INTRODUCTION
La
32
ème
session de l'Association interparlementaire
France-Canada s'est déroulée en France du 8 au 14 juillet 2003,
alors que le Parlement français était convoqué en session
extraordinaire, du 1
er
au 24 juillet.
La suspension des activités du Parlement, entre février et
juillet, en raison des échéances électorales et le
délai nécessaire à la reconstitution des organes de
l'Assemblée nationale n'avaient pas permis que cette session se tienne
au cours de l'année 2002, à la suite de la 31ème session,
qui avait eu lieu, en septembre 2001, au Canada.
Ainsi qu'il en a été décidé à Ottawa, lors
d'un comité permanent réuni les 18 et 19 février, l'ordre
du jour de la session a été consacré à l'examen de
quatre thèmes choisis en fonction de leur actualité et de
l'intérêt commun qu'ils présentaient pour les
parlementaires français et canadiens.
En écho au rapport présenté par la section
française sur
l'Elargissement et l'intégration
européenne
, celui du groupe canadien a fait état de la longue
histoire et de l'importance des relations entre le Canada et l'Europe, une des
pierres angulaires de la diplomatie canadienne.
L'examen par les deux Parlements, au cours de la même année 2003,
de textes de loi relatifs à
la Bioéthique et aux nouvelles
technologies de reproduction
, suffisait à démontrer
l'existence de préoccupations très semblables du
législateur, dans les deux pays, face aux avancées, quelquefois
trop rapides, de la science et de la technique médicale dans le domaine
du vivant.
Ayant remarqué l'importance prise par les questions de
Justice
et
de
sécurité publique
au cours des campagnes
électorales pour l'élection présidentielle et les
élections législatives, qui se sont déroulées en
France en 2002 et auxquelles ils étaient venus assister, les membres du
groupe canadien ont souhaité être mieux informés des
modifications législatives récemment intervenues dans ces
domaines et les comparer à leur propre approche. La présentation
de rapports par les deux sections a été complétée
par un entretien
avec M. Pierre Bédier
, secrétaire
d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice et par une rencontre avec des
magistrats de la
Cour d'Appel d'Angers
.
Enfin,
la coopération spatiale franco-canadienne
, qu'elle soit
bilatérale ou multilatérale, dans le cadre de l'Agence spatiale
européenne, a constitué le cadre d'un échange de vues
enrichi par la participation d'intervenants extérieurs à
l'expertise reconnue.
A Paris, les membres de l'association ont été reçus en
audience par
M. Jean-Louis Debré
, Président de
l'Assemblée nationale, et par
M. Christian Poncelet
,
président du Sénat. Ils ont également été
reçus au Ministère de l'Economie et des Finances par
M. Alain Lambert
, ministre délégué au Budget.
A Angers, ils ont visité
l'Ecole Supérieure d'Application du
Génie
(ESAG) qui dispose d'un centre de formation dans des
opérations de déminage post-conflictuel de réputation
mondiale. Les membres de l'association ont exprimé le regret que les
munitions de dispersion ne soient pas interdites par la Convention d'Ottawa
alors que, à l'instar des mines anti-personnel, elles frappent
aveuglement les populations civiles autant que les unités combattantes.
A Saint-Nazaire, la délégation parlementaire a été
accueillie aux Chantiers de l'Atlantique par M. Patrick Boissier,
président d'Alstom-marine. Au cours de la visite du site de construction
navale, elle a pu découvrir le
Queen Mary II
,
le plus
gros paquebot jamais construit, qui prendra la mer avant la fin de
l'année et fera escale à Québec, en octobre 2004.
En outre, au cours de son déplacement en province, la
délégation canadienne a visité l'Abbaye royale de
Fontevraud et découvert, au sud de la Bretagne, deux des plus beaux
sites naturels de la région, le golfe du Morbihan et les marais salants
de Guérande.
A son retour à Paris, l'association était invitée à
la réception donnée à l'hôtel de Brienne par
Mme
Michèle Alliot-Marie
, ministre de la Défense. Les
parlementaires canadiens y ont été présentés au
président de la République,
M. Jacques Chirac
, et au
premier ministre,
M. Jean-Pierre Raffarin
. Ils ont assisté,
le 14 juillet, au défilé militaire sur les Champs Elysées,
avant de regagner leur pays le lendemain.
* * *
Les informations, régulièrement mises à jour, sur le fonctionnement et les activités de l'Association interparlementaire France-Canada / Canada-France peuvent être consultées sur le site de l'Assemblée nationale ( http ://webdim/i nternational/commission-canada.asp ) ainsi que sur celui du Parlement du Canada ( http ://www.parl.gc.ca/information/InterPa rl/Associations/france/Prin-f.htm ).
I. ÉLARGISSEMENT ET INTÉGRATION EUROPÉENNE
M. Marc Laffineur
,
député,
président de la section française
, a souhaité la
bienvenue à tous les participants à la 32
ème
session de l'Association interparlementaire France-Canada et tout
particulièrement à ses collègues canadiens. Il les a
informés que le Parlement était en session extraordinaire,
convoquée par le Président de la République, pour discuter
notamment du projet de loi sur les retraites, et il a présenté
brièvement le programme de la session.
L'honorable Lise Bacon,
sénatrice, présidente du groupe
canadien
, l'a remercié pour son accueil et s'est réjouie de
la réunion de cette nouvelle session de l'association qui lui donnait
l'occasion de débattre avec ses collègues français de
sujets importants, de parcourir à nouveau la France et, tout
particulièrement, de participer à la fête nationale du 14
juillet.
A. INTERVENTION DE M. GEORGES COLOMBIER, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LA SECTION FRANÇAISE
M.
Georges Colombier
s'est réjoui de retrouver certains participants
déjà rencontrés lors de la réunion du comité
permanent, en février, à Ottawa ; il est passé ensuite
à la présentation du rapport de la section française sur
l'élargissement et l'intégration européenne.
La signature à Athènes, le 16 avril dernier, du traité
d'adhésion entre les quinze États membres de l'Union
européenne et les dix candidats qui y seront admis officiellement le
1
er
mai 2004 a marqué l'aboutissement d'un processus
entamé dix ans auparavant par le Conseil européen de Copenhague.
Ce cinquième élargissement revêt évidemment une
dimension historique et politique particulière puisqu'il s'agit avant
tout de réunifier l'Europe ; il comporte des enjeux institutionnels
majeurs que le traité d'adhésion ne prétend pas tous
régler malgré un accord équilibré à
l'avantage des deux parties.
Au sein même de l'Assemblée nationale, cet élargissement
« soulève un enthousiasme qui doit être teinté
de réalisme et laisse même place à une certaine
inquiétude »
déclarait René André,
député UMP de la Manche et auteur d'un rapport d'information
remarqué sur l'élargissement de l'Europe, auquel il pardonnera
certainement les très nombreux emprunts.
1 - Un élargissement historique
La
réunification de l'Europe confère à ce
5
ème
élargissement une dimension historique qui
renvoie au second plan la question des disparités économiques
difficiles à surmonter et n'occulte pas totalement les réticences
nées de part et d'autre.
Fondée entre les six pays signataires du traité de Rome en 1957
-Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas- la
Communauté européenne, devenue Union européenne par le
traité de Maastricht, s'était déjà élargie
à quatre occasions en intégrant le Danemark, la Grande-Bretagne
et l'Irlande, en 1973, la Grèce, en 1981, l'Espagne et le Portugal, en
1986, et enfin l'Autriche, la Finlande et la Suède en 1995.
La Norvège, quant à elle, a refusé deux fois par
référendum d'entrer dans l'Union européenne, en1972 et en
1994.
Mais chacune de ces ouvertures s'était faite en direction de pays
d'Europe de l'Ouest, déjà membres des mêmes alliances
(alliance atlantique et UEO pour la plupart) disposant de structures
politiques, économiques et sociales très semblables et de niveaux
de vie assez proches, qui avaient tout pour se rassembler. Malgré une
certaine âpreté dans la discussion, ces élargissements
n'ont généré aucune difficulté majeure et ont
abouti à la création d'une Union qui a pu fonctionner à
peu près correctement sans modification de ses statuts ni de ses
règles, malgré des approches politiques souvent très
divergentes.
Toute autre est la problématique de ce 5
ème
élargissement qui doit tout à l'histoire, ancienne et
récente. L'Europe se souvient qu'avant le rideau de fer elle constituait
une communauté partageant le même socle de valeurs culturelles,
politiques, philosophiques et religieuses. Dès l'origine, les
rédacteurs du traité de Rome avaient eu la sagesse de
prévoir à l'article 237 - devenu l'article 0 du
traité de Maastricht - que « tout État
européen peut demander à devenir membre de [l'Union] ».
Dans l'enthousiasme post-soviétique qui prévalait à
l'époque,-un an à peine après la chute du mur de Berlin et
avant même l'éclatement de l'URSS et du pacte de Varsovie- l'Union
européenne (UE) a ouvert très rapidement la voie à
l'adhésion des Pays d'Europe centrale et orientales (PECO) en se
déclarant prête à signer des accords d'association, au
conseil européen de Dublin (avril 1990) et, surtout, en adoptant au
Conseil de Copenhague (1993) les trois critères destinés à
fixer le cadre d'un futur élargissement. L'état de
délabrement économique et social dans lequel se trouvaient alors
la plupart de ces pays aura nécessité dix ans de
négociation et de préparation pour les amener à un niveau
suffisant et limiter ainsi la déflagration d'une entrée
précipitée et mal préparée.
En accueillant dix nouveaux Etats l'UE va accroître sa population de 20
%, passant de 375 à 450 millions d'habitants, mais son PIB va
s'accroître de seulement 4,6 %, soit 400 milliards d'euros.
En termes de population, cet élargissement (75 millions d'habitants) est
moins important que celui de 1973 lorsque l'entrée de l'Angleterre du
Danemark et de l'Irlande représentait un accroissement de 34 % de la
population de la CEE.
En parité de pouvoir d'achat, les habitants des dix futurs membres
disposent à peine de 40 % du revenu moyen des Quinze, mais il existe de
fortes disparités entre les Slovènes (70 %) et les
Tchèques (60 %), qui sont les mieux placées, et les Lettons (32
%), les Lituaniens (37 %) et les Polonais (39 %), qui sont les plus
pauvres. Lors de leur adhésion en 1986, l'Espagne et le Portugal avaient
un revenu par tête de l'ordre de 70 % de la moyenne communautaire.
Du fait de cet écart de développement, la comparaison avec
l'ALENA
1
(
*
)
est souvent
avancée ; mais l'ALENA n'est pas un marché intégré,
ni même un marché commun et ne s'appuie pas sur des politiques
communes. Il n'existe pas au sein de l'ALENA l'équivalent d'un budget
européen ni de système de redistribution destiné à
favoriser la convergence des revenus entre ses membres. C'est seulement au
niveau des écarts actuels de rémunération et de
développement technologique susceptible d'induire des effets de
réallocation massive de main-d'oeuvre vers les nouveaux membres que la
comparaison avec la situation du Mexique au sein de l'ALENA pourrait être
pertinente.
Ces écarts laissent envisager un processus de convergence qui devrait
être très long, certains experts évoquant
l'échéance d'une génération. Selon le Commissaire
européen aux affaires économiques, Pedro Solbes, il faudra
«
au moins vingt-cinq ans pour que les dix nouveaux membres de
l'UE atteignent le niveau économique des membres
actuels
».
L'importance d'une agriculture faiblement productive et grosse consommatrice
d'emplois, notamment en Pologne, et le faible développement d'une
industrie moderne et compétitive expliquent notamment l'importance du
fossé qui sépare encore les européens des deux
côtés du défunt rideau de fer.
Cet euro-scepticisme qui tend à se généraliser au fur et
à mesure que l'élargissement s'approche peut être
résumé à quelques grands traits :
- au sein des pays candidats, les opinions rechignent à sacrifier une
souveraineté tout juste reconquise. Le souvenir des diktats de Moscou ne
les incite pas à accepter facilement les
« directives » de Bruxelles. On a vu très
récemment l'exemple de la « lettre des dix »
à propos du conflit irakien qui est révélateur de cet
état d'esprit.
Les citoyens des pays candidats ne sont, par ailleurs, pas prêts à
tous les sacrifices entraînés par les nombreuses réformes
nécessaires à l'adaptation de leur législation aux normes
de l'UE, dont le coût social leur paraît démesuré. La
peur du chômage, de l'augmentation des prix et de la stagnation des
revenus est le sentiment le plus répandu, mais il se double
fréquemment d'un refus de voir les terres et les entreprises
rachetées par les européens de l'Ouest au pouvoir d'achat
nettement supérieur.
- dans les 15 pays de l'UE, c'est plutôt la perte des subventions ou
l'augmentation des contributions au budget communautaire qui motive ce manque
d'enthousiasme. Le sentiment que les délocalisations d'entreprises,
à la recherche d'une main-d'oeuvre meilleur marché chez les
nouveaux membres, vont se multiplier fait craindre une poussée du
chômage et l'arrivée massive de migrants à la recherche
d'emplois mieux rémunérés.
La chute de 10 % à 15 % du revenu moyen par tête, dans l'Union
élargie, va priver mécaniquement de l'apport des fonds
structurels environ la moitié des régions qui en
bénéficient aujourd'hui. Ainsi l'Espagne, le Portugal, la
Grèce et l'Irlande redoutent d'être les principaux perdants.
Se focalisant sur l'annonce d'un intégration économique, alors
qu'elle est déjà largement réalisée dans les faits
2
(
*
)
depuis 1994, les
citoyens européens redoutent les effets d'une concurrence qui existait
déjà et qui aurait plutôt tendance à
s'atténuer sous l'effet de la convergence des économies
consécutive à l'intégration des pays candidats dans un
marché unique agrandi. Mais tous, experts et citoyens, se rejoignent sur
la durée de cette convergence, qu'ils apprécient en
décennies plutôt qu'en années. La situation de l'ex-RDA,
treize ans après sa réunification à la prospère
Allemagne est là pour rappeler la difficulté de cette
convergence, aussi bien dans les esprits que sur le plan économique.
La réussite de cette intégration étalée est
conditionnée par l'application d'un processus de convergence
étroitement encadré par l'accord de Copenhague.
2 - Un processus de convergence encadré par l'accord de Copenhague
La
réussite de cette intégration étalée est
conditionnée par l'application d'un processus de convergence
étroitement encadré par l'accord de Copenhague.
L'intégration des 10 candidats va s'étaler sur deux
décennies depuis le Conseil de Copenhague de 1993 jusqu'à
l'application complète de la PAC
3
(
*
)
en 2013.
Depuis la définition des critères d'adhésion (Copenhague
1993), presque dix ans de transition auront été nécessaire
pour aboutir à la finalisation de l'accord d'adhésion (Copenhague
2002).
Fondée au début des années 90 sur des motivations
politico-morales - l'accueil des nouveaux pays étant alors
considérée comme un « devoir
historique » - la démarche de l'UE a ensuite
évolué, après les guerres des Balkans, vers des
considérations politico-stratégiques tendant à
élargir son aire de stabilité par l'incorporation de ses voisins
immédiats. C'est dans cette optique que le conseil d'Helsinki
(décembre 1999) prit la décision d'ouvrir un perspective
d'adhésion aux pays des Balkans occidentaux qui en avaient
été jusque là tenus à l'écart.
C'est au conseil européen de Copenhague (juin1993) que furent
établis les trois critères d'adhésion à respecter
par les futurs candidats ouvrant ainsi la voie aux négociations en vue
de leur adhésion :
- un
critère politique
= présence d'institutions stables
garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de
l'Homme, le respect des minorités et leur protection ;
- un
critère économique
= existence d'une économie
de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la
pression concurrentielle et aux forces du marché à
l'intérieur de l'UE ;
- et un
critère de la reprise de l'acquis communautaire
=
capacité du pays candidat à en assumer les obligations et
notamment à souscrire aux objectifs de l'union politique
économique et monétaire.
Il faut néanmoins rappeler que le seul respect des critères
d'adhésion ne confère pas automatiquement le droit de devenir
membre de l'UE, décision politique qui relève des États
membres.
Au cours des dix années suivantes, l'UE n'a ménagé ni son
soutien ni son assistance aux candidats à l'adhésion pour
lesquels la reprise de l'acquis communautaire a représenté une
charge plus lourde que lors des précédents élargissements
du fait de l'écart de développement plus important mais aussi du
fait de l'accroissement de la législation communautaire intervenue
depuis.
Les principales étapes de cette marche à l'adhésion ont
été :
- le Conseil européen de Madrid (décembre 1995) qui a
décidé le renforcement des obligations du 3ème
critère de Copenhague pour que chaque pays candidat adapte ses
structures administratives afin que la législation communautaire ne soit
pas seulement transposée au niveau national mais aussi appliquée
efficacement par le biais de structures administratives et judiciaires
appropriées ;
- la publication, en 1997, par la commission européenne, de l'Agenda
2000 prévoyant un cadre financier de soutien au processus de
pré-adhésion des PECO doté d'une enveloppe de
21 milliards d'euros pour la période 2000-2006 et comportant trois
grands chapitres : le programme PHARE, axé sur les priorités
liées à la reprise de l'acquis communautaire, une aide au
développement agricole, et une aide structurelle destinée au
rapprochement avec les normes communautaires en matière
d'infrastructures, notamment dans les domaines du transport et de
l'environnement ;
- l'ouverture, le 30 mars 1998, des négociations d'adhésion
proprement dites avec les six pays du groupe de Luxembourg (Estonie, Hongrie,
Pologne, République tchèque, Slovénie et Chypre)
considérés comme les plus avancés dans le processus
d'adhésion ;
- l'ouverture à Helsinki (décembre 1999) des négociations
en vue de l'adhésion avec un groupe de cinq autres pays (Bulgarie,
Lettonie, Lituanie, Roumanie et Slovaquie) désormais appelé le
groupe d'Helsinki ;
- l'annonce, au conseil de Nice
(décembre 2000), que l'UE serait
en mesure d'accueillir les pays candidats qui seront prêts à
partir de la fin 2002, en leur permettant de participer aux élections
européennes de 2004 ;
- la décision, à Laeken (décembre 2001), d'opter pour le
scénario du grand bond en avant en désignant 10 pays comme
susceptibles d'achever les négociations fin 2002 et d'adhérer
à l'UE en 2004 (tous les candidats plus Malte et moins la Roumanie et la
Bulgarie, considérées comme n'étant pas
prêtes) ;
- le ralliement, à Bruxelles (octobre 2002), du Conseil européen
aux conclusions de la Commission qui considérait que les dix candidats
remplissaient les critères politiques et seraient en mesure de remplir
les critères économiques en 2004, donc d'assumer leurs
obligations vis à vis de l'Union ;
- et enfin, la mise au point, au sommet de Copenhague (décembre 2002),
après d'ultimes marchandages, de l'accord entre les 15 membres de
l'UE et les 10 candidats sur les conditions d'un élargissement à
25 et leur entrée effective le 1er mai 2004.
L'accord de Copenhague se présente comme un accord
équilibré à l'avantage des deux parties qui comporte
d'abord un volet financier peu coûteux pour les 15 complété
par des concessions et des déclarations contrebalancées par la
mise en place d'un suivi des engagements de reprise effective de l'acquis
communautaire et l'introduction de clauses de sauvegarde.
La négociation financière s'est déroulée en trois
étapes :
- la fixation à Berlin (mars 1999) d'un plafond de dépenses pour
l'adhésion à 42,59 milliards d'euros pour le période
2004-2006 ; il ne concernait alors que les six pays du groupe de
Luxembourg ;
- la détermination par la Commission, en janvier 2002, d'un cadre global
pour les dix adhérents de 41,42 milliards d'euros en crédits
d'engagement et 25,53 milliards en crédits de paiement pour la
période 2004-2006 ;
- et enfin la pérennisation de la PAC, au moins jusqu'en 2013, et son
application aux nouveaux pays membres à la suite de l'accord
franco-allemand au conseil de Bruxelles (octobre 2002) : en contrepartie d'une
stabilisation des dépenses agricoles de 2007 à 2013 au niveau de
2006 acceptée par la France, l'Allemagne a accepté que les
nouveaux entrants bénéficient des aides agricoles directes, mais
avec une certaine progressivité (plafonnés à hauteur de 25
% en 2004 les versements augmenteront de 5 % par an jusqu'en 2007 puis de 10 %
les années suivantes pour atteindre 100 % en 2013).
Résultat d'un compromis laborieux entre les exigences des dix et la
volonté des 15 de ne pas dépasser le plafond qu'elle
s'était fixé, l'accord s'est conclu à Copenhague
sur une enveloppe globale - pour financer l'adhésion des dix
nouveaux membres de 2004 à 2006 - de 40,853 milliards d'euros en
crédits d'engagement et de 25,143 milliards d'euros en
crédits de paiement.
L'accord de Copenhague apparaît finalement à l'avantage des deux
parties : les dix nouveaux membres bénéficieront de transferts
nets dès leur adhésion à hauteur de 13,13 Md € pour
les années 2004, 2005 et 2006, et ce malgré le règlement
intégral de leurs contributions au budget annuel de l'Union.
Sans surprise, la Pologne la Hongrie et la République tchèque se
partagent près de 75 % de l'enveloppe
des paiements
décidée à Copenhague, mais les trois Etats baltes ont
beaucoup profité des dernières concessions forfaitaires de
l'Union européenne. Ils sont en effet les seuls, avec la Pologne,
à avoir un solde net supérieur, en valeur absolue, à la
somme de leurs contributions de 2004 à 2006, ainsi qu'un retour de plus
de 300 % sur leurs contributions.
Pour l'Union européenne l'accord de Copenhague représente un
coût net relativement modéré sur la période
2004-2006, qui
peut être évalué à 14,804
milliards d'euros de 2004 à 2006, soit à peine
vingt-cinq
euros par habitant
des quinze et par an pour les trois premières
années, ou 0,04 % de leur PIB. Au-delà, les coûts de
l'élargissement dépendront autant des reformes éventuelles
de la PAC et des règles d'attribution des fonds structurels que de la
capacité des nouveaux membres à mobiliser les financements
européens.
La France est le second contributeur de ce paquet après l'Allemagne,
avec un coût net maximum évalué au total entre 2,2 et 2,675
milliards d'euros pour la période 2004-2006 compte tenu d'un aléa
lié au taux de change, soit moins de 10 % de l'enveloppe totale de
crédits de paiement accordée aux dix nouveaux membres à
Copenhague. Enfin, le coût net pour le Royaume-Uni est très
allégé, puisque les dépenses d'élargissement seront
intégrées dans le calcul de la correction britannique et
donneront lieu à compensation.
Le volet financier est complété par des concessions des quinze
aux dix candidats formalisées dans des déclarations collectives
ou unilatérales auxquelles elle oppose des clauses de sauvegarde, le
tout étant destiné à ménager une transition
supportable pour les uns et acceptable pour les autres.
Neuf protocoles, ainsi que de nombreuses annexes et déclarations
communes ou unilatérales insérés dans le Traité
d'adhésion se proposent de régler des questions
particulières délicates et de prendre en compte des attentes
spécifiques des pays adhérents.
Quarante-quatre déclarations sont annexées au Traité,
notamment : la déclaration « Une seule Europe »
signée par les vingt-cinq membres actuels et futurs, rappelant le
caractère «
continu, inclusif et
irréversible
» du processus d'élargissement,
surtout vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie, ainsi que de la
candidature turque.
Le 10 juin 2002, la Commission a proposé de généraliser la
procédure de suivi des engagements d'application effective de l'acquis
communautaire pris par les pays candidats et d'insérer des clauses de
sauvegarde dans le Traité d'adhésion, inspirées de celle
qui avait été introduite dans le traité d'adhésion
de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède signé en 1994.
Le Traité d'adhésion comporte en outre trois clauses de
sauvegarde qui pourront être invoquées pendant une durée de
trois ans à compter de l'adhésion des dix nouveaux membres, soit
jusqu'au 30 avril 2007 :
- une clause de sauvegarde économique générale
(article 37), qui vise avant tout à rassurer les dix nouveaux membres et
à leur permettre, le cas échéant, d'atténuer dans
certains secteurs économiques ou dans certaines régions
sensibles, les conséquences d'un choc macroéconomique ou
concurrentiel trop rude qui serait lié à l'adhésion. Pour
les actuels membres, cette clause vise surtout à prévenir les
distorsions de concurrence transfrontalière qui seraient trop fortes ;
- une clause spécifique de sauvegarde du marché
intérieur
(article 38), qui ne vise que les nouveaux membres, en cas
de manquements graves aux obligations de reprise et d'application effective de
l'acquis et couvre notamment la sécurité alimentaire ;
-
une clause spécifique de sauvegarde relative à la justice et
aux affaires intérieures
(article 39), afin de pouvoir suspendre
temporairement la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en
matière civile et pénale en cas de manquement grave ou d'un
risque imminent de graves manquements d'un nouvel Etat membre au regard de
normes judiciaires essentielles (libertés publiques, liberté
d'entreprise).
L'accord de Copenhague a ouvert jusqu'à l'adhésion effective une
période de transition en cinq étapes qui ponctuent, de
décembre 2002 à mai 2004 la marche à l'adhésion
effective
,
dont la première, la signature du traité
d'adhésion, est réalisée, et la deuxième, les
référendums de ratification dans les pays adhérents, est
sur le point de se terminer :
* la signature officielle du Traité d'adhésion, s'est
déroulée à Athènes, le 16 avril 2003, sans
surprise. Elle intervenait après le vote à une large
majorité de la Commission des Affaires étrangères du
Parlement européen en faveur de l'adhésion des dix, le 19 mars,
et l'avis conforme du Parlement européen rendu le 9 avril.
Depuis le 16 avril 2003,
et jusqu'à l'adhésion,
le
1
er
mai 2004,
les dix futurs membres disposent
dorénavant d'un statut
« d'observateurs
actifs » au Conseil, où ils pourront prendre la parole, au
Parlement européen, où ils pourront participer aux travaux ainsi
que dans les comités d'experts, et ils seront invités à
participer à la CIG
4
(
*
)
qui devra, notamment, à la suite de la
Convention établir le texte définitif de la future constitution
européenne.
* la période des référendums de ratification dans les pays
futurs membres, qui a débuté à Malte, le 8 mars, et
s'achèvera en Lettonie, le 20 septembre 2003, est maintenant
suffisamment avancée pour que le résultat définitif ne
soit plus une surprise, puisque 70 des 75 millions de citoyens invités
à rejoindre l'UE ont déjà répondu favorablement.
Sauf à Chypre, où l'échec des négociations sur la
réunification de l'île le 10 mars 2003 ne l'a pas permis, tous les
pays candidats ont choisi la voie référendaire pour ratifier le
traité d'adhésion malgré une popularité
plutôt variable. Il faut souligner qu'à l'exception de la Hongrie,
de la Slovénie et de l'Estonie, où il n'ont qu'un
caractère consultatif, les référendums sont
décisifs.
Hormis à Malte, où le faible taux des « oui »
au référendum est le résultat d'une hostilité
marquée de l'opposition travailliste à l'entrée dans
l'Union, le succès des référendum dans les PECO a
été terni par une abstention parfois importante qui s'explique
autant par le sentiment que les jeux étaient faits que par une
opposition de certaines régions ou de certaines catégories
socioprofessionnelles à l'adhésion.
* la publication par la Commission, à l'automne 2003, du dernier rapport
de suivi sur la mise en oeuvre de l'acquis communautaire par les dix futurs
membres. Il s'agit d'une étape importante car la réforme
effective de l'administration et de la justice reste la condition prioritaire
du respect du troisième critère de Copenhague et constitue la
marque la plus claire de la volonté politique des pays candidats de
réussir leur adhésion et leur intégration ;
* la ratification du traité d'adhésion par les Quinze
est
encore à venir, seul le Danemark y ayant à ce jour
procédé. Les pays membres ont choisi la voie parlementaire,
préférant ainsi éviter de rééditer
l'expérience irlandaise qui a du s'y reprendre à deux fois pour
ratifier le traité de Nice. Au Parlement français, cette
ratification devrait probablement avoir lieu au cours de la session d'automne
2003 ;
* l'adhésion effective des nouveaux membres le 1
er
mai 2004,
sera suivie d'une période d'intégration progressive aux
institutions de l'Union qui dépassera alors le strict cadre de
l'élargissement pour concerner le fonctionnement institutionnel d'une
union élargie à vingt-cinq pays.
La date d'adhésion a été fixée au 1
er
mai 2004 pour permettre aux dix pays adhérents de participer à
l'élection
des représentants nationaux au Parlement
européen, qui aura lieu
en juin 2004 et
qui sera suivie de
l'installation de la nouvelle Commission le 1
er
novembre. Plus
que les seuls nouveaux adhérents, cette période concerne
désormais les 25 membres de l'Union élargie.
L'intégration progressive des nouveaux membres vient télescoper
une succession d'échéances décisives pour les vingt-cinq
Le calendrier européen des quatre prochaines années comporte une
succession d'échéances décisives pour la réussite
du processus d'élargissement et pour l'avenir des institutions et des
politiques communes de l'Union européenne :
- l'entrée en application du traité de Nice (2003-2005) ;
- la réforme institutionnelle proposée par la Convention
européenne qui devra être confirmée par la GIG (automne
2003 - ?...2004) ;
- l'arrivée des dix nouveaux membres dans les institutions
(1
er
mai 2004) ;
- le renouvellement du Parlement européen (juin 2004) ;
- le renouvellement de la Commission (31 octobre 2004) ;
- le débat (en 2005-2006) sur la définition des perspectives
financières de l'Union, élargie en principe à vingt-sept,
pour la période 2007-2013.
Ce calendrier peut donner le vertige dans la mesure où chaque
échéance suit sa propre logique mais où chacune interagit
sur l'autre sans qu'on puisse encore préjuger de quelle manière.
La plupart intervenant en 2004, concomitamment avec la fin du processus
d'élargissement, il est important de se pencher sur leurs interactions.
a) Combinaison des dispositions du traité d'adhésion avec celles du traité de Nice
Le
traité de Nice avait procédé à une réforme
institutionnelle de l'Union européenne en préalable à
l'élargissement. Mais deux raisons ont conduit le Conseil
européen de Copenhague à adapter, par le Traité
d'adhésion, plusieurs de ses dispositions dont l'entrée en
vigueur n'était prévue qu'au 1
er
janvier 2005 et qui
devaient concerner vingt-sept membres et non vingt-cinq.
Ces adaptations conduisent à considérer deux périodes
distinctes dans le fonctionnement des institutions : du 1
er
mai au
31 octobre 2004, et du 1
er
novembre 2004 à
l'année 2009 où, l'UE comptant alors 27 membres, d'autres
dispositions seront prises.
Commission
: les dix nouveaux membres disposeront chacun d'un
Commissaire européen «sans portefeuille », du
1
er
mai au 31 octobre 2004.
A partir du 1
er
novembre 2004, la Commission comptera un Commissaire
national par Etat membre, les cinq Etats membres les plus peuplés ayant
renoncé à leur deuxième commissaire. Ses vingt-cinq
membres seront soumis à un vote d'approbation du Parlement
européen qui aura été élu en juin 2004. La nouvelle
Commission prendra ses fonctions pour 5 ans, jusqu'au 31 octobre 2009.
Parlement européen : les dispositions du traité de Nice
s'appliqueront dès les élections de juin 2004 dans les 25
États membres. Le nombre de députés sera plafonné
à 732.
La France dispose actuellement de 87 sièges de députés,
qui passeront à 78 après les élections de juin 2004 et
à 72 après les élections qui suivront l'adhésion de
la Bulgarie et la Roumanie
.
Conseil Européen
5
(
*
)
:
du 1
er
mai au 31 octobre 2004
,
la pondération
des voix par pays et le calcul de la majorité qualifiée
requise pour certains votes vont résulter d'une extrapolation des
dispositions actuelles aux dix nouveaux membres, en attendant l'entrée
en vigueur des nouvelles pondérations fixées à Nice.
Entre le 1
er
mai et le 31 octobre 2004, lorsque le Conseil statuera
à la majorité qualifiée, le seuil sera fixé
à 88 voix pour adopter une proposition de la Commission, et à 88
voix plus une majorité des deux tiers des Etats membres dans le cas des
autres textes.
Dès le 1
er
novembre, qui est aussi la date d'installation de
la nouvelle commission, le nombre des voix pondérées au Conseil
passera à 321. Le seuil de la minorité de blocage
sera
alors de
90 voix,
ce qui permettra à
3
« grands » Etats membres à 29 voix et à un
seul « petit », y compris le plus petit, Malte (3 voix) de
bloquer toute initiative qui serait proposée par une majorité
composée uniquement de « petits pays ».
Une nouvelle majorité qualifiée
nécessitera la
réunion de
232 voix (soit 72,27 %) et comportera deux
conditions complémentaires, cela toujours pour éviter le vote
d'une disposition par les seuls petits pays, sur-représentés au
conseil proportionnellement à leur population.
Ainsi, lorsqu'il est prévu que le Conseil statue à la
majorité qualifiée, trois seuils pourront être
déclenchés :
- une majorité qualifiée « simple », à
232 voix lorsqu'il s'agit d'adopter une proposition émanant de la
Commission ;
- une majorité qualifiée à 232 voix combinée
à une majorité des deux tiers des Etats membres, dans les autres
cas ;
- et, enfin, une majorité qualifiée à 232 voix
combinée à une majorité des deux tiers des Etats membres,
représentant au moins 62 % de la population totale de l'Union
européenne (la clause dite de vérification démographique)
lorsqu'un Etat membre le demandera. Si cette dernière condition n'est
pas remplie, alors que les deux premières le sont, la décision ne
sera pas adoptée.
b) Les incidences du projet de Constitution européenne
Prenant
acte de la nécessité de réformer les institutions de l'UE
et afin d'en éviter le blocage complet à la suite de
l'élargissement qui se préparait, le conseil européen de
Laeken (décembre 2001) a décidé de réunir une
convention européenne réunissant les principales parties
prenantes du débat sur l'avenir de l'Europe et chargée de faire
des propositions sur cette réforme, notamment dans quatre domaines
retenus par la « Déclaration sur l'avenir de
l'Union » annexée au traité de Nice :
- la répartition des compétences entre l'Union et les Etats
membres ;
- la simplification des traités ;
- le statut de la Charte des droits fondamentaux ;
- et le rôle des parlements nationaux dans la future architecture
institutionnelle de l'Union.
Réunie depuis le 28 février 2002, et devant siéger
jusqu'au 10 juillet 2003, la Convention sur l'Avenir de l'Europe, est
composée de quinze représentants des chefs d'états
membres, trente représentants des parlements nationaux, seize
représentants du parlement européen, et deux représentants
de la Commission. Les pays candidats (les dix plus la Bulgarie, la Roumanie et
la Turquie) y participent, mais sans doit de vote, par l'intermédiaire
de treize représentants des chefs d'états et vingt-six
représentants des parlements.
Un organe directeur de douze membres, le Présidium, en dirige les
débats. Il est présidé par Valéry Giscard
d'Estaing, ancien président de la République française.
Au cours des seize mois de son existence, maîtresse de son ordre du jour,
elle a tenu entre une et deux sessions plénière par mois au cours
desquelles elle a été au-delà de son mandat originel
puisqu'elle a réussi à élaborer un projet de Constitution
européenne, dont elle a présenté au Conseil de Salonique
(juin 2003) les deux premières parties. Les titres III et IV doivent
être finalisés d'ici quelques jours.
Mais la Convention restant un organe consultatif, son projet va devoir
être soumis à une conférence intergouvernementale (CIG),
qui sera réunie à l'automne 2003, sous présidence
italienne, et devra trancher parmi les propositions de la Convention afin de
proposer l'adoption d'un nouveau traité.
Sans préjuger de la décision la CIG, on peut néanmoins
rappeler les principales propositions de réforme des institutions faites
par la Convention européenne, qui peuvent paraître bien timides
à certains mais vont néanmoins dans le sens d'une affirmation
politique de l'Europe :
- création d'une Présidence de l'Union, en remplacement de la
présidence tournante tous les six mois en vigueur, qui serait
assumée par un président élu par le Conseil
européen pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois ;
- création d'un poste de Ministre des Affaires étrangères
de l'Union : nommé à la majorité qualifiée par
le Conseil européen, en accord avec le Président de la
Commission, il sera membre d'office de la Commission dont il présidera
le conseil « affaires étrangères » ;
- vote au Conseil européen : la majorité qualifiée,
à partir de 2009, serait celle obtenue par une majorité des Etats
membres représentant 60 % de la population ;
- réduction à quinze, à partir de 2009, des membres de la
Commission européenne qui comprendra alors :
- un président élu par le Parlement sur proposition du Conseil
européen ;
- un ministre des Affaires étrangères, vice-président
d'office ;
- treize autres commissaires désignés par le Président sur
proposition des Etats membres ;
- des commissaires sans droit de vote pour que chaque Etat ait un
représentant à la Commission.
- Parlement européen : limitation du nombre d'élus à 736,
quel que soit le nombre d'Etats membres et un nombre de députés
par Etat fixé de manière « dégressivement
proportionnelle » avec un minimum de 4 députés ;
généralisation de la procédure de
« codécision » avec le Conseil, qui lui permettra de
devenir un véritable législateur.
Enfin, la Convention a proposé d'attribuer une personnalité
juridique à l'Union, d'intégrer la Charte européenne des
droits fondamentaux dans la Constitution, de répartir de façon
plus claire les compétences entre l'Union et les Etats membres.
Qualifié de « bonne base de départ » par les
dirigeants européens, au sommet de Salonique, le projet de la Convention
va néanmoins devoir subir pendant la CIG les assauts de tous les
eurosceptiques et en particulier de ceux, comme l'Espagne et la Pologne, qui
craignent de perdre des avantages conquis à Nice ou qui sont
rétifs à toute idée de constitution en
général, comme la Grande-Bretagne. Il n'est donc pas certain
qu'il en ressorte totalement indemne.
De nombreux pays membres ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils
soumettraient à référendum la ratification de cette
Constitution. En France, la question n'est pas encore tranchée sur ce
point.
3 - Une unification qui impose une réflexion sur la stratégie future
Avec ce 5 ème élargissement, qui constitue une réelle avancée historique dans la construction de l'Europe, l'unification complète de l'Europe est désormais en vue. Les Européens ne doivent cependant plus perdre de vue qu'il leur faut désormais mener une réflexion sur la stratégie à adopter tant vis à vis de leurs nouveaux voisins que sur le rôle qu'ils entendent jouer sur la scène mondiale.
a) Avec les prochains élargissements qui sont déjà engagés ou simplement évoqués, l'unification complète de l'Europe sera bientôt une réalité
L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, qui est
fixée à 2007, ne devrait pas poser de problème majeur sur
le plan des institutions dans la mesure où elle est déjà
entérinée par plusieurs dispositions des traités de Nice
et d'Athènes. A Salonique, le conseil européen a
déclaré soutenir
« les efforts
déployés par la Bulgarie et la Roumanie pour atteindre l'objectif
consistant à conclure les négociations en 2004 »
,
pour une adhésion effective en 2007.
Les cinq pays des Balkans occidentaux -Albanie, Macédoine,
Serbie-Monténégro, Bosnie-Herzégovine et Croatie- ont
déjà commencé à frapper à la porte de
l'Union et les Européens ont réaffirmé à Salonique
que l'ensemble des Balkans a vocation à rejoindre l'Union mais qu'ils
devront faire pour cela de gros efforts pour réformer leurs
économies et lutter contre la corruption et les mafias. Aucun calendrier
n'a été fixé ni aucune réponse claire donnée
à l'intention de la Croatie d'adhérer dès 2007, mais l'UE
a prévu d'apporter à ces pays une aide financière de 4,6
milliards d'euros, pour la période 2000/2006.
La question de la Turquie, éternelle candidate qui a
déposé sa première candidature en 1963, avait
déjà été renvoyée, au conseil de Copenhague,
à la fin de l'année 2004 ; à cette date, la
décision devrait alors être prise d'ouvrir ou non les
négociations d'adhésion en fonction des progrès
réalisés par ce pays pour rapprocher sa législation de
celle de l'UE, notamment sur le chapitre des droits de l'Homme. Mais les
récents propos du Président Giscard d'Estaing sur le
caractère non-européen de la Turquie, l'arrivée au pouvoir
d'un parti islamiste aux dernières élections législatives,
le peu d'empressement mis par la Turquie à modifier de nombreux pans de
sa législation d'exception, la montée des tensions religieuses et
interethniques à travers le monde, rien de tout cela ne plaide pour
l'accélération d'un processus dont la lenteur trahit la
perplexité et explique les atermoiements de l'UE devant cette
candidature.
Le peu d'empressement des parties à conclure est proportionnel à
la gravité de l'enjeu pour les uns et les autres, car il met en
lumière l'absence de réflexion des Européens sur la
question de la cohésion de l'Union et de la délimitation de ses
confins.
Car au-delà des difficultés institutionnelles d'un fonctionnement
à 27, 30 ou plus, l'Europe se trouve à la croisée des
chemins et va devoir faire des choix politiques qui impliquent qu'elle domine
rapidement ses problèmes de fonctionnement interne sous peine de perdre
la maîtrise du choix de son avenir, autant vis-à-vis de son
nouveau voisinage que sur l'échiquier mondial.
b) La suite du débat sur le fonctionnement des institutions va conditionner la capacité de l'Europe à agir sur son environnement
Le
débat engagé dans le cadre de la Convention européenne va
désormais se poursuivre à 25 dans le cadre de la CIG. Si toutes
les propositions de la Convention sont acceptées, l'Europe disposera
alors d'une plus grande visibilité sur la scène internationale
mais elle sera loin d'avoir résolu toutes les questions relatives
à son approfondissement.
Il lui restera encore à démontrer sa capacité à
mettre en place un processus de convergence des volontés nationales vers
des positions communes, quitte à procéder par étapes en
favorisant les dispositifs ouverts de coopération renforcée entre
les États les plus soucieux d'intégration dans les secteurs
clés de la politique étrangère ou de la défense. La
création d'un monnaie commune n'est après tout que la
réussite d'un tel processus et rien n'indique qu'il ne soit pas
reproductible.
En effet, au fur et à mesure que l'UE se rapproche des confins de
l'Europe se pose désormais d'une manière entièrement
nouvelle la question de ses frontières. Déjà implicitement
posée et toujours sans réponse à propos de la candidature
de la Turquie, il y a été répondu il y a quelques
années lors de la candidature officielle du Maroc, rejetée avec
politesse. Mais qui de l'Ukraine, de la Biélorussie, de la Russie, mais
aussi de l'Arménie ou d'Israël, tous tentés à un
moment ou un autre d'intégrer l'UE, a vocation à y entrer ?
Le simple respect des critères généraux, à
caractère juridique, humaniste ou économique, retenus jusqu'alors
ne sera bientôt plus suffisant à fonder l'identité
européenne.
Le moment est venu de réfléchir à un dispositif
répondant à la question posée par le
précédent roi du Maroc : « moins que l'adhésion,
plus que l'association ». Un début de réponse pourrait
être apporté par la proposition de Romani Prodi sur la
création d'un « cercle d'amis » dont les relations
avec l'Union reposeraient sur le principe de « tout partager avec
elle sauf les institutions », offrant ainsi une alternative entre
l'adhésion et le rejet à l'extérieur. Sans répondre
totalement à la question des frontières, cette proposition
constituerait une première réponse aux inquiétudes des
voisins immédiats de l'Europe de la voir se constituer en forteresse.
Elle intéresserait aux premier chef les pays de la CEI ayant des
frontières communes avec l'Europe (Russie, Biélorussie, Ukraine
et Moldavie) mais aussi d'autres pays pour lesquels l'UE constituerait le
principal pôle d'attraction.
Mais au-delà de la constitution d'une zone pluri-concentrique de
convergence économique, on peut invoquer au moins quatre raisons en
faveur de la création d'un acteur global européen d'ambition
mondiale :
- Enrayer le déclin : Dans une étude commandée par la
commission européenne, l'IFRI montre, à partir des projections de
la situation actuelle, qu'une Europe à 30 membres verrait sa
contribution au PIB mondial passer de 22 % en 2000 à 12 % en 2050.
Ce déclin a d'abord une cause démographique, puisque dans le
même temps l'UE à trente verrait sa population passer de 493
à 454 millions d'habitants alors que celle l'ALENA passerait de 413
à 584 millions et celle de la « grande Chine » (avec
Taiwan et Singapour) augmenterait de 1282 à 1473 millions d'habitants.
Ce déclin résulterait aussi de l'écart qui s'est
déjà creusé avec les Etats-Unis dans quatre secteurs
clés de la puissance : l'économie, la recherche, la culture et le
militaire.
Seule une union politique dotée d'une forte ambition et d'une claire
vision de son avenir sera capable d'agir sur les facteurs déterminants
de sa croissance pour retrouver la masse critique nécessaire et la voix
au chapitre dans les affaires du monde
- S'adapter au nouveau modèle de division internationale du travail, qui
implique de plus en plus des choix de société ;
- Faire primer le politique sur l'économie pour mieux répondre au
retour de la violence internationale que le choix de l'interdépendance
économique mondiale n'a pas réussi à enrayer ;
- Cesser de déléguer aux Etats-Unis le soin de parler au nom de
la communauté occidentale et d'en assurer l'essentiel de la
sécurité. Leurs visions divergentes de l'évolution de la
mondialisation et de la gestion des crises rend indispensable
l'émergence d'un pilier européen solide qui fasse à
nouveau de l'alliance atlantique le véritable partenariat qu'il n'est
plus.
En guise de conclusion,
M. Georges Colombier
a souligné que cette
stratégie à long terme ne pourrait avoir de réalité
qu'autant qu'un consensus entre les Européens puisse se dégager
sur un projet ambitieux de politique étrangère et de
défense commune. Leur grand erreur serait de ne pas croire en
eux-mêmes et en leur capacité d'influence collective sur le reste
du monde.
Il apparaît ainsi que l'élargissement en cours, pour spectaculaire
qu'il soit à bien des égards, ne constitue qu'une étape
parmi d'autres dans la construction d'une Europe, unie jusqu'à
maintenant, plus soucieuse de s'agrandir que de réfléchir
à la véritable nature du lien commun qui unit ses membres et par
voie de conséquence au futur auquel elle se destine.
Le processus de réflexion engagé parallèlement dans le
cadre de la Convention sur l'Avenir de l'Europe, et les résultats
auxquels il a déjà abouti, peuvent apparaître comme un
augure favorable sur la capacité des Européens à s'unir
lorsqu'il le faut.
*
* *
L'honorable Lise Bacon
a remercié l'orateur et
rappelé l'importance des relations entre le Canada et l'UE,
fondées sur des liens historiques, culturels, linguistiques mais aussi
des valeurs communes. Le Canada, qui est partisan depuis toujours de
l'intégration européenne, entretient des relations de partenariat
suivies avec l'Union européenne, notamment par le biais des sommets
Union européenne-Canada, qui se réunissent
régulièrement. A l'occasion du dernier sommet, à
Athènes, le premier ministre du Canada, le très honorable Jean
Chrétien, a souligné l'importance de cette collaboration pour
relever les défis qui se posent tant au niveau national qu'international.
Elle a passé ensuite la parole à
M. Georges Farrah
,
député,
rapporteur pour le groupe
canadien
.
B. INTERVENTION DE M. GEORGES FARRAH, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN
M.
Georges Farrah a remercié ses collègues français pour leur
accueil si chaleureux et leur a proposé d'échanger avec eux sur
les relations entre le Canada et l'Union européenne.
L'Union européenne (UE) est extrêmement importante pour le Canada.
Leur collaboration couvre plusieurs domaines : politique
étrangère et politique de sécurité, justice et
affaires intérieures, liens sur le plan universitaire, sans oublier les
relations parlementaires. Le Canada et l'UE sont aussi des partenaires
commerciaux importants. En 2002, le total de leurs échanges commerciaux
a atteint quelque 56 milliards de dollars canadiens, soit
35 milliards d'euros, et cette activité commerciale est en
croissance.
Toutefois, à une époque de grands changements et, comme l'UE
évolue, les relations entre le Canada et l'UE doivent en faire autant.
À pareille date l'an prochain, dix nouveaux pays se seront joints
à l'UE. Le Canada se réjouit de cette expansion, mais sait
pertinemment qu'elle supposera une adaptation. Ainsi, les Canadiens -en
particulier les parlementaires- doivent être au fait des
réalités changeantes de l'Europe.
Les relations entre le Canada et l'Europe - notamment la France - reposent sur
un certain nombre de fondements solides : une histoire culturelle commune, des
langues communes, des liens personnels et familiaux étroits, une
coopération bien établie au fil des ans et une perspective
commune dans plusieurs domaines stratégiques.
a) Héritage européen du Canada
Même si le Canada est un pays multiculturel, un pays où
habitent des représentants de plus de 200 groupes ethniques de tous
les coins du monde, son héritage européen demeure très
marqué. Selon le dernier recensement, près de 80 % des
30 millions d'habitants comptent des Européens parmi leurs
ancêtres. Les premiers colons venaient de France et des îles
Britanniques. Ils ont fondé des colonies qui conservaient des liens
étroits avec l'Europe. Ils ont été suivis par des
ressortissants d'autres régions d'Europe, notamment d'Allemagne,
d'Italie et d'Ukraine. Jusqu'à la fin du siècle dernier, la
plupart des immigrants au Canada étaient des Européens. En effet,
avant 1961, 90 % des immigrants au Canada étaient nés en
Europe. Cette proportion a ensuite commencé à fléchir, de
telle sorte qu'entre 1991 et 2001, 20 % seulement des immigrants
étaient européens.
Néanmoins, dans le recensement de 2001, la plupart des répondants
d'origine « ethnique » se sont déclarés d'origine
européenne. Outre l'origine « canadienne », dont se
réclamaient 11,7 millions de personnes - la plupart étant
probablement de descendance anglaise ou française -, les origines
ethniques les plus souvent déclarées étaient les origines
anglaise (6 millions), française (4,7 millions),
écossaise (4,2 millions) et irlandaise (3,8 millions).
L'héritage européen du Canada se remarque au fait que l'Europe
est une importante destination touristique des Canadiens : près de 2
millions de Canadiens ont visité l'Europe en 2000. Les Canadiens qui
voyagent en Europe constatent rapidement à quel point leur
héritage culturel est européen. La cuisine, l'architecture, la
musique, la littérature et la peinture canadiennes sont essentiellement
d'inspiration européenne. Les traditions parlementaires viennent de
Grande-Bretagne, alors que la
Charte canadienne des droits et
libertés
s'inspire de la
Déclaration universelle des
droits de l'homme
française. Le système juridique canadien
s'inspire également des traditions britannique et française. Le
régime de « common law » est en usage dans neuf
provinces, alors que le Québec est sous le régime du droit civil.
b) Relations entre le Canada et l'Europe
Les
premières relations qu'a entretenues le Canada avec l'Europe
étaient donc celles d'une colonie. Les premiers colons sont venus au
Canada en quête de poisson et de fourrures, qu'ils exportaient vers
l'Europe. Peu à peu, les villages ont grossi et les colonies se sont
développées. De fait, les marchands de fourrure français
ont exploré la plus grande partie du continent nord-américain. Au
fil des ans, le commerce d'autres matières premières s'est
développé, notamment celui du bois et du blé. Au
siècle dernier, certains produits comme les minéraux et les
pâtes et papiers ont pris de l'importance. Aujourd'hui toutefois, le
Canada n'est plus simplement un exportateur de matières
premières. En 2002, la valeur de ses exportations de machinerie et
d'équipement et de produits industriels vers l'UE a
dépassé de loin la valeur de ses exportations de produits
forestiers, agricoles et halieutiques.
La relation entre le Canada et l'Europe s'est resserrée au cours des
deux guerres mondiales
et, après la Deuxième Guerre
mondiale, le Canada a participé activement à la création
d'institutions qui définissent aujourd'hui la communauté
internationale. Il a été membre fondateur des Nations Unies en
1945. À partir du début de la guerre froide, il est aussi devenu
un membre actif de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN)
et, à compter des années 1950, il a envoyé des troupes en
Europe. Le Canada a retiré la plupart de ses troupes d'Europe au
début des années 1990, mais sa coopération avec
l'Europe se poursuit par l'entremise de l'OTAN. De plus, les forces de l'air de
plusieurs pays européens s'entraînent au Canada.
Le Canada accorde beaucoup d'importance aux organisations
multilatérales. En 1973, le Canada a adhéré à
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (OSCE). Il prend aussi part aux activités d'un certain nombre
d'autres organisations, dont plusieurs ont une dimension européenne : la
francophonie, le Commonwealth, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et
l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). Le Canada est aussi membre du G8 avec la France,
l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Russie.
Un des résultats les plus tangibles de la politique
étrangère du Canada est le rôle qu'il joue dans le maintien
de la paix. Même si la plupart de ses opérations de maintien de la
paix se sont déroulées au Moyen-Orient et en Afrique, il a
maintenu des troupes à Chypre pendant près de 40 ans et est
intervenu de façon importante dans les Balkans. Au cours de leur
diverses missions, ses gardiens de la paix et ceux de pays européens ont
souvent travaillé de concert.
Le Canada et l'UE ont plusieurs objectifs communs en matière de
politique étrangère. Leur coopération a porté
essentiellement sur des questions de sécurité humaine. Dans le
domaine du déminage, l'UE et le Canada ont préparé
l'adoption de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la
production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction - la
Convention d'Ottawa. Dans le domaine des armes légères, l'UE et
le Canada partagent la même vision pour ce qui est de la façon de
lutter contre leur prolifération et leur accumulation, qui joue une
rôle dans la déstabilisation de certains pays.
c) Relations Canada-UE
La
coopération officielle entre le Canada et l'UE a débuté en
1976 avec la conclusion de l'Accord cadre de coopération commerciale et
économique, qui visait à faciliter le commerce transatlantique
entre le Canada et la Communauté économique européenne
d'alors.
Depuis, les liens déjà étroits entre le Canada et l'UE ont
été grandement renforcés. La Déclaration
transatlantique de 1990 ainsi que la Déclaration politique conjointe et
le Plan d'action Canada-UE de 1996 ont renforcé cette relation et ont
mené à une coopération étroite entre le Canada et
l'UE à tous les niveaux. En particulier, la Déclaration politique
et le Plan d'action ont permis d'étendre la coopération à
des questions de politique étrangère et de politique de
sécurité, au développement et à l'aide humanitaire,
à l'environnement et à des questions de criminalité et de
migration transnationales.
Des rencontres régulières entre le Canada et les États
membres de l'UE et des représentants de l'UE constituent un
élément important de la relation. Depuis 1990, il y a eu des
sommets semestriels, auxquels ont participé le premier ministre du
Canada et les présidents de la Commission européenne et du
Conseil d'Europe. De plus, des hauts fonctionnaires du gouvernement
fédéral canadien et de la Commission européenne, ainsi que
des représentants des provinces canadiennes et des États membres
de l'UE, se réunissent au sein du Comité mixte de
coopération qui se penche une fois l'an sur les relations
économiques et commerciales.
Ces réunions permettent aux parties de se consulter
régulièrement sur des questions de politique
étrangère et de politique de sécurité et sur des
questions de sécurité régionale. Le Canada et l'UE ont
fait des déclarations communes sur plusieurs questions, dont la
non-prolifération des armes, le contrôle des armements et le
désarmement, la coopération au sein de forums des Nations Unies,
l'OMC et le changement climatique.
La Commission européenne a adopté en mai 2003 une communication,
adressée au Conseil des ministres et au Parlement Européen et
présentée au Premier ministre canadien, le très honorable
Jean Chrétien, au sommet UE-Canada à Athènes. Elle vise
à renforcer la coopération avec le Canada notamment dans le cadre
de la politique étrangère et de sécurité commune de
l'UE, de la collaboration en matière de justice, d'environnement et
d'éducation.
Elle présente également les premières réflexions de
la Commission sur le contenu et le champ d'application possible d'un accord
bilatéral en matière de commerce et d'investissement. Les
dirigeants canadiens et européens réunis à Athènes
se sont entendus pour renforcer leur relation bilatérale à tous
les niveaux et ont reconnu l'importance accrue de leur partenariat dans le
contexte mondial actuel.
D'autres forums facilitent les échanges Canada-Europe. La Table ronde
Canada-Europe (TRCE), entre autres, est un forum permanent qui permet aux
grands chefs d'entreprise de dialoguer entre eux et avec les gouvernements au
sujet des grandes questions de commerce et d'investissement. La première
table ronde a eu lieu en 1999 à l'instigation de plusieurs
sociétés européennes et canadiennes. La TRCE fonctionne
parallèlement au mécanisme établi pour
l'élaboration de politiques.
La Déclaration conjointe sur la justice et les affaires
intérieures est un bon exemple de coopération Canada-UE. Le
Canada est le seul pays autre que les États-Unis à participer
à des rencontres transatlantiques régulières sur
l'immigration, l'asile, le crime organisé et la coopération
judiciaire.
Enfin, l'éducation est un autre domaine dans lequel le Canada et l'UE
collaborent étroitement. En janvier 2000, la Commission
européenne a inauguré quatre centres de l'UE dans des
universités canadiennes. Ces centres s'ajoutaient à une chaire
qui existait déjà à l'Université de
Montréal. De plus, grâce à l'Accord sur l'enseignement
supérieur et la formation de 1996, plus de
1 500 étudiants ont eu droit à un stage d'études
outre-Atlantique, soit en Europe, soit au Canada.
d) Relations Canada-UE : un monde en évolution
Il est
important que les relations entre le Canada et l'UE reposent sur une base
solide, parce que les deux parties ont dû s'adapter à de nombreux
changements, en particulier depuis la fin de la guerre froide. Un volet de
cette évolution s'est déroulé à l'échelle
régionale. Du coté canadien, un accord de libre-échange a
été conclu avec les États-Unis d'Amérique en 1989
et, en 1994 ; cet accord a été élargi au Mexique dans
le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. Depuis, le
Canada dépend plus étroitement du marché américain.
L'importance relative des échanges commerciaux avec l'UE - y compris le
Royaume-Uni, deuxième partenaire commercial à une époque -
a diminué depuis le milieu des années 1960.
Le Canada a aussi conclu des accords de libre-échange avec le Chili et
le Costa Rica, et les négociations sont en cours pour créer
une zone de libre-échange des Amériques. L'objectif est de
créer d'ici à 2005 une zone de libre-échange qui
regrouperait les 34 États démocratiques de
l'hémisphère occidental.
Entre-temps, l'UE a aussi connu sa part de changements. Avec la signature du
Traité d'accession le 10 avril dernier à Athènes,
10 nouveaux pays, dont plusieurs d'Europe centrale et d'Europe de l'Est,
s'apprêtent à adhérer à l'Union en mai 2004. Il
en résultera un marché commun comptant plus de 480 millions de
consommateurs s'appuyant sur un PIB d'environ 12,8 milliards de dollars ou
8 milliards d'euros. Ce marché se comparera par sa taille à
celui des pays de l'ALENA, qui compte 412 millions de consommateurs et
dont le PIB est d'environ 14,7 milliards de dollars ou 9,2 milliards
d'euros.
Le Canada a fourni une aide technique et économique appréciable
à nombre de pays qui s'apprêtent à rejoindre les rangs de
l'UE, qu'il s'agisse d'encourager la saine gouvernance et la transparence, de
construire une société civile ou de créer des
institutions. Ces efforts ont porté fruit puisque ces pays ont satisfait
aux conditions d'adhésion imposées par l'UE.
À cause des changements qu'ont connus l'Europe et les Amériques,
il est important de faire le point sur la relation qui existe entre le Canada
et l'UE. Il est essentiel pour les parlementaires de comprendre la situation
telle qu'elle se présente.
e) Relations commerciales Canada-UE
M. Georges Farrah
a souligné que la relation
commerciale entre le Canada et l'UE est importante et constitue une base solide
pour une croissance future. L'UE est le deuxième partenaire du Canada en
matière de commerce et d'investissement, et le Canada veut
élargir cette relation, d'autant plus que l'UE entend grossir ses rangs
en accueillant de nouveaux membres.
En 2002, les exportations totales de marchandises du Canada à
destination de l'UE ont atteint 17 milliards de dollars - soit 4,3 %
de ses exportations totales. Depuis 1991, les exportations du Canada vers l'UE
ont augmenté de 4,5 % par an, contre 2,9 % pour celles
à destination du reste du monde, hormis les États-Unis.
Entre-temps, les importations canadiennes en provenance de l'UE ont
augmenté au rythme de 10 % environ par an. En 2002, les
importations en provenance de l'UE ont atteint 39 milliards de dollars. Le
Canada enregistre, au chapitre ses échanges commerciaux de produits avec
l'UE, un déficit croissant, qui s'établissait à environ
22 milliards de dollars en 2002.
Au commerce de marchandises s'ajoutent des échanges bilatéraux de
services qui ont atteint 20,5 milliards de dollars en 2002. Les
investissements ont également contribué à renforcer nos
liens économiques. Le chiffre des investissements étrangers
directs (IED) du Canada dans l'UE a augmenté sensiblement depuis une
décennie et, depuis 1996, il ne s'éloigne pas beaucoup du chiffre
des IED de l'UE au Canada. En 2002, le chiffre des IED du Canada dans l'UE
s'élevait à 99,9 milliards de dollars, soit un peu moins du
quart de tous les IED du Canada, alors que le chiffre des IED de l'UE au Canada
s'élevait à 94 milliards de dollars, soit un peu plus du
quart de tous les IED au Canada.
Les relations Canada-UE en matière de commerce et d'investissement sont
régies par des accords de l'OMC et par l'Accord cadre de
coopération commerciale et économique, signé en 1976.
Plusieurs autres accords bilatéraux portent sur la coopération en
matière de douanes, de sciences et de technologie, de normes de
piégeage, de commerce de boissons alcoolisées, d'inspections
vétérinaires et de reconnaissance mutuelle des règles
d'homologation et de vérification des produits à des fins de
normalisation. Ces accords, de même que la Déclaration
transatlantique de 1990 et la Déclaration politique conjointe et le Plan
d'action Canada-UE de 1996, constituent la base qui permettra d'approfondir la
relation entre le Canada et l'UE.
Lors du sommet Canada-UE de décembre 1998, il a été
convenu de développer le volet commercial du Plan d'action Canada-UE en
lançant
l'Initiative commerciale Canada-Union européenne
(ICCU), qui établissait un sous-ensemble d'objectifs réalisables
dans un temps raisonnable concernant l'accès aux marchés et la
coopération économique. Ces objectifs comprenaient la
coopération en matière de réglementation, les services,
les achats par les gouvernements, la propriété intellectuelle, la
concurrence, la coopération culturelle, la mise en rapport des
entreprises et le commerce électronique.
La négociation commerciale multilatérale à venir devrait
porter sur les obstacles existants au commerce et à l'investissement
entre le Canada et l'UE, mais d'autres mesures sont envisagées pour
libéraliser davantage le commerce et l'investissement bilatéraux.
Selon deux sondages récents, les marchés canadien et
européen intéressent le milieu des affaires et les
problèmes de réglementation sont un des principaux obstacles au
commerce, un autre étant les tarifs.
Plusieurs accords sectoriels bilatéraux ont
été conclus dans le cadre du Plan d'action Canada-UE et de
l'ICCU, notamment des accords concernant la coopération
douanière, la conformité des produits, les normes
vétérinaires et les bureaux de la concurrence.
Plusieurs faits nouveaux d'ordre commercial et économique se sont
produits au sein de l'UE et ils ont une incidence sur le Canada. On songe ici
à l'union économique et monétaire, au perfectionnement des
règles d'harmonisation concernant le marché unique, à
l'élargissement de l'UE à 25 membres en 2004, aux nouveaux
accords bilatéraux de libre-échange, et aux interdictions et aux
restrictions de l'UE visant les importations pour protéger la
santé, l'environnement et les consommateurs.
L'OMC a aussi évolué. En novembre 2001, un nouveau cycle de
négociations commerciales multilatérales a débuté
à Doha, au Qatar. Des objectifs ont été fixés dans
les domaines de l'agriculture, des services et des produits non agricoles, afin
de régler les problèmes d'accès aux marchés, de
soutien interne et de subventions à l'exportation. Un délai a
aussi été fixé au janvier 2005. Si de nouvelles
négociations commerciales multilatérales ont été
entreprises avec succès à Doha, c'est en partie grâce
à la coopération bilatérale étroite entre le Canada
et l'UE.
Par suite de ces événements, le Canada et l'UE tentent maintenant
de mettre à jour leurs accords commerciaux bilatéraux. À
leur sommet de décembre 2002, le Canada et l'UE se sont
engagés à concevoir un nouveau type d'accord bilatéral
général, orienté vers l'avenir, pour améliorer le
commerce et l'investissement. Les dirigeants ont aussi convenu de travailler
à la mise en oeuvre rapide du Programme de Doha pour le
développement de l'OMC, pour le plus grand bien des pays
développés et en développement.
En avril, le gouvernement du Canada a entrepris de consulter les Canadiens, les
provinces et les territoires, les entreprises et les organisations non
gouvernementales au sujet du projet d'accord et des obstacles à
l'accès au marché européen dont il sera question dans le
cadre des négociations courantes de l'OMC. Les ministres canadien et
européens du Commerce présenteront des projets d'accord
bilatéral lors du prochain sommet Canada-UE qui aura lieu à
Ottawa en décembre 2003. Les négociations Canada-UE
concernant le projet d'accord devrait débuter en 2004 et se terminer
lorsque les résultats des négociations sur le Programme de Doha
pour le développement seront connus.
f) Le rôle des parlementaires
M. Georges Farrah
a estimé, enfin, que le rôle
que peuvent jouer les parlementaires canadiens dans l'examen des relations
Canada-UE est important. Ils peuvent agir à maints égards. Ils
peuvent poser des questions durant la période des questions et
participer à des débats. Leur travail en comité est un
autre moyen efficace. Depuis quelques années, des comités du
Sénat et de la Chambre des communes ont examiné les relations que
le Canada entretient avec l'Europe et avec l'OMC. Ces comités ont
grandement contribué au développement des relations entre le
Canada et l'UE et à l'élaboration de politiques relatives aux
négociations commerciales internationales.
En 1998, le Comité sénatorial des affaires
étrangères a publié un rapport intitulé
«
Le point sur l'Europe : Les implications d'une
intégration accrue de l'Europe pour le Canada »
,
constituant la mise à jour d'un rapport publié en 1996. Il a
examiné les conséquences que l'intégration
économique européenne pourrait avoir pour le Canada. Entre autres
recommandations, le Comité a proposé d'accroître les liens
entre le Canada et l'Europe en matière de commerce et d'investissements
internationaux.
En juin 2001, le Sous-comité du commerce international, des
différends commerciaux et des investissements internationaux du
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce
international de la Chambre des communes a publié un rapport
intitulé «
Traverser l'Atlantique : Élargir les
relations économiques entre le Canada et l'Europe »
. Dans
son rapport, il remarque que l'UE est le deuxième partenaire du Canada
en matière de commerce et d'investissement mais que peu de Canadiens
connaissent l'importance de l'UE sur le plan économique. Il note aussi
que les Européens ont tendance à avoir une perception
dépassée de l'économie canadienne, convaincus qu'elle
repose essentiellement sur les ressources naturelles. En fait, les produits
industriels représentent environ 70 % des exportations canadiennes.
Dans le rapport, le Comité propose des moyens de corriger cette image et
recommande, entre autres choses, de promouvoir le commerce canadien, de
resserrer les liens transatlantiques et d'évaluer les éventuels
effets économiques de l'élargissement de l'UE sur le Canada.
Dans un domaine connexe, le Comité permanent des affaires
étrangères et du commerce international a produit en mai 2002 un
rapport sur les négociations de l'OMC. Il a fait plusieurs
recommandations concernant le cycle de négociations de Doha, entre
autres, que le Canada travaille de concert avec les pays qui partagent les
mêmes intérêts afin d'inciter l'OMC à
améliorer son processus décisionnel. Le gouvernement a
accepté la recommandation.
En plus des comités, les associations parlementaires canadiennes jouent
un rôle important dans la relation entre le Parlement canadien et l'UE.
Ces associations sont constituées de sénateurs et de
députés.
L'Association parlementaire Canada-Europe joue un rôle
particulièrement important dans notre relation avec l'UE. Depuis sa
création en 1980, elle rencontre, en général une fois
l'an, la délégation du Parlement européen responsable des
relations avec le Canada. Ensemble, elles poursuivent le dialogue, en
particulier sur les questions de sécurité et de défense,
les affaires étrangères, les droits de la personne,
l'environnement et l'agriculture. L'Association parlementaire Canada-Europe a
également des échanges avec l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe et envoie des délégués participer au
débat annuel sur les activités de l'OCDE. En outre, l'Association
envoie une délégation à la réunion annuelle de
l'Assemblée parlementaire de l'OSCE.
En plus de l'Association parlementaire Canada-Europe et de l'Association
interparlementaire Canada-France, le Parlement canadien compte l'Association
interparlementaire Canada-Royaume-Uni et l'Association parlementaire canadienne
de l'OTAN. À noter également l'existence de deux groupes
d'amitié : le Groupe d'amitié Canada-Allemagne et le Groupe
d'amitié Canada-Italie.
Les choses ont bien changé depuis la création de l'UE il y a
10 ans. L'intégration au sein de l'UE a conduit à un nouveau
type d'organisation supranationale qui ne cesse d'évoluer. Les pays
d'Europe de l'Est et d'Europe centrale ont fait de grands efforts pour
s'ajuster, et nombre d'entre eux s'apprêtent à devenir membres de
l'UE. Entre-temps, l'Accord de libre-échange nord-américain a
modifié la structure des échanges commerciaux du Canada.
Le Canada a longtemps considéré ses relations avec l'Europe comme
un moyen d'équilibrer sa relation avec les États-Unis. De toute
évidence, comme nous sommes voisins des États-Unis, nos relations
seront toujours de la plus grande importance. Mais si la géographie nous
rapproche des États-Unis, il ne faut pas oublier non plus que l'histoire
nous rapproche de l'Europe. L'usage du français au Canada est à
l'origine de notre lien privilégié avec la France, et notre
situation d'ancienne colonie britannique explique notre relation
particulière avec le Royaume-Uni. En outre, l'immigration que le Canada
a connue au fil des siècles lui a permis d'établir des liens
étroits avec chaque pays d'Europe.
Cependant, le Canada doit examiner sa relation avec l'UE à la
lumière de l'évolution des affaires internationales. Aussi forts
que puissent être ses liens commerciaux avec les États-Unis, il
lui faut diversifier et promouvoir ses échanges commerciaux avec
d'autres régions du monde, en particulier avec l'Europe. Les Canadiens
savent qu'ils pourraient faire davantage à cet égard. La
population canadienne et les entreprises canadiennes doivent prendre davantage
conscience de l'importance de nos relations avec l'Europe.
De plus, il est essentiel que les parlementaires connaissent la nature des
changements qui influent sur les relations et qu'ils continuent de suivre les
événements. Par le travail qu'ils font en comité et les
questions qu'ils posent lors de débats, ils peuvent contribuer à
façonner la politique canadienne à l'endroit de l'Europe. En tant
que représentants de la population, ils remplissent également une
fonction importante : éduquer les Canadiens au sujet des grands enjeux.
Les forums tels que les réunions annuelles d'associations parlementaires
constituent le moyen idéal pour les aider à s'acquitter de leurs
fonctions. Ce sont d'excellentes tribunes pour échanger des
idées, dans un cadre officiel ou autrement.
L'avenir semble très prometteur pour les relations transatlantiques. Peu
importent les tensions qui surviendront, ces tensions sont normales puisque le
Canada entretient des liens étroits avec l'Europe. La poursuite des
échanges par l'entremise d'associations parlementaires comme la
nôtre ne pourra que renforcer les relations entre le Canada et l'Union
européenne.
En conclusion,
M. Georges Farrah
a cité le ministre canadien
des Affaires étrangères, M. Bill Graham, pour qui
« somme toute, les relations entre le Canada et l'UE sont solides
; nous devrons veiller à ce qu'elles restent dynamiques et continuent
d'évoluer tout comme l'UE elle-même évolue et
s'élargit, et faire en sorte qu'elles restent adaptées aux
réalités de nos populations respectives et que nos projets de
coopération soient constructifs et concrets »
.
La
sénateur
Bacon
a remercié
M. Farrah
pour son intervention et a ouvert
le débat.
C. DÉBAT
L'honorable Gérald Beaudoin
a souligné
l'apport, pour le Canada, de l'Europe dans le domaine juridique et notamment
constitutionnel ; c'est ainsi que la Charte européenne des Droits
de l'Homme est devenue une référence non seulement pour la Cour
constitutionnelle fédérale, qui a été amenée
à infléchir sa politique, mais aussi pour les cours
constitutionnelles provinciales, qui fondent souvent leurs arrêts sur les
dispositions de la Charte.
Madame Dalphond-Guiral
a remercié
M. Colombier
de son
exposé sur l'Europe en devenir et soulevé plusieurs questions :
-
- Sur la manière dont est évaluée l'ampleur du choc
économique lié à l'adhésion et sur le
mécanisme de déclenchement de la clause de sauvegarde
économique pour protéger les petits pays ;
- Sur le droit de chaque pays à déterminer sa propre réglementation en matière d'extradition alors que la libre circulation des biens et des personnes a fait évoluer la notion de frontière en Europe ;
- Le poids démographique étant pris en compte dans le calcul des différentes majorités, comment le recensement est-il réalisé ? Au niveau de l'Europe ? au niveau national ? Dans ce cas les critères peuvent différer d'un pays à l'autre ;
- Sur la position de l'Allemagne dans le débat controversé sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe.
Ce dernier a indiqué qu'il représentait la France à Bruxelles, au sein de la convention chargée de rédiger la Charte des Droits fondamentaux. La mise en place d'une convention qui réunissait à la fois les représentants des instances européennes et des parlementaires nationaux a été une telle réussite que le même dispositif a été repris pour la rédaction de la future Constitution européenne ; une seconde convention a donc été constituée sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing.
Le succès de cette initiative est dû au fait que, pour la première fois, les peuples ont été associés, par l'intermédiaire de leurs représentants - députés et sénateurs -, à la construction de l'Europe, ce qui n'avait pas été le cas, par exemple, lors de l'élaboration du Traité de Maastricht.
La Grande-Bretagne a joué un rôle essentiel lors de l'élaboration de la Charte des Droits fondamentaux ; elle était au départ très réticente sur le volet social, dont les dispositions lui paraissait très contraignantes, et a accepté le texte à la condition qu'il ne figure pas dans le préambule de la Constitution. Finalement, dans le cadre de la Convention sur l'Avenir de l'Europe, elle a consenti à ce que la Charte soit intégrée dans le projet, ce qui est le point le plus positif.
Le projet de Constitution est critiquable notamment parce qu'il n'est pas certain qu'il assure le fonctionnement d'une Europe de trente membres ; la Charte, néanmoins, est un texte fondamental, qui définit ce qu'est l'Europe : un ensemble de valeurs partagées, différentes de celles qui ont cours en Asie ou en Amérique du Nord.
Répondant à la deuxième question, il a indiqué qu'il n'existe pas de législation commune sur l'extradition en Europe, mais qu'un effort d'harmonisation est mené et que, jusqu'à présent, il n'y a pas eu d'incident.
Il n'y a pas non plus de recensement général ; des organismes communs effectuent des rapprochements, mais il serait effectivement très utile de créer une sorte d'INSEE européen.
L'Allemagne est partagée sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe, comme le sont de nombreux Etats membres, et comme l'est l'opinion publique française. Les Allemands se demandent si l'intégration de la Turquie est compatible avec la conception fédéraliste de l'Europe qui est la leur. C'est pourquoi la question n'est pas tranchée.
La réunification de l'Europe est un acte historique. De fait, les référendums organisés en vue de l'adhésion ont donné des majorités considérables : 70 % de votes favorables en République tchèque ; 77 % en Pologne, et ont suscité des manifestations de joie au sein des populations.
L'Europe est perçue comme une assurance pour la paix et la démocratie ; l'Espagne et le Portugal, qui ont adhéré après les six membres fondateurs, sortaient d'une période de dictature. Préserver la paix et instaurer la démocratie après des années de régime communiste est l'ambition des pays candidats et des nouveaux adhérents.
M. Colombier a confirmé que le pessimisme qui transparaît dans son rapport reflète celui de ses concitoyens, qu'il constate tous les jours en tant qu'élu. Les hommes politiques doivent travailler à convaincre les Français de l'intérêt que représente l'Europe et son élargissement, les réformes - comme par exemple celles de la politique agricole commune - suscitant une grande inquiétude. L'enthousiasme est manifestement plus grand dans les pays candidats ou nouveaux adhérents qu'au sein des quinze pays membres.
M. Laffineur a ajouté que l'Europe a apporté non seulement la paix, mais aussi la croissance.
Mme Frulla a rappelé que plusieurs articles parus dans le journal « le Monde » faisaient état de l'appréhension des Français à l'égard de l'élargissement, sur différents points : défense du français ; respect des équilibres entre grands et petits pays ; politique étrangère, de sécurité et de défense - et à cet égard, l'absence d'une position commune lors de la guerre en Irak pourrait conduire à de grandes dissensions -; économie : disparité dans les rythmes de croissance.
Pour M. Laffineur il n'est pas certain, en effet, qu'un référendum organisé en France à l'heure actuelle donnerait un résultat positif. Il a estimé que la question du français n'est pas prédominante ; en revanche, celle de la défense est un souci majeur ; il faut tenir compte de l'histoire des pays candidats, qui souhaitent une protection que l'Europe, à la différence des Etats-Unis, ne peut encore leur apporter. La Convention a précisément pour mission d'essayer de résoudre les problèmes et une solution pourrait être trouvée dans la mise en place d'une coopération renforcée entre Etats.
M. Colombier a approuvé les propos de M.Laffineur et espère que la divergence des positions sur l'engagement en Irak ne laissera pas de traces. Il a déploré l'attitude de la Pologne qui s'est dotée d'avions de combat américains F16 plutôt que d'appareils produits par l'industrie européenne, alors qu'elle venait juste d'obtenir de l'Europe des gages financiers considérables.
M. Loncle a estimé que l'on n'a pas pris la mesure des attentes et des préoccupations des pays candidats, et que l'on méconnaît leur état d'esprit. C'est ainsi que les pays baltes ont suggéré de rebaptiser l'Union européenne, le terme « union » évoquant l'Union soviétique.
Il est donc certain que ces pays se tourneront vers les Etats-Unis si l'Europe ne parvient pas à construire une politique de défense et de sécurité commune.
Il faut effacer les dissensions sur l'Irak et, à cet égard, un ministre des Affaires étrangères de l'Europe peut jouer un rôle plus efficace que le haut représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité commune, M. Solana.
M. Godin s'est interrogé sur la question de la souveraineté et du libre-échange. La création d'une Union en Europe ne comporte-t-elle pas le risque de favoriser la domination de l'Etat le plus puissant, comme c'est le cas des Etats-Unis au sein de l'Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA), par exemple en matière de protection des droits des travailleurs ?
M. Laffineur a indiqué que la situation en Europe est différente dans la mesure où aucun pays n'occupe une position aussi dominante que celle des Etats-Unis au sein de l'ALENA et que, de ce fait, les règles sont fixées de manière plus consensuelle.
M. Colombier a observé que l'existence de l'OMC joue un rôle positif pour éviter que les « gros mangent les petits ». Une Europe élargie pèsera plus lourd face aux Etats-Unis, ce qui favorisera la prise en compte de la dimension humaine dans les relations commerciales.
Selon M. Loncle, l'Europe s'était insuffisamment préparée à la rencontre de Seattle et elle a subi un échec ; à Doha, en revanche, s'étant mieux organisée, elle a eu une influence plus grande, grâce à l'appui de ses alliés, et du Canada en particulier. Ainsi, l'Europe devra s'affirmer en augmentant son poids économique et en cultivant ses alliances, dans le domaine culturel notamment, où elle partage les préoccupations du Canada face aux Etats-Unis.
M. Farrah a indiqué que l'un des objectifs du Canada est de diversifier ses échanges pour réduire sa dépendance à l'égard des Etats-Unis, et de s'appuyer pour ce faire sur des alliés et amis comme la France.
M. Laffineur a conclu que l'intérêt du monde, y compris des Etats-Unis, est que l'Europe soit forte et dispose d'une capacité de défense suffisante, ce qui est l'une de ses priorités.
*
* *
Avant de passer au point
suivant de l'ordre du jour et pour répondre à la demande de
plusieurs délégués canadiens,
M. Laffineur
a exposé
très brièvement les raisons de l'échec du
référendum qui venait de se dérouler en Corse.
Il a rappelé qu'une petite fraction de la population, inférieure
à 10 %, revendique ouvertement l'indépendance et s'exprime depuis
des années par la violence, en faisant régulièrement
exploser des bombes et en recourant aux règlements de comptes et
à d'autres formes d'attentats. Les gouvernements successifs ont
cherché, sans grand résultat, une solution au problème
corse, rendu plus compliqué par l'interpénétration des
milieux nationalistes et des réseaux mafieux. Le projet du gouvernement,
soumis au référendum, visait à proposer une plus grande
autonomie aux Corses dans la gestion des affaires intérieures de
l'île en supprimant les cadres existants - deux départements
et une région pour 270.000 habitants - pour les remplacer par une
collectivité territoriale unique au sein de laquelle toutes les
tendances politiques seraient représentées.
Mais la conjonction de plusieurs phénomènes a entraîne le
rejet du projet de réforme. Aux électeurs de Bastia - qui
perdait sa préfecture dans la réforme et craignait une perte
d'influence - qui ont voté non à 70 %, se sont
ajoutées les voix des Corses troublés par le soutien des
nationalistes à ce projet, celles des nombreux fonctionnaires rendus
mécontents par la réforme des retraites en cours - qui
concerne principalement la fonction publique - ainsi que celles des
nationalistes mécontents de l'arrestation d'Yvan Colonna, le meurtrier
présumé du préfet Erignac.
En conclusion
, M. Laffineur
a fait part de sa crainte que le maintien du
statu quo
signifie le retour des attentats et empêche encore pour
longtemps cette île, au demeurant magnifique, de connaître le
développement qu'elle attend car les investisseurs ne sont pas
prêts à prendre les risques entraînés par cet
état d'insécurité permanent.
*
* *
* 1 ALENA : Accord de libre-échange Nord-américain entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis
* 2 68 % du commerce extérieur des 10 pays candidats se fait déjà avec l'UE
* 3 PAC : Politique agricole communautaire
* 4 CIG : conférence intergouvernementale
* 5 Le Conseil européen est composée des Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres.