VI. PRÉSENTATION ET BILAN DES PROGRAMMES D'ÉTUDES
L'analyse des contenus de l'enseignement/apprentissage du
français doit être réalisée en examinant les besoins
des apprenants. Il convient donc de connaître la conception de
l'apprentissage et le profil des apprenants qui y sont confrontés.
La pression constante exercée sur les apprenants, focalisée sur
les concours d'entrée en faculté pour les lycéens et les
concours d'admission dans les entreprises pour les étudiants, laisse peu
de place à l'initiative individuelle. Les caractères propres aux
apprenants en général se retrouvent chez les étudiants en
section française. Ces derniers sont guidés par des motivations
plutôt personnelles et intellectuelles, qui ne répondent pas
toujours à une rationalité précise.
Le contenu de l'enseignement/apprentissage du français varie
très sensiblement selon le lieu d'étude.
L'enseignement du français au lycée est fondé
principalement sur la grammaire ; l'oral et les aspects culturels sont, la
plupart du temps, complètement absents. L'étude comparative des
programmes de différentes universités démontrera une
formation essentiellement linguistique et littéraire.
Il en est tout autrement dans les Alliances Françaises, qui ont connu
une succession de périodes marquées chacune par
différentes méthodes. Il sera aussi intéressant d'analyser
le contenu de la formation dans la circonstance particulière des Jeux
Olympiques de Séoul en 1988, puis à travers les émissions
radiophoniques et télévisées.
A. PRÉSENTATION DES APPRENANTS
La conception de l'apprentissage détermine largement le profil des apprenants. Ceux-ci seront décrits comme éléments d'un groupe présentant des caractéristiques générales, indépendamment du choix de la langue. On présentera les lycéens, puis les étudiants de section française, avant de dégager leur motivation et leurs souhaits vis-à-vis de l'apprentissage du français.
1. La conception de l'apprentissage
L'apprentissage représente, pour les
Coréens, un effort à poursuivre en vue d'accomplir au mieux leur
vie et de rechercher la perfection de leur personnalité.
Idéalement, l'apprentissage doit se réaliser à travers un
parcours long et difficile. La réussite ne peut être obtenue qu'au
prix de nombreux efforts auxquels participe toute la famille, et les
Coréens doivent montrer qu'ils font ces efforts pour être pris au
sérieux dans leurs démarches.
Concrètement, il s'agit d'apprendre par coeur et de mémoriser le
plus possible, ce qui entraîne un manque d'adaptation, dès que
l'on sort du cadre habituel des normes apprises. Les étudiants
coréens en France connaissent souvent ces difficultés :
indépendamment des problèmes de langue, ils peinent pour
comprendre les consignes du professeur, et ils ont tendance à reproduire
un travail purement descriptif, au lieu de faire preuve d'esprit d'analyse et
de synthèse.
La conception dominante de l'apprentissage repose sur la mobilisation du
cerveau, ensivagé comme un
" muscle à exercer " (R.
GALISSON, 1990, p. 33).
Ce processus convient à la méthode
grammaire-traduction, qui a été directement
transférée à l'anglais, puis à l'apprentissage des
langues en général. Ce dernier était lui-même
calqué sur l'unique modèle linguistique de
référence, celui du chinois. Les élèves lisaient
ensemble à haute voix un texte écrit comme suit :
" La
lune est moon, le soleil est sun... "
, exactement comme les
débutants commençaient le chinois par
" le ciel est chun,
la terre est ji ... "
, etc.
Avec un objectif limité à l'observation de la civilisation du
pays d'accueil, la conception de cet apprentissage ne pouvait viser que la
compréhension du contenu à enseigner, sans se soucier de la
pratique de la langue. Mais à mesure que cet objectif se transforme
progressivement en échange culturel, ce type d'apprentissage peut
être remis en cause : pendant toute sa durée, la grammaire
doit-elle y occuper une telle place ? Serait-il trop irréaliste de
privilégier l'oral dans un pays où la langue n'est pas
pratiquée ?
Quand on interroge les étudiants, ils confirment que la grammaire est
indispensable pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue en situation
réelle. En revanche, la grammaire par elle-même n'est plus un
enjeu essentiel et cela risque même de les décourager à en
poursuivre l'étude. Pour s'adapter à ces nouveaux besoins, une
nouvelle conception semble nécessaire, comme le propose
R. GALISSON :
" l'apprentissage passant par un traitement actif d'une information
en vue
d'une mobilisation ultérieure ",
à la place d'une simple
mémorisation, qui est malheureusement sujette à l'oubli.
La conception actuelle devra donc évoluer, car les apprenants
coréens n'apparaissent pas comme des acteurs privilégiés
de leur apprentissage, mais comme des récepteurs passifs, qui doivent
suivre les consignes de l'enseignant et attendre docilement leur tour de
parole. En effet, très peu habitués à l'entretien
collectif ou individuel pour discuter de leurs difficultés ou de leurs
souhaits, leur rôle est réduit à se soumettre aux
contraintes et à se conformer aux rites de la classe traditionnelle.
Toutefois, ce comportement n'est pas figé : leur attitude et leurs
aspirations peuvent changer lorsque la méthode diffère. Par
exemple, dans les instituts privés où la méthode
d'apprentissage est plus interactive, les effectifs étant plus faibles
qu'en faculté, les étudiants participent au cours avec plus de
dynamisme. Si l'on compare les tendances générales telles
qu'elles se dégagent dans les questionnaires
" L'Alliance
Française et Vous "
, l'attitude des étudiants
coréens face à l'enseignement/apprentissage du français a
bien évolué dans un sens plus dynamique. Ainsi, en 1982, la
majorité des inscrits venaient
" entendre parler
français ",
alors qu'en 1986, 65 % affirmaient prendre une part
plus active et voulaient participer.
Aujourd'hui, dans ces mêmes instituts, l'évolution est encore
plus nette : en classe, ils prennent la parole, ils s'interpellent et osent
redemander des explications. Autrement dit, la passivité n'est plus de
rigueur dans ce pays imprégné de tradition confucéenne et
l'oral a acquis droit de cité. C'est donc à l'enseignant et
à l'Institution de savoir exploiter ces nouvelles possibilités,
afin d'obtenir un meilleur résultat de l'apprentissage de la langue.