiler les points de grammaire, qui leur semblent arides, et surtout la
prononciation qui n'est pas détaillée, excepté une
présentation de l'alphabet phonétique en première page.
Outre ces problèmes liés à l'inadaptation de la formation
des enseignants et des méthodes, le français pâtit d'autres
handicaps dans l'esprit des élèves : difficultés
d'apprentissage de la langue et inadéquation des épreuves
à l'évaluation de sa maîtrise ; ajoutés
à cela, sa faible utilité pour la recherche d'un emploi,
l'éloignement géographique du pays, une image réductrice
de la France, souvent cantonnée dans les produits de luxe et les aspects
artistiques.
Pourtant, malgré ces éléments négatifs, le
français reste une matière qui garde un certain pouvoir
d'attraction. Il participe de la culture générale : la plupart
des lycéens ont lu des oeuvres françaises traduites. La
possibilité d'accéder aux textes originaux est une motivation
qu'il ne faut pas négliger. La connaissance de la France et de sa
culture, facilitée par l'apprentissage du français, apporte un
supplément culturel et intellectuel apprécié dans la
société coréenne. Cette dernière motivation est au
moins aussi importante que l'apprentissage de la langue proprement dite. C'est
pourquoi de nombreux lycéens continuent à choisir le
français pour leurs études supérieures.
3. Dans les organisations non-institutionnelles
A côté de l'Institution scolaire et
universitaire, des organisations d'origine publique ou privée apportent
une contribution essentielle à l'enseignement du français. Ce
sont les instituts privés et les six centres de l'Alliance
Française répartis dans les villes principales.
Dans un pays où le français n'est pas du tout pratiqué,
hormis le milieu universitaire, ces centres représentent la France aux
yeux des Coréens et attirent les étudiants motivés et
curieux. Le contenu d'enseignement/ apprentissage a privilégié la
maîtrise de l'oral et a naturellement évolué au cours du
temps. Trois périodes se sont succédé, marquées
chacune par l'utilisation de différentes méthodes de
français langue étrangère (FLE) éditées en
France.
a) Période Mauger/De Vive Voix
Jusqu'au début des années quatre-vingt, tout débutant
devait s'inscrire d'abord au cours de
Mauger
(appelé cours de
grammaire), pour passer ensuite à
De Vive Voix
(cours de
conversation) et enfin à
Vif Transition
. Autrement dit, la
connaissance linguistique de base était considérée comme
indispensable pour accéder à l'apprentissage de la langue
proprement dite.
Le
Mauger
, avec ses défauts frappants et ses
qualités, est resté longtemps très populaire en
Corée. A l'issue de nombreuses observations recueillies auprès de
classes
" brillantes et animées "
46
,
cet enseignement a été dynamisé, à l'occasion
de la réunion pédagogique de décembre 1982 à
l'Alliance Française de Séoul. On y a proposé un
" déroulement idéal du
cours ",
fondé sur la connaissance grammaticale, la compréhension
textuelle et l'expression orale.
Les enseignants locaux travaillaient davantage l'explication grammaticale et
la version, pour répondre aux besoins des étudiants voulant
compléter leur formation universitaire ou préparant les concours
d'entrée en maîtrise ou en doctorat. Cette utilisation n'avait
donc rien à voir avec le principe de la méthode directe qui
excluait le recours à la langue maternelle
47
.
Mais la cause principale de sa disparition, après trente ans de
succès en Corée, porte sur ses contenus langagier et culturel
démodés au fil du temps et trop détaillés, car il
fallait une année entière à raison de cinq heures par
semaine pour terminer les deux premiers volumes. C'est la raison pour laquelle
le
Mauger Rouge
, avec son contenu allégé, a
été assez bien accueilli. Les étudiants ont
approuvé ses aspects positifs :
" présentation
phonétique détaillée, dialogues faciles pour les
débutants, construction brève et cohérente de chaque
leçon ".
Comme défauts, ils soulignaient les situations
peu variées, le manque d'exercices de grammaire, la difficulté
à l'étudier seul, les caractères trop petits et des
illustrations médiocres.
En ce qui concerne
De Vive Voix
, on a remarqué que les
étudiants se sont plus attachés aux personnages eux-mêmes
qu'au contenu. Ils les prenaient presque pour des personnages réels, en
admirant leur beauté physique et leur belle voix, au point d'aller
vérifier leur adresse, 6 rue Montmartre, s'ils faisaient un voyage
à Paris. Pourtant, les deux protagonistes, Pierre et Mireille, sont des
jeunes gens sans grande originalité au milieu d'autres personnages
stéréotypés, présentés dans des situations
banales et dans un quartier typique de Paris. Les étudiants ont
probablement été séduits par ces personnages, à la
fois proches par leur simplicité et
" exotiques "
par
leur mode de vie, et rendus vivants par la méthode audiovisuelle.
Quant au contenu linguistique, la priorité est donnée à
l'oral : langue orale simple et assez facile à retenir, avec des
exercices de réemploi. Ce n'est qu'en deuxième partie de la
méthode que l'écrit est abordé : questions-réponses
sur les images et exploitation écrite sur les images-clé.
________________________
46
Dossier Mauger, Alliance Française de Séoul,
décembre 1982.
47
Cf. Christian PUREN, Histoire des méthodologies de
l'enseignement des langues, CLE International, pp. 94-96.
b) Période Archipel/Sans Frontières
L'apparition de
Sans Frontières
a
remplacé assez rapidement le
Mauger Bleu,
qui est resté la
" Bible de l'étudiant coréen "
. A la fois
précis dans la progression grammaticale et dans la
répétition des modèles, mais également proche de la
vie quotidienne et du langage en situation,
Sans Frontières
a
effectivement suscité une plus grande motivation des apprenants.
C'est une méthode plus légère, constituée de
quatre unités de cinq leçons et d'un bilan par unité, dont
chacune présente un acte de parole prioritaire et une thématique.
Chaque unité présente un même personnage ou un même
groupe de personnages dans les diverses situations qui forment le thème.
Personnage
" de juste milieu "
entre les méthodes
structuro-globales qui racontent une seule histoire à travers toute une
méthode, et les approches communicatives qui dissocient chaque fois les
acteurs et les thèmes.
Le contenu propose un double objectif : à la fois communicatif et
linguistique. On constate, au début, une concordance entre ces deux
objectifs. Mais, à mesure que les séances avancent, la
progression linguistique peut apparaître comme trop limitée,
parfois trop lente par rapport aux besoins des apprenants dans leur progression
communicative.
Parallèlement au
Sans Frontières
conçu pour les
faux débutants,
Archipel
est réservé aux
niveaux moyen et avancé. Cahier d'exercices à part, absence de
grammaire explicite, phonétique non traitée... cette
méthode a été introduite à l'Alliance
Française de Séoul en 1983, après une
expérimentation avec des étudiants de niveau moyen, et elle reste
aujourd'hui toujours appréciée.
L'abondance des documents authentiques montre la volonté de faire
découvrir, avec l'apprentissage de la langue, les aspects culturels
propres à la communauté linguistique française.
Cependant, la France y est vue sous un angle un peu trop parfait, comme un
pays idyllique où tout le monde vit bien, sans aucune situation
conflictuelle. La dimension culturelle est également très
importante : cinéma, théâtre, opéra, musées.
Paris est omniprésent, mais le monde rural est presque totalement absent
dans cette présentation de la société française.
Les portraits de Fançais typiques n'échappent pas à des
partis pris, voire à des invraisemblances. Bien que la description de
ces personnages, réduite à quatre pages, aboutisse
forcément à des stéréotypes, elle ne devrait pas
donner une image déformée de la réalité. Il ne
faudrait pas abuser de la crédulité des apprenants, qui croient
sans discernement ce qui est imprimé dans une méthode.
c) Période autour du Nouveau Sans Frontières
A l'issue d'un succès largement
confirmé, l'équipe du
Sans Frontières
sort, en
1988, une version actualisée, le
Nouveau Sans
Frontières
, adopté immédiatement en Corée.
La structure de base reste inchangée : 4 unités de 5
leçons, dont chacune comprend dialogue, vocabulaire, grammaire et
activités, bilan par unité, lexique à la fin, etc. Le
changement repose davantage sur la présentation qui apporte une
meilleure lisibilité : format plus grand, avec davantage d'illustrations
et de photos en couleur, mise en page ample et aérée.
Cependant, l'actualisation s'arrête au niveau du langage, les
" fonctions "
ou
" actes de
parole "
effectivement présentés se limitent souvent à une
réalisation unique, sans indication d'usage, ni a fortiori de
variété d'usage. Seuls les enseignants formés pourraient
tirer parti de l'abondance des situations et des documents, qui permettraient
des exploitations complémentaires possibles.
Les étudiants coréens, interrogés sur le contenu de cette
nouvelle méthode, sont satisfaits pour 70 % d'entre eux. Ils
apprécient la priorité donnée à l'oral, la
diversité des contenus et les thèmes intéressants et
cohérents dans le développement de l'histoire et des personnages.
Leurs critiques portent, en revanche, sur l'absence de récapitulatif de
vocabulaire et d'expressions, la mauvaise synthèse de la grammaire, le
manque d'exercices phonétiques, les dialogues trop courts
présentés dans des situations peu variées. Autrement dit,
les thèmes choisis sont attrayants, mais les contenus proposés ne
sont pas à la hauteur de l'attente des étudiants.
En définitive, les modifications apportées par le
Nouveau
Sans Frontières
ne sont pas considérées comme de
réelles améliorations par les étudiants et les
professeurs. La rigidité de la progression grammaticale demeure dans la
nouvelle édition, alors même que celle-ci affiche un objectif plus
ambitieux en matière de langue-culture. Il en résulte une
certaine perte de cohérence par rapport à la première
édition. C'est la raison pour laquelle l'Alliance Française de
Séoul conserve les cours de
Sans Frontières
.
Espace
se veut plus moderne et plus clair. De grand format,
même un peu plus large que le
Nouveau Sans Frontières,
cet
ouvrage est caractérisé par une mise en page et un graphisme de
qualité, assurant une bonne lisibilité d'ensemble.
L'orientation générale donne la priorité à
l'écrit. Des documents écrits à contenu informatif
favorisent l'apprentissage de la langue en s'appuyant sur d'autres
connaissances culturelles ou scientifiques, par exemple le document de
" sensibilisation "
sur les groupes d'aliments.
La difficulté majeure réside dans les dialogues
présentés sous forme de bandes dessinées. Les
étudiants coréens ont déjà du mal à
déchiffrer l'écriture latine, à plus forte raison lorsque
tout est écrit en majuscules et que les répliques se superposent.
Cette présentation des dialogues complique le travail sur la
prononciation et l'intonation. Pour les étudiants coréens, les
dialogues avec les exercices proposés représentent, en effet, la
partie essentielle d'une méthode.
Ces exercices surestiment parfois la capacité des étudiants, en
particulier quand il s'agit de trouver les actes de parole correspondant aux
phrases mentionnées. Cette tâche incombe à l'enseignant qui
l'intègre à son programme en fonction des objectifs fixés
pour chaque séance.
Avec plaisir
est une méthode vidéo toujours
utilisée. Les étudiants apprécient l'authenticité
des documents qui leur permet de bien comprendre la situation de communication
dans sa totalité : le comportement, la prosodie, les aspects verbaux et
non-verbaux cadrent bien avec la priorité donnée à l'oral.
Néanmoins, cet aspect avantageux ne peut s'adresser qu'aux niveaux
moyen et avancé, car même les niveaux moyens trouvent les
dialogues trop rapides et difficiles à comprendre. Le manque de
récapitulatif de vocabulaire et d'expressions est également
cité.
Une autre remarque des apprenants revient de manière évidente :
" l'enseignant doit savoir utiliser la méthode vidéo et
posséder de larges connaissances langagières et
culturelles ".
En conclusion, toutes les méthodes présentées restent
insuffisamment adaptées aux besoins des apprenants, ce qui rend encore
plus nécessaire la formation des enseignants.
Les méthodes conçues en France ne peuvent tenir compte de toutes
les particularités culturelles et linguistiques de chaque pays. Pour
pouvoir les utiliser efficacement et s'adapter aux besoins de leur public, les
enseignants doivent constamment faire une
" expérimentation
ponctuelle ".
Un enseignant bien formé devrait être capable de
préparer son cours, de manière à combler les insuffisances
de la méthode utilisée. Il aurait ainsi à coeur de fournir
des supports adéquats à ses étudiants, tels que des
documents authentiques qui aident à fixer l'attention et offrent des
moyens linguistiques d'expression.
4. Le Français aux Jeux Olympiques de 1988
Les XXIVe Olympiades, organisées à
Séoul en 1988, ont donné à la langue française une
opportunité d'être mieux connue, en raison de sa
prédominance traditionnelle depuis l'origine des Jeux : comme le
rappelle un article de la Charte, "
les langues officielles du
C.I.O.
sont le français et l'anglais. En cas de désaccord entre les
textes français et anglais, le texte français fera
autorité ".
Le Président du Comité d'Organisation des Jeux Olympiques de
Séoul (COJOS), Sé-Jik PARK, a approuvé à son tour,
la suprématie du français :
" Il est juste que le
français, une des plus belles langues du monde, soit devenu le relais
naturel pour traduire la magnifique philosophie de l'olympisme. Et si les Jeux
eux-mêmes sont le langage de l'unité, le français est la
langue des Jeux ".
Conscient de ce fait, le COJOS décida de former 1 000
guides-interprètes de français, en étroite collaboration
avec l'Alliance Française de Séoul. La sélection a
été réalisée sur une épreuve écrite
et un entretien d'ordre général.
Les meilleurs éléments ont été dispensés de
français pratique et ont directement suivi trente heures de cours de
Français Olympique,
préparés en rapport avec les
spécificités des Jeux : sports, villages olympiques, presse
étrangère. Des émissions d'Antenne 2 et des articles
sportifs servaient de support à cet enseignement.
Les élus du niveau moyen ont commencé par trente heures de
Français 88
, avant d'accéder au Français olympique.
Ils s'agissait d'une mise en situation pour accueillir des étrangers
francophones en Corée : l'arrivée à l'aéroport,
dans les hôtels, restaurants, marchés, transports publics... sans
oublier les sites olympiques.
Ce cours de perfectionnement, assuré en deux sessions, a
été suivi d'un autre cours intensif d'interprétariat.
Malgré tous les moyens de formation mis en place par le Centre de
Perfectionnement Linguistique spécialement créé à
cet effet, la participation réelle des Coréens est restée
très limitée, le rôle de ces derniers se cantonnant
à passer de courtes annonces. L'essentiel des communications ou les
longs messages ont été dits par des Français faisant
partie des 500 interprètes professionnels, embauchés
parallèlement pour des tâches plus importantes et précises.
En définitive, l'essai marqué par le français à
l'occasion de sa première reconnaissance officielle en Corée n'a
pas été transformé, en raison du manque de
compétence des organisateurs et des bénévoles. Pour
obtenir un meilleur résultat, il aurait fallu reconnaître tout
d'abord le très faible niveau langagier et culturel des
bénévoles coréens, commencer par une sensibilisation
à la langue-culture, et leur faire suivre des cours intensifs d'une
durée plus longue. Quelques mois de cours trop espacés ne
pouvaient aboutir à un résultat satisfaisant, d'autant que le
contact avec la langue n'avait aucun prolongement, une fois le cours
terminé.
5. A travers les émissions radiophoniques et télévisées
Le 10 octobre 1956, ont vu le jour les
émissions de français à la radio, de même que des
émissions en anglais et en allemand. C'est une chaîne publique,
KBS, qui préparait et diffusait ces émissions deux fois par jour
pendant un quart d'heure. Chacune d'elles était animée par un
professeur coréen en présence d'un natif, qui suivaient la
méthode qu'ils avaient eux-mêmes élaborée. Le
rôle du professeur coréen était d'expliquer les expressions
et les règles de grammaire, celui de l'enseignant français
portait sur la prononciation. Même après la création des
cours de langues à la télévision, ces émissions
radiophoniques attirent toujours autant d'auditeurs -étudiants,
employés de bureau- qui apprécient un petit moment studieux
matinal.
La nouvelle programmation, désormais sous la responsabilité de
la chaîne éducative, est la suivante :
|
Lundi |
Mardi |
Mercredi |
Jeudi |
Vendredi |
Samedi |
Dimanche |
7:00-7:15 |
TOFEL |
T |
|||||
7:15-7:30 |
Conversation anglaise |
O |
|||||
7:30-7:45 |
Cours de japonais |
F |
|||||
7:45-8:00 |
Chinois facile |
E |
|||||
8:00-8:20 |
Anglais avec chanson |
L |
|||||
8:20-8:40 |
Guten Morgen |
Bonjour la France |
|||||
8:40-9:00 |
Cours d'espagnol |
Cours de russe |
|||||
12:00-12:20 |
Rediffusion de l'anglais avec chanson |
||||||
12:20-12:40 |
Rediffusion de la conversation anglaise |
La méthode tient compte de la durée
limitée et de l'absence d'image. Ainsi la présentation
phonétique est plus détaillée que celle des
émissions télévisées, le dialogue traduit en langue
maternelle est court, plus facile à retenir avec son
résumé en français.
A la demande des auditeurs, les objectifs et la situation de chaque
leçon sont précisés au début. Le déroulement
du cours respecte également la préférence du public :
dialogues - phonétique - grammaire et expression - exercices. Les
auditeurs peuvent, en effet, exprimer leur opinion en répondant à
un questionnaire inclus dans la méthode sous forme de carte
détachable.
Malgré ses imperfections (trop de répétitions, rubrique
culturelle insuffisante, exercices un peu sommaires...), cette méthode
comporte des aspects positifs, surtout la grammaire, avec des explications
point par point clairement exposées et des exemples bien choisis.
Depuis décembre 1980, une chaîne de télévision
entièrement consacrée à l'éducation (EBS :
Education Broadcasting Society) transmet des cours de langues. Chaque cours est
animé par un professeur d'université en présence d'un ou
deux natifs, choisis en fonction de leur notoriété et de leur
aptitude à communiquer. Les étudiants de chaque section sont
également invités à participer à des exercices
proposés durant l'émission. Pour ne pas lasser le public, ces
présentateurs sont régulièrement changés, moins
souvent pour les Français, peu nombreux en Corée.
Le nouvel horaire des cours, valable à partir de mars 1995 est le
suivant :
T.V. |
Lundi |
Mardi |
Mercredi |
Jeudi |
Vendredi |
Samedi |
Dimanche |
||||||||
21:00
|
Conversation
|
Conversation
|
Conversation chinoise |
|
- |
- |
|||||||||
21:25
|
Conversation japonaise |
Anglais des affaires |
- |
- |
|||||||||||
21:50
|
Conversation anglaise |
- |
- |
Ce programme est à l'image de la nouvelle politique
linguistique, favorisant exclusivement l'anglais, au détriment des
secondes langues étrangères. Deux émissions hebdomadaires
d'allemand et de français ont été réduites à
une seule séance de 25 minutes. Deux émissions d'espagnol ont
été purement et simplement supprimées. En sens inverse, on
a ajouté une émission de japonais aux deux séances qui
existaient déjà. Le chinois conserve ses deux émissions
comme auparavant. L'anglais est favorisé avec une présence
quotidienne et un horaire plus attractif, juste après les informations
que les Coréens écoutent entre 21 heures et 21 heures 50 sur les
chaînes généralistes.
La diminution des horaires dédiés aux secondes langues est due
au renforcement des programmes destinés aux futurs candidats au concours
d'entrée en faculté. Les responsables de la chaîne
souhaitaient, en effet, répondre à l'attente des parents qui
constataient le poids excessif des leçons particulières. Les
lycéens y consacraient presque autant de temps qu'en classe.
Mais en même temps, cette réorganisation, défavorable pour
les langues européennes, incite à réfléchir sur
l'équilibre des programmes. Une seule séance de 25 minutes exclut
la participation des débutants et demande un rythme de travail
accéléré, comme le souligne l'animateur dans
l'avant-propos du manuel de l'émission.
La méthode, publiée désormais en petit format, est
élaborée par la chaîne en collaboration avec les
présentateurs et vendue dans les librairies au prix de vingt francs. Ses
points faibles sont liés au contenu rigide et artificiel, tant sur le
plan linguistique que culturel.
Toutefois, ces émissions sont susceptibles de représenter un
complément intéressant à l'enseignement/apprentissage
très livresque, pratiqué dans le milieu institutionnel, à
condition que leur fréquence soit augmentée et que leur contenu
réponde aux souhaits du public. Ce dernier, dans sa majorité,
désire maîtriser l'oral et connaître la
réalité française.
C. TENTATIVES D'AMÉLIORATION
L'amélioration des programmes devrait porter sur trois disciplines essentielles de l'enseignement/apprentissage du français, la phonétique, la grammaire et la littérature. Tenant compte des contraintes du contexte coréen, ces propositions ne visent pas à changer fondamentalement les méthodes existantes, mais à apporter quelques modifications pour faire évoluer cet enseignement/apprentissage dans un sens plus pratique et concret.
1. Travail systématique de la phonétique
Les élèves coréens sont
très sensibles à la
" bonne prononciation ",
dès qu'il s'agit d'une langue étrangère. Ils
apprécient les premières leçons consacrées à
la familiarisation avec les sons nouveaux, la correction phonétique
systématique avec rappel des règles... tout ce qui les aide
à améliorer leur prononciation.
La phonétique est essentielle, d'abord pour bien comprendre la langue
et aussi pour se faire comprendre ; on ne mettra jamais assez l'accent sur ce
point au cours de l'enseignement/apprentissage, d'autant plus que la
correspondance exacte entre les quarante sons coréens et les trente-six
sons français est extrêmement rare. Cet élément
fondamental est malheureusement souvent négligé en raison du
manque de compétence des enseignants, qui ne possèdent pas de
connaissances techniques précises pour intervenir dans la correction
phonétique de leurs élèves.
Il n'est donc pas étonnant qu'un étudiant coréen sur deux
éprouve de grandes difficultés face au système
phonologique du français qui lui semble si différent. La plupart
d'entre eux trouvent insuffisants les exercices de simple
répétition de phrases, proposés dans beaucoup de
méthodes.
Il est urgent d'introduire une nouvelle méthode de phonétique
adaptée aux différents niveaux des étudiants, comme le
propose Elisabeth GUIMBRETIERE.
Pour les débutants
, la connaissance des sons nouveaux se fera
par la mise en évidence des sons propres à la langue
française :
·
comparaison des voyelles existantes en français et
non existantes en coréen, conduisant à un panorama de toutes les
voyelles françaises ;
·
comparaison des consonnes en français et en
coréen, en vue de mettre en évidence les sons particuliers du
français, inconnus des Coréens ;
·
familiarisation avec ces sons nouveaux ;
·discrimination et reconnaissance des sons par des exercices
proposés ;
·
activités de production des sons placés dans
un contexte facilitant.
Ce travail systématique permettra de se rendre compte des
caractéristiques des sons français :
" tension,
acuité, labialité " (Elisabeth
GUIMBRETIERE)
48
, et de la position de la langue en avant et en
arrière, et non pas vers le haut et vers le bas comme en anglais.
A l'issue de ces différentes étapes et une fois que les sons
nouveaux seront bien intégrés, l'importance de la prosodie pourra
être clairement énoncée : la prosodie française
qui obéit à des règles précises -l'accent tonique
portant sur la dernière syllabe non muette- et son apparente similitude
à celle du coréen.
Pour le niveau avancé
, l'accent sera mis sur les
différents procédés de mise en valeur permettant de
maîtriser la prosodie française. Les étapes suivantes
pourront être envisagées :
·
après quelques écoutes du document sonore,
repérage des variations de débit : souligner les endroits
où le débit s'accélère ou ralentit ;
·
sensibilisation à l'intonation montante ou
descendante ;
·
travail sur la segmentation et sur la fonction des pauses :
voir où s'arrête la phrase et pourquoi ;
·
étape de production dans un contexte précis :
mettre en valeur tel mot à partir d'une phrase donnée.
_________________________
48
Plaisir des Sons, Hatier, 1989, p. 9.
2. Vision d'ensemble de la logique grammaticale
Les étudiants coréens s'accordent tous
sur l'importance de la grammaire, à condition que celle-ci permette de
comprendre le fonctionnement de la langue dans les situations de communication
réelle.
Ils estiment que l'introduction de cette matière est obligatoire pour
les débutants. Ils proposent la création d'une classe de
grammaire de durée limitée, de préférence en langue
maternelle, pour simplifier l'apprentissage. A partir du niveau
intermédiaire, ils souhaitent que quelques points de grammaire soient
traités à chaque séance et que la synthèse en soit
faite à la fin, au lieu d'imposer un
" paquet de
grammaire "
dès le début. Cette pratique complique
l'apprentissage et même parfois décourage les apprenants.
Ces propositions semblent tout à fait légitimes et
l'enseignement de la grammaire devrait être amélioré,
notamment sur les points considérés comme les plus difficiles,
entre autres l'article et le subjonctif. Ces deux notions sont absentes dans la
langue coréenne et entraînent souvent une grande confusion dans
leur emploi en situation naturelle. Il ne s'agit pas de changer l'enseignement
de la grammaire, mais de modifier la présentation de certaines notions
clé.
Dans les méthodes de FLE utilisées en Corée, la
description grammaticale de l'article
occupe généralement
les premières leçons avec une approche normative, comme dans les
méthodes traditionnelles: règle, exemple, application et
exception. Ce type de présentation impose des règles qui ne
permettent pas à l'étudiant de faire une hypothèse sur la
nature et le fonctionnement de l'article utilisé.
L'enseignant devrait être capable de montrer, dès l'introduction
de l'article, ses différentes facettes. Au-delà de la
définition générale des articles défini et
indéfini -le premier détermine le nom et le précise, le
deuxième distingue le nom, mais ne le précise pas- l'enseignant
devrait indiquer que ces deux types d'articles peuvent exprimer à la
fois un sens général et un sens précis. A l'inverse,
l'article indéfini peut désigner une chose précise et
l'article défini, quelque chose de général.
Pour faciliter la démonstration des différents usages de
l'article, une autre approche peut être adoptée : l'article sert
à définir, il est défini par rapport aux
références, c'est-à-dire le rapport existant entre les
éléments et le groupe. Cela permet d'exposer certains usages
courants qui ne correspondent pas toujours à la règle
générale :
- l'article partitif pour des choses qui ne peuvent être
dissociées. Dans une phrase comme
" donne-moi du
vin "
,
on ne peut dissocier l'élément du groupe ;
- les parties du corps, l'article remplace le possessif, car on n'a plus
besoin d'établir cette relation de possession ;
- la suppression de l'article indéfini dans les phrases
négatives en absence de référence, mais l'article revient
dès qu'il y a un groupe de référence :
" Est-ce que tu as un parapluie ? Non, je n'ai pas de parapluie,
mais
j'ai un imperméable ".
Outre la modification de la présentation, cette approche envisage
l'article dans ses différents aspects, alors que les méthodes
utilisées séparent les articles par catégorie
(indéfini, défini, partitif), sans pouvoir montrer l'emploi de
ces articles les uns à côté des autres. Pour illustrer cet
aspect-là, l'enseignant pourra utiliser des matérieux sociaux :
recettes de cuisine, publicité, etc.
Quant au subjonctif
, le coréen ne distingue pas les modes d'un
verbe. Il a sa propre forme de modalisation qui se réfère au
temps et aux idées. Tout se passe dans les verbes. Toute forme verbale
distingue le radical de la terminaison, et la conjugaison est le changement de
cette dernière qui marque la fin de la phrase. L'infixe verbal s'ajoute,
si nécessaire, entre le radical et la terminaison, permettant ainsi
d'obtenir d'innombrables variétés de formes verbales.
Naturellement, les nuances modalisées par le subjonctif s'y retrouvent.
L'idée est de partir des nuances connues des étudiants
coréens, en donnant les formes correspondantes du français. En
voici une exploitation didactique possible :
·
L'enseignant fait prendre conscience de l'existence de ces
nuances exprimées en langue maternelle et des formes qui s'y rapportent.
·
Il incite à relever les similitudes, les nuances de
base en français avec celles de la langue maternelle. L'enseignant peut
profiter du repérage pour introduire toute une variété de
constructions possibles, en choisissant des documents appropriés (slogan
publicitaire, tracts politiques, textes de chanson, prières...). Il
s'agit de découvrir d'autres formes de subjonctif, d'élargir
l'éventail de son usage et de sa forme.
·
L'enseignant distribue ensuite un texte plus complexe,
comportant des usages et des constructions plus variés. La distribution
du document se fait à l'avance, avec des consignes précises de
repérages. Le travail en commun consistera à compléter les
connaissances des étudiants.
·
Un exercice de réemploi se fera à partir d'un
texte dont l'enseignant aura masqué les formes du subjonctif, que les
étudiants devront retrouver.
·
L'étape finale consistera à récapituler
les règles de base et les acquis du repérage.
Cette approche familiarise ainsi l'étudiant avec le mode du subjonctif
et lui permet son réemploi.
3. La littérature au service de la langue-culture
L'étude de la littérature à
partir de textes originaux est souvent abordée sous un angle figé
et rébarbatif. Le texte littéraire n'est qu'un outil de version ;
il n'est pas donné à l'étudiant la possibilité de
l'apprécier dans tous ses aspects.
Mais, en même temps, il faut être conscient des difficultés
pour un étudiant coréen à savourer un texte original, car,
indépendamment du problème de sa compréhension
insuffisante et de sa difficulté de lire le texte par anticipation, il
ne possède pas l'imprégnation culturelle d'un natif qui lui
permette d'en apprécier naturellement les subtilités. De plus, il
ne peut, la plupart du temps, situer ce texte dans l'oeuvre de
l'écrivain ou par rapport aux oeuvres d'autres écrivains, aux
influences subies, au contexte historique, etc.
L'enseignement de la littérature devrait faire appel à la
sensibilité de l'étudiant, à défaut de ses
connaissances, et le texte devrait être abordé de manière
vivante. Le texte peut susciter l'émotion. Il est toujours passionnant
pour l'étudiant coréen de découvrir un texte original
qu'il a déjà lu dans une version traduite. Il faut essayer de
tirer parti de cette émotion, de l'ouverture d'esprit et de la
curiosité de l'étudiant, pour l'aider à apprécier
la richesse et la beauté du texte.
Cette attitude est envisageable dès l'initiation à la
littérature. Par exemple, l'approche initiale se fera de
préférence sur de courts textes, en version originale, connus des
étudiants qui en ont lu la traduction, tels que Balzac, Maupassant,
Daudet... pour aller progressivement vers des textes plus longs. Cette approche
diminuera efficacement l'effort de traduction et donnera le plaisir de la
découverte et du contact avec le texte original d'une oeuvre.
En conservant les classifications existantes, notamment les grands mouvements
littéraires (classicisme, romantisme, réalisme, etc.) et les
genres (roman, théâtre, poésie), on pourrait
découvrir ce que ces notions recouvrent par l'étude du style des
textes.
Etudier le style d'un auteur ou d'une époque, c'est étudier la
composition des phrases, syntaxique, sémantique et rythmique. Cette
étude comprend également la mise en évidence des
procédés littéraires (image, figure de pensée ou de
sentiment), des modalités de récit (narration, description,
dialogue) et l'intervention de l'énonciation, c'est-à-dire la
recherche de tout ce qui peut manifester la présence et l'intervention
du narrateur et de l'auteur dans son texte
49
.
_________________________
49
Cf. Mireille NATUREL, Pour la littérature, CLE
International, 1995, pp. 45-48.
L'enseignant pourra alors sélectionner des textes d'auteurs
différents : la bataille de
Waterloo
selon Victor Hugo et
Stendhal, pour illustrer les styles romantique et réaliste. Il pourra
aussi choisir plusieurs textes caractéristiques de l'oeuvre d'un
écrivain : la découverte de la poétique à travers
deux textes de Baudelaire,
Spleen et idéal
et
L'invitation au
voyage
. L'enseignant proposera ensuite des entrées dans ces textes,
qui renvoient aux différents éléments constitutifs du
style ; il les explicitera en parallèle, pour enfin caractériser
le style de chaque texte
50
.
Ce type d'approche est un outil intellectuel à la portée de tout
étudiant de section française en faculté. Il est
facilement utilisable, si l'enseignant a pris la précaution de
distribuer les textes à l'avance et a donné une consigne
précise d'entrée dans le texte. L'étudiant pourra
préparer l'analyse en traduisant des mots incompris et en essayant
d'appliquer cette approche, d'abord seul, puis en cours avec l'aide du
professeur. Il affine ainsi sa première impression sur chaque texte,
perçoit les différences entre eux et applique un mode d'analyse
qu'il pourra réutiliser progressivement de manière autonome. Si
l'on veut préserver la spécificité du texte
littéraire, l'enseignant devra initier l'étudiant à un
minimum de connaissances en analyse textuelle. Cette approche conduit
l'étudiant à porter une plus grande attention à la langue
et à la culture.
_________________________
50
Georges GRAND - Notes de son cours du Professorat, Alliance
Française de Paris, 1986-1987.
VII. PRÉSENTATION ET BILAN DE L'ACTION LINGUISTIQUE ET CULTURELLE DE LA FRANCE EN CORÉE
D'emblée, les relations historiques entre la France et
la Corée ont eu un contenu culturel, ce qui donne à la France une
place particulière, différente des autres pays occidentaux.
L'enseignement du français a été
généralisé dans les lycées et les
universités au lendemain de la capitulation japonaise. L'impulsion du
gouvernement français au travers du BCLE, du Centre Culturel
Français et de l'aide fournie à l'Alliance Française,
dès 1964, a été déterminante pour la diffusion de
la langue-culture française.
L'action linguistique et culturelle de la France dépend du Service
culturel scientifique et technique de l'Ambassade de France. Il est
dirigé par le conseiller culturel et son adjoint, attaché
culturel.
Son objectif premier est de maintenir une
" belle "
position
du français dans le milieu institutionnel, malgré le statut
marginal de cette langue dans la société coréenne. Son
action, longtemps cantonnée dans les domaines linguistique et culturel,
s'est élargie et diversifiée aux secteurs scientifiques et
techniques.
Le conseiller culturel propose à son ministère l'allocation des
différentes aides et subventions à partir d'une
" enveloppe globale "
. Il gère le budget annuel, une
fois celui-ci décidé. Il exerce son autorité sur les trois
entités qui concourent à l'action linguistique et culturelle : le
BCLE pour les enseignants, le Centre Culturel Français pour les
activités culturelles et l'Alliance Française pour les
enseignés. Les deux premières sont d'origine publique et
dépendent directement de l'Ambassade de France. La dernière
concilie initiative locale et aide publique.
A. LE BCLE OU BUREAU DE COOPÉRATION LINGUISTIQUE ET ÉDUCATIVE
Son responsable, attaché linguistique, est
chargé de promouvoir la langue-culture française dans le pays
d'accueil. Pour la Corée, cette tâche est réalisée
essentiellement auprès des lycées et des universités.
Le BCLE s'occupe de la formation continue des enseignants et organise des
stages. Il s'adresse directement aux associations des professeurs de
lycée et d'université pour envoyer, chaque année, un
certain nombre d'enseignants en France. La logistique est assurée
après concertation.
Au sein des universités, le bureau entretient des rapports avec les
lecteurs qui peuvent recevoir des conseils et obtenir un soutien logistique
(matériel didactique, support audiovisuel, aide à l'organisation
de festival théâtral, de concours de chansons, de
conférences...). Certains lecteurs sont des coopérants du service
national (C.S.N.), directement rémunérés par le
gouvernement français. Cette aide concerne également les
échanges de professeurs, ou l'offre de séjours en France à
des membres du Ministère de l'Education pour les sensibiliser à
la langue-culture française.
A ce titre, le BCLE accorde trois types de bourses :
- bourses de longue durée
de trois à quatre ans,
réservées aux cadres universitaires qui souhaitent effectuer leur
recherche doctorale en France, notamment dans les domaines scientique,
technique et médical. Ces bourses qui atteignirent environ le nombre de
quatre-vingt dans les années 75-78, tournent maintenant autour d'une
vingtaine chaque année.
Les bourses destinées aux chercheurs littéraires et didactiques
sont récentes et beaucoup moins nombreuses. Pour l'année
1991-1992, dix-huit personnes en ont bénéficié dans les
domaines suivants : littérature (4), français langue
étrangère (4), français de spécialité (3),
terminologie/lexicologie (3), traduction (2), linguistique (2).
Le nombre de bourses offertes varie d'une année à l'autre : en
1993, aucune offre n'a été attribuée au FLE ni à la
lexicologie. Cette offre est préparée en liaison avec le
Ministère de l'Education coréen et exprime donc les souhaits de
ce dernier. La disproportion entre les bourses réservées aux
scientifiques et celles destinées à la langue-culture
française met en évidence l'état d'esprit des dirigeants
coréens et aussi des diplomates français, qui ne
considèrent pas la langue comme une fin en soi, mais comme un moyen
d'accéder à d'autres disciplines ;
- bourses de stage
, attribuées aux professeurs de
lycée (vingt personnes chaque été pendant six semaines) et
aux professeurs d'université. Depuis 1989, quinze universitaires
coréens participent au stage d'été dans une ville
différente, chaque année. Ils peuvent également suivre des
stages de longue durée, pendant un an ;
- bourses de vacances
, dénommées
" connaissance de la France ",
réservées aux
étudiants ou même aux lycéens qui souhaitent se rendre en
France pour se perfectionner en langue sur place. L'information est
diffusée par le BCLE, dans l'ensemble des facultés et dans les
Alliances Françaises. Les candidats sont sélectionnés par
leurs professeurs. Les lycéens doivent réussir le concours de
français, organisé par l'Ambassade de France. La durée du
séjour est limitée, de deux à trois semaines. Le stage sur
place est pris en charge, mais le déplacement est aux frais des
élèves.
Dans son souhait d'élargir l'action linguistique et culturelle, le BCLE
a fait évoluer sa politique d'allocation de bourses. Il considère
que la diffusion du français ne doit pas être limitée au
domaine littéraire enseigné en faculté, mais aussi
élargie à d'autres secteurs d'activités où
l'apprentissage de la langue peut être utile : journalisme,
édition, médecine, sciences et technologie.
Au départ, la distribution de bourses était massivement
réservée au domaine du français
" pur "
51
. Malgré la sélection des
candidats qui pouvaient présenter
" les projets les plus solides
et les plus poussés "
52
, la plupart n'arrivaient pas
à achever leur recherche en deux ou trois ans et demandaient
systématiquement une prolongation. Ces retards bloquaient petit à
petit la marge de sécurité du budget, finissant par remettre en
question l'intérêt des bourses elles-mêmes.
La question était de savoir comment satisfaire à la fois
l'intérêt de Séoul et celui de Paris. A l'initiative du
Service culturel et des représentants coréens des instituts
scientifiques, une association a été créée en 1984,
dans le but de faire la jonction entre la recherche scientifique et la
formation en langue française. Pour optimiser les résultats, tous
les moyens ont été mis en oeuvre. Pourtant, cela n'a pas toujours
débouché sur
" ce que les uns et les autres
souhaitaient "
53
. Le projet est resté en sommeil de
1988 à 1992
Le problème qui se pose à l'heure actuelle est la
sélection des candidats. Entre un bon linguiste et un bon professionnel,
la priorité va vers celui-ci. La libéralisation des quotas de
bourses nécessite encore plus l'envoi de meilleurs chercheurs
coréens en France, non seulement pour faire fructifier les
échanges, mais surtout pour assurer un avenir prometteur au statut du
français en Corée.
______________________
51
Selon un ancien attaché culturel à l'Ambassade
de France à Séoul.
52
Idem.
53
Selon un ancien conseiller culturel à l'Ambassade de
France à Séoul.
B. CENTRE CULTUREL FRANCAIS
Le Centre Culturel Français ne s'occupe pas
directement de l'enseignement/apprentissage du français, mais lui
apporte un soutien pour son action culturelle. Il favorise la diffusion de la
langue française par des manifestations culturelles à travers
toute la Corée. Il est le relais du Ministère des Affaires
Etrangères et du Ministère de la Culture pour organiser de
nombreuses activités culturelles : festival et promotion du
cinéma français, concerts, conférences, expositions d'arts
plastiques..., sans oublier la bibliothèque, ouverte à tous ceux
qui s'intéressent à la langue-culture française.
Actuellement, deux Centres Culturels Français sont implantés en
Corée : le premier à Séoul depuis 1968, le second à
Pusan en 1983. Chacun a un statut très différent : celui de
Séoul est une véritable émanation de l'Ambassade de France
; celui de Pusan est en fait une Alliance Française
" habillée "
en centre culturel.
1. Le Centre Culturel Français de Séoul
Sa fonction principale est d'organiser des
manifestations qui ne sont pas seulement le reflet de la vie culturelle en
France, mais qui s'efforcent de favoriser un échange entre les deux
cultures.
Le ciné-club présente quotidiennement des films français,
appréciés même de ceux qui ne connaissent pas la langue. De
temps en temps, des films coréens sont projetés en
présence du réalisateur et des acteurs.
Des expositions d'arts plastiques et de photographie sont fréquemment
organisées, aussi bien avec des artistes français que
coréens. Des conférences y sont également données
sur des sujets très variés : littérature,
société, tourisme, arts...
Des concerts sont organisés en collaboration avec les médias
locaux (journaux et chaînes de radio et de télévision). Les
récitals de chanteurs français obtiennent en
général un grand succès : S. ADAMO en 1977, Y. DUTEIL en
1984 et 1985, Ch. COUTURE en 1986, J.J. GOLDMAN en 1990, P. KAAS en 1994,
etc.
La collaboration entre le Centre Culturel et les médias est parfois
difficile. Ces derniers se plaignent du manque d'organisation du Centre
Culturel, les spectacles étant rarement prévus assez à
l'avance, et souhaitent avoir les meilleures vedettes. Ils n'apprécient
que modérément les propositions françaises, dont le
contenu leur semble destiné à un public restreint.
Dans l'ensemble, ces manifestations sont appréciées des
Séoulois, mais ils sont particulièrement sensibles à
l'ambiance du Centre Culturel, à la fois intime et intellectuel (unique
en Corée). Tout proche du centre-ville, il est entouré d'un
palais royal, d'un salon de haute couture
" André Kim "
et du palais présidentiel. Il était, sous le régime
militaire dictatorial, le refuge des intellectuels intéressés non
seulement par la France, mais aussi par la possibilité de
fréquenter un espace de libre expression et de libre discussion.
Le seul point noir, ce sont les obstacles administratifs qui empêchent
l'agrandissement du local. Créé il y a vingt-sept ans, le Centre
Culturel loue un bâtiment à deux niveaux de dimensions moyennes
qui ne peut plus recevoir les visiteurs dans les meilleures conditions ; il a
donc besoin d'être agrandi, mais le Ministère de
l'Intérieur ne souhaite point l'installation définitive d'un
centre culturel étranger en face du palais présidentiel.
Le Centre Culturel de Séoul, qui ne veut pas abandonner son emplacement
actuel, remarquablement bien situé, continue à fonctionner avec
toutes ces contraintes.
2. Le Centre Culturel Français de Pusan
L'origine du Centre Culturel de Pusan est insolite.
L'Alliance Française a été désignée comme un
centre culturel pour avoir accès aux films de la
Cinémathèque de Bangkok, où sont conservés les
films français diffusés dans l'ensemble des Centres Culturels
Français d'Asie. De ce fait, il ne dépend pas directement de
l'Ambassade de France, mais est soumis à la tutelle du président
de l'Alliance Française. Le directeur des cours de l'Alliance est
également le directeur du Centre Culturel.
Ses activités sont moins riches et diversifiées que celles de
Séoul. Il y a toutefois un lien entre les deux : les manifestations
culturelles sont organisées avec le même esprit d'échanges
entre les deux cultures qu'à Séoul, et certains artistes
français vont à Pusan après être passés dans
la capitale.
Ce centre éprouve cependant des difficultés pour attirer un
public moins ouvert sur les cultures étrangères qu'à
Séoul, la cible principale étant la population étudiante
qui ne peut être sollicitée trop souvent. De plus, le temps de
préparation des manifestations est toujours trop limité, en
raison notamment d'un manque de coordination avec le Centre Culturel de
Séoul.
Par ailleurs, la tutelle du président de l'Alliance Française et
l'absence de liens avec l'Ambassade sont à l'origine de
l'inconvénient majeur qu'il subit à l'heure actuelle. En effet,
s'il est situé dans un quartier en pleine expansion, avec trois
universités alentour, il ne tire guère parti de son emplacement.
Le bâtiment, assez original avec cinq niveaux en carrelage et en verre,
ne peut passer inaperçu. Mais les aménagements successifs,
notamment l'installation d'un institut d'anglais sur les deux premiers niveaux,
ont défiguré le Centre Culturel Français et rendu son
accès incommode et peu attractif.
En définitive, ce centre, peu convivial, reste toujours ignoré
de la majorité des Pusanais. Une meilleure présentation et un
aspect plus accueillant permettraient de récupérer une partie de
la fréquentation perdue. Une solution consisterait à occuper
l'intégralité du bâtiment et à aménager une
entrée digne du Centre Culturel de la seconde ville du pays. Même
s'il continuait à partager les mêmes locaux que l'Alliance
Française, il serait nécessaire que l'Ambassade de France exerce
un contrôle et instaure une coopération.
Un centre culturel devrait être un endroit qui représente le pays
d'origine et en soit le reflet. Chaque pays promeut son image grâce
à son centre culturel. En Corée, celui des Etats-Unis est une
véritable institution, celui du Japon bénéficie d'une
image sérieuse et efficace et l'Institut Goethe séduit les
Coréens germanistes.
Le Centre Culturel Français, quant à lui, est l'image de la
France. Il importe que le gouvernement français mette en oeuvre les
moyens nécessaires pour valoriser cette image et par conséquent
le statut de la langue-culture française : il existe un lien
étroit entre les deux. Une action particulière devrait être
menée à Pusan, ville de 5 millions d'habitants où la
demande d'accès à la culture française est bien
réelle.
C. RÉSEAU DES ALLIANCES FRANCAISES
Les Alliances Françaises de Corée sont
des associations de droit local, régies comme telles par la loi
coréenne et bénéficiant pour certaines d'un soutien
logistique de Paris.
Elles sont donc, de par leur nature, à la fois coréennes et
françaises : le président, qui est une personnalité
coréenne, choisit les membres du comité local. Ceux-ci, en
majorité coréens, jouent le rôle d'un conseil
d'administration mais, en principe, n'interviennent pas dans les domaines
didactiques et culturel. Le gouvernement français envoie un ou plusieurs
professeurs détachés de l'Education Nationale et
éventuellement des coopérants.
Le président offre le local et les matériels nécessaires
pour le fonctionnement du centre ; il assure la liaison entre les
autorités coréennes et le gouvernement français. La
plupart des présidents sont des hommes d'affaires francophiles : le
P.D.G. d'une société d'électroménager occupe la
présidence des trois centres principaux, le P.D.G. de Korea Silk, Consul
Honoraire de France, est le président de l'Alliance Française de
Pusan...
L'enseignement du français et les activités culturelles
dépendent du directeur des cours, Français détaché
à l'étranger. Ce dernier est placé sous l'autorité
du conseiller culturel qui alloue à l'ensemble du réseau une
subvention annuelle de l'ordre de 100 à 150 000 francs. Cette aide
permet au directeur des cours d'organiser des manifestations culturelles,
proposées chaque année par Paris, et parfois de financer des
travaux visant à améliorer le confort des étudiants.
En raison de la présence quotidienne du directeur, l'Alliance
Française est assimilée par les Coréens à une
institution française, ce qui la distingue des autres instituts de
langues privés.
Les activités principales sont souvent réalisées en
association avec des partenaires coréens : universités,
musées nationaux, chaînes de télévision.
Au terme de trente et une années d'existence en Corée, le
réseau des Alliances Françaises compte six centres, 4 500
étudiants en moyenne dans l'année, trente-cinq professeurs
détachés et recrutés localement, qui assurent
l'enseignement du français en suivant plusieurs méthodes, toutes
conçues en France, en plus des cours spécialisés. Cela est
appréciable dans un pays où le Français n'est pas
pratiqué.
1. Les différents centres
L'Alliance Française de Séoul
est la
plus importante en Corée et la deuxième en Asie après
celle de Hongkong. Malgré ses débuts difficiles -quota
fixé à 270 inscrits par les autorités coréennes, un
local exigu- elle a progressé de manière considérable pour
accueillir jusqu'à 6 000 étudiants en 1987.
En 1985, elle a ouvert
une annexe
de l'autre côté du
fleuve HAN, pour suivre le mouvement d'urbanisation au sud de la ville. Un an
après son ouverture, cette annexe recevait 300 étudiants en
période universitaire, 500 en période de vacances, et occupe
aujourd'hui la deuxième place dans l'ordre d'importance.
Ces deux centres bien placés possèdent les plus gros
moyens : deux locaux bâtis sur 983 m
2
, avec cinq bureaux,
vingt salles de classe, une bibliothèque (1 200 volumes), une galerie,
une salle de vidéo et une cafétéria.
Le corps professoral (trois enseignants détachés et vingt-quatre
recrutés localement) anime un cursus complet de cours de langues, depuis
le
Mauger
pour les vrais débutants, jusqu'au cours d'histoire de
l'art destiné aux étudiants avancés, en passant par des
cours de traduction, d'interprétation et de conversation.
Parmi ses activités culturelles, les concours de théâtre
et de chansons ainsi que les conférences s'adressent aux
étudiants d'université. Pour un public plus large, elle propose
des concerts de musique classique, des spectacles de danse...
Les efforts pour diversifier et compléter les activités et les
cours, ainsi que sa capacité d'adaptation aux souhaits du public,
grâce à des sondages régulièrement effectués,
peuvent expliquer la raison du succès de cette institution. Elle
bénéficie d'une bonne image auprès des Coréens
francophiles et des étudiants des meilleures facultés de langues,
qui viennent y
" parler comme à Paris "
: c'est la
devise de l'Alliance Française.
Le premier centre en dehors de Séoul
est une
antenne à
Taegu
, ouverte en 1972. Ville universitaire (cinq universités
à l'époque), au niveau culturel appréciable, Taegu l'a
accueillie à bras ouverts. De dimension plus réduite, moins
confortable mais située au coeur de la ville, avec un professeur
détaché, cette antenne recevait des étudiants de section
française, 700 lors de la plus grande fréquentation. Le nombre
d'inscrits a aujourd'hui beaucoup diminué.
L'Alliance Française de Pusan
créée en 1980, a
connu un démarrage laborieux, en raison du manque d'étudiants et
d'une information insuffisante.
Pusan était à l'époque en pleine expansion grâce au
très fort développement du commerce extérieur, mais se
préoccupait peu de développement culturel. Elle a d'ailleurs
été longtemps considérée comme une ville
dénuée de vie culturelle et donc peu propice au succès de
l'Alliance Française. De plus,
" la clientèle
potentielle "
était limitée, du fait de l'existence
d'une seule faculté pourvue de section française. Enfin, sa
localisation excentrée à l'est de la ville ne favorisait pas sa
fréquentation.
En toute première session, elle a quand même accueilli environ
300 inscrits, venus de tous les coins de la ville, à la fois curieux et
amoureux de la langue-culture française. Mais la majorité des
inscrits ont rapidement disparu, après avoir constaté que
l'apprentissage du français demandait beaucoup d'efforts qui ne seraient
pas vite concrétisés.
La direction a compris qu'il fallait, d'une part, diversifier les programmes
de cours et, d'autre part, faire appel aux médias locaux pour
élargir cette petite communauté francophile. Ainsi, une
enseignante française, en poste à l'Alliance Française de
Nagoya au Japon, est venue rejoindre le corps professoral (au nombre de cinq).
En collaboration avec la radio MBC FM, une première émission
spécialisée dans la chanson française a été
lancée avec succès.
Au bout de trois ans, ces initiatives ont commencé à porter
leurs fruits. Mais depuis 1986, l'Alliance Française de Pusan est de
nouveau confrontée à des difficultés, malgré la
forte augmentation du nombre de sections françaises universitaires, dix
au total dont trois autour du centre. Le nombre d'inscrits ne dépasse
plus 300 personnes, même pendant les vacances, et l'Alliance
Française ne bénéficie plus d'une image à la
hauteur de l'Institution, en raison d'une qualité d'accueil
médiocre et d'un enseignement peu adapté aux besoins des
étudiants, dont la plupart poursuivent leurs études à
Séoul ou ont déjà visité la France.
Trois autres centres
ont été implantés
ultérieurement :
- celui de
Kwangju
, capitale du sud-ouest, en 1983 ;
- celui de
Suwon
, petite ville universitaire toute proche de
Séoul, en 1985, mis en sommeil dès l'année suivante ;
- celui de
Daejon
, le plus récent, à 200 km au sud
de la capitale, également en 1985.
Tous se situent en centre-ville, reçoivent chaque année 150
à 250 étudiants, principalement en provenance de sections
françaises d'université. Dans ces Alliances, des
coopérants de la délégation catholique remplacent les
professeurs détachés : depuis une dizaine d'années,
à la demande de l'Alliance Française de Séoul
auprès de l'Eglise catholique de France, des jeunes séminaristes
français occupent ces postes stratégiques. Cette contribution
permet de diminuer l'effort financier du gouvernement français. En
revanche, leur manque de formation adaptée à ce type de fonction
nuit à la qualité des prestations offertes par les Alliances
Françaises.
2. Les problèmes des Alliances Françaises
Depuis plusieurs années, le réseau des
Alliances Françaises traverse une période difficile et doit
trouver des solutions à ses problèmes pour être de nouveau
pleinement opérationnel.
Le déséquilibre du réseau
: il se renforce chaque
année, mais il reste toujours centralisé. Certes, il est à
l'image de la Corée :
" déséquilibrée avec
une tête hypertrophiée par rapport au reste du corps "
,
selon un ancien délégué général.
Séoul domine à elle seule l'ensemble du pays, produisant et
absorbant les trois quarts des biens et des équipements culturels.
L'Alliance Française de Séoul
"a beau faire des petits "
et vouloir fortifier ses assises provinciales, elle reste avant tout
orientée vers la capitale.
La baisse des inscriptions
: le réseau des Alliances
Françaises a connu un plein essor à l'époque des Jeux
Olympiques de Séoul, comme l'indique le tableau ci-après,
concernant le nombre d'étudiants inscrits entre 1987 et 1991.
|
Séoul |
Pusan |
Taegu |
Daejon |
Kwangju |
1987 |
6 000 |
530 |
630 |
250 |
165 |
1988 |
6 000 |
600 |
490 |
360 |
210 |
1989 |
5400 |
590 |
ND |
ND |
ND |
1990 |
4 300 |
680 |
ND |
ND |
ND |
1991 |
3 700 |
690 |
140 |
350 |
120 |
La baisse des inscriptions, notamment à Séoul
et Taegu, est due à la concurrence des autres langues et à la
plus grande facilité pour les étudiants coréens de venir
apprendre cette langue sur place. Autrement dit, l'Alliance Française
n'a plus le monopole de l'enseignement/apprentissage du français.
Toutefois, on note une certaine fidélisation du public. Ce taux de
fidélisation varie d'une Alliance à l'autre, d'une méthode
à l'autre, d'une période de l'année à l'autre :
juillet/août est la session annuelle la plus fournie, suivie de
janvier/février, correspondant toutes deux aux périodes de
vacances.
La non-titularisation des enseignants
: si l'ensemble du corps
professoral est stable et compétent, ses conditions de
rémunération restent assez modestes. Les enseignants sont
payés en fonction du nombre d'heures de cours (150 francs de l'heure en
moyenne) et n'ont pas de vacances ; le comité n'a toujours pas
accordé congés et mensualisation. A ce propos, le directeur des
cours n'a pas le droit de décider une augmentation de salaires de son
personnel : ces questions dépendent du comité local.
Les relations entre le président et le directeur
: ces relations
peuvent déboucher sur des conflits que connaissent la majorité
des Alliances Françaises.
Le président confond souvent son rôle de représentant
coréen avec le rôle d'animateur dévolu au directeur ;
à l'inverse, il arrive que ce dernier se prenne parfois pour le
président. Ces malentendus sont source de dysfonctionnements.
A Séoul, la confusion des rôles est accentuée par la
transformation du comité local en Fondation culturelle
franco-coréenne, dont le président est l'un des fondateurs de
l'Alliance Française de Séoul. A ce titre, il intervient dans
l'organisation culturelle et dans les décisions du directeur,
quelquefois pour s'y opposer.
La qualité inégale des directeurs
: le bon fonctionnement
et la qualité d'une Alliance Française dépendent
principalement de son directeur.
S'agissant de l'Alliance Française de Séoul, le directeur doit
être capable de diriger cette entité accueillant près de 4
000 étudiants. Dans les centres de dimension plus réduite, le
directeur est en relation permanente avec ses étudiants, ce qui
nécessite une parfaite connaissance de la mentalité
coréenne et un bon contact humain.
Les directeurs sont envoyés en Corée selon des critères
imprécis, qui ne dépendent pas nécessairement de leur
formation d'origine, ni de leurs motivations propres à venir en
Corée. Il en résulte des différences assez grandes d'un
directeur à l'autre, qui occasionnent des périodes plus ou moins
heureuses de la vie du centre.
Les principales qualités requises pour un directeur devraient
être à la fois humaines et intellectuelles :
- une grande ouverture d'esprit ;
- la disponibilité et une bonne capacité d'écoute ;
- une formation supérieure qui permette de s'adapter à
différentes situations ;
- l'expérience de l'enseignement du français langue
étrangère obligatoire.
Malgré ces imperfections, les différentes entités
concourant à l'action linguistique et culturelle fonctionnent. Il semble
que les mesures visant à accroître leur efficacité
devraient porter, en priorité, sur l'amélioration de la formation
et de la préparation des enseignants détachés en
Corée.
Comme l'écrit Louis PORCHER
54
:
" rien n'est plus
urgent que la création d'un CAPES de français langue
étrangère, largement justifié par les besoins et qui
mettrait fin à une pratique des nominations à l'étranger
extrêmement floue, c'est le moins que l'on puisse dire... "
.
________________________
54
Nouveaux terrains de recherche en formation, ELA n° 95,
juillet-septembre 1994, p. 105.
D. PROPOSITIONS D'AMÉLIORATION
1. Connaissance du contexte et de la mentalité coréens
Avant même d'envoyer un enseignant à
l'étranger, les autorités françaises devraient s'assurer
de ses motivations et de son désir de s'ouvrir à des pays qui
peuvent être très différents du sien.
Au-delà de considérations pécuniaires ou de confort,
l'enseignant doit faire
l'investissement intellectuel nécessaire
,
pour mieux connaître son pays d'accueil, dès son affectation.
Cette démarche est d'autant plus indispensable s'agissant d'un pays dont
la culture et la mentalité sont très éloignées.
La France et la Corée ont évolué dans deux pôles
totalement séparés, l'Occident et l'Extrême-Orient ; la
communication ne passera que si un effort de l'enseignant français aura
été fourni préalablement.
Celui-ci devrait avoir une connaissance minimale de l'histoire de la
Corée, un pays qui a toujours été refermé sur
lui-même et en butte aux agressions extérieures, pour comprendre
à la fois son homogénéité et son attitude
vis-à-vis des étrangers (très fermée autrefois,
curieuse aujourd'hui).
Sa connaissance des bases de la philosophie confucéenne serait aussi
utile pour bien appréhender la société coréenne,
son caractère hiérarchique que l'on retrouve aussi bien au sein
de la famille, à l'école, dans les entreprises, dans les
administrations, etc. Même si des évolutions sont perceptibles, en
particulier chez les jeunes générations, le confucianisme demeure
un fondement de la société coréenne.
Pour bien communiquer et faire passer son message avec la meilleure
efficacité, l'enseignant français devrait avoir à l'esprit
un
" portrait robot "
de l'étudiant coréen.
Les élèves sont en général
attentifs et
respectueux
. Elevés depuis l'enfance dans le respect de leurs
aînés, puis de leurs professeurs, ils reçoivent le cours de
l'enseignant sans exercer le moindre esprit critique.
On leur aura toujours inculqué qu'ils sont
un élément
de la collectivité
: ils sont donc
disciplinés et peu
portés à des manifestations individuelles
. Ainsi, lorsqu'un
élève est interrogé par l'enseignant sur sa
compréhension d'un point particulier du cours, il répondra
généralement par l'affirmative, même si ce n'est pas le
cas, à la fois pour ne pas se singulariser, s'exposer au jugement de
l'autre et aussi pour ne pas décevoir le professeur ; dans son esprit,
son incompréhension pourrait remettre en cause l'aptitude
pédagogique du professeur.
De même, il sera peu porté à livrer son jugement
personnel, même s'il est sollicité en ce sens par son professeur,
et cela d'autant plus qu'il
manque d'esprit critique.
En revanche, ils sont très
serviables et coopératifs
: ils exécutent scrupuleusement les instructions de l'enseignant et
sont contents de pouvoir rendre service à leur professeur. Chacun doit
se fondre dans la collectivité et suivre un code de bonne conduite.
C'est pourquoi il convient souvent de
ne pas
" perdre la
face "
, d'autant plus que les Coréens sont très
attentifs aux apparences.
L'élève coréen est
sensible et affectueux
: un
simple encouragement peut avoir un effet démultiplié sur sa
motivation. Mis en confiance, il pourra faire preuve d'une
spontanéité
que l'on ne soupçonnait pas au
départ. A l'inverse, une phrase perçue comme désobligeante
pourra le bloquer : il est
susceptible
, à la fois pour
lui-même et pour son pays.
Enfin, les élèves coréens ont une méthode de
pensée différente de celle de l'enseignant français, dont
la dominante est, en principe, l'esprit cartésien. L'esprit d'analyse et
de synthèse est moins bien partagé en Corée qu'en France.
L'étudiant coréen, dans son expression, pourra davantage faire
appel au coeur qu'à la raison.
2. Conséquences à tirer pour l'enseignant
La personnalité et l'attitude de l'enseignant
sont fondamentales pour une bonne communication avec les élèves
coréens. Ceux-ci doivent sentir qu'il est venu dans leur pays par une
curiosité et un intérêt forts, et qu'il est heureux
d'être parmi eux.
L'anecdote suivante, vécue à l'Alliance française de
Séoul, illustre cet état d'esprit. Lors d'une discussion portant
sur les mérites respectifs des deux cultures, l'enseignant
français interrogea ses élèves sur la signification exacte
du drapeau coréen, Tae-guk-ki. Devant la méconnaissance de son
auditoire, c'est lui-même qui la leur indiqua. Après une
première réaction de honte, le professeur avait conquis l'estime
de ses étudiants et la communication n'en fut que plus aisée par
la suite.
Il sera utile que l'enseignant apprenne quelques expressions courantes en
coréen, concernant la salutation, la bienvenue, le remerciement, etc.
Cela instaurera d'emblée un climat de confiance et de complicité
qui facilitera le contact. Le bonjour à la coréenne
" An-nyon-ha-sé-yo "
à la première
rencontre ou le remerciement
" Kam-sa-ham-ni-da "
toucheront
la sensibilité des Coréens.
Pour ne pas heurter leur sens de la hiérarchie et du respect qu'ils
vouent spontanément à leur professeur, l'enseignant
français doit être attentif à rester à sa place,
jusque dans ses tenues vestimentaires ; les étudiants
apprécieront une
" touche française "
dans sa
façon de s'habiller. L'idéal serait de faire preuve
d'autorité tout en restant chaleureux et disponible, à
l'écoute de ses élèves qui expriment difficilement leurs
sentiments. Encouragements et sollicitations seront les bienvenus, afin de
réduire la peur de faire des fautes et de s'exposer au jugement
d'autrui. Cette attitude demandera initialement beaucoup de patience et
d'efforts, mais ne tardera pas à porter ses fruits. Les étudiants
coréens sont suffisamment reconnaissants.
Dans le même esprit, l'enseignant doit éviter de toucher leur
sensibilité et leur amour-propre, notamment par des plaisanteries
ambiguës ou des critiques portant sur les aspects propres à la
société coréenne. Les comparaisons pourront mettre en
évidence les différences et les points communs, mais ne devront
en aucun cas impliquer des jugements de valeur ou exprimer la
supériorité de l'une sur l'autre ; en d'autres termes, accepter
et respecter la différence.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de cette recherche, le statut du français en
Corée peut être considéré sous deux angles.
Pour un observateur extérieur, ce statut peut apparaître
très favorable. En tant que seconde langue vivante, le français
bénéficie d'une bonne implantation -la meilleure de tous les pays
d'Asie- à la fois dans l'enseignement secondaire et supérieur.
Les statistiques font impression : 800 professeurs enseignent le
français à 315 000 lycéens, soit près d'un
lycéen sur quatre, répartis dans 470 établissements
publics et privés ; 20 000 étudiants, dans
75 départements de faculté, se spécialisent dans
l'étude de la langue et de sa littérature
55
.
Mais ce tableau flatteur cache une vision plus réaliste de la
situation. On constate que le français est cantonné au milieu
scolaire et universitaire, et n'en sort guère. Sa présence dans
la vie économique et sociale de la Corée est extrêmement
réduite. Ce n'est pas un hasard si le choix du français est
majoritairement opéré par les étudiantes, acteurs mineurs
de l'économie nationale.
Ces deux points de vue correspondent chacun à une réalité.
La place du français dans le milieu institué est due, en grande
partie, à l'héritage du confucianisme, qui a toujours mis en
avant l'étude comme moyen de perfectionnement de soi, et donné au
pays, depuis longtemps, une forte tradition culturelle. Ce pays de
lettrés ne pouvait qu'apprécier le riche patrimoine historique,
littéraire et artistique de la France. L'action de la France en faveur
des arts renforce cet attrait. Le lien que les Coréens font entre la
culture française et sa langue, confère à celle-ci un
statut particulier. Cela la protège des aléas politiques ou
économiques, auxquels peuvent être soumises les autres secondes
langues.
Cependant, malgré sa bonne implantation et son prestige, tous les
efforts déployés pour l'enseignement/apprentissage du
français aboutissent actuellement à un résultat modeste. A
long terme, cette situation risque d'entraîner le
désintéressement des apprenants et, par voie de
conséquence, le recul du français en Corée. Il est donc
nécessaire d'améliorer cet enseignement/apprentissage. Un certain
nombre de facteurs négatifs de l'enseignement/apprentissage du
français ont été identifiés : ils sont liés
au manque de formation des enseignants en premier lieu, aux méthodes
livresques et aussi à la lourdeur des effectifs.
________________________
55
Bulletin spécial de l'Ambassade de France à
Séoul, 23 janvier 1995, objet : La présence culturelle,
linguistique et scientifique française en Corée, p. 333.
La formation inappropriée des enseignants les laisse souvent peu
motivés et passifs : très peu d'entre eux possèdent une
maîtrise acceptable de la langue-culture française. Ils sont donc
naturellement peu enclins à introduire l'oral, totalement absent de
l'enseignement secondaire, ou à le développer dans le cursus
universitaire ; d'autant moins que cela soulignerait leurs propres faiblesses
dans ce domaine.
Il est vrai que le maintien de méthodes théoriques ne les
encourage guère à se perfectionner en langue. Si la tradition
confucéenne a été bénéfique pour
développer le goût de l'étude spéculative, elle
n'est pas adaptée à l'enseignement/apprentissage des langues
vivantes, car elle privilégie beaucoup trop les méthodes
livresques.
Enfin, la lourdeur des effectifs ainsi que la pratique linguistique et
culturelle en milieu exolingue (langue étrangère enseignée
en langue maternelle) ne peuvent favoriser les échanges. Il
résulte des carences de cet enseignement/apprentissage une très
faible connaissance de la langue-culture.
Vis-à-vis de l'omniprésence de l'anglais et de la culture
américaine et devant la concurrence nouvelle d'autres langues vivantes,
le français occupe, en définitive, une place restreinte dans la
société coréenne.
Face à ce constat, les propositions visant à valoriser le statut
du français en Corée ont essentiellement porté sur la
formation des enseignants, les programmes d'études et l'action
linguistique et culturelle de la France.
En ce qui concerne la formation initiale, une participation
régulière à des séjours partagés avec des
professeurs natifs et une meilleure préparation du stage pratique
d'enseignement seraient souhaitables.
Pour parfaire leur formation continue, il faudrait organiser, d'une part, des
réunions régulières en petits groupes, sous la direction
d'un formateur coréen, d'autre part, augmenter le nombre des
séjours linguistiques en France, avec une durée plus courte et un
contenu plus souple que le stage pédagogique existant.
Pour l'aménagement des programmes, la grammaire
"
décortiquée
" devrait être
remplacée par une vision globale de son fonctionnement, et le seul
exercice de traduction de textes littéraires complété par
l'analyse de leur style. A cela devrait s'ajouter un travail
systématique de la phonétique, au lieu de la simple
répétition de phrases isolées, avec pour objectif de
comprendre et de se faire comprendre, grâce à la mise en valeur de
la prosodie française, ce qui correspond aux attentes des apprenants.
Concernant l'action linguistique et culturelle de la France, un certain nombre
de souhaits ont été exprimés, dont les principaux seraient
de mieux préparer les enseignants français au contexte local
(mentalité, habitudes d'apprentissage en particulier), et de s'assurer,
dans la mesure du possible, de leur motivation.
Pour la mise en oeuvre de ces propositions, il ne peut être question de
remettre en cause le système préétabli. Il s'agit, en
effet, de
favoriser une nécessaire évolution, mais sans
révolution
. La maîtrise de l'oral ainsi que l'accès
à la "
culture quotidienne et comportementale
"
(selon
R.
GALISSON)
constituent des outils permettant aux apprenants une meilleure
compréhension linguistique et culturelle. En aucun cas, il ne s'agit
d'imposer le modèle occidental, mais d'améliorer le
système existant, afin de le rendre plus opérationnel et mieux
adapté, à l'image de l'évolution positive intervenue
récemment dans l'enseignement du coréen et de l'anglais.
Ces recommandations en faveur de l'oral, soutenues par les étudiants et
les parents, apparaissent non seulement souhaitables, mais possibles. Mais en
même temps, au-delà de cette nécessaire dynamisation de son
enseignement/apprentissage, on ne peut manquer de s'interroger sur l'avenir du
français en Corée. La suprématie de l'anglais dans les
échanges internationaux paraît difficilement réversible et,
d'autre part, le chinois et le japonais ont toutes les chances d'occuper une
place grandissante.
Le français bien enseigné rendra plus fructueux les
échanges bilatéraux, mais globalement, il continuera à
avoir peu d'incidence dans la vie courante. Par conséquent, sa vocation
doit rester éminemment culturelle ; la dimension formatrice, la richesse
et la valeur humaniste de la langue-culture française, seront toujours
ses meilleurs atouts pour l'avenir. Puisse la Corée ne pas céder
à la tentation utilitaire, pour que le français demeure un lien
d'échanges et d'enrichissement, qui l'aide à préserver,
à valoriser, sa propre langue-culture dans l'équilibre et
l'harmonie avec les autres.
ANNEXES
Premier pays occidental à avoir établi des
contacts avec la Corée, la France a, d'emblée, entretenu avec ce
pays des relations culturelles priviliégiées.
Aujourd'hui, le français est la deuxième langue enseignée
en Corée après l'anglais et jouit d'une image prestigieuse,
associée à la culture et au raffinement.
Pour autant, au regard du développement connu par la Corée ces
dernières années, la faiblesse relative des échanges tant
économiques que culturels avec un pays devenu le onzième
exportateur mondial et dont le niveau de vie a cru de façon
considérable, nourrit certaines interrogations.
Les activités du groupe sénatorial, par des contacts
réguliers, ont contribué à une meilleure connaissance du
pays.
Des délégations du groupe sénatorial France-Corée
se sont rendues à plusieurs reprises en Corée, en 1986 puis en
1988, et j'ai moi-même eu l'occasion de me rendre à divers titres
dans ce pays qui frappe par son dynamisme, dans une région dont la
croissance reste très soutenue. Le groupe a des liens avec les
associations présentes en France et des manifestations culturelles ont
pu être organisées au Sénat.
Le Président de la République a affirmé, en 1995, la
volonté française de replacer l'Asie au coeur de ses
préoccupations et de ses intérêts.
Les difficultés nées du retard du chantier du T.G.V.
Séoul-Pusan et de l'affaire Thomson témoignent encore d'une
certaine forme d'incompréhension et de la nécessité du
développement des relations franco-coréennes. Dans ce contexte,
une réflexion approfondie sur la place et le rôle de la langue
française en Corée s'inscrit dans le cadre des objectifs de
soutien à la francophonie assignés aux groupes sénatoriaux.
Cette étude s'appuie sur une mise en perspective culturelle et
historique du système de pensée coréen soulignant en
particulier le rôle du confucianisme et l'influence des pays voisins.
Elle décrit l'ensemble du système éducatif dans lequel
s'inscrit l'enseignement des langues étrangères. Recensant les
actions entreprises en faveur du français en Corée, elle propose
une série d'aménagements.
Au service d'une meilleure compréhension réciproque, en vue d'un
approfondissement réciproque, ces investigations nous montrent que la
grande ouverture culturelle des Coréens demeure une chance pour la
France et la culture française.
Premier pays occidental à avoir établi des contacts avec la
Corée, la France a, d'emblée, entretenu avec ce pays des
relations culturelles priviliégiées.
Aujourd'hui, le français est la deuxième langue enseignée
en Corée après l'anglais et jouit d'une image prestigieuse,
associée à la culture et au raffinement.
Pour autant, au regard du développement connu par la Corée ces
dernières années, la faiblesse relative des échanges tant
économiques que culturels avec un pays devenu le onzième
exportateur mondial et dont le niveau de vie a cru de façon
considérable, nourrit certaines interrogations.
Les activités du groupe sénatorial, par des contacts
réguliers, ont contribué à une meilleure connaissance du
pays.
Des délégations du groupe sénatorial France-Corée
se sont rendues à plusieurs reprises en Corée, en 1986 puis en
1988, et j'ai moi-même eu l'occasion de me rendre à divers titres
dans ce pays qui frappe par son dynamisme, dans une région dont la
croissance reste très soutenue. Le groupe a des liens avec les
associations présentes en France et des manifestations culturelles ont
pu être organisées au Sénat.
Le Président de la République a affirmé, en 1995, la
volonté française de replacer l'Asie au coeur de ses
préoccupations et de ses intérêts.
Les difficultés nées du retard du chantier du T.G.V.
Séoul-Pusan et de l'affaire Thomson témoignent encore d'une
certaine forme d'incompréhension et de la nécessité du
développement des relations franco-coréennes. Dans ce contexte,
une réflexion approfondie sur la place et le rôle de la langue
française en Corée s'inscrit dans le cadre des objectifs de
soutien à la francophonie assignés aux groupes sénatoriaux.
Cette étude s'appuie sur une mise en perspective culturelle et
historique du système de pensée coréen soulignant en
particulier le rôle du confucianisme et l'influence des pays voisins.
Elle décrit l'ensemble du système éducatif dans lequel
s'inscrit l'enseignement des langues étrangères. Recensant les
actions entreprises en faveur du français en Corée, elle propose
une série d'aménagements.
Au service d'une meilleure compréhension réciproque, en vue d'un
approfondissement réciproque, ces investigations nous montrent que la
grande ouverture culturelle des Coréens demeure une chance pour la
France et la culture française.
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11). - n° 675 "Optique
coréenne" (p. 27). n° 676 "Le
Japon au pied du mur" (p. 6). - n° 679 "Pour un
accroissement de
la
coopération technologique coréano-française" (p. 22). -
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projets" (p. 25).
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n° 853 "Le rôle de la Chambre de Commerce et
d'Industrie Française
en Corée" (p. 12) ; "En faveur d'un
essor de la langue de Molière en Corée"
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n° 862 "Apprentissage à l'étranger" (p. 5). - n° 863
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de la mode française en Corée" (p. 24).
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coréens" (p. 21).
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