- INTRODUCTION
- I. ÉLARGISSEMENT ET INTÉGRATION EUROPÉENNE
- A. INTERVENTION DE M. GEORGES COLOMBIER, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LA SECTION FRANÇAISE
- B. INTERVENTION DE M. GEORGES FARRAH, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN
- C. DÉBAT
- II. BIOÉTHIQUE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION
- A. INTERVENTION DE MME MADELEINE DALPHOND-GUIRAL, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN SUR LES ENJEUX DE LA BIOÉTHIQUE, DE LA SCIENCE ET DE LA RECHERCHE : SURVOL DE LA SITUATION AU CANADA ET AU QUÉBEC
- B. INTERVENTION DE M. MARC LAFFINEUR, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LA SECTION FRANÇAISE, SUR LA SITUATION EN FRANCE : LA BIOÉTHIQUE ENTRE DEUX LOIS
- C. DÉBAT
- III. LA COOPÉRATION SPATIALE FRANCO-CANADIENNE
- A. INTERVENTION DE M. MARCEL-PIERRE CLÉACH, SÉNATEUR DE LA SARTHE, PRÉSIDENT DU GROUPE D'AMITIÉ SÉNATORIAL FRANCE-CANADA, SUR LA CRISE DE L'INDUSTRIE SPATIALE EUROPÉENNE
- B. INTERVENTION DE MME LIZZA FRULLA, DÉPUTÉE, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN SUR LA COOPÉRATION SPATIALE CANADA-FRANCE
- C. INTERVENTION DE M. JEAN-PASCAL LE FRANC, DIRECTEUR ADJOINT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CNES
- D. INTERVENTION DE M. CHRISTIAN CABAL, DÉPUTÉ DE LA LOIRE, PRÉSIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE SUR L'ESPACE, SUR L'EUROPE, PUISSANCE SPATIALE
- E. DÉBAT
- IV. JUSTICE ET SÉCURITÉ PUBLIQUE
- ANNEXES
INTRODUCTION
La
32
ème
session de l'Association interparlementaire
France-Canada s'est déroulée en France du 8 au 14 juillet 2003,
alors que le Parlement français était convoqué en session
extraordinaire, du 1
er
au 24 juillet.
La suspension des activités du Parlement, entre février et
juillet, en raison des échéances électorales et le
délai nécessaire à la reconstitution des organes de
l'Assemblée nationale n'avaient pas permis que cette session se tienne
au cours de l'année 2002, à la suite de la 31ème session,
qui avait eu lieu, en septembre 2001, au Canada.
Ainsi qu'il en a été décidé à Ottawa, lors
d'un comité permanent réuni les 18 et 19 février, l'ordre
du jour de la session a été consacré à l'examen de
quatre thèmes choisis en fonction de leur actualité et de
l'intérêt commun qu'ils présentaient pour les
parlementaires français et canadiens.
En écho au rapport présenté par la section
française sur
l'Elargissement et l'intégration
européenne
, celui du groupe canadien a fait état de la longue
histoire et de l'importance des relations entre le Canada et l'Europe, une des
pierres angulaires de la diplomatie canadienne.
L'examen par les deux Parlements, au cours de la même année 2003,
de textes de loi relatifs à
la Bioéthique et aux nouvelles
technologies de reproduction
, suffisait à démontrer
l'existence de préoccupations très semblables du
législateur, dans les deux pays, face aux avancées, quelquefois
trop rapides, de la science et de la technique médicale dans le domaine
du vivant.
Ayant remarqué l'importance prise par les questions de
Justice
et
de
sécurité publique
au cours des campagnes
électorales pour l'élection présidentielle et les
élections législatives, qui se sont déroulées en
France en 2002 et auxquelles ils étaient venus assister, les membres du
groupe canadien ont souhaité être mieux informés des
modifications législatives récemment intervenues dans ces
domaines et les comparer à leur propre approche. La présentation
de rapports par les deux sections a été complétée
par un entretien
avec M. Pierre Bédier
, secrétaire
d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice et par une rencontre avec des
magistrats de la
Cour d'Appel d'Angers
.
Enfin,
la coopération spatiale franco-canadienne
, qu'elle soit
bilatérale ou multilatérale, dans le cadre de l'Agence spatiale
européenne, a constitué le cadre d'un échange de vues
enrichi par la participation d'intervenants extérieurs à
l'expertise reconnue.
A Paris, les membres de l'association ont été reçus en
audience par
M. Jean-Louis Debré
, Président de
l'Assemblée nationale, et par
M. Christian Poncelet
,
président du Sénat. Ils ont également été
reçus au Ministère de l'Economie et des Finances par
M. Alain Lambert
, ministre délégué au Budget.
A Angers, ils ont visité
l'Ecole Supérieure d'Application du
Génie
(ESAG) qui dispose d'un centre de formation dans des
opérations de déminage post-conflictuel de réputation
mondiale. Les membres de l'association ont exprimé le regret que les
munitions de dispersion ne soient pas interdites par la Convention d'Ottawa
alors que, à l'instar des mines anti-personnel, elles frappent
aveuglement les populations civiles autant que les unités combattantes.
A Saint-Nazaire, la délégation parlementaire a été
accueillie aux Chantiers de l'Atlantique par M. Patrick Boissier,
président d'Alstom-marine. Au cours de la visite du site de construction
navale, elle a pu découvrir le
Queen Mary II
,
le plus
gros paquebot jamais construit, qui prendra la mer avant la fin de
l'année et fera escale à Québec, en octobre 2004.
En outre, au cours de son déplacement en province, la
délégation canadienne a visité l'Abbaye royale de
Fontevraud et découvert, au sud de la Bretagne, deux des plus beaux
sites naturels de la région, le golfe du Morbihan et les marais salants
de Guérande.
A son retour à Paris, l'association était invitée à
la réception donnée à l'hôtel de Brienne par
Mme
Michèle Alliot-Marie
, ministre de la Défense. Les
parlementaires canadiens y ont été présentés au
président de la République,
M. Jacques Chirac
, et au
premier ministre,
M. Jean-Pierre Raffarin
. Ils ont assisté,
le 14 juillet, au défilé militaire sur les Champs Elysées,
avant de regagner leur pays le lendemain.
* * *
Les informations, régulièrement mises à jour, sur le fonctionnement et les activités de l'Association interparlementaire France-Canada / Canada-France peuvent être consultées sur le site de l'Assemblée nationale ( http ://webdim/i nternational/commission-canada.asp ) ainsi que sur celui du Parlement du Canada ( http ://www.parl.gc.ca/information/InterPa rl/Associations/france/Prin-f.htm ).
I. ÉLARGISSEMENT ET INTÉGRATION EUROPÉENNE
M. Marc Laffineur
,
député,
président de la section française
, a souhaité la
bienvenue à tous les participants à la 32
ème
session de l'Association interparlementaire France-Canada et tout
particulièrement à ses collègues canadiens. Il les a
informés que le Parlement était en session extraordinaire,
convoquée par le Président de la République, pour discuter
notamment du projet de loi sur les retraites, et il a présenté
brièvement le programme de la session.
L'honorable Lise Bacon,
sénatrice, présidente du groupe
canadien
, l'a remercié pour son accueil et s'est réjouie de
la réunion de cette nouvelle session de l'association qui lui donnait
l'occasion de débattre avec ses collègues français de
sujets importants, de parcourir à nouveau la France et, tout
particulièrement, de participer à la fête nationale du 14
juillet.
A. INTERVENTION DE M. GEORGES COLOMBIER, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LA SECTION FRANÇAISE
M.
Georges Colombier
s'est réjoui de retrouver certains participants
déjà rencontrés lors de la réunion du comité
permanent, en février, à Ottawa ; il est passé ensuite
à la présentation du rapport de la section française sur
l'élargissement et l'intégration européenne.
La signature à Athènes, le 16 avril dernier, du traité
d'adhésion entre les quinze États membres de l'Union
européenne et les dix candidats qui y seront admis officiellement le
1
er
mai 2004 a marqué l'aboutissement d'un processus
entamé dix ans auparavant par le Conseil européen de Copenhague.
Ce cinquième élargissement revêt évidemment une
dimension historique et politique particulière puisqu'il s'agit avant
tout de réunifier l'Europe ; il comporte des enjeux institutionnels
majeurs que le traité d'adhésion ne prétend pas tous
régler malgré un accord équilibré à
l'avantage des deux parties.
Au sein même de l'Assemblée nationale, cet élargissement
« soulève un enthousiasme qui doit être teinté
de réalisme et laisse même place à une certaine
inquiétude »
déclarait René André,
député UMP de la Manche et auteur d'un rapport d'information
remarqué sur l'élargissement de l'Europe, auquel il pardonnera
certainement les très nombreux emprunts.
1 - Un élargissement historique
La
réunification de l'Europe confère à ce
5
ème
élargissement une dimension historique qui
renvoie au second plan la question des disparités économiques
difficiles à surmonter et n'occulte pas totalement les réticences
nées de part et d'autre.
Fondée entre les six pays signataires du traité de Rome en 1957
-Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas- la
Communauté européenne, devenue Union européenne par le
traité de Maastricht, s'était déjà élargie
à quatre occasions en intégrant le Danemark, la Grande-Bretagne
et l'Irlande, en 1973, la Grèce, en 1981, l'Espagne et le Portugal, en
1986, et enfin l'Autriche, la Finlande et la Suède en 1995.
La Norvège, quant à elle, a refusé deux fois par
référendum d'entrer dans l'Union européenne, en1972 et en
1994.
Mais chacune de ces ouvertures s'était faite en direction de pays
d'Europe de l'Ouest, déjà membres des mêmes alliances
(alliance atlantique et UEO pour la plupart) disposant de structures
politiques, économiques et sociales très semblables et de niveaux
de vie assez proches, qui avaient tout pour se rassembler. Malgré une
certaine âpreté dans la discussion, ces élargissements
n'ont généré aucune difficulté majeure et ont
abouti à la création d'une Union qui a pu fonctionner à
peu près correctement sans modification de ses statuts ni de ses
règles, malgré des approches politiques souvent très
divergentes.
Toute autre est la problématique de ce 5
ème
élargissement qui doit tout à l'histoire, ancienne et
récente. L'Europe se souvient qu'avant le rideau de fer elle constituait
une communauté partageant le même socle de valeurs culturelles,
politiques, philosophiques et religieuses. Dès l'origine, les
rédacteurs du traité de Rome avaient eu la sagesse de
prévoir à l'article 237 - devenu l'article 0 du
traité de Maastricht - que « tout État
européen peut demander à devenir membre de [l'Union] ».
Dans l'enthousiasme post-soviétique qui prévalait à
l'époque,-un an à peine après la chute du mur de Berlin et
avant même l'éclatement de l'URSS et du pacte de Varsovie- l'Union
européenne (UE) a ouvert très rapidement la voie à
l'adhésion des Pays d'Europe centrale et orientales (PECO) en se
déclarant prête à signer des accords d'association, au
conseil européen de Dublin (avril 1990) et, surtout, en adoptant au
Conseil de Copenhague (1993) les trois critères destinés à
fixer le cadre d'un futur élargissement. L'état de
délabrement économique et social dans lequel se trouvaient alors
la plupart de ces pays aura nécessité dix ans de
négociation et de préparation pour les amener à un niveau
suffisant et limiter ainsi la déflagration d'une entrée
précipitée et mal préparée.
En accueillant dix nouveaux Etats l'UE va accroître sa population de 20
%, passant de 375 à 450 millions d'habitants, mais son PIB va
s'accroître de seulement 4,6 %, soit 400 milliards d'euros.
En termes de population, cet élargissement (75 millions d'habitants) est
moins important que celui de 1973 lorsque l'entrée de l'Angleterre du
Danemark et de l'Irlande représentait un accroissement de 34 % de la
population de la CEE.
En parité de pouvoir d'achat, les habitants des dix futurs membres
disposent à peine de 40 % du revenu moyen des Quinze, mais il existe de
fortes disparités entre les Slovènes (70 %) et les
Tchèques (60 %), qui sont les mieux placées, et les Lettons (32
%), les Lituaniens (37 %) et les Polonais (39 %), qui sont les plus
pauvres. Lors de leur adhésion en 1986, l'Espagne et le Portugal avaient
un revenu par tête de l'ordre de 70 % de la moyenne communautaire.
Du fait de cet écart de développement, la comparaison avec
l'ALENA
1
(
*
)
est souvent
avancée ; mais l'ALENA n'est pas un marché intégré,
ni même un marché commun et ne s'appuie pas sur des politiques
communes. Il n'existe pas au sein de l'ALENA l'équivalent d'un budget
européen ni de système de redistribution destiné à
favoriser la convergence des revenus entre ses membres. C'est seulement au
niveau des écarts actuels de rémunération et de
développement technologique susceptible d'induire des effets de
réallocation massive de main-d'oeuvre vers les nouveaux membres que la
comparaison avec la situation du Mexique au sein de l'ALENA pourrait être
pertinente.
Ces écarts laissent envisager un processus de convergence qui devrait
être très long, certains experts évoquant
l'échéance d'une génération. Selon le Commissaire
européen aux affaires économiques, Pedro Solbes, il faudra
«
au moins vingt-cinq ans pour que les dix nouveaux membres de
l'UE atteignent le niveau économique des membres
actuels
».
L'importance d'une agriculture faiblement productive et grosse consommatrice
d'emplois, notamment en Pologne, et le faible développement d'une
industrie moderne et compétitive expliquent notamment l'importance du
fossé qui sépare encore les européens des deux
côtés du défunt rideau de fer.
Cet euro-scepticisme qui tend à se généraliser au fur et
à mesure que l'élargissement s'approche peut être
résumé à quelques grands traits :
- au sein des pays candidats, les opinions rechignent à sacrifier une
souveraineté tout juste reconquise. Le souvenir des diktats de Moscou ne
les incite pas à accepter facilement les
« directives » de Bruxelles. On a vu très
récemment l'exemple de la « lettre des dix »
à propos du conflit irakien qui est révélateur de cet
état d'esprit.
Les citoyens des pays candidats ne sont, par ailleurs, pas prêts à
tous les sacrifices entraînés par les nombreuses réformes
nécessaires à l'adaptation de leur législation aux normes
de l'UE, dont le coût social leur paraît démesuré. La
peur du chômage, de l'augmentation des prix et de la stagnation des
revenus est le sentiment le plus répandu, mais il se double
fréquemment d'un refus de voir les terres et les entreprises
rachetées par les européens de l'Ouest au pouvoir d'achat
nettement supérieur.
- dans les 15 pays de l'UE, c'est plutôt la perte des subventions ou
l'augmentation des contributions au budget communautaire qui motive ce manque
d'enthousiasme. Le sentiment que les délocalisations d'entreprises,
à la recherche d'une main-d'oeuvre meilleur marché chez les
nouveaux membres, vont se multiplier fait craindre une poussée du
chômage et l'arrivée massive de migrants à la recherche
d'emplois mieux rémunérés.
La chute de 10 % à 15 % du revenu moyen par tête, dans l'Union
élargie, va priver mécaniquement de l'apport des fonds
structurels environ la moitié des régions qui en
bénéficient aujourd'hui. Ainsi l'Espagne, le Portugal, la
Grèce et l'Irlande redoutent d'être les principaux perdants.
Se focalisant sur l'annonce d'un intégration économique, alors
qu'elle est déjà largement réalisée dans les faits
2
(
*
)
depuis 1994, les
citoyens européens redoutent les effets d'une concurrence qui existait
déjà et qui aurait plutôt tendance à
s'atténuer sous l'effet de la convergence des économies
consécutive à l'intégration des pays candidats dans un
marché unique agrandi. Mais tous, experts et citoyens, se rejoignent sur
la durée de cette convergence, qu'ils apprécient en
décennies plutôt qu'en années. La situation de l'ex-RDA,
treize ans après sa réunification à la prospère
Allemagne est là pour rappeler la difficulté de cette
convergence, aussi bien dans les esprits que sur le plan économique.
La réussite de cette intégration étalée est
conditionnée par l'application d'un processus de convergence
étroitement encadré par l'accord de Copenhague.
2 - Un processus de convergence encadré par l'accord de Copenhague
La
réussite de cette intégration étalée est
conditionnée par l'application d'un processus de convergence
étroitement encadré par l'accord de Copenhague.
L'intégration des 10 candidats va s'étaler sur deux
décennies depuis le Conseil de Copenhague de 1993 jusqu'à
l'application complète de la PAC
3
(
*
)
en 2013.
Depuis la définition des critères d'adhésion (Copenhague
1993), presque dix ans de transition auront été nécessaire
pour aboutir à la finalisation de l'accord d'adhésion (Copenhague
2002).
Fondée au début des années 90 sur des motivations
politico-morales - l'accueil des nouveaux pays étant alors
considérée comme un « devoir
historique » - la démarche de l'UE a ensuite
évolué, après les guerres des Balkans, vers des
considérations politico-stratégiques tendant à
élargir son aire de stabilité par l'incorporation de ses voisins
immédiats. C'est dans cette optique que le conseil d'Helsinki
(décembre 1999) prit la décision d'ouvrir un perspective
d'adhésion aux pays des Balkans occidentaux qui en avaient
été jusque là tenus à l'écart.
C'est au conseil européen de Copenhague (juin1993) que furent
établis les trois critères d'adhésion à respecter
par les futurs candidats ouvrant ainsi la voie aux négociations en vue
de leur adhésion :
- un
critère politique
= présence d'institutions stables
garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de
l'Homme, le respect des minorités et leur protection ;
- un
critère économique
= existence d'une économie
de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la
pression concurrentielle et aux forces du marché à
l'intérieur de l'UE ;
- et un
critère de la reprise de l'acquis communautaire
=
capacité du pays candidat à en assumer les obligations et
notamment à souscrire aux objectifs de l'union politique
économique et monétaire.
Il faut néanmoins rappeler que le seul respect des critères
d'adhésion ne confère pas automatiquement le droit de devenir
membre de l'UE, décision politique qui relève des États
membres.
Au cours des dix années suivantes, l'UE n'a ménagé ni son
soutien ni son assistance aux candidats à l'adhésion pour
lesquels la reprise de l'acquis communautaire a représenté une
charge plus lourde que lors des précédents élargissements
du fait de l'écart de développement plus important mais aussi du
fait de l'accroissement de la législation communautaire intervenue
depuis.
Les principales étapes de cette marche à l'adhésion ont
été :
- le Conseil européen de Madrid (décembre 1995) qui a
décidé le renforcement des obligations du 3ème
critère de Copenhague pour que chaque pays candidat adapte ses
structures administratives afin que la législation communautaire ne soit
pas seulement transposée au niveau national mais aussi appliquée
efficacement par le biais de structures administratives et judiciaires
appropriées ;
- la publication, en 1997, par la commission européenne, de l'Agenda
2000 prévoyant un cadre financier de soutien au processus de
pré-adhésion des PECO doté d'une enveloppe de
21 milliards d'euros pour la période 2000-2006 et comportant trois
grands chapitres : le programme PHARE, axé sur les priorités
liées à la reprise de l'acquis communautaire, une aide au
développement agricole, et une aide structurelle destinée au
rapprochement avec les normes communautaires en matière
d'infrastructures, notamment dans les domaines du transport et de
l'environnement ;
- l'ouverture, le 30 mars 1998, des négociations d'adhésion
proprement dites avec les six pays du groupe de Luxembourg (Estonie, Hongrie,
Pologne, République tchèque, Slovénie et Chypre)
considérés comme les plus avancés dans le processus
d'adhésion ;
- l'ouverture à Helsinki (décembre 1999) des négociations
en vue de l'adhésion avec un groupe de cinq autres pays (Bulgarie,
Lettonie, Lituanie, Roumanie et Slovaquie) désormais appelé le
groupe d'Helsinki ;
- l'annonce, au conseil de Nice
(décembre 2000), que l'UE serait
en mesure d'accueillir les pays candidats qui seront prêts à
partir de la fin 2002, en leur permettant de participer aux élections
européennes de 2004 ;
- la décision, à Laeken (décembre 2001), d'opter pour le
scénario du grand bond en avant en désignant 10 pays comme
susceptibles d'achever les négociations fin 2002 et d'adhérer
à l'UE en 2004 (tous les candidats plus Malte et moins la Roumanie et la
Bulgarie, considérées comme n'étant pas
prêtes) ;
- le ralliement, à Bruxelles (octobre 2002), du Conseil européen
aux conclusions de la Commission qui considérait que les dix candidats
remplissaient les critères politiques et seraient en mesure de remplir
les critères économiques en 2004, donc d'assumer leurs
obligations vis à vis de l'Union ;
- et enfin, la mise au point, au sommet de Copenhague (décembre 2002),
après d'ultimes marchandages, de l'accord entre les 15 membres de
l'UE et les 10 candidats sur les conditions d'un élargissement à
25 et leur entrée effective le 1er mai 2004.
L'accord de Copenhague se présente comme un accord
équilibré à l'avantage des deux parties qui comporte
d'abord un volet financier peu coûteux pour les 15 complété
par des concessions et des déclarations contrebalancées par la
mise en place d'un suivi des engagements de reprise effective de l'acquis
communautaire et l'introduction de clauses de sauvegarde.
La négociation financière s'est déroulée en trois
étapes :
- la fixation à Berlin (mars 1999) d'un plafond de dépenses pour
l'adhésion à 42,59 milliards d'euros pour le période
2004-2006 ; il ne concernait alors que les six pays du groupe de
Luxembourg ;
- la détermination par la Commission, en janvier 2002, d'un cadre global
pour les dix adhérents de 41,42 milliards d'euros en crédits
d'engagement et 25,53 milliards en crédits de paiement pour la
période 2004-2006 ;
- et enfin la pérennisation de la PAC, au moins jusqu'en 2013, et son
application aux nouveaux pays membres à la suite de l'accord
franco-allemand au conseil de Bruxelles (octobre 2002) : en contrepartie d'une
stabilisation des dépenses agricoles de 2007 à 2013 au niveau de
2006 acceptée par la France, l'Allemagne a accepté que les
nouveaux entrants bénéficient des aides agricoles directes, mais
avec une certaine progressivité (plafonnés à hauteur de 25
% en 2004 les versements augmenteront de 5 % par an jusqu'en 2007 puis de 10 %
les années suivantes pour atteindre 100 % en 2013).
Résultat d'un compromis laborieux entre les exigences des dix et la
volonté des 15 de ne pas dépasser le plafond qu'elle
s'était fixé, l'accord s'est conclu à Copenhague
sur une enveloppe globale - pour financer l'adhésion des dix
nouveaux membres de 2004 à 2006 - de 40,853 milliards d'euros en
crédits d'engagement et de 25,143 milliards d'euros en
crédits de paiement.
L'accord de Copenhague apparaît finalement à l'avantage des deux
parties : les dix nouveaux membres bénéficieront de transferts
nets dès leur adhésion à hauteur de 13,13 Md € pour
les années 2004, 2005 et 2006, et ce malgré le règlement
intégral de leurs contributions au budget annuel de l'Union.
Sans surprise, la Pologne la Hongrie et la République tchèque se
partagent près de 75 % de l'enveloppe
des paiements
décidée à Copenhague, mais les trois Etats baltes ont
beaucoup profité des dernières concessions forfaitaires de
l'Union européenne. Ils sont en effet les seuls, avec la Pologne,
à avoir un solde net supérieur, en valeur absolue, à la
somme de leurs contributions de 2004 à 2006, ainsi qu'un retour de plus
de 300 % sur leurs contributions.
Pour l'Union européenne l'accord de Copenhague représente un
coût net relativement modéré sur la période
2004-2006, qui
peut être évalué à 14,804
milliards d'euros de 2004 à 2006, soit à peine
vingt-cinq
euros par habitant
des quinze et par an pour les trois premières
années, ou 0,04 % de leur PIB. Au-delà, les coûts de
l'élargissement dépendront autant des reformes éventuelles
de la PAC et des règles d'attribution des fonds structurels que de la
capacité des nouveaux membres à mobiliser les financements
européens.
La France est le second contributeur de ce paquet après l'Allemagne,
avec un coût net maximum évalué au total entre 2,2 et 2,675
milliards d'euros pour la période 2004-2006 compte tenu d'un aléa
lié au taux de change, soit moins de 10 % de l'enveloppe totale de
crédits de paiement accordée aux dix nouveaux membres à
Copenhague. Enfin, le coût net pour le Royaume-Uni est très
allégé, puisque les dépenses d'élargissement seront
intégrées dans le calcul de la correction britannique et
donneront lieu à compensation.
Le volet financier est complété par des concessions des quinze
aux dix candidats formalisées dans des déclarations collectives
ou unilatérales auxquelles elle oppose des clauses de sauvegarde, le
tout étant destiné à ménager une transition
supportable pour les uns et acceptable pour les autres.
Neuf protocoles, ainsi que de nombreuses annexes et déclarations
communes ou unilatérales insérés dans le Traité
d'adhésion se proposent de régler des questions
particulières délicates et de prendre en compte des attentes
spécifiques des pays adhérents.
Quarante-quatre déclarations sont annexées au Traité,
notamment : la déclaration « Une seule Europe »
signée par les vingt-cinq membres actuels et futurs, rappelant le
caractère «
continu, inclusif et
irréversible
» du processus d'élargissement,
surtout vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie, ainsi que de la
candidature turque.
Le 10 juin 2002, la Commission a proposé de généraliser la
procédure de suivi des engagements d'application effective de l'acquis
communautaire pris par les pays candidats et d'insérer des clauses de
sauvegarde dans le Traité d'adhésion, inspirées de celle
qui avait été introduite dans le traité d'adhésion
de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède signé en 1994.
Le Traité d'adhésion comporte en outre trois clauses de
sauvegarde qui pourront être invoquées pendant une durée de
trois ans à compter de l'adhésion des dix nouveaux membres, soit
jusqu'au 30 avril 2007 :
- une clause de sauvegarde économique générale
(article 37), qui vise avant tout à rassurer les dix nouveaux membres et
à leur permettre, le cas échéant, d'atténuer dans
certains secteurs économiques ou dans certaines régions
sensibles, les conséquences d'un choc macroéconomique ou
concurrentiel trop rude qui serait lié à l'adhésion. Pour
les actuels membres, cette clause vise surtout à prévenir les
distorsions de concurrence transfrontalière qui seraient trop fortes ;
- une clause spécifique de sauvegarde du marché
intérieur
(article 38), qui ne vise que les nouveaux membres, en cas
de manquements graves aux obligations de reprise et d'application effective de
l'acquis et couvre notamment la sécurité alimentaire ;
-
une clause spécifique de sauvegarde relative à la justice et
aux affaires intérieures
(article 39), afin de pouvoir suspendre
temporairement la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en
matière civile et pénale en cas de manquement grave ou d'un
risque imminent de graves manquements d'un nouvel Etat membre au regard de
normes judiciaires essentielles (libertés publiques, liberté
d'entreprise).
L'accord de Copenhague a ouvert jusqu'à l'adhésion effective une
période de transition en cinq étapes qui ponctuent, de
décembre 2002 à mai 2004 la marche à l'adhésion
effective
,
dont la première, la signature du traité
d'adhésion, est réalisée, et la deuxième, les
référendums de ratification dans les pays adhérents, est
sur le point de se terminer :
* la signature officielle du Traité d'adhésion, s'est
déroulée à Athènes, le 16 avril 2003, sans
surprise. Elle intervenait après le vote à une large
majorité de la Commission des Affaires étrangères du
Parlement européen en faveur de l'adhésion des dix, le 19 mars,
et l'avis conforme du Parlement européen rendu le 9 avril.
Depuis le 16 avril 2003,
et jusqu'à l'adhésion,
le
1
er
mai 2004,
les dix futurs membres disposent
dorénavant d'un statut
« d'observateurs
actifs » au Conseil, où ils pourront prendre la parole, au
Parlement européen, où ils pourront participer aux travaux ainsi
que dans les comités d'experts, et ils seront invités à
participer à la CIG
4
(
*
)
qui devra, notamment, à la suite de la
Convention établir le texte définitif de la future constitution
européenne.
* la période des référendums de ratification dans les pays
futurs membres, qui a débuté à Malte, le 8 mars, et
s'achèvera en Lettonie, le 20 septembre 2003, est maintenant
suffisamment avancée pour que le résultat définitif ne
soit plus une surprise, puisque 70 des 75 millions de citoyens invités
à rejoindre l'UE ont déjà répondu favorablement.
Sauf à Chypre, où l'échec des négociations sur la
réunification de l'île le 10 mars 2003 ne l'a pas permis, tous les
pays candidats ont choisi la voie référendaire pour ratifier le
traité d'adhésion malgré une popularité
plutôt variable. Il faut souligner qu'à l'exception de la Hongrie,
de la Slovénie et de l'Estonie, où il n'ont qu'un
caractère consultatif, les référendums sont
décisifs.
Hormis à Malte, où le faible taux des « oui »
au référendum est le résultat d'une hostilité
marquée de l'opposition travailliste à l'entrée dans
l'Union, le succès des référendum dans les PECO a
été terni par une abstention parfois importante qui s'explique
autant par le sentiment que les jeux étaient faits que par une
opposition de certaines régions ou de certaines catégories
socioprofessionnelles à l'adhésion.
* la publication par la Commission, à l'automne 2003, du dernier rapport
de suivi sur la mise en oeuvre de l'acquis communautaire par les dix futurs
membres. Il s'agit d'une étape importante car la réforme
effective de l'administration et de la justice reste la condition prioritaire
du respect du troisième critère de Copenhague et constitue la
marque la plus claire de la volonté politique des pays candidats de
réussir leur adhésion et leur intégration ;
* la ratification du traité d'adhésion par les Quinze
est
encore à venir, seul le Danemark y ayant à ce jour
procédé. Les pays membres ont choisi la voie parlementaire,
préférant ainsi éviter de rééditer
l'expérience irlandaise qui a du s'y reprendre à deux fois pour
ratifier le traité de Nice. Au Parlement français, cette
ratification devrait probablement avoir lieu au cours de la session d'automne
2003 ;
* l'adhésion effective des nouveaux membres le 1
er
mai 2004,
sera suivie d'une période d'intégration progressive aux
institutions de l'Union qui dépassera alors le strict cadre de
l'élargissement pour concerner le fonctionnement institutionnel d'une
union élargie à vingt-cinq pays.
La date d'adhésion a été fixée au 1
er
mai 2004 pour permettre aux dix pays adhérents de participer à
l'élection
des représentants nationaux au Parlement
européen, qui aura lieu
en juin 2004 et
qui sera suivie de
l'installation de la nouvelle Commission le 1
er
novembre. Plus
que les seuls nouveaux adhérents, cette période concerne
désormais les 25 membres de l'Union élargie.
L'intégration progressive des nouveaux membres vient télescoper
une succession d'échéances décisives pour les vingt-cinq
Le calendrier européen des quatre prochaines années comporte une
succession d'échéances décisives pour la réussite
du processus d'élargissement et pour l'avenir des institutions et des
politiques communes de l'Union européenne :
- l'entrée en application du traité de Nice (2003-2005) ;
- la réforme institutionnelle proposée par la Convention
européenne qui devra être confirmée par la GIG (automne
2003 - ?...2004) ;
- l'arrivée des dix nouveaux membres dans les institutions
(1
er
mai 2004) ;
- le renouvellement du Parlement européen (juin 2004) ;
- le renouvellement de la Commission (31 octobre 2004) ;
- le débat (en 2005-2006) sur la définition des perspectives
financières de l'Union, élargie en principe à vingt-sept,
pour la période 2007-2013.
Ce calendrier peut donner le vertige dans la mesure où chaque
échéance suit sa propre logique mais où chacune interagit
sur l'autre sans qu'on puisse encore préjuger de quelle manière.
La plupart intervenant en 2004, concomitamment avec la fin du processus
d'élargissement, il est important de se pencher sur leurs interactions.
a) Combinaison des dispositions du traité d'adhésion avec celles du traité de Nice
Le
traité de Nice avait procédé à une réforme
institutionnelle de l'Union européenne en préalable à
l'élargissement. Mais deux raisons ont conduit le Conseil
européen de Copenhague à adapter, par le Traité
d'adhésion, plusieurs de ses dispositions dont l'entrée en
vigueur n'était prévue qu'au 1
er
janvier 2005 et qui
devaient concerner vingt-sept membres et non vingt-cinq.
Ces adaptations conduisent à considérer deux périodes
distinctes dans le fonctionnement des institutions : du 1
er
mai au
31 octobre 2004, et du 1
er
novembre 2004 à
l'année 2009 où, l'UE comptant alors 27 membres, d'autres
dispositions seront prises.
Commission
: les dix nouveaux membres disposeront chacun d'un
Commissaire européen «sans portefeuille », du
1
er
mai au 31 octobre 2004.
A partir du 1
er
novembre 2004, la Commission comptera un Commissaire
national par Etat membre, les cinq Etats membres les plus peuplés ayant
renoncé à leur deuxième commissaire. Ses vingt-cinq
membres seront soumis à un vote d'approbation du Parlement
européen qui aura été élu en juin 2004. La nouvelle
Commission prendra ses fonctions pour 5 ans, jusqu'au 31 octobre 2009.
Parlement européen : les dispositions du traité de Nice
s'appliqueront dès les élections de juin 2004 dans les 25
États membres. Le nombre de députés sera plafonné
à 732.
La France dispose actuellement de 87 sièges de députés,
qui passeront à 78 après les élections de juin 2004 et
à 72 après les élections qui suivront l'adhésion de
la Bulgarie et la Roumanie
.
Conseil Européen
5
(
*
)
:
du 1
er
mai au 31 octobre 2004
,
la pondération
des voix par pays et le calcul de la majorité qualifiée
requise pour certains votes vont résulter d'une extrapolation des
dispositions actuelles aux dix nouveaux membres, en attendant l'entrée
en vigueur des nouvelles pondérations fixées à Nice.
Entre le 1
er
mai et le 31 octobre 2004, lorsque le Conseil statuera
à la majorité qualifiée, le seuil sera fixé
à 88 voix pour adopter une proposition de la Commission, et à 88
voix plus une majorité des deux tiers des Etats membres dans le cas des
autres textes.
Dès le 1
er
novembre, qui est aussi la date d'installation de
la nouvelle commission, le nombre des voix pondérées au Conseil
passera à 321. Le seuil de la minorité de blocage
sera
alors de
90 voix,
ce qui permettra à
3
« grands » Etats membres à 29 voix et à un
seul « petit », y compris le plus petit, Malte (3 voix) de
bloquer toute initiative qui serait proposée par une majorité
composée uniquement de « petits pays ».
Une nouvelle majorité qualifiée
nécessitera la
réunion de
232 voix (soit 72,27 %) et comportera deux
conditions complémentaires, cela toujours pour éviter le vote
d'une disposition par les seuls petits pays, sur-représentés au
conseil proportionnellement à leur population.
Ainsi, lorsqu'il est prévu que le Conseil statue à la
majorité qualifiée, trois seuils pourront être
déclenchés :
- une majorité qualifiée « simple », à
232 voix lorsqu'il s'agit d'adopter une proposition émanant de la
Commission ;
- une majorité qualifiée à 232 voix combinée
à une majorité des deux tiers des Etats membres, dans les autres
cas ;
- et, enfin, une majorité qualifiée à 232 voix
combinée à une majorité des deux tiers des Etats membres,
représentant au moins 62 % de la population totale de l'Union
européenne (la clause dite de vérification démographique)
lorsqu'un Etat membre le demandera. Si cette dernière condition n'est
pas remplie, alors que les deux premières le sont, la décision ne
sera pas adoptée.
b) Les incidences du projet de Constitution européenne
Prenant
acte de la nécessité de réformer les institutions de l'UE
et afin d'en éviter le blocage complet à la suite de
l'élargissement qui se préparait, le conseil européen de
Laeken (décembre 2001) a décidé de réunir une
convention européenne réunissant les principales parties
prenantes du débat sur l'avenir de l'Europe et chargée de faire
des propositions sur cette réforme, notamment dans quatre domaines
retenus par la « Déclaration sur l'avenir de
l'Union » annexée au traité de Nice :
- la répartition des compétences entre l'Union et les Etats
membres ;
- la simplification des traités ;
- le statut de la Charte des droits fondamentaux ;
- et le rôle des parlements nationaux dans la future architecture
institutionnelle de l'Union.
Réunie depuis le 28 février 2002, et devant siéger
jusqu'au 10 juillet 2003, la Convention sur l'Avenir de l'Europe, est
composée de quinze représentants des chefs d'états
membres, trente représentants des parlements nationaux, seize
représentants du parlement européen, et deux représentants
de la Commission. Les pays candidats (les dix plus la Bulgarie, la Roumanie et
la Turquie) y participent, mais sans doit de vote, par l'intermédiaire
de treize représentants des chefs d'états et vingt-six
représentants des parlements.
Un organe directeur de douze membres, le Présidium, en dirige les
débats. Il est présidé par Valéry Giscard
d'Estaing, ancien président de la République française.
Au cours des seize mois de son existence, maîtresse de son ordre du jour,
elle a tenu entre une et deux sessions plénière par mois au cours
desquelles elle a été au-delà de son mandat originel
puisqu'elle a réussi à élaborer un projet de Constitution
européenne, dont elle a présenté au Conseil de Salonique
(juin 2003) les deux premières parties. Les titres III et IV doivent
être finalisés d'ici quelques jours.
Mais la Convention restant un organe consultatif, son projet va devoir
être soumis à une conférence intergouvernementale (CIG),
qui sera réunie à l'automne 2003, sous présidence
italienne, et devra trancher parmi les propositions de la Convention afin de
proposer l'adoption d'un nouveau traité.
Sans préjuger de la décision la CIG, on peut néanmoins
rappeler les principales propositions de réforme des institutions faites
par la Convention européenne, qui peuvent paraître bien timides
à certains mais vont néanmoins dans le sens d'une affirmation
politique de l'Europe :
- création d'une Présidence de l'Union, en remplacement de la
présidence tournante tous les six mois en vigueur, qui serait
assumée par un président élu par le Conseil
européen pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois ;
- création d'un poste de Ministre des Affaires étrangères
de l'Union : nommé à la majorité qualifiée par
le Conseil européen, en accord avec le Président de la
Commission, il sera membre d'office de la Commission dont il présidera
le conseil « affaires étrangères » ;
- vote au Conseil européen : la majorité qualifiée,
à partir de 2009, serait celle obtenue par une majorité des Etats
membres représentant 60 % de la population ;
- réduction à quinze, à partir de 2009, des membres de la
Commission européenne qui comprendra alors :
- un président élu par le Parlement sur proposition du Conseil
européen ;
- un ministre des Affaires étrangères, vice-président
d'office ;
- treize autres commissaires désignés par le Président sur
proposition des Etats membres ;
- des commissaires sans droit de vote pour que chaque Etat ait un
représentant à la Commission.
- Parlement européen : limitation du nombre d'élus à 736,
quel que soit le nombre d'Etats membres et un nombre de députés
par Etat fixé de manière « dégressivement
proportionnelle » avec un minimum de 4 députés ;
généralisation de la procédure de
« codécision » avec le Conseil, qui lui permettra de
devenir un véritable législateur.
Enfin, la Convention a proposé d'attribuer une personnalité
juridique à l'Union, d'intégrer la Charte européenne des
droits fondamentaux dans la Constitution, de répartir de façon
plus claire les compétences entre l'Union et les Etats membres.
Qualifié de « bonne base de départ » par les
dirigeants européens, au sommet de Salonique, le projet de la Convention
va néanmoins devoir subir pendant la CIG les assauts de tous les
eurosceptiques et en particulier de ceux, comme l'Espagne et la Pologne, qui
craignent de perdre des avantages conquis à Nice ou qui sont
rétifs à toute idée de constitution en
général, comme la Grande-Bretagne. Il n'est donc pas certain
qu'il en ressorte totalement indemne.
De nombreux pays membres ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils
soumettraient à référendum la ratification de cette
Constitution. En France, la question n'est pas encore tranchée sur ce
point.
3 - Une unification qui impose une réflexion sur la stratégie future
Avec ce 5 ème élargissement, qui constitue une réelle avancée historique dans la construction de l'Europe, l'unification complète de l'Europe est désormais en vue. Les Européens ne doivent cependant plus perdre de vue qu'il leur faut désormais mener une réflexion sur la stratégie à adopter tant vis à vis de leurs nouveaux voisins que sur le rôle qu'ils entendent jouer sur la scène mondiale.
a) Avec les prochains élargissements qui sont déjà engagés ou simplement évoqués, l'unification complète de l'Europe sera bientôt une réalité
L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, qui est
fixée à 2007, ne devrait pas poser de problème majeur sur
le plan des institutions dans la mesure où elle est déjà
entérinée par plusieurs dispositions des traités de Nice
et d'Athènes. A Salonique, le conseil européen a
déclaré soutenir
« les efforts
déployés par la Bulgarie et la Roumanie pour atteindre l'objectif
consistant à conclure les négociations en 2004 »
,
pour une adhésion effective en 2007.
Les cinq pays des Balkans occidentaux -Albanie, Macédoine,
Serbie-Monténégro, Bosnie-Herzégovine et Croatie- ont
déjà commencé à frapper à la porte de
l'Union et les Européens ont réaffirmé à Salonique
que l'ensemble des Balkans a vocation à rejoindre l'Union mais qu'ils
devront faire pour cela de gros efforts pour réformer leurs
économies et lutter contre la corruption et les mafias. Aucun calendrier
n'a été fixé ni aucune réponse claire donnée
à l'intention de la Croatie d'adhérer dès 2007, mais l'UE
a prévu d'apporter à ces pays une aide financière de 4,6
milliards d'euros, pour la période 2000/2006.
La question de la Turquie, éternelle candidate qui a
déposé sa première candidature en 1963, avait
déjà été renvoyée, au conseil de Copenhague,
à la fin de l'année 2004 ; à cette date, la
décision devrait alors être prise d'ouvrir ou non les
négociations d'adhésion en fonction des progrès
réalisés par ce pays pour rapprocher sa législation de
celle de l'UE, notamment sur le chapitre des droits de l'Homme. Mais les
récents propos du Président Giscard d'Estaing sur le
caractère non-européen de la Turquie, l'arrivée au pouvoir
d'un parti islamiste aux dernières élections législatives,
le peu d'empressement mis par la Turquie à modifier de nombreux pans de
sa législation d'exception, la montée des tensions religieuses et
interethniques à travers le monde, rien de tout cela ne plaide pour
l'accélération d'un processus dont la lenteur trahit la
perplexité et explique les atermoiements de l'UE devant cette
candidature.
Le peu d'empressement des parties à conclure est proportionnel à
la gravité de l'enjeu pour les uns et les autres, car il met en
lumière l'absence de réflexion des Européens sur la
question de la cohésion de l'Union et de la délimitation de ses
confins.
Car au-delà des difficultés institutionnelles d'un fonctionnement
à 27, 30 ou plus, l'Europe se trouve à la croisée des
chemins et va devoir faire des choix politiques qui impliquent qu'elle domine
rapidement ses problèmes de fonctionnement interne sous peine de perdre
la maîtrise du choix de son avenir, autant vis-à-vis de son
nouveau voisinage que sur l'échiquier mondial.
b) La suite du débat sur le fonctionnement des institutions va conditionner la capacité de l'Europe à agir sur son environnement
Le
débat engagé dans le cadre de la Convention européenne va
désormais se poursuivre à 25 dans le cadre de la CIG. Si toutes
les propositions de la Convention sont acceptées, l'Europe disposera
alors d'une plus grande visibilité sur la scène internationale
mais elle sera loin d'avoir résolu toutes les questions relatives
à son approfondissement.
Il lui restera encore à démontrer sa capacité à
mettre en place un processus de convergence des volontés nationales vers
des positions communes, quitte à procéder par étapes en
favorisant les dispositifs ouverts de coopération renforcée entre
les États les plus soucieux d'intégration dans les secteurs
clés de la politique étrangère ou de la défense. La
création d'un monnaie commune n'est après tout que la
réussite d'un tel processus et rien n'indique qu'il ne soit pas
reproductible.
En effet, au fur et à mesure que l'UE se rapproche des confins de
l'Europe se pose désormais d'une manière entièrement
nouvelle la question de ses frontières. Déjà implicitement
posée et toujours sans réponse à propos de la candidature
de la Turquie, il y a été répondu il y a quelques
années lors de la candidature officielle du Maroc, rejetée avec
politesse. Mais qui de l'Ukraine, de la Biélorussie, de la Russie, mais
aussi de l'Arménie ou d'Israël, tous tentés à un
moment ou un autre d'intégrer l'UE, a vocation à y entrer ?
Le simple respect des critères généraux, à
caractère juridique, humaniste ou économique, retenus jusqu'alors
ne sera bientôt plus suffisant à fonder l'identité
européenne.
Le moment est venu de réfléchir à un dispositif
répondant à la question posée par le
précédent roi du Maroc : « moins que l'adhésion,
plus que l'association ». Un début de réponse pourrait
être apporté par la proposition de Romani Prodi sur la
création d'un « cercle d'amis » dont les relations
avec l'Union reposeraient sur le principe de « tout partager avec
elle sauf les institutions », offrant ainsi une alternative entre
l'adhésion et le rejet à l'extérieur. Sans répondre
totalement à la question des frontières, cette proposition
constituerait une première réponse aux inquiétudes des
voisins immédiats de l'Europe de la voir se constituer en forteresse.
Elle intéresserait aux premier chef les pays de la CEI ayant des
frontières communes avec l'Europe (Russie, Biélorussie, Ukraine
et Moldavie) mais aussi d'autres pays pour lesquels l'UE constituerait le
principal pôle d'attraction.
Mais au-delà de la constitution d'une zone pluri-concentrique de
convergence économique, on peut invoquer au moins quatre raisons en
faveur de la création d'un acteur global européen d'ambition
mondiale :
- Enrayer le déclin : Dans une étude commandée par la
commission européenne, l'IFRI montre, à partir des projections de
la situation actuelle, qu'une Europe à 30 membres verrait sa
contribution au PIB mondial passer de 22 % en 2000 à 12 % en 2050.
Ce déclin a d'abord une cause démographique, puisque dans le
même temps l'UE à trente verrait sa population passer de 493
à 454 millions d'habitants alors que celle l'ALENA passerait de 413
à 584 millions et celle de la « grande Chine » (avec
Taiwan et Singapour) augmenterait de 1282 à 1473 millions d'habitants.
Ce déclin résulterait aussi de l'écart qui s'est
déjà creusé avec les Etats-Unis dans quatre secteurs
clés de la puissance : l'économie, la recherche, la culture et le
militaire.
Seule une union politique dotée d'une forte ambition et d'une claire
vision de son avenir sera capable d'agir sur les facteurs déterminants
de sa croissance pour retrouver la masse critique nécessaire et la voix
au chapitre dans les affaires du monde
- S'adapter au nouveau modèle de division internationale du travail, qui
implique de plus en plus des choix de société ;
- Faire primer le politique sur l'économie pour mieux répondre au
retour de la violence internationale que le choix de l'interdépendance
économique mondiale n'a pas réussi à enrayer ;
- Cesser de déléguer aux Etats-Unis le soin de parler au nom de
la communauté occidentale et d'en assurer l'essentiel de la
sécurité. Leurs visions divergentes de l'évolution de la
mondialisation et de la gestion des crises rend indispensable
l'émergence d'un pilier européen solide qui fasse à
nouveau de l'alliance atlantique le véritable partenariat qu'il n'est
plus.
En guise de conclusion,
M. Georges Colombier
a souligné que cette
stratégie à long terme ne pourrait avoir de réalité
qu'autant qu'un consensus entre les Européens puisse se dégager
sur un projet ambitieux de politique étrangère et de
défense commune. Leur grand erreur serait de ne pas croire en
eux-mêmes et en leur capacité d'influence collective sur le reste
du monde.
Il apparaît ainsi que l'élargissement en cours, pour spectaculaire
qu'il soit à bien des égards, ne constitue qu'une étape
parmi d'autres dans la construction d'une Europe, unie jusqu'à
maintenant, plus soucieuse de s'agrandir que de réfléchir
à la véritable nature du lien commun qui unit ses membres et par
voie de conséquence au futur auquel elle se destine.
Le processus de réflexion engagé parallèlement dans le
cadre de la Convention sur l'Avenir de l'Europe, et les résultats
auxquels il a déjà abouti, peuvent apparaître comme un
augure favorable sur la capacité des Européens à s'unir
lorsqu'il le faut.
*
* *
L'honorable Lise Bacon
a remercié l'orateur et
rappelé l'importance des relations entre le Canada et l'UE,
fondées sur des liens historiques, culturels, linguistiques mais aussi
des valeurs communes. Le Canada, qui est partisan depuis toujours de
l'intégration européenne, entretient des relations de partenariat
suivies avec l'Union européenne, notamment par le biais des sommets
Union européenne-Canada, qui se réunissent
régulièrement. A l'occasion du dernier sommet, à
Athènes, le premier ministre du Canada, le très honorable Jean
Chrétien, a souligné l'importance de cette collaboration pour
relever les défis qui se posent tant au niveau national qu'international.
Elle a passé ensuite la parole à
M. Georges Farrah
,
député,
rapporteur pour le groupe
canadien
.
B. INTERVENTION DE M. GEORGES FARRAH, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN
M.
Georges Farrah a remercié ses collègues français pour leur
accueil si chaleureux et leur a proposé d'échanger avec eux sur
les relations entre le Canada et l'Union européenne.
L'Union européenne (UE) est extrêmement importante pour le Canada.
Leur collaboration couvre plusieurs domaines : politique
étrangère et politique de sécurité, justice et
affaires intérieures, liens sur le plan universitaire, sans oublier les
relations parlementaires. Le Canada et l'UE sont aussi des partenaires
commerciaux importants. En 2002, le total de leurs échanges commerciaux
a atteint quelque 56 milliards de dollars canadiens, soit
35 milliards d'euros, et cette activité commerciale est en
croissance.
Toutefois, à une époque de grands changements et, comme l'UE
évolue, les relations entre le Canada et l'UE doivent en faire autant.
À pareille date l'an prochain, dix nouveaux pays se seront joints
à l'UE. Le Canada se réjouit de cette expansion, mais sait
pertinemment qu'elle supposera une adaptation. Ainsi, les Canadiens -en
particulier les parlementaires- doivent être au fait des
réalités changeantes de l'Europe.
Les relations entre le Canada et l'Europe - notamment la France - reposent sur
un certain nombre de fondements solides : une histoire culturelle commune, des
langues communes, des liens personnels et familiaux étroits, une
coopération bien établie au fil des ans et une perspective
commune dans plusieurs domaines stratégiques.
a) Héritage européen du Canada
Même si le Canada est un pays multiculturel, un pays où
habitent des représentants de plus de 200 groupes ethniques de tous
les coins du monde, son héritage européen demeure très
marqué. Selon le dernier recensement, près de 80 % des
30 millions d'habitants comptent des Européens parmi leurs
ancêtres. Les premiers colons venaient de France et des îles
Britanniques. Ils ont fondé des colonies qui conservaient des liens
étroits avec l'Europe. Ils ont été suivis par des
ressortissants d'autres régions d'Europe, notamment d'Allemagne,
d'Italie et d'Ukraine. Jusqu'à la fin du siècle dernier, la
plupart des immigrants au Canada étaient des Européens. En effet,
avant 1961, 90 % des immigrants au Canada étaient nés en
Europe. Cette proportion a ensuite commencé à fléchir, de
telle sorte qu'entre 1991 et 2001, 20 % seulement des immigrants
étaient européens.
Néanmoins, dans le recensement de 2001, la plupart des répondants
d'origine « ethnique » se sont déclarés d'origine
européenne. Outre l'origine « canadienne », dont se
réclamaient 11,7 millions de personnes - la plupart étant
probablement de descendance anglaise ou française -, les origines
ethniques les plus souvent déclarées étaient les origines
anglaise (6 millions), française (4,7 millions),
écossaise (4,2 millions) et irlandaise (3,8 millions).
L'héritage européen du Canada se remarque au fait que l'Europe
est une importante destination touristique des Canadiens : près de 2
millions de Canadiens ont visité l'Europe en 2000. Les Canadiens qui
voyagent en Europe constatent rapidement à quel point leur
héritage culturel est européen. La cuisine, l'architecture, la
musique, la littérature et la peinture canadiennes sont essentiellement
d'inspiration européenne. Les traditions parlementaires viennent de
Grande-Bretagne, alors que la
Charte canadienne des droits et
libertés
s'inspire de la
Déclaration universelle des
droits de l'homme
française. Le système juridique canadien
s'inspire également des traditions britannique et française. Le
régime de « common law » est en usage dans neuf
provinces, alors que le Québec est sous le régime du droit civil.
b) Relations entre le Canada et l'Europe
Les
premières relations qu'a entretenues le Canada avec l'Europe
étaient donc celles d'une colonie. Les premiers colons sont venus au
Canada en quête de poisson et de fourrures, qu'ils exportaient vers
l'Europe. Peu à peu, les villages ont grossi et les colonies se sont
développées. De fait, les marchands de fourrure français
ont exploré la plus grande partie du continent nord-américain. Au
fil des ans, le commerce d'autres matières premières s'est
développé, notamment celui du bois et du blé. Au
siècle dernier, certains produits comme les minéraux et les
pâtes et papiers ont pris de l'importance. Aujourd'hui toutefois, le
Canada n'est plus simplement un exportateur de matières
premières. En 2002, la valeur de ses exportations de machinerie et
d'équipement et de produits industriels vers l'UE a
dépassé de loin la valeur de ses exportations de produits
forestiers, agricoles et halieutiques.
La relation entre le Canada et l'Europe s'est resserrée au cours des
deux guerres mondiales
et, après la Deuxième Guerre
mondiale, le Canada a participé activement à la création
d'institutions qui définissent aujourd'hui la communauté
internationale. Il a été membre fondateur des Nations Unies en
1945. À partir du début de la guerre froide, il est aussi devenu
un membre actif de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN)
et, à compter des années 1950, il a envoyé des troupes en
Europe. Le Canada a retiré la plupart de ses troupes d'Europe au
début des années 1990, mais sa coopération avec
l'Europe se poursuit par l'entremise de l'OTAN. De plus, les forces de l'air de
plusieurs pays européens s'entraînent au Canada.
Le Canada accorde beaucoup d'importance aux organisations
multilatérales. En 1973, le Canada a adhéré à
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (OSCE). Il prend aussi part aux activités d'un certain nombre
d'autres organisations, dont plusieurs ont une dimension européenne : la
francophonie, le Commonwealth, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et
l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). Le Canada est aussi membre du G8 avec la France,
l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Russie.
Un des résultats les plus tangibles de la politique
étrangère du Canada est le rôle qu'il joue dans le maintien
de la paix. Même si la plupart de ses opérations de maintien de la
paix se sont déroulées au Moyen-Orient et en Afrique, il a
maintenu des troupes à Chypre pendant près de 40 ans et est
intervenu de façon importante dans les Balkans. Au cours de leur
diverses missions, ses gardiens de la paix et ceux de pays européens ont
souvent travaillé de concert.
Le Canada et l'UE ont plusieurs objectifs communs en matière de
politique étrangère. Leur coopération a porté
essentiellement sur des questions de sécurité humaine. Dans le
domaine du déminage, l'UE et le Canada ont préparé
l'adoption de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la
production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction - la
Convention d'Ottawa. Dans le domaine des armes légères, l'UE et
le Canada partagent la même vision pour ce qui est de la façon de
lutter contre leur prolifération et leur accumulation, qui joue une
rôle dans la déstabilisation de certains pays.
c) Relations Canada-UE
La
coopération officielle entre le Canada et l'UE a débuté en
1976 avec la conclusion de l'Accord cadre de coopération commerciale et
économique, qui visait à faciliter le commerce transatlantique
entre le Canada et la Communauté économique européenne
d'alors.
Depuis, les liens déjà étroits entre le Canada et l'UE ont
été grandement renforcés. La Déclaration
transatlantique de 1990 ainsi que la Déclaration politique conjointe et
le Plan d'action Canada-UE de 1996 ont renforcé cette relation et ont
mené à une coopération étroite entre le Canada et
l'UE à tous les niveaux. En particulier, la Déclaration politique
et le Plan d'action ont permis d'étendre la coopération à
des questions de politique étrangère et de politique de
sécurité, au développement et à l'aide humanitaire,
à l'environnement et à des questions de criminalité et de
migration transnationales.
Des rencontres régulières entre le Canada et les États
membres de l'UE et des représentants de l'UE constituent un
élément important de la relation. Depuis 1990, il y a eu des
sommets semestriels, auxquels ont participé le premier ministre du
Canada et les présidents de la Commission européenne et du
Conseil d'Europe. De plus, des hauts fonctionnaires du gouvernement
fédéral canadien et de la Commission européenne, ainsi que
des représentants des provinces canadiennes et des États membres
de l'UE, se réunissent au sein du Comité mixte de
coopération qui se penche une fois l'an sur les relations
économiques et commerciales.
Ces réunions permettent aux parties de se consulter
régulièrement sur des questions de politique
étrangère et de politique de sécurité et sur des
questions de sécurité régionale. Le Canada et l'UE ont
fait des déclarations communes sur plusieurs questions, dont la
non-prolifération des armes, le contrôle des armements et le
désarmement, la coopération au sein de forums des Nations Unies,
l'OMC et le changement climatique.
La Commission européenne a adopté en mai 2003 une communication,
adressée au Conseil des ministres et au Parlement Européen et
présentée au Premier ministre canadien, le très honorable
Jean Chrétien, au sommet UE-Canada à Athènes. Elle vise
à renforcer la coopération avec le Canada notamment dans le cadre
de la politique étrangère et de sécurité commune de
l'UE, de la collaboration en matière de justice, d'environnement et
d'éducation.
Elle présente également les premières réflexions de
la Commission sur le contenu et le champ d'application possible d'un accord
bilatéral en matière de commerce et d'investissement. Les
dirigeants canadiens et européens réunis à Athènes
se sont entendus pour renforcer leur relation bilatérale à tous
les niveaux et ont reconnu l'importance accrue de leur partenariat dans le
contexte mondial actuel.
D'autres forums facilitent les échanges Canada-Europe. La Table ronde
Canada-Europe (TRCE), entre autres, est un forum permanent qui permet aux
grands chefs d'entreprise de dialoguer entre eux et avec les gouvernements au
sujet des grandes questions de commerce et d'investissement. La première
table ronde a eu lieu en 1999 à l'instigation de plusieurs
sociétés européennes et canadiennes. La TRCE fonctionne
parallèlement au mécanisme établi pour
l'élaboration de politiques.
La Déclaration conjointe sur la justice et les affaires
intérieures est un bon exemple de coopération Canada-UE. Le
Canada est le seul pays autre que les États-Unis à participer
à des rencontres transatlantiques régulières sur
l'immigration, l'asile, le crime organisé et la coopération
judiciaire.
Enfin, l'éducation est un autre domaine dans lequel le Canada et l'UE
collaborent étroitement. En janvier 2000, la Commission
européenne a inauguré quatre centres de l'UE dans des
universités canadiennes. Ces centres s'ajoutaient à une chaire
qui existait déjà à l'Université de
Montréal. De plus, grâce à l'Accord sur l'enseignement
supérieur et la formation de 1996, plus de
1 500 étudiants ont eu droit à un stage d'études
outre-Atlantique, soit en Europe, soit au Canada.
d) Relations Canada-UE : un monde en évolution
Il est
important que les relations entre le Canada et l'UE reposent sur une base
solide, parce que les deux parties ont dû s'adapter à de nombreux
changements, en particulier depuis la fin de la guerre froide. Un volet de
cette évolution s'est déroulé à l'échelle
régionale. Du coté canadien, un accord de libre-échange a
été conclu avec les États-Unis d'Amérique en 1989
et, en 1994 ; cet accord a été élargi au Mexique dans
le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. Depuis, le
Canada dépend plus étroitement du marché américain.
L'importance relative des échanges commerciaux avec l'UE - y compris le
Royaume-Uni, deuxième partenaire commercial à une époque -
a diminué depuis le milieu des années 1960.
Le Canada a aussi conclu des accords de libre-échange avec le Chili et
le Costa Rica, et les négociations sont en cours pour créer
une zone de libre-échange des Amériques. L'objectif est de
créer d'ici à 2005 une zone de libre-échange qui
regrouperait les 34 États démocratiques de
l'hémisphère occidental.
Entre-temps, l'UE a aussi connu sa part de changements. Avec la signature du
Traité d'accession le 10 avril dernier à Athènes,
10 nouveaux pays, dont plusieurs d'Europe centrale et d'Europe de l'Est,
s'apprêtent à adhérer à l'Union en mai 2004. Il
en résultera un marché commun comptant plus de 480 millions de
consommateurs s'appuyant sur un PIB d'environ 12,8 milliards de dollars ou
8 milliards d'euros. Ce marché se comparera par sa taille à
celui des pays de l'ALENA, qui compte 412 millions de consommateurs et
dont le PIB est d'environ 14,7 milliards de dollars ou 9,2 milliards
d'euros.
Le Canada a fourni une aide technique et économique appréciable
à nombre de pays qui s'apprêtent à rejoindre les rangs de
l'UE, qu'il s'agisse d'encourager la saine gouvernance et la transparence, de
construire une société civile ou de créer des
institutions. Ces efforts ont porté fruit puisque ces pays ont satisfait
aux conditions d'adhésion imposées par l'UE.
À cause des changements qu'ont connus l'Europe et les Amériques,
il est important de faire le point sur la relation qui existe entre le Canada
et l'UE. Il est essentiel pour les parlementaires de comprendre la situation
telle qu'elle se présente.
e) Relations commerciales Canada-UE
M. Georges Farrah
a souligné que la relation
commerciale entre le Canada et l'UE est importante et constitue une base solide
pour une croissance future. L'UE est le deuxième partenaire du Canada en
matière de commerce et d'investissement, et le Canada veut
élargir cette relation, d'autant plus que l'UE entend grossir ses rangs
en accueillant de nouveaux membres.
En 2002, les exportations totales de marchandises du Canada à
destination de l'UE ont atteint 17 milliards de dollars - soit 4,3 %
de ses exportations totales. Depuis 1991, les exportations du Canada vers l'UE
ont augmenté de 4,5 % par an, contre 2,9 % pour celles
à destination du reste du monde, hormis les États-Unis.
Entre-temps, les importations canadiennes en provenance de l'UE ont
augmenté au rythme de 10 % environ par an. En 2002, les
importations en provenance de l'UE ont atteint 39 milliards de dollars. Le
Canada enregistre, au chapitre ses échanges commerciaux de produits avec
l'UE, un déficit croissant, qui s'établissait à environ
22 milliards de dollars en 2002.
Au commerce de marchandises s'ajoutent des échanges bilatéraux de
services qui ont atteint 20,5 milliards de dollars en 2002. Les
investissements ont également contribué à renforcer nos
liens économiques. Le chiffre des investissements étrangers
directs (IED) du Canada dans l'UE a augmenté sensiblement depuis une
décennie et, depuis 1996, il ne s'éloigne pas beaucoup du chiffre
des IED de l'UE au Canada. En 2002, le chiffre des IED du Canada dans l'UE
s'élevait à 99,9 milliards de dollars, soit un peu moins du
quart de tous les IED du Canada, alors que le chiffre des IED de l'UE au Canada
s'élevait à 94 milliards de dollars, soit un peu plus du
quart de tous les IED au Canada.
Les relations Canada-UE en matière de commerce et d'investissement sont
régies par des accords de l'OMC et par l'Accord cadre de
coopération commerciale et économique, signé en 1976.
Plusieurs autres accords bilatéraux portent sur la coopération en
matière de douanes, de sciences et de technologie, de normes de
piégeage, de commerce de boissons alcoolisées, d'inspections
vétérinaires et de reconnaissance mutuelle des règles
d'homologation et de vérification des produits à des fins de
normalisation. Ces accords, de même que la Déclaration
transatlantique de 1990 et la Déclaration politique conjointe et le Plan
d'action Canada-UE de 1996, constituent la base qui permettra d'approfondir la
relation entre le Canada et l'UE.
Lors du sommet Canada-UE de décembre 1998, il a été
convenu de développer le volet commercial du Plan d'action Canada-UE en
lançant
l'Initiative commerciale Canada-Union européenne
(ICCU), qui établissait un sous-ensemble d'objectifs réalisables
dans un temps raisonnable concernant l'accès aux marchés et la
coopération économique. Ces objectifs comprenaient la
coopération en matière de réglementation, les services,
les achats par les gouvernements, la propriété intellectuelle, la
concurrence, la coopération culturelle, la mise en rapport des
entreprises et le commerce électronique.
La négociation commerciale multilatérale à venir devrait
porter sur les obstacles existants au commerce et à l'investissement
entre le Canada et l'UE, mais d'autres mesures sont envisagées pour
libéraliser davantage le commerce et l'investissement bilatéraux.
Selon deux sondages récents, les marchés canadien et
européen intéressent le milieu des affaires et les
problèmes de réglementation sont un des principaux obstacles au
commerce, un autre étant les tarifs.
Plusieurs accords sectoriels bilatéraux ont
été conclus dans le cadre du Plan d'action Canada-UE et de
l'ICCU, notamment des accords concernant la coopération
douanière, la conformité des produits, les normes
vétérinaires et les bureaux de la concurrence.
Plusieurs faits nouveaux d'ordre commercial et économique se sont
produits au sein de l'UE et ils ont une incidence sur le Canada. On songe ici
à l'union économique et monétaire, au perfectionnement des
règles d'harmonisation concernant le marché unique, à
l'élargissement de l'UE à 25 membres en 2004, aux nouveaux
accords bilatéraux de libre-échange, et aux interdictions et aux
restrictions de l'UE visant les importations pour protéger la
santé, l'environnement et les consommateurs.
L'OMC a aussi évolué. En novembre 2001, un nouveau cycle de
négociations commerciales multilatérales a débuté
à Doha, au Qatar. Des objectifs ont été fixés dans
les domaines de l'agriculture, des services et des produits non agricoles, afin
de régler les problèmes d'accès aux marchés, de
soutien interne et de subventions à l'exportation. Un délai a
aussi été fixé au janvier 2005. Si de nouvelles
négociations commerciales multilatérales ont été
entreprises avec succès à Doha, c'est en partie grâce
à la coopération bilatérale étroite entre le Canada
et l'UE.
Par suite de ces événements, le Canada et l'UE tentent maintenant
de mettre à jour leurs accords commerciaux bilatéraux. À
leur sommet de décembre 2002, le Canada et l'UE se sont
engagés à concevoir un nouveau type d'accord bilatéral
général, orienté vers l'avenir, pour améliorer le
commerce et l'investissement. Les dirigeants ont aussi convenu de travailler
à la mise en oeuvre rapide du Programme de Doha pour le
développement de l'OMC, pour le plus grand bien des pays
développés et en développement.
En avril, le gouvernement du Canada a entrepris de consulter les Canadiens, les
provinces et les territoires, les entreprises et les organisations non
gouvernementales au sujet du projet d'accord et des obstacles à
l'accès au marché européen dont il sera question dans le
cadre des négociations courantes de l'OMC. Les ministres canadien et
européens du Commerce présenteront des projets d'accord
bilatéral lors du prochain sommet Canada-UE qui aura lieu à
Ottawa en décembre 2003. Les négociations Canada-UE
concernant le projet d'accord devrait débuter en 2004 et se terminer
lorsque les résultats des négociations sur le Programme de Doha
pour le développement seront connus.
f) Le rôle des parlementaires
M. Georges Farrah
a estimé, enfin, que le rôle
que peuvent jouer les parlementaires canadiens dans l'examen des relations
Canada-UE est important. Ils peuvent agir à maints égards. Ils
peuvent poser des questions durant la période des questions et
participer à des débats. Leur travail en comité est un
autre moyen efficace. Depuis quelques années, des comités du
Sénat et de la Chambre des communes ont examiné les relations que
le Canada entretient avec l'Europe et avec l'OMC. Ces comités ont
grandement contribué au développement des relations entre le
Canada et l'UE et à l'élaboration de politiques relatives aux
négociations commerciales internationales.
En 1998, le Comité sénatorial des affaires
étrangères a publié un rapport intitulé
«
Le point sur l'Europe : Les implications d'une
intégration accrue de l'Europe pour le Canada »
,
constituant la mise à jour d'un rapport publié en 1996. Il a
examiné les conséquences que l'intégration
économique européenne pourrait avoir pour le Canada. Entre autres
recommandations, le Comité a proposé d'accroître les liens
entre le Canada et l'Europe en matière de commerce et d'investissements
internationaux.
En juin 2001, le Sous-comité du commerce international, des
différends commerciaux et des investissements internationaux du
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce
international de la Chambre des communes a publié un rapport
intitulé «
Traverser l'Atlantique : Élargir les
relations économiques entre le Canada et l'Europe »
. Dans
son rapport, il remarque que l'UE est le deuxième partenaire du Canada
en matière de commerce et d'investissement mais que peu de Canadiens
connaissent l'importance de l'UE sur le plan économique. Il note aussi
que les Européens ont tendance à avoir une perception
dépassée de l'économie canadienne, convaincus qu'elle
repose essentiellement sur les ressources naturelles. En fait, les produits
industriels représentent environ 70 % des exportations canadiennes.
Dans le rapport, le Comité propose des moyens de corriger cette image et
recommande, entre autres choses, de promouvoir le commerce canadien, de
resserrer les liens transatlantiques et d'évaluer les éventuels
effets économiques de l'élargissement de l'UE sur le Canada.
Dans un domaine connexe, le Comité permanent des affaires
étrangères et du commerce international a produit en mai 2002 un
rapport sur les négociations de l'OMC. Il a fait plusieurs
recommandations concernant le cycle de négociations de Doha, entre
autres, que le Canada travaille de concert avec les pays qui partagent les
mêmes intérêts afin d'inciter l'OMC à
améliorer son processus décisionnel. Le gouvernement a
accepté la recommandation.
En plus des comités, les associations parlementaires canadiennes jouent
un rôle important dans la relation entre le Parlement canadien et l'UE.
Ces associations sont constituées de sénateurs et de
députés.
L'Association parlementaire Canada-Europe joue un rôle
particulièrement important dans notre relation avec l'UE. Depuis sa
création en 1980, elle rencontre, en général une fois
l'an, la délégation du Parlement européen responsable des
relations avec le Canada. Ensemble, elles poursuivent le dialogue, en
particulier sur les questions de sécurité et de défense,
les affaires étrangères, les droits de la personne,
l'environnement et l'agriculture. L'Association parlementaire Canada-Europe a
également des échanges avec l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe et envoie des délégués participer au
débat annuel sur les activités de l'OCDE. En outre, l'Association
envoie une délégation à la réunion annuelle de
l'Assemblée parlementaire de l'OSCE.
En plus de l'Association parlementaire Canada-Europe et de l'Association
interparlementaire Canada-France, le Parlement canadien compte l'Association
interparlementaire Canada-Royaume-Uni et l'Association parlementaire canadienne
de l'OTAN. À noter également l'existence de deux groupes
d'amitié : le Groupe d'amitié Canada-Allemagne et le Groupe
d'amitié Canada-Italie.
Les choses ont bien changé depuis la création de l'UE il y a
10 ans. L'intégration au sein de l'UE a conduit à un nouveau
type d'organisation supranationale qui ne cesse d'évoluer. Les pays
d'Europe de l'Est et d'Europe centrale ont fait de grands efforts pour
s'ajuster, et nombre d'entre eux s'apprêtent à devenir membres de
l'UE. Entre-temps, l'Accord de libre-échange nord-américain a
modifié la structure des échanges commerciaux du Canada.
Le Canada a longtemps considéré ses relations avec l'Europe comme
un moyen d'équilibrer sa relation avec les États-Unis. De toute
évidence, comme nous sommes voisins des États-Unis, nos relations
seront toujours de la plus grande importance. Mais si la géographie nous
rapproche des États-Unis, il ne faut pas oublier non plus que l'histoire
nous rapproche de l'Europe. L'usage du français au Canada est à
l'origine de notre lien privilégié avec la France, et notre
situation d'ancienne colonie britannique explique notre relation
particulière avec le Royaume-Uni. En outre, l'immigration que le Canada
a connue au fil des siècles lui a permis d'établir des liens
étroits avec chaque pays d'Europe.
Cependant, le Canada doit examiner sa relation avec l'UE à la
lumière de l'évolution des affaires internationales. Aussi forts
que puissent être ses liens commerciaux avec les États-Unis, il
lui faut diversifier et promouvoir ses échanges commerciaux avec
d'autres régions du monde, en particulier avec l'Europe. Les Canadiens
savent qu'ils pourraient faire davantage à cet égard. La
population canadienne et les entreprises canadiennes doivent prendre davantage
conscience de l'importance de nos relations avec l'Europe.
De plus, il est essentiel que les parlementaires connaissent la nature des
changements qui influent sur les relations et qu'ils continuent de suivre les
événements. Par le travail qu'ils font en comité et les
questions qu'ils posent lors de débats, ils peuvent contribuer à
façonner la politique canadienne à l'endroit de l'Europe. En tant
que représentants de la population, ils remplissent également une
fonction importante : éduquer les Canadiens au sujet des grands enjeux.
Les forums tels que les réunions annuelles d'associations parlementaires
constituent le moyen idéal pour les aider à s'acquitter de leurs
fonctions. Ce sont d'excellentes tribunes pour échanger des
idées, dans un cadre officiel ou autrement.
L'avenir semble très prometteur pour les relations transatlantiques. Peu
importent les tensions qui surviendront, ces tensions sont normales puisque le
Canada entretient des liens étroits avec l'Europe. La poursuite des
échanges par l'entremise d'associations parlementaires comme la
nôtre ne pourra que renforcer les relations entre le Canada et l'Union
européenne.
En conclusion,
M. Georges Farrah
a cité le ministre canadien
des Affaires étrangères, M. Bill Graham, pour qui
« somme toute, les relations entre le Canada et l'UE sont solides
; nous devrons veiller à ce qu'elles restent dynamiques et continuent
d'évoluer tout comme l'UE elle-même évolue et
s'élargit, et faire en sorte qu'elles restent adaptées aux
réalités de nos populations respectives et que nos projets de
coopération soient constructifs et concrets »
.
La
sénateur
Bacon
a remercié
M. Farrah
pour son intervention et a ouvert
le débat.
C. DÉBAT
L'honorable Gérald Beaudoin
a souligné
l'apport, pour le Canada, de l'Europe dans le domaine juridique et notamment
constitutionnel ; c'est ainsi que la Charte européenne des Droits
de l'Homme est devenue une référence non seulement pour la Cour
constitutionnelle fédérale, qui a été amenée
à infléchir sa politique, mais aussi pour les cours
constitutionnelles provinciales, qui fondent souvent leurs arrêts sur les
dispositions de la Charte.
Madame Dalphond-Guiral
a remercié
M. Colombier
de son
exposé sur l'Europe en devenir et soulevé plusieurs questions :
-
- Sur la manière dont est évaluée l'ampleur du choc
économique lié à l'adhésion et sur le
mécanisme de déclenchement de la clause de sauvegarde
économique pour protéger les petits pays ;
- Sur le droit de chaque pays à déterminer sa propre réglementation en matière d'extradition alors que la libre circulation des biens et des personnes a fait évoluer la notion de frontière en Europe ;
- Le poids démographique étant pris en compte dans le calcul des différentes majorités, comment le recensement est-il réalisé ? Au niveau de l'Europe ? au niveau national ? Dans ce cas les critères peuvent différer d'un pays à l'autre ;
- Sur la position de l'Allemagne dans le débat controversé sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe.
Ce dernier a indiqué qu'il représentait la France à Bruxelles, au sein de la convention chargée de rédiger la Charte des Droits fondamentaux. La mise en place d'une convention qui réunissait à la fois les représentants des instances européennes et des parlementaires nationaux a été une telle réussite que le même dispositif a été repris pour la rédaction de la future Constitution européenne ; une seconde convention a donc été constituée sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing.
Le succès de cette initiative est dû au fait que, pour la première fois, les peuples ont été associés, par l'intermédiaire de leurs représentants - députés et sénateurs -, à la construction de l'Europe, ce qui n'avait pas été le cas, par exemple, lors de l'élaboration du Traité de Maastricht.
La Grande-Bretagne a joué un rôle essentiel lors de l'élaboration de la Charte des Droits fondamentaux ; elle était au départ très réticente sur le volet social, dont les dispositions lui paraissait très contraignantes, et a accepté le texte à la condition qu'il ne figure pas dans le préambule de la Constitution. Finalement, dans le cadre de la Convention sur l'Avenir de l'Europe, elle a consenti à ce que la Charte soit intégrée dans le projet, ce qui est le point le plus positif.
Le projet de Constitution est critiquable notamment parce qu'il n'est pas certain qu'il assure le fonctionnement d'une Europe de trente membres ; la Charte, néanmoins, est un texte fondamental, qui définit ce qu'est l'Europe : un ensemble de valeurs partagées, différentes de celles qui ont cours en Asie ou en Amérique du Nord.
Répondant à la deuxième question, il a indiqué qu'il n'existe pas de législation commune sur l'extradition en Europe, mais qu'un effort d'harmonisation est mené et que, jusqu'à présent, il n'y a pas eu d'incident.
Il n'y a pas non plus de recensement général ; des organismes communs effectuent des rapprochements, mais il serait effectivement très utile de créer une sorte d'INSEE européen.
L'Allemagne est partagée sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe, comme le sont de nombreux Etats membres, et comme l'est l'opinion publique française. Les Allemands se demandent si l'intégration de la Turquie est compatible avec la conception fédéraliste de l'Europe qui est la leur. C'est pourquoi la question n'est pas tranchée.
La réunification de l'Europe est un acte historique. De fait, les référendums organisés en vue de l'adhésion ont donné des majorités considérables : 70 % de votes favorables en République tchèque ; 77 % en Pologne, et ont suscité des manifestations de joie au sein des populations.
L'Europe est perçue comme une assurance pour la paix et la démocratie ; l'Espagne et le Portugal, qui ont adhéré après les six membres fondateurs, sortaient d'une période de dictature. Préserver la paix et instaurer la démocratie après des années de régime communiste est l'ambition des pays candidats et des nouveaux adhérents.
M. Colombier a confirmé que le pessimisme qui transparaît dans son rapport reflète celui de ses concitoyens, qu'il constate tous les jours en tant qu'élu. Les hommes politiques doivent travailler à convaincre les Français de l'intérêt que représente l'Europe et son élargissement, les réformes - comme par exemple celles de la politique agricole commune - suscitant une grande inquiétude. L'enthousiasme est manifestement plus grand dans les pays candidats ou nouveaux adhérents qu'au sein des quinze pays membres.
M. Laffineur a ajouté que l'Europe a apporté non seulement la paix, mais aussi la croissance.
Mme Frulla a rappelé que plusieurs articles parus dans le journal « le Monde » faisaient état de l'appréhension des Français à l'égard de l'élargissement, sur différents points : défense du français ; respect des équilibres entre grands et petits pays ; politique étrangère, de sécurité et de défense - et à cet égard, l'absence d'une position commune lors de la guerre en Irak pourrait conduire à de grandes dissensions -; économie : disparité dans les rythmes de croissance.
Pour M. Laffineur il n'est pas certain, en effet, qu'un référendum organisé en France à l'heure actuelle donnerait un résultat positif. Il a estimé que la question du français n'est pas prédominante ; en revanche, celle de la défense est un souci majeur ; il faut tenir compte de l'histoire des pays candidats, qui souhaitent une protection que l'Europe, à la différence des Etats-Unis, ne peut encore leur apporter. La Convention a précisément pour mission d'essayer de résoudre les problèmes et une solution pourrait être trouvée dans la mise en place d'une coopération renforcée entre Etats.
M. Colombier a approuvé les propos de M.Laffineur et espère que la divergence des positions sur l'engagement en Irak ne laissera pas de traces. Il a déploré l'attitude de la Pologne qui s'est dotée d'avions de combat américains F16 plutôt que d'appareils produits par l'industrie européenne, alors qu'elle venait juste d'obtenir de l'Europe des gages financiers considérables.
M. Loncle a estimé que l'on n'a pas pris la mesure des attentes et des préoccupations des pays candidats, et que l'on méconnaît leur état d'esprit. C'est ainsi que les pays baltes ont suggéré de rebaptiser l'Union européenne, le terme « union » évoquant l'Union soviétique.
Il est donc certain que ces pays se tourneront vers les Etats-Unis si l'Europe ne parvient pas à construire une politique de défense et de sécurité commune.
Il faut effacer les dissensions sur l'Irak et, à cet égard, un ministre des Affaires étrangères de l'Europe peut jouer un rôle plus efficace que le haut représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité commune, M. Solana.
M. Godin s'est interrogé sur la question de la souveraineté et du libre-échange. La création d'une Union en Europe ne comporte-t-elle pas le risque de favoriser la domination de l'Etat le plus puissant, comme c'est le cas des Etats-Unis au sein de l'Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA), par exemple en matière de protection des droits des travailleurs ?
M. Laffineur a indiqué que la situation en Europe est différente dans la mesure où aucun pays n'occupe une position aussi dominante que celle des Etats-Unis au sein de l'ALENA et que, de ce fait, les règles sont fixées de manière plus consensuelle.
M. Colombier a observé que l'existence de l'OMC joue un rôle positif pour éviter que les « gros mangent les petits ». Une Europe élargie pèsera plus lourd face aux Etats-Unis, ce qui favorisera la prise en compte de la dimension humaine dans les relations commerciales.
Selon M. Loncle, l'Europe s'était insuffisamment préparée à la rencontre de Seattle et elle a subi un échec ; à Doha, en revanche, s'étant mieux organisée, elle a eu une influence plus grande, grâce à l'appui de ses alliés, et du Canada en particulier. Ainsi, l'Europe devra s'affirmer en augmentant son poids économique et en cultivant ses alliances, dans le domaine culturel notamment, où elle partage les préoccupations du Canada face aux Etats-Unis.
M. Farrah a indiqué que l'un des objectifs du Canada est de diversifier ses échanges pour réduire sa dépendance à l'égard des Etats-Unis, et de s'appuyer pour ce faire sur des alliés et amis comme la France.
M. Laffineur a conclu que l'intérêt du monde, y compris des Etats-Unis, est que l'Europe soit forte et dispose d'une capacité de défense suffisante, ce qui est l'une de ses priorités.
*
* *
Avant de passer au point
suivant de l'ordre du jour et pour répondre à la demande de
plusieurs délégués canadiens,
M. Laffineur
a exposé
très brièvement les raisons de l'échec du
référendum qui venait de se dérouler en Corse.
Il a rappelé qu'une petite fraction de la population, inférieure
à 10 %, revendique ouvertement l'indépendance et s'exprime depuis
des années par la violence, en faisant régulièrement
exploser des bombes et en recourant aux règlements de comptes et
à d'autres formes d'attentats. Les gouvernements successifs ont
cherché, sans grand résultat, une solution au problème
corse, rendu plus compliqué par l'interpénétration des
milieux nationalistes et des réseaux mafieux. Le projet du gouvernement,
soumis au référendum, visait à proposer une plus grande
autonomie aux Corses dans la gestion des affaires intérieures de
l'île en supprimant les cadres existants - deux départements
et une région pour 270.000 habitants - pour les remplacer par une
collectivité territoriale unique au sein de laquelle toutes les
tendances politiques seraient représentées.
Mais la conjonction de plusieurs phénomènes a entraîne le
rejet du projet de réforme. Aux électeurs de Bastia - qui
perdait sa préfecture dans la réforme et craignait une perte
d'influence - qui ont voté non à 70 %, se sont
ajoutées les voix des Corses troublés par le soutien des
nationalistes à ce projet, celles des nombreux fonctionnaires rendus
mécontents par la réforme des retraites en cours - qui
concerne principalement la fonction publique - ainsi que celles des
nationalistes mécontents de l'arrestation d'Yvan Colonna, le meurtrier
présumé du préfet Erignac.
En conclusion
, M. Laffineur
a fait part de sa crainte que le maintien du
statu quo
signifie le retour des attentats et empêche encore pour
longtemps cette île, au demeurant magnifique, de connaître le
développement qu'elle attend car les investisseurs ne sont pas
prêts à prendre les risques entraînés par cet
état d'insécurité permanent.
*
* *
II. BIOÉTHIQUE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION
A. INTERVENTION DE MME MADELEINE DALPHOND-GUIRAL, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN SUR LES ENJEUX DE LA BIOÉTHIQUE, DE LA SCIENCE ET DE LA RECHERCHE : SURVOL DE LA SITUATION AU CANADA ET AU QUÉBEC
Convaincue, du fait de l'avancement de la science et des
progrès saisissants de la technologie particulièrement au cours
des dernières décennies, de l'importance de la question de la
bioéthique, des enjeux qu'elle soulève et des difficultés
qu'il faudra prendre en compte en les encadrant du mieux possible, elle a
proposé de décrire ce qui s'est fait au Canada et au
Québec, pour terminer sur une réflexion quant au mode
d'encadrement idéal des techniques de reproduction assistée.
Une définition :
La rapporteur canadienne a préféré, en l'absence d'un
consensus sur une définition de la bioéthique, se
référer aux racines grecques du terme. Le premier
élément,
Bio
, signifiant « vie » est
un mot extrêmement lourd de sens puisqu'il n'existe toujours pas
aujourd'hui de définition exacte de la vie, notamment à propos de
son commencement chez l'homme. L'autre élément,
éthique
, signifie autant en grec qu'en latin tout ce
« qui concerne les moeurs, la morale ». Il n'est pas besoin
d'un long discours pour savoir que la morale est une notion extrêmement
élastique. Il est donc nécessaire, en pratique, de trouver les
paramètres qui permettent à l'homme de préserver son
humanité avec toute la richesse qu'elle implique. Le concept du droit
à la vie est très simple, mais il devient complexe dès
qu'il faut déterminer à quel moment il débute.
Il y a cent ans, lorsqu'une femme ne pouvait amener à terme l'enfant
qu'elle portait et qu'il venait au monde prématurément, on le
mettait sur la porte du four, et s'il résistait à ce traitement
il devenait alors un bon citoyen. Aujourd'hui c'est différend, on
assiste à des batailles entre grand hôpitaux pour réussir
à préserver vivant l'enfant né le plus petit possible. Il
y a trente ans, c'était un kilo, aujourd'hui c'est 500 grammes, et
Mme Dalphond-Guiral
s'est dite convaincue que l'on réussira à
faire vivre des enfants encore plus petits.
Quelles sont les décisions prise au Canada dans le domaine de la
Bioéthique ?
En 1989, le gouvernement du Canada a nommé une Commission royale
d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction, la Commission
Baird, dont le mandat était d'enquêter sur les progrès,
actuels et prévisibles, dans le domaine des techniques de reproduction
et de faire des recommandations quant aux mesures à adopter. Dans son
rapport final, déposé à l'automne 1993, la Commission
recommandait au gouvernement fédéral d'interdire certaines
activités, comme le clonage humain, la création d'hybrides
animal-humain et la commercialisation de la maternité de substitution,
et de mettre sur pied un organisme de réglementation indépendant
pour régir les activités de procréation assistée
qui seraient admissibles.
Dix ans après, des « petits pas » ont
été faits. En 1995, le ministre canadien de la Santé
demandait un moratoire volontaire sur bon nombre d'activités que la
Commission royale avait recommandées, suscitant une déception
certaine
.
En 1996, le gouvernement fédéral
déposait un premier projet de loi, le C-47,
Loi sur les techniques de
reproduction humaine et de manipulation génétique
, qui
proposait une série d'interdictions fondée sur le moratoire
volontaire. Suite à la dissolution du Parlement en 1997, le projet de
loi est mort au Feuilleton. Peut-être était-il
prématuré ?
Ce n'est qu'au printemps 2002 que la question de la reproduction
assistée est revenue devant le Parlement fédéral, avec le
dépôt du projet de loi C-56 concernant la procréation
assistée, également « mort au Feuilleton » en
raison de la prorogation
6
(
*
)
de la session parlementaire. Ce n'est qu'au printemps
2003 que le texte législatif se retrouve à nouveau au menu
parlementaire sous l'appellation C-13,
Loi concernant la procréation
assistée
.
Grosso modo
,
le projet de loi, sur lequel le débat
reprendra à l'automne à la Chambre des Commune, se propose
d'interdire les pratiques inacceptables, telles que :
-
• La création d'un clone humain, que ce soit à des fins de
reproduction ou thérapeutiques ; là dessus, le projet de loi est
très clair ;
- la création d'un embryon in vitro à des fins autres que la création d'un être humain ou l'amélioration des techniques de reproduction assistée ;
- la création de combinaisons humain / non-humain à des fins de reproduction ;
- l'offre d'un incitatif financier à une mère porteuse ;
- la vente ou l'achat d'embryons humains ou l'offre des biens et des services en échange. Pendant la discussion, les débats ont mis à jour une inquiétude à propos du trafic d'ovules.
• La recherche effectuée pour mieux comprendre les causes de l'infertilité et améliorer les techniques de fertilité ;
• la recherche effectuée pour mieux comprendre les problèmes non liés à la fertilité, ce qui va entraîner toutes sortes de polémiques ;
• la recherche effectuée pour aider à trouver des traitements pour des maladies, soit la recherche sur cellules souches embryonnaires.
Compte tenu de son implication dans les questions de santé ce projet de loi C-13 va, à l'évidence, soulever des conflits de compétence entre les provinces et du fédéral. C'est une réalité canadienne qu'il va falloir résoudre de manière intelligente, dans le respect des compétences de chacun.
Mme Dalphond-Guiral a abordé ensuite l'état de la réflexion au Québec dans ce dossier.
La recherche sur les cellules souches et le clonage, qu'il soit reproductif ou thérapeutique, nécessitent des installations fort complexes, une haute technologie et des expertises très pointues qui ne se trouvent pas partout. Au Québec, seuls les centres hospitaliers universitaires, avec leurs centres de recherche, ainsi que quelques firmes privées peuvent disposer de telles installations. Il faut donc encadrer autant les institutions universitaires que les laboratoires privés.
Depuis un certain temps déjà, le Québec s'est doté de mécanismes très stricts qui encadrent la recherche et qui préviennent toute initiative déraisonnable. À cet effet, le Fonds de recherche en santé du Québec, le FRSQ, joue un rôle de pionnier et de maître d'oeuvre. De concert avec les conseils d'administration des hôpitaux universitaires et leurs centres de recherche, cet organisme a convenu d'un cadre réglementaire qui balise de façon très étroite le fonctionnement de la recherche dans ces institutions publiques. En l'absence d'un cadre réglementaire, le FRSQ ne finance pas ces centres.
Rôle du FRSQ
Jouant un rôle très important en matière de bioéthique, le fonctionnement du Fonds de recherche donne un éclairage particulier quant à la façon de faire québécoise.
Le FRSQ est un organisme parapublic de financement de la recherche en santé dont le rôle est de coordonner le développement de la recherche au Québec.
En 1998, le ministère de la Santé et des services sociaux, sous la direction du ministre de l'époque, Jean Rochon, a déposé le Plan ministériel en éthique de la recherche et en intégrité scientifique et a confié au FRSQ le mandat d'établir les standards de recherche et de s'assurer de la qualité de ses applications. Depuis 1998, le FRSQ a mis en place un système de contrôle d'assurance de la qualité avec des normes et des méthodes de vérification.
Afin d'assurer le maintien des plus hauts standards scientifiques, d'encadrement et d'éthique de la recherche, le FRSQ effectue un audit périodique de chacun des centres de recherche et des établissements publics de santé. Cette visite d'évaluation permet de veiller au bon fonctionnement des comités d'éthique et de s'assurer que le cadre réglementaire de la recherche soit véritablement implanté plutôt que de demeurer purement théorique. Il ne faut pas oublier que le financement des centres de recherche des hôpitaux par le FRSQ est conditionné au respect de ces standards.
Il est également intéressant de souligner que le Fonds de recherche en santé du Québec a contribué à la rédaction des directives canadiennes en matière d'éthique de la recherche sur le sujet humain et qu'avec ses chercheurs il a contribué activement à la préparation des lignes directrices énoncées en 2002 par les instituts canadiens de recherche en santé. Le FRSQ adhère aux principes énoncés dans le Code de Nuremberg et la Déclaration d'Helsinki.
Mme Dalphond-Guiral a souligné, en conclusion, que le sujet de la bioéthique est d'une importance majeure et ne doit en aucun cas être pris à la légère. Le laxisme en cette matière serait une tragédie puisque la science ne semble pas avoir prévu de faire relâche pour les mois et les années à venir. Le clonage et la manipulation génétique en général, sans parler de la litigieuse question des brevets, soulèvent des interrogations de toutes sortes et présentent des risques de dérapage élevés. En tant que législateurs, les parlementaires ont un rôle important à jouer afin d'assurer, avec l'aide de la communauté scientifique, médicale et les organismes sociaux oeuvrant dans le domaine, un encadrement adéquat des progrès de la science et de la technologie.
Comme la science outrepasse largement les frontières, le défi majeur est de déterminer la façon de s'entendre sur un consensus global ralliant les différents peuples, les différentes cultures et les différentes religions afin que la science ne puisse exploiter les lacunes d'un système international défaillant où les normes seraient hétéroclites et où les dérapages pourraient avoir de graves répercussions dans l'avenir. La mort prématurée de la brebis Dolly ne doit pas être considérée comme le fruit du hasard mais plutôt comme une mise en garde sur le fait que la science, la mieux intentionnée soit-elle, n'arrive pas toujours à identifier ses propres failles avant que des catastrophes se produisent. Les exemples sont nombreux dans une multitude de domaines.
Pour terminer, Mme Dalphond-Guiral a évoqué Montaigne qui disait, à juste titre : « Je voudrais qu'on fût soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine et qu'on y requît tous les deux, mais plutôt les moeurs et l'entendement que la science » .
B. INTERVENTION DE M. MARC LAFFINEUR, DÉPUTÉ, RAPPORTEUR POUR LA SECTION FRANÇAISE, SUR LA SITUATION EN FRANCE : LA BIOÉTHIQUE ENTRE DEUX LOIS
M.
Marc Laffineur
a exposé à son tour la situation en France
où l'on a pendant très longtemps considéré que
c'était à l'éthique de régler les problèmes
posés par la science. Mais l'évolution trop rapide de celle-ci a
poussé les scientifiques à demander eux-mêmes au
législateur de fournir des réponses aux questions qu'ils se
posaient.
Les greffes d'organes et de tissus d'abord anecdotiques ont connu un
développement rapide, soulevant au passage plusieurs questions :
celle du consentement du donneur, mort ou vivant, sur lequel l'organe
greffé a été prélevé et celles des
critères de choix du receveur et sur l'information qui lui est due. Par
la suite, la pratique grandissante des prélèvements d'organes sur
donneur vivant ont soulevé d'autres questions concernant notamment les
mineur soumis à la pression morale de leur entourage et, surtout, le
risque de la commercialisation du don d'organes.
La révolution génétique, née en 1973 à la
suite de la première greffe d'un gène sur une bactérie qui
en modifiait la nature même, a ensuite posé de nouveaux
problèmes aux chercheurs.
Une troisième raison à l'origine de l'intervention du
législateur fut la procréation médicalement
assistée : pour remédier au problème de la
stérilité des couples désireux d'avoir un enfant, il fut
d'abord recouru à l'insémination artificielle,
technique
simple qui consiste à recueillir, traiter et conserver le sperme, puis
à l'introduire dans les voies génitales féminines. Mais
l'insémination artificielle ne permettant pas de résoudre tous
les cas de stérilité, on est passé au stade de la
fécondation
in vitro
(FIV), technique plus
élaborée qui consiste à prélever des ovocytes d'une
femme au cours d'une intervention chirurgicale, à les mettre
in vitro
en présence de spermatozoïdes, puis après quelques
heures de culture à réimplanter l'ovule ainsi
fécondé dans l'utérus de la femme.
Cependant une dérive est rapidement apparue qui consistait pour
différentes raisons à implanter l'ovule fécondé
chez une autre femme que la « mère », donnant
naissance au phénomène des « mères
porteuses » très en vogue dans les années 80 mais
porteur d'un nouveau problème d'éthique. Une soixantaine
d'enfants sont ainsi nés en France de « mères
porteuses ».
Les progrès de la science ont rapidement évolué vers des
traitements destinés à stimuler l'ovulation chez la femme. Pour
limiter les effets indésirables de ces traitements et éviter de
procéder à des réimplantation
répétées d'ovules fécondés
in vitro
- car l'opération n'était pas toujours couronnée de
succès - on a vite pris l'habitude de prélever plusieurs
ovules, de façon à pouvoir procéder à plusieurs FIV
et multiplier ainsi les chances de succès sans avoir à
répéter le processus de stimulation. La congélation est
alors devenue un moyen de conservation normal des ovules fécondés
en vue de les réutiliser, soit à la suite de l'échec d'une
précédente tentative, soit pour donner naissance à un deux
ou trois enfants de plus.
Mais une fois le projet parental satisfait, il peut rester des embryons
congelés en surnombre, ce qui pose alors la question de leur utilisation
et de leur statut.
Pour toutes ces raisons et à l'issue d'une longue réflexion
concrétisée par la publication de plusieurs rapports, le
Parlement français est intervenu pour légiférer une
première fois en 1994. Le père de la loi est l'actuel ministre de
la santé, Jean-François Mattéi, un
généticien mondialement connu. Mais au delà des
problèmes scientifiques se posent des questions philosophiques qui
touchent aux croyances religieuses des chrétiens.
Ce sont en réalité trois lois qui ont été
votées au cours de l'été 1994 pour tenter d'apporter une
réponse à tous ces problèmes :
-
• Une loi relative à la protection des personnes qui se
prêtent à des recherches biomédicales ;
• Une deuxième, sur le respect du corps humain ;
• Et une troisième loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
-
- concernant les prélèvements d'organes sur les personnes
décédées, une présomption d'accord au
prélèvement a été instituée si la personne
décédée n'avait pas, de son vivant, fait connaître
son refus explicite. La question de l'accord au prélèvement
d'organes sur les personnes décédées semblait avoir ainsi
été résolue puisque, statistiquement, le nombre des refus
ainsi manifestés n'a jamais pas dépassé 1 % de la
population. Il n'en fut rien dans la réalité, car en l'absence de
volonté manifestée par la personne décédée,
le médecin est tenu de recueillir le témoignage de la famille du
décédé avant d'effectuer un prélèvement
d'organe. Or, cette pratique a conduit à un blocage très
important de la part des familles qui à 95 % opposent un refus à
la demande de prélèvement ;
- le deuxième principe concernait l'interdiction de la commercialisation des organes. On sait qu'en France le don du sang est gratuit et les Français seraient choqués qu'il y ait la moindre commercialisation sur les prélèvements et sur les dons d'organes ;
- le troisième principe concernait la nécessité thérapeutique pour la personne, exception au principe de l'intégrité du corps humain, et le principe du consentement préalable. Ce dernier signifie une interdiction aux mineurs de faire un don d'organe, pour éviter toute pression morale les conduisant à donner un consentement non libre en cas de besoin d'organe par un parent ou un frère ou soeur, sauf pour les dons de moelle osseuse ;
- quatrième principe, très important, l'anonymat du don d'éléments ou de produits du corps humain consacre l'impossibilité pour le donneur de connaître l'identité du receveur ni le receveur celui du donneur. Il ne peut être dérogé à ce principe d'anonymat qu'en cas de nécessité thérapeutique ;
- le principe de sécurité sanitaire , enfin, autorise les recherches sur le donneur pour dépister l'existence de maladies, telles que le SIDA mais pas uniquement, qui pourraient contaminer le receveur.
Sur la question de la procréation médicalement assistée, le législateur a fixé particulièrement deux grands principes :
- en premier lieu l'interdiction des mères porteuses qui supprime tout risque de commercialisation en référence au principe de l'indisponibilité du corps humain ainsi défini : « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles » ;
- le caractère exceptionnel du don de gamètes et d'embryons : le recours à un tiers donneur reste exceptionnel et limité aux cas où l'assistance à la procréation se révèle sans succès. On s'est aperçu de l'émergence d'une dérive qui laissait croire que le couples pourraient avoir des enfants tels qu'ils les idéalisaient, en ayant recours par exemple à des dons d'ovule de la part de mannequins ou à dons de spermatozoïdes par des prix Nobel pour obtenir l'enfant « parfait ». Le donneur doit donc faire partie d'un couple ayant procréé et le consentement des deux membres du couple donneur, ainsi que celui des deux membres du couple receveur doit être recueilli par écrit, sous le contrôle d'un juge ;
L'expérimentation sur les embryons conçus in vitro est interdite. Mais à titre exceptionnel, le couple peut accepter par écrit que des études soient menées sur leurs embryons sous plusieurs conditions : respect d'une finalité médicale, absence d'atteinte à l'embryon et nécessité d'un avis conforme de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal. La loi du 29 juillet 1994 a autorisé la conservation des embryons mais la question des embryons surnuméraires reste posée.
Le diagnostic prénatal permet de faire sur l'embryon des recherches pour savoir s'il est atteint d'une affection d'une particulière gravité telle qu'une trisomie 21 ou une maladie génétique grave. Ce diagnostic permet à des parents en état de procréer normalement, mais dont le risque de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique très grave est élevé, d'éviter de recourir à un avortement thérapeutique et d'avoir la possibilité d'obtenir un don de gamètes.
Dans ses dispositions finales, la loi « relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humains » a prévu de faire l'objet d'un nouvel examen dans le délai de cinq ans après son entrée en vigueur pour tenir compte de l'évolution très rapide des techniques médicales.
Cette révision est en cours mais n'a pas encore été menée à son terme. Une première lecture du projet de loi « relatif à la bioéthique » a eu lieu devant l'Assemblée nationale en juin 2001, son passage devant le Sénat a ensuite été retardé par les élections de 2002 et la nomination d'un nouveau gouvernement, au sein duquel le Professeur Jean-François Mattei est désormais ministre de la Santé. Profondément modifié lors de son examen par le Sénat, en janvier 2003, le projet de loi est revenu devant l'Assemblée nationale, où il a été examiné en commission, et devrait rapidement être inscrit à l'ordre du jour.
Deux questions essentielles restent posées aujourd'hui, celle de l'expérimentation sur les embryons surnuméraires et celle du clonage.
Dans le cadre de la loi de 1994, les embryons surnuméraires pouvaient être conservés pendant cinq ans, délai à l'issue duquel d'ailleurs la loi devait être révisée. Au cours de la discussion du nouveau projet de loi et selon une évolution a peu près acceptée par tous, deux solutions pourraient être envisagées lorsque la fin du projet parental à leur origine n'autorise plus leur conservation : soit leur destruction, soit leur utilisation à des fins d'expérimentation.
La première solution met un terme à toute question philosophique, puisque l'embryon n'est donc de facto plus considéré comme une être humain ; un consensus semble donc se dégager sur la possibilité de pouvoir recourir à l'expérimentation en vue de guérir les maladies génétiques, tout en maintenant fermement le principe d'une interdiction totale de créer des embryons uniquement en vue de la recherche.
Le processus du clonage apparaît techniquement simple : le noyau d'une cellule est prélevé pour être incorporé à une autre cellule dont on a extrait le propre noyau. Quant à savoir s'il s'agit d'un véritable embryon ou d'une simple cellule transformée, aucune réponse n'a pu être encore apportée. Peut-on parler d'embryon à partir d'une manipulation génétique telle que celle-ci ? Les réponses sont divergentes. Si l'on considère que ce n'est pas un embryon, la question de l'expérimentation et la question du clonage thérapeutique sont alors automatiquement réglées.
Bien entendu, le clonage à fin de reproduction est non seulement rigoureusement interdit en France, mais il est de plus passible de vingt ans de prison. Mais si cette interdiction règle la question en France, elle ne s'applique pas dans tous les pays et, même si légiféraient contre le clonage reproductif, il n'est pas possible d'interdire le déroulement de telles expériences dans les eaux internationales. L'objectif du gouvernement est donc de mener à bien l'élaboration d'une convention visant à réprimer le clonage reproductif au niveau international.
En revanche, la question du clonage thérapeutique n'est pas réglée par ce projet de loi et reste toujours en débat. Si la recherche sur l'embryon est très prometteuse, le clonage thérapeutique ouvre également des perspectives très intéressantes, pour régler le problème des maladies génétiques notamment.
Ayant ainsi rapidement exposé les données d'une question complexe et technique mais aussi extrêmement importante pour l'avenir de la race humaine, M. Laffineur a considéré qu'il s'agit d'une question en perpétuelle évolution qui ne trouvera pas facilement de réponses et continuera à poser de nouveaux problèmes moraux auxquels le législateur devra apporter de nouvelles réponses.
Il a ajouté que le débat se poursuit en commission, notamment sur la possibilité d'élargir les dons d'organes aux membres d'une même famille, et sur la recherche d'une plus grande directivité concernant les prélèvements d'organes sur donneurs décédés. On s'oriente vers la possibilité de prélever les organes dès lors qu'aucune volonté contraire n'aura été fermement manifestée de son vivant par le donneur décédé. La gravité de la situation est réelle car si près de 7000 personnes sont actuellement en attente d'une greffe, dont 250 à 300 meurent tous les ans faute d'avoir reçu un organe sain, les greffes réalisées ne dépassent pas le millier.
Dans ces conditions, le clonage, qui permet d'obtenir des cellules différenciées - cellules cardiaques, rénales ou autres - en quelques jours, pourrait constituer une réponse appropriée au déficit chronique de greffons disponibles, avec l'avantage d'éviter les risques de rejet puisque les cellules proviendraient du donneur lui même.
Mais, a souligné M. Laffineur , une éventuelle autorisation du clonage thérapeutique présenterait un risque important car la frontière est très mince avec le clonage reproductif - qui reste formellement interdit - tant que l'on n'aura pas réussi à verrouiller le passage de l'un à l'autre.
Ayant ainsi très brièvement résumé les principales questions qui restent en suspens, il a terminé en rappelant que, comme souvent avec ce type de sujet, les interrogations sont plus nombreuses à la fin de la discussion qu'elles ne l'étaient au départ et il a proposé d'en débattre.
C. DÉBAT
Le
sénateur
Baudouin
s'est interrogé, puisque le clonage
reproductif est lui puni par une peine de vingt ans de prison, sur
l'inscription dans la loi d'une définition claire et précise du
clonage thérapeutique, en insistant sur l'identité du
problème au Canada et en France.
M.
Laffineur
a rappelé que le clonage thérapeutique,
ou expérimental, qui pour l'instant reste interdit en France même
si le débat sur son autorisation éventuelle est toujours ouvert,
reste en attente d'une définition préalable, exercice
compliqué qui explique les très fortes hésitations
à ce sujet. Il a précisé qu'après une
première lecture du texte à l'Assemblée nationale, une
réécriture extrêmement restrictive a été
faite par le Sénat, qui interdit notamment l'expérimentation sur
l'embryon et qui ne sera sans doute pas entièrement suivie par
l'Assemblée nationale lorsque le texte y reviendra en seconde lecture.
Il a ajouté, ayant lui même été très
longtemps opposé en tant que médecin à cette
expérimentation, qu'il faut bien savoir que l'embryon utilisé
dans les implantations utérines - celui donc qui pourrait devenir
sujet a expérimentation - est composé de cellules plus
jeunes que celles expulsées par un stérilet, bien que personne ne
propose de supprimer les stérilets. Le problème reste donc
posé, sachant qu'à partir du moment où l'on décide
de jeter les embryons au bout de cinq ans de conservation, cela signifie que le
problème moral est réglé et rien n'empêche donc les
expérimentations.
A
M. Farrah
qui l'interrogeait sur la quantum de la peine
applicable au clonage thérapeutique en l'état actuel de la
législation,
M. Laffineur
a répondu qu'en l'absence de cas
avéré il appartiendrait aux tribunaux de décider.
Le Sénateur Baudouin
a fait alors remarquer que si le
législateur n'agit pas en la matière, cela signifie qu'il laisse
aux tribunaux le soin de le faire à sa place, à l'exemple du
règlement de la question de l'euthanasie aux Pays-Bas où par le
biais des exceptions, les tribunaux ont commencé à
légiférer. Au Canada, en fonction de la Charte des droits, les
tribunaux ont toute liberté pour définir des règles sur le
droit de vie que le Parlement tarderait ou se refuserait à prendre.
M. Laffineur
a ajouté, sur le droit de vie, que le
véritable problème qui se pose est de savoir si l'embryon est un
être humain ou non, en renvoyant à l'exemple
précédent du stérilet.
Répondant à
Mme Shirley Maheu
, il a précisé
que cette question ne ressort pas d'une compétence européenne
mais de celle des Etats de l'Union, ce qui est préférable face au
sentiment anti-européen naissant dans l'opinion française, pour
laquelle l'Europe intervient trop souvent dans des domaines qui ne sont pas de
sa compétence - la question de la chasse en constitue un exemple
particulièrement sensible - sans tenir compte des
différences de culture.
Intervenant alors dans un débat entre parlementaires canadiens sur la
répartition de compétence entre le niveau fédéral
et le niveau provincial - la santé est une compétence
prioritairement provinciale -
le sénateur Baudouin
a
estimé que la définition du droit à la vie est une
question pénale, donc de compétence fédérale, et
que la Cour suprême n'acceptera jamais que cette définition puisse
varier d'une province à l'autre.
Si la compétence nationale reste la règle dans un domaine aussi
sensible et général que la définition du droit de vie,
Mme Dalphond Guiral
a fait part de sa crainte que cela risque au bout du
compte de laisser la voie libre aux scientifiques de décider
eux-mêmes ce qu'est le droit à la vie, qu'ils s'arrangeront bien
avec la morale et qu'une fois les expériences réalisées
tout retour en arrière sera difficile.
M. Laffineur
s'est dit du même avis et a rappelé que la
France a pris des initiatives pour essayer d'arrêter, sur le clonage
notamment, une position internationale et qu'elle s'est opposée, en
accord avec les autres pays européens, à ce que le génome
humain - dorénavant complètement
décrypté - puisse faire l'objet de dépôts de
brevets. En revanche, elle a accepté la possibilité de breveter
les découvertes qui ne font qu'utiliser ou mettre en oeuvre sur un plan
technique telle ou telle séquence du génome humain.
Le sénateur Baudouin
s'est félicité que le code
criminel soit de compétence fédérale au Canada alors qu'il
varie d'un Etat à l'autre aux Etats-Unis - la peine de mort en est
l'exemple le plus connu - et qu'il est vraisemblable que la
législation sur le génome humain sera étatique et non
fédérale.
M. Laffineur
a précisé qu'en outre, à la suite d'un
débat résultant du vide juridique antérieur, le
législateur français a interdit l'utilisation des embryons
congelés en cas de fin du projet parental par suite du
décès d'un membre du couple ou de divorce.
Mme Dalphond-Guiral
s'est interrogée sur l'existence dans la
législation française d'une limite d'age pour l'implantation d'un
embryon chez une femme désireuse de procréer.
M. Laffineur
a précisé que la loi de 1994, toujours en
vigueur, ne dispose rien à cet effet mais que le débat existe et
que cette question va devoir être tranchée, lors de la discussion
du projet de loi, car il est évident que cela pose un problème
moral, d'autant plus que l'expérience a déjà
été tentée avec succès sur une femme de
soixante-cinq ans, notamment en Italie.
En l'absence de nouvelle intervention, il a alors été
proposé de mettre un terme au débat.
*
* *
III. LA COOPÉRATION SPATIALE FRANCO-CANADIENNE
A. INTERVENTION DE M. MARCEL-PIERRE CLÉACH, SÉNATEUR DE LA SARTHE, PRÉSIDENT DU GROUPE D'AMITIÉ SÉNATORIAL FRANCE-CANADA, SUR LA CRISE DE L'INDUSTRIE SPATIALE EUROPÉENNE
M.
Marcel-Pierre Cléach
a
tout d'abord renouvelé ses
voeux de bienvenue à ses collègues et amis canadiens au nom de
l'ensemble des sénateurs du groupe interparlementaire France-Canada du
Sénat, ainsi que la bienvenue dans la «
Haute
assemblée
», la deuxième maison du Parlement, à
ses collègues députés.
Il a ensuite présenté les intervenants de cette première
réunion : en premier lieu, Mme Lizza Frulla, députée
canadienne, qui présentera une communication au nom de la section
canadienne de l'association, ensuite, M. Le Franc, directeur adjoint des
relations internationales du CNES, le Centre national des études
spatiales, et M. Emmanuel de Lipowski, secrétaire
général du Groupe Parlementaire Espace, qui apporteront leur
expertise.
Il a ensuite abordé le premier thème de la matinée, la
politique spatiale, en se proposant de rappeler les événements
importants et sans doute décisifs qui ont marqué les huit
derniers mois, dans lesquels l'Europe a été confrontée
à une crise sévère, qu'elle semble avoir partiellement
surmontée.
Une crise sévère de l'industrie spatiale européenne
L'échec, le 11 décembre 2002, du lancement de la
fusée Ariane V a mis en lumière une grave crise de
l'industrie spatiale européenne.
En effet, l'espace est pour l'Europe un secteur économique très
important qui représente 5,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et
35 000 emplois, dont la moitié en France. Cette activité est
à la fois civile, militaire et liée aux lanceurs - les
fusées Ariane - et aux satellites. Ce secteur est d'autant plus
important pour l'Europe qu'il avait connu une réussite remarquable.
Sous l'impulsion de la France et plus particulièrement du
général de Gaulle et de Georges Pompidou, des programmes
ambitieux ont été lancés dans les années 1960 dont
la première fusée Diamant, programmes qui ont abouti au
succès technique, commercial et politique d'Ariane, l'Europe
détenant aujourd'hui une part de marché
prépondérante - les deux tiers - dans le domaine du
lancement des satellites commerciaux.
Or, le retournement de la conjoncture économique dans le domaine des
télécommunications et le développement de la concurrence,
voire la surcapacité mondiale des moyens de lancement, a
fragilisé l'équilibre économique d'Ariane. Ainsi, chaque
lancement Ariane coûte deux fois plus cher qu'il n'est facturé au
client.
Cette fragilité de l'industrie spatiale européenne est
également mise en lumière par la détermination des
Etats-Unis à soutenir leur propre industrie spatiale par des commandes
publiques et, pour l'essentiel, militaires très importantes. A titre de
comparaison, le chiffre d'affaires de l'industrie spatiale américaine,
liée aux commandes publiques, est de 32 milliards d'euros. Les firmes
Boeing et Lockheed-Martin ont également développé leurs
propres lanceurs commerciaux afin de concurrencer Ariane.
A cette crise globale s'ajoutaient, en France, d'importantes difficultés
de gestion du CNES qui s'expliquent par le trop grand nombre de programmes
menés de front par rapport à son budget.
Ainsi, à travers l'échec d'Ariane V en décembre 2002, se
posait la question de la pérennité de l'industrie spatiale
européenne, de sa capacité à surmonter l'obstacle et
à mobiliser les énergies pour préserver ce qui avait
été patiemment construit depuis près de 40 ans.
Les réactions européennes
Face
à cette crise, les réactions ont été à la
fois européenne et française. Au niveau européen, la
Commission européenne a mobilisé un groupe de travail
réunissant, dès juillet 2001, les principaux responsables du
secteur et qui a effectué une « revue stratégique
aérospatiale pour le 21
e
siècle » rendue publique
en 2002. La Commission a également lancé un grand débat
européen en janvier 2003 en entamant la rédaction d'un «
livre vert » qui va aboutir à l'automne 2003 à l'implication
du Parlement européen et la présentation d'un plan d'action de la
Commission dans un prochain « livre blanc ».
De son côté, le gouvernement français, à travers Mme
Claudie Haigneré, ministre de la recherche et ancienne astronaute, a
décidé de remettre à plat sa politique spatiale afin de
mieux définir les priorités et d'y concentrer les moyens
financiers.
Le gouvernement français a présenté ses nouvelles
orientations le 15 avril 2003. Il a décidé de réaffirmer
sa priorité stratégique pour l'industrie spatiale et de conforter
la position du CNES, tout en le restructurant. La décision la plus
importante est l'augmentation de 45 millions d'euros de la contribution
française à l'Agence spatiale européenne, qui atteindra
685 millions entre 2003 et 2009, afin d'assurer le succès d'Ariane V,
mais surtout l'autonomie européenne d'accès à l'espace. Le
gouvernement s'est également engagé à stabiliser la
dotation du CNES à hauteur de 667,5 millions d'euros pour lui permettre
de se restructurer. Sur 44 programmes en cours, 10 seront gelés ou
supprimés pour retrouver une liberté de manoeuvre d'ici 2005.
Au niveau européen, une première étape a été
franchie le 27 mai 2003 lors du Conseil ministériel exceptionnel de
l'Agence spatiale européenne. Trois décisions fondamentales ont
été prises : la poursuite du programme Ariane V avec un
investissement de plus de 550 millions d'euros, le lancement d'un programme de
recherche pour la génération suivante de lanceur pour 960
millions d'euros, l'accueil à Kourou du lanceur russe Soyouz pour 260
millions d'euros. Ont été également décidés
: le renforcement de la participation européenne à la station
spatiale internationale et le lancement de programmes satellitaires très
importants comme Galileo, concurrent direct du GPS américain.
Enfin, la politique spatiale a été intégrée dans le
projet de Constitution européenne comme l'une des compétences de
l'Union européenne.
M. Cleach
a estimé, en conclusion, qu'il n'était pas
inutile de faire ce bref retour en arrière pour montrer les défis
que doit relever l'Europe dans le domaine spatial, mais aussi sa volonté
réelle de défendre ses positions, notamment à
côté des Etats-Unis, et de s'inscrire comme un pôle
d'équilibre.
Il a passé ensuite la parole à Mme Lizza Frulla.
B. INTERVENTION DE MME LIZZA FRULLA, DÉPUTÉE, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN SUR LA COOPÉRATION SPATIALE CANADA-FRANCE
La
nécessité de communiquer sur de vastes distances dans un pays peu
peuplé ainsi que des capacités technologiques avancées ont
vite incité le Canada à élaborer et à adapter une
technologie spatiale qui réponde à ses besoins particuliers. En
fait, selon des responsables du programme spatial canadien, « le Canada
est un des plus grands utilisateurs mondiaux de services et systèmes
spatiaux : télécommunications, recherche et sauvetage,
navigation, gestion des ressources, surveillance et observation de
l'environnement ». La coopération internationale caractérise
notre programme spatial depuis les débuts, y compris avec l'Agence
spatiale européenne en général et la France en
particulier.
Elle a rappelé que le Canada a été le troisième
pays, après les États-Unis et l'URSS, à avoir un satellite
dans l'espace. En 1962, le satellite canadien Alouette 1 a
été lancé à partir de la base aérienne de
Vandenberg en Californie. Il était conçu pour mesurer la
répartition de la densité électronique dans
l'atmosphère, qui posait un problème pour les radiocommunications
dans le Nord. Au moment de la conception du satellite, sa vie utile avait
été estimée à un an, mais il a très bien
fonctionné pendant dix ans. Alouette 1 a été le
premier d'une série de satellites similaires conçus pour
l'étude des phénomènes atmosphériques.
En 1972, le Canada a fait oeuvre de pionnier dans une autre technologie
liée à l'espace en devenant le premier pays au monde à
mettre sur pied un système intérieur de
télécommunications par satellite. Le système a
débuté par le lancement du premier satellite Anik et a pris de
l'ampleur au fil des décennies pour inclure de nombreux autres
satellites de plus en plus perfectionnés et puissants permettant
d'offrir à tous les Canadiens - y compris ceux qui vivent dans des
communautés éloignées du Nord - des chaînes de
radio, des réseaux de télévision et des services
téléphoniques améliorés. Aujourd'hui, le Canada
demeure un chef de file mondial dans le domaine des
télécommunications par satellite, ayant ajouté la
radiodiffusion directe à la gamme de services offerts.
La télédétection est un autre centre
d'intérêt du programme spatial canadien depuis le début des
années 1970. Le premier satellite d'observation de la Terre au monde,
Landsat-1, a été lancé par les États-Unis et ses
premières images ont été captées par une station au
sol située à Prince Albert, en Saskatchewan. En s'appuyant sur
cette expérience précoce, le Canada s'est forgé une
réputation internationale d'excellence dans le domaine de la technologie
de réception au sol de signaux de satellites.
En se fondant sur l'expérience acquise avec Landsat et d'autres
programmes d'observation de la Terre par satellite, le Canada a mis au point la
technologie Radarsat-1 avec la participation du gouvernement
fédéral, de plusieurs gouvernements provinciaux et du secteur
privé. Radarsat est le premier satellite d'observation de la Terre au
Canada et le premier radar commercial à antenne synthétique (SAR)
au monde. Contrairement aux autres satellites d'observation de la Terre qui ont
besoin de soleil et de ciels dégagés pour « voir » la
surface de la Terre et produire des images, la technologie à base de
radar permet d'obtenir des images par tous temps jour et nuit. L'imagerie peut
être traitée et livrée rapidement, ce qui s'est
révélé d'une aide très précieuse dans des
applications telles que la navigation, la cartographie, la recherche
géologique, la surveillance maritime, les opérations de secours
en cas de catastrophe et la surveillance des cultures et des forêts. On
est en train de planifier Radarsat-2 qui, comme beaucoup d'initiatives
canadiennes relatives à l'espace, sera le fruit d'un partenariat entre
le gouvernement et le secteur privé.
L'élément peut-être le mieux connu du programme spatial
canadien à l'échelle internationale est sans doute le «
Canadarm » ou, en termes techniques, le «
télémanipulateur ». Ce bras robotique perfectionné a
été conçu et construit au Canada. Il a effectué son
premier voyage dans l'espace en 1982 à bord d'une navette spatiale
américaine. Il fait maintenant partie de l'équipement standard de
la navette, où il est utilisé pour sortir de lourdes charges
utiles de la soute, pour récupérer des objets dans l'espace qui
sont ensuite rapportés sur Terre à bord de la navette et pour
fournir une plate-forme aux astronautes durant les activités
extravéhiculaires.
Une version améliorée du bras canadien est maintenant
installée sur la station spatiale internationale (SSI) et joue un
rôle de premier plan dans la construction et la maintenance de la
station. Le fait que le Canada ait apporté cette technologie essentielle
aux programmes spatiaux américains a valu aux astronautes canadiens une
place à bord des missions des navettes et de la SSI. Marc Garneau,
actuel chef de l'Agence spatiale canadienne, a volé trois fois et Chris
Hadfield deux fois.
Les activités du Canada reliées à l'espace sont
dirigées par l'Agence spatiale canadienne (ASC), qui a été
créée en 1989. Le siège de l'ASC est situé à
Saint-Hubert, près de Montréal, et environ 420 personnes y
travaillent. L'ASC a pour mandat
« de promouvoir l'exploitation et le
développement pacifiques de l'espace, de faire progresser la
connaissance de l'espace par la science et de faire en sorte que les Canadiens
tirent profit des sciences et technologies spatiales sur les plans tant social
qu'économique »
. Au fil des ans, le secteur de l'espace est
devenu une part importante de l'économie canadienne avec, en 2000,
quelque 6 000 employés et des recettes totales de
1,431 milliard de dollars. Les télécommunications continuent
de prédominer, générant 62 % des revenus. Près
de la moitié de tous les revenus réalisés dans le secteur
de l'espace proviennent des exportations.
Tout au long de son histoire, le programme spatial canadien a comporté
un degré important de coopération internationale. En plus des
liens avec le programme spatial américain indiqués ci-dessus, le
Canada a aussi favorisé une collaboration étroite avec l'Agence
spatiale européenne, dont la France est le principal État membre.
Le Canada et la France ont aussi réalisé plusieurs projets en
partenariat. La section suivante du présent rapport examine ces liens
internationaux.
La coopération canadienne avec les sociétés
européennes dans le domaine spatial a commencé au début
des années 1970. L'Organisation européenne de recherche spatiale,
qui allait devenir par la suite l'Agence spatiale européenne (ESA), a
fourni plusieurs éléments essentiels d'un des premiers satellites
expérimentaux de télécommunication du Canada (Hermes), y
compris de puissants panneaux solaires. Ce satellite représente une
évolution importante par rapport aux satellites Anik qui l'avaient
précédé, sa plus grande puissance et son utilisation de
différentes longueurs d'ondes permettant d'utiliser des stations de
réception au sol plus petites et mieux réparties. Hermes a rendu
les télécommunications par satellite beaucoup plus accessibles et
a diminué considérablement le coût de l'équipement
de réception.
Cette expérience a permis aux deux parties de constater les avantages
mutuels dont elles pourraient bénéficier en coopérant dans
le secteur spatial nouveau et en plein essor et, en 1978, le Canada a
signé son premier accord de coopération avec l'ESA. Conclu pour
une période de cinq ans, l'accord a été renouvelé
à maintes reprises depuis et demeure en vigueur. Le Canada est le seul
pays non européen qui possède le statut de membre
coopérant de l'ESA. L'accord lui donne le droit de participer aux
instances de décision de l'ESA et de soumissionner aux appels d'offres
des programmes de l'ESA.
Au fil des ans, le Canada et l'ESA ont coopéré à plusieurs
projets d'envergure, principalement dans les domaines des
télécommunications par satellite, de la
télédétection et du développement de technologies
génériques. Les paragraphes suivants fournissent davantage
d'information sur plusieurs de ces efforts de coopération, afin
d'illustrer la synergie entre les programmes spatiaux canadien et
européen.
L'ESA a amorcé le programme Olympus en 1978. Olympus était un
satellite de télécommunications qui, pour les scientifiques et
ingénieurs canadiens, était la suite logique du travail
expérimental effectué sur le satellite de grande puissance
Hermes. Le Canada était le troisième participant en importance du
projet Olympus, fournissant des éléments aussi importants que des
sous-systèmes de panneaux solaires, des composantes
hyperfréquences et des amplificateurs de charge utile. En outre, les
programmes Hermes et Anik avaient amené le Canada à construire
des installations de calibre mondial destinées à l'assemblage,
à l'intégration et à l'essai de satellites à
Shirley's Bay, près d'Ottawa. À l'époque, l'Europe ne
possédait pas cette infrastructure essentielle et l'ESA a eu recours aux
installations canadiennes dans le cadre du programme Olympus.
Dans le domaine de la télédétection, le Canada avait mis
au point le radar à antenne synthétique (SAR) pour recueillir des
images de la Terre à partir de l'espace dès le début des
années 1970. Les premières images numériques de l'espace
recueillies grâce au SAR ont été reçues et
traitées au Canada. Le succès qu'a connu le SAR dès le
début a convaincu le Canada de prendre part aux travaux de l'ESA qui
devaient mener au premier satellite européen de
télédétection (ERS-1), muni d'un radar imageur à
faisceau large à haute résolution. La principale contribution du
Canada au programme ERS-1 a consisté à développer la
composante sol et le matériel hyperfréquence. Des stations au sol
situées à Gatineau (Québec) et à Prince Albert
(Saskatchewan) reçoivent et traitent des données provenant du
ERS-1 et de son successeur, le ERS-2, qui a été lancé en
1995.
C'est notamment grâce à l'expertise qu'il a acquise en participant
aux projets ERS que le Canada a amorcé la conception, la mise au point
et la construction de Radarsat-1, le premier satellite SAR commercial au monde,
lancé en 1995. Comme il peut fonctionner par tous temps jour et nuit, ce
satellite fournit des renseignements vitaux dans des domaines tels que la
surveillance de la concentration de glace, la pollution et les désastres
naturels, la navigation météorologique, l'exploration
extracôtière et la surveillance de la pollution et des
catastrophes naturelles.
Le Canada a tiré parti de l'expérience cumulative qu'il a acquise
dans le cadre du programme ERS et de la construction de Radarsat-1 pour
participer à une initiative plus récente de l'ESA -Envisat-1- qui
a été lancé en février 2002. Envisat-1 continuera
de collecter les données radar essentielles collectées par ERS-1
et 2 et Radarsat-1, mais avec de nouveaux instruments à la fine pointe
de la technologie.
À titre de membre coopérant de l'ESA, le Canada a
participé dès le début à la conception, à la
construction et au déploiement d'Envisat-1. Au moins cinq compagnies
canadiennes ont fourni des composants essentiels, qu'il s'agisse d'instruments
de bord, de sous-systèmes opérationnels ou de matériel de
transmission et de traitement de données au sol. L'Agence spatiale
canadienne a fourni l'appui nécessaire à la poursuite, à
la télémesure et à la télécommande depuis
ses installations de Saint-Hubert pour le lancement d'Envisat à bord
d'une fusée ARIANE-5 effectué aux installations françaises
de Kourou, en Guyane. De toute évidence, les programmes et les
industries de l'espace en Europe et au Canada bénéficient de la
collaboration étroite qui s'est développée au cours des
trois dernières décennies.
Comme on le sait, la France, premier contributeur au budget de l'ESA, avec
près de 30 %, a joué un rôle de premier plan dans les
programmes de l'ESA et, par conséquent, fait partie de l'histoire de la
coopération multilatérale avec le Canada dans le domaine spatial.
Toutefois, en plus de cette activité multilatérale, le Canada et
la France ont mené de concert plusieurs projets spatiaux
bilatéraux et multilatéraux.
En 1988, par exemple, le Canada, la France, l'URSS (aujourd'hui la Russie) et
les États-Unis ont signé un accord international relatif au
Programme Cospas-Sarsat visant à mettre sur pied le premier
système de recherche et de sauvetage à l'échelle de la
planète. Les satellites et leurs stations de réception au sol
fournissent à la communauté internationale rapidement et sans
discrimination des informations d'alertes de détresse et des
données sur les lieux qui sont exactes et fiables. En vertu des
modalités régissant l'accord initial, l'URSS et les
États-Unis ont fourni les satellites qui ont ensuite été
équipés d'instruments de recherche et de sauvetage fournis par le
Canada et la France. Les instruments fonctionnent sur deux fréquences
qui sont utilisées universellement par les balises de détresse.
D'autres pays se sont joints au Programme, certains avec des satellites
(l'Inde) et de nombreux autres avec des stations de réception au sol.
Depuis sa mise en place, le système a été utilisé
pour des centaines d'opérations de recherche et de sauvetage partout
dans le monde et a permis de sauver des centaines de vies.
Le Canada et la France ont aussi coopéré à plusieurs
projets spatiaux au fil des ans. Ainsi, lorsque la NASA a lancé le
satellite UARS de recherche dans la haute atmosphère en septembre 1991,
celui-ci transportait un instrument appelé WINDII
(interféromètre d'imagerie des vents) mis au point conjointement
par l'Agence spatiale canadienne et le Centre national d'études
spatiales (CNES). Cet instrument mesure les vents, la température et les
taux d'émissions entre 80 et 300 kilomètres d'altitude.
WINDII fonctionne toujours et, depuis son lancement, il a fourni une
quantité phénoménale de données sur la haute
atmosphère qui sont utilisées par les scientifiques du monde
entier dans des applications qui permettent de caractériser le
comportement des ondes atmosphériques sur une grande échelle, de
mesurer les variations saisonnières et à long terme la
composition atmosphérique et de modéliser la température
dans la haute atmosphère.
Le CNES collabore aussi avec des scientifiques de divers pays à la
réalisation du premier satellite scientifique canadien depuis 1971. Le
satellite canadien SCISAT-1, qui doit être lancé en juillet 2003,
comprendra une mission appelée ACE (expérience sur la chimie
atmosphérique), dont le principal objet scientifique est de mesurer et
de comprendre les processus chimiques qui régissent la
répartition de l'ozone dans l'atmosphère terrestre,
particulièrement à haute altitude. Les données recueillies
par le satellite en orbite autour de la Terre aideront les scientifiques et les
décideurs canadiens à évaluer la politique
environnementale en vigueur et à élaborer des mesures de
protection pour améliorer l'état de notre atmosphère et
empêcher que la couche d'ozone ne se détériore davantage.
Le Canada et la France, ainsi que la Finlande, ont également
collaboré à la mission suédoise ODIN, qui est
consacrée tant à l'astronomie qu'aux sciences
atmosphériques et qui étudiera la chimie et la physique de
l'espace interstellaire. Lancée en février 2001, la mission
devrait durer deux ans. Le Canada a fourni le spectrographe optique et imageur
dans l'infrarouge (OSIRIS) nécessaire aux études
atmosphériques et la France a mis au point une partie des
sous-systèmes d'analyse astronomique construits par la Suède.
Dans le domaine de la télédétection, en plus des projets
mentionnés plus tôt auxquels l'ESA a collaboré, le Canada
participe au programme français SPOT (Satellite pour l'observation de la
Terre) depuis 1986. Les images couvrant l'ensemble de l'Amérique du Nord
sont reçues et traitées par une station au sol
gérée par le Centre canadien de
télédétection.
Un dernier exemple de la coopération entre le Canada et la France dans
le domaine spatial est l'accord conclu entre l'ASC et le CNES, aux termes
duquel les installations de poursuite canadiennes fournissent un soutien de
télémesure aux lancements d'ARIANE dans une orbite polaire.
En conclusion,
Mme Frulla
a jugé que la coopération
spatiale est maintenant bien établie entre le Canada et la France et
qu'elle est très productive. La relation que les deux pays ont
nouée leur a permis d'établir leurs domaines d'expertise propres
et de développer une structure industrielle apte à soutenir et
à maintenir cette expertise. Il reste à espérer que cette
relation mutuellement bénéfique puisse se poursuivre encore de
nombreuses années.
M. Marcel-Pierre Cleach
a remercié Mme Frulla pour son
exposé très renseigné et lui a accordé que les
raisons de continuer à travailler dans le cadre de la diplomatie
parlementaire sont effectivement très nombreuses.
Il a passé ensuite la parole à M. Le Franc.
C. INTERVENTION DE M. JEAN-PASCAL LE FRANC, DIRECTEUR ADJOINT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU CNES
M.
Jean-Pascal Le Franc
a proposé alors de décrire
brièvement la politique spatiale française, avec une mention
particulière pour la coopération franco-canadienne, soit dans le
cadre de l'Agence spatiale européenne, soit dans le cadre du CNES et
donc en relation bilatérale avec le Canada.
Comme cela a été rappelé, les derniers
événements en matière de politique spatiale ont
été très importants et, entre le mois d'avril et le mois
de mai, il s'est passé trois événements
considérables qui ont remodelé le paysage spatial européen
et français.
-
- tout d'abord, la communication au Conseil des ministres, le 15 avril
dernier, de Mme Claudie Haigneré, Ministre déléguée
à la Recherche et aux Nouvelles Technologies, qui, comme chacun le sait,
est une astronaute expérimentée puisqu'elle a effectué
trois vols dans l'espace avec les Russes, d'abord dans la station Mir puis dans
la station spatiale internationale où elle a été la
première femme à séjourner ;
- ensuite, le Conseil d'administration du CNES qui, à la suite de la « surprogrammation » évoquée précédemment, a dû prendre un certain nombre de mesures, d'arrêts ou de gels de programmes de façon à reconstruire un plan d'action à moyen terme qui donne toute liberté d'action ;
- enfin, le Conseil de l'Agence spatiale européenne (ESA) s'est réuni au niveau ministériel et a traité d'un certain nombre de sujets qui seront développés par la suite.
Il a présenté ensuite un graphique les différentes contributions des Etats membres au budget de l'Agence spatiale européenne sur lequel on pouvait constater que le Canada apporte sa contribution à l'effort européen.
Dans sa communication en Conseil des ministres, Mme Haigneré a réaffirmé la dimension stratégique de l'espace pour plusieurs raisons, en particulier pour des raisons liées à la défense, mais aussi à l'environnement et plus généralement à la culture et à l'éducation. La diffusion de programmes de télévision par satellite et l'impact de ces programmes de télévision n'est pas sans incidence sur la manière dont notre société évolue.
M. Lefranc a évoqué ensuite brièvement, à propos du développement durable, le programme GMES qui est initié à la fois par l'Agence spatiale européenne et par l'Union européenne et dans lequel le Canada envisage de participer. Il vise à mettre l'ensemble des outils spatiaux au service du développement durable, c'est-à-dire aussi bien l'environnement que les risques de pollution ou les risques naturels, en mettant à la disposition des utilisateurs finaux des produits directement utilisables ; la difficulté de cette activité vient du décalage entre les produits à haute valeur technologique qui sont proposés et les capacités des utilisateurs finaux - services publics, sécurité civile, par exemple - à les mettre en oeuvre en vue de solutions aux problèmes qu'ils ont à résoudre. Il y a un gros travail d'intégration que ce programme GMES va essayer d'accomplir.
Il a ensuite exposé les raisons pour lesquelles les capacités de l'industrie spatiale françaises sont un peu supérieures à celles de ses autres partenaires, tant en chiffre d'affaires qu'en terme d'emplois ; l'Etat français a en effet investi plus que tous les autres dans le domaine spatial, depuis la création du CNES et de l'Agence spatiale européenne, procurant ainsi un surplus de compétitivité à l'industrie spatiale française qui se développe et qui exporte aussi beaucoup de ses capacités.
Si l'on considère l'ensemble des dépenses publiques, à la fois civiles et militaires, des différents pays européens dans le domaine spatial, rapportées à leur poids économique, on constate là encore le rôle assez déterminant joué par la France dans le développement des activités spatiales, effort qu'elle aimerait bien voir un peu mieux partagé par ses voisins allemands, italiens et anglais.
M. Lefranc a expliqué que l'exercice conduit par le nouveau président du CNES, M. Yannick d'Escatha, a consisté à évaluer tous les projets en cours au sein du CNES pour éviter la surprogrammation. Un certain nombre de ces projets ont été confirmés, d'autres redéfinis et d'autres gelés ou arrêtés. Il mentionne certains des programmes qui sont les plus essentiels pour la vie du CNES, en particulier PLEIADES qui est la suite du programme SPOT.
PLEIADES est une constellation de satellites d'observation de la terre que le CNES entend développer conjointement avec les Italiens, ces derniers s'occupant de la partie radar de la constellation et la France de la partie optique en capitalisant sur les trente années d'expérience acquise grâce à la série SPOT. La nouveauté de ce programme, qui va consister à mettre en orbite quatre satellites radar dont les résolutions seraient inférieures au mètre, est d'être dual c'est-à-dire qu'il est conçu à la fois pour des utilisateurs civils et pour les besoins militaires de pays présentant une capacité d'utilisation, de programmation et d'exploitation des données de la constellation spécifiques pour leurs propres besoins.
Ce programme franco-italien a été signé en janvier 2001 par les deux premiers ministres. Il entre actuellement dans la phase où les contrats de réalisation de ces satellites devraient être lancés avec l'industrie française.
Sans entrer dans le détail, M. Lefranc a mentionné l'existence de nombreux programmes d'observation et de sciences de la terre dont la plupart sont réalisés en coopération soit avec les Etats-Unis, soit avec d'autres pays comme l'Inde dans le cas de MEGA-TROPIQUES.
Dans le domaine des sciences spatiales, la plupart des activités du CNES se déroulent dans le cadre de l'Agence spatiale européenne. Les seuls programmes gelés sont des programmes liés à la station spatiale internationale qui a elle-même pris du retard. L'exploration de Mars, en coopération avec la Nasa, n'a pas pu être poursuivie mais devrait pouvoir l'être dans le cadre de l'Agence spatiale européenne.
Il a également mentionné GALILEO, un programme auquel les Canadiens portent beaucoup d'intérêt et auquel ils devraient participer. GALILEO est un système de navigation par satellite qui devrait être complémentaire du GPS et de GLONASS. Les décisions ont été prises pour un premier financement de plus d'un milliard d'euros, sur un coût total évalué à trois milliards d'euros. Cette première tranche devrait permettre de déployer dès 2005-2006 les premiers satellites en orbite qui permettront de valider le bon fonctionnement du service et de démontrer la capacité à déployer la totalité de la constellation qui en comprendra trente au total.
Il a commenté ensuite très rapidement les principaux résultats du Conseil de l'Agence spatiale européenne au niveau ministériel. Deux résolutions importantes ont été prises sur les lanceurs. La première permet, d'une part, de remettre en vol Ariane 5 avec deux vols prévus en 2004 et, d'autre part, lance un programme appelé « garantie d'accès à l'espace » qui permet, par le biais du financement de coûts fixes au sein de l'industrie européenne, d'assurer à l'ensemble de la filière Ariane l'équilibre économique dont elle a besoin pour traverser la phase difficile entre 2005 et 2009.
La seconde prépare l'avenir post-Ariane V en autorisant une coopération stratégique avec la Russie sur le développement des programmes futurs de manière à utiliser au mieux les capacités russes qui, en matière de développement technologiques dans le domaine des lanceurs, et tout particulièrement dans le domaine de la propulsion, sont tout à fait exceptionnelles et remarquables. Dans le cadre de ce partenariat avec la Russie, la décision a été prise de construire à Kourou, en Guyane, un pas de tir consacré au lanceur Soyouz qui y effectuera un vol inaugural en 2006.
D'autres résolutions importantes ont été prises, notamment le déblocage de 124 millions d'euros qui va permettre de poursuivre le programme d'exploitation de l'ISS (International Space Station) avec l'ensemble des partenaires internationaux, ainsi qu'une résolution importante visant à renforcer les liens entre l'Union européenne et l'ESA. Il s'agit d'un sujet d'autant plus important que la Commission européenne s'intéresse à l'espace et commence à y consacrer des financements ; elle a engagé des consultations sur un Livre vert qui vont déboucher sur un Livre blanc et aboutir au final à un plan spatial concret de la Commission ; c'est enfin d'autant plus important que le nouveau traité qui va être négocié entre les Etats de l'Union mentionne le domaine spatial au titre des compétences partagées, ouvrant ainsi des perspectives de développement qui réjouissent les acteurs de la filière.
La coopération entre l'Agence spatiale européenne et le Canada est ancienne, puisqu'elle remonte à 1978, et renouvelée, puisque un nouvel accord a été signé, en juin 2000, avec le Gouvernement canadien pour une période dix ans. Le Canada est le seul pays non européen a être associé aux travaux de l'Agence spatiale européenne.
Le retour industriel canadien apparaît satisfaisant, au moins à fin décembre 2000. C'est-à-dire que l'argent investi par le Canada a été à son tour redistribué dans l'industrie canadienne pour réaliser les parties des programmes auxquels le Canada participe. Il va de soi que la participation de l'industrie canadienne est ouverte dans l'ensemble des programmes où le Canada a décidé de participer puisque la plupart des programmes conduits par l'Agence spatiale européenne le sont sur une base optionnelle, en fonction notamment de l'intérêt industriel de chaque participant.
Le Canada est présent dans beaucoup de domaines : les télécommunications, la navigation, l'observation de la terre et, plus généralement, les sujets de recherches technologiques.
La participation du Canada à l'Agence spatiale européenne a évidemment des conséquences sur l'industrie canadienne, qui bénéficie des contrats en provenance de l'Etat mais doit, en contrepartie s'aligner sur un certain nombre de règles inhérentes au fonctionnement de l'Agence spatiale européenne qui s'appliquent à l'ensemble des industriels sous-traitant, qu'ils soient canadiens ou européens.
Au-delà de cette coopération avec l'Agence spatiale européenne, il existe également une coopération bilatérale entre le CNES et l'Agence spatiale canadienne qui porte sur un certain nombre de projets scientifiques qui, pour la plupart, s'intègrent dans un ensemble plus large, que ce soit avec les Etats-Unis, avec les Russes, les Suédois. On peut citer les programmes WINDII, INTERBALL et ODIN, qui font l'objet de cette coopération bilatérale.
Il faut signaler par ailleurs l'utilisation d'une station canadienne dans le cadre d'un accord pour suivre la fusée Ariane lors de tous les lancements qui ont lieu vers le nord. Ces lancements sont très importants puisque tous les satellites d'observation sont lancés vers le nord, secteur ou l'Europe ne disposant pas de moyens propres est heureuse de pouvoir bénéficier des moyens canadiens.
Pour terminer, M. Lefranc a mentionné la charte sur les risques naturels pour laquelle le Canada a été le premier pays à rejoindre l'ESA et le CNES dans une initiative autorisant une observation gratuite et aussi rapide que possible de la terre en cas de catastrophes naturelles de façon à faciliter l'intervention sur les lieux et l'organisation des secours.
M. Marcel-Pierre Cleach a passé ensuite la parole au Professeur Cabal, avant d'ouvrir le débat.
D. INTERVENTION DE M. CHRISTIAN CABAL, DÉPUTÉ DE LA LOIRE, PRÉSIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE SUR L'ESPACE, SUR L'EUROPE, PUISSANCE SPATIALE
M. Christian Cabal
a débuté son propos par
un rappel historique sur la longue histoire de la « vieille
Europe » dans l'espace : la Russie, au début de
l'ère soviétique dans les années 1920-1925, l'Allemagne et
la France. L'importance de la place qu'elle accorde au spatial, sur les plans
scientifique, industriel et même politique, est une conséquence
logique de l'ancienneté et de la puissance de la recherche et de
l'industrie aéronautiques.
Longtemps la politique spatiale, au plan mondial, a été
dominée par la compétition américano-soviétique qui
a affecté des crédits considérables tant sur le plan civil
que sur le plan militaire. Le programme Appolo en est l'exemple le plus
marquant. L'Europe est toujours resté un peu à la traîne,
à l'exception de la France où la volonté du
Général de Gaulle de posséder une force de frappe
indépendante - la motivation était, il est vrai,
essentiellement militaire à l'origine - lui a permis de
développer une industrie de lanceurs extrêmement importante pour
la force de frappe stratégique française. Cette démarche
est à l'origine du développement de technologies très
pointues dans le domaine des lanceurs, pour une part, mais aussi dans celui des
composantes telles que les recherches sur la rentrée
atmosphérique ou celui des satellites.
Les Canadiens lui ont brûlé la politesse avec Alouette mais de peu
puisque, quelques semaines plus tard, les Français lançaient de
façon autonome le satellite Astérix avec la fusée Diamant,
depuis le Sahara.
Cette phase de la politique spatiale a souffert de façon un peu
paradoxale de l'arrêt de la compétition planétaire entre
l'Union soviétique et les Etats-Unis, aussi bien sur le nouveau
continent que sur le vieux continent. A part quelques points de
coopération qui avaient symboliquement marqué une action commune
américano-soviétique, l'arrêt ou le ralentissement de la
course aux armements - les Américains ayant gagné par KO
technique ou par abandon de l'autre partie - les crédits spatiaux
ont connu ensuite une diminution sensible partout, y compris aux Etats-Unis.
Cela étant, l'Europe a poursuivi ses efforts avec pour objectif
l'acquisition d'une capacité autonome et indépendante. A ce
titre, la France ne pouvant plus tout faire seule, elle a été un
des moteurs d'une politique européenne ambitieuse
concrétisée dans le cadre de l'ESA et qui à l'heure
actuelle mobilise des efforts financiers significatifs. Cependant ces efforts
restent relativement insuffisants par rapport aux ambitions de l'Europe. Seuls
les Américains ont relancé brutalement, depuis trois ans, leur
effort financier, dans le domaine de la recherche spatiale militaire, mais
aussi civile.
Toujours est-il que l'opinion publique n'étant plus autant
mobilisée pour l'épopée spatiale, même si un certain
nombre d'astronautes ont continué d'aller dans l'espace, il est apparu
nécessaire que l'activité spatiale européenne soit
soutenue au niveau des gouvernements nationaux, et pour ce faire une forte
mobilisation des parlements nationaux européens est apparue
nécessaire pour pousser leurs gouvernements respectifs à
continuer à voter des crédits pour la filière spatiale qui
représente 40 000 personnes de haute formation.
Il y a six ans environ, une certaine désaffection de la plupart des
gouvernements européens pour la politique spatiale ayant
été constatée, il fut créé une
conférence interparlementaire européenne, qui réunit
aujourd'hui sept ou huit parlements nationaux de l'Union européenne dont
les membres se mobilisent régulièrement et de façon
concertée sur tous les grands dossiers de dimension européenne
pour motiver certains gouvernements un peu rétifs. Par exemple, les
Britanniques de la Chambre des Communes sont très actifs, bien que les
résultats ne soient pas à la hauteur de leurs espérances
puisque la part de l'Angleterre dans l'effort spatial européen plafonne
à 11 %.
Les parlements nationaux se sont mobilisés de façon très
active dans trois pays en pointe qui sont également les plus grands
contributeurs à l'ESA : la France, l'Allemagne et l'Italie. L'Italie, on
le sait moins, est une vieille puissance spatiale, actuellement la
troisième puissance européenne, talonnant souvent l'Allemagne en
terme de réalisation, soit dans les programmes de l'ESA, soit dans les
programmes de coopération avec les Etats-Unis. Les pressions
exercées sur leurs exécutifs respectifs par les parlements de ces
trois pays, rejoints par les Britanniques, ont ainsi permis d'obtenir, il y a
deux ans, l'engagement de l'Allemagne et de l'Angleterre sur le programme
Galileo et à un certain nombre d'autres programmes.
Cette action concertée, au niveau européen, de lobbying
parlementaire connaît une certaine efficacité. En France, il
existe un groupe mixte qui réunit des députés et des
sénateurs, fait assez rare pour être remarqué. Parmi ses
membres, dispersés au sein de toutes les commissions permanentes, se
trouvent de nombreux éléments moteurs de cette conférence
européenne.
M. Christian Cabal
a cité en exemple son
cas de « vieux parlementaire » exerçant un
cinquième mandat à la commission des finances.
Il a insisté sur l'importance stratégique que revêt
l'implication croissante de la Russie démocratique dans les actions
européennes et envisage même son intégration à
l'Europe spatiale dans les cinq ans à venir. Les activités de
recherche industrielle de la Russie sont maintenant étroitement
imbriquées à celles de l'Europe et, depuis le dernier Salon du
Bourget, un certain nombre d'accords, restés secrets jusque-là,
ont été rendus publics dans ce domaine.
Il a ajouté que les Japonais ont rejoint la conférence l'an
dernier, après qu'il ait mené deux missions au Japon, et que les
Chinois le feront cette année.
Mais pour que les choses soient claires, il a précisé que si la
démarche de la conférence n'est pas de s'opposer aux Etats-Unis,
ce qui serait une approche trop brutale et inexacte, son objectif est bien de
faire en sorte qu'il y ait deux grands pôles mondiaux dans le domaine du
spatial pour maintenir une émulation - pas une concurrence -
entre le pôle américain et le pôle des autres pays du monde.
L'Union européenne mais aussi le Japon, le Canada et l'Italie jouent un
rôle important dans la station spatiale internationale (ISS), même
si les Japonais restent tributaires des Américains pour leurs lanceurs.
M. Christian Cabal
a alors appelé les parlementaires
canadiens à constituer un comité national et à rejoindre
la conférence interparlementaire.
Puisque le secrétariat est, chaque année, assuré par un
pays organisateur et que la prochaine conférence se déroulera
à Berlin, du 30 septembre au 2 octobre, il s'est alors
proposé de demander à son collègue, vice-président
du Bundestag, d'adresser aux parlementaires canadiens une invitation à y
participer ou, au moins, à être destinataires de ses conclusions.
La dernière conférence de Londres a ainsi permis de
préparer le conseil de l'ESA, qui s'est déroulé il y a
quelques semaines et qui a totalement relancé la politique spatiale
européenne dans des conditions que l'on peut reconnaître comme
assez exceptionnelles.
En complément de l'intervention de M. Le Franc, il a estimé
que l'Europe spatiale se trouve devant une perspective très ambitieuse,
avec des moyens financiers importants qui seront matérialisés par
le Livre Blanc que la Commission européenne doit publier, en septembre
ou octobre prochain. A l'heure actuelle, l'effort spatial européen
s'élève à environ 6 milliards d'euros, ce qui ne
représente que le quart de l'effort spatial américain et, si l'on
ne prend en compte que la partie militaire, que le quinzième. Le
décalage est évident et les risques d'un découplage sont
très élevés. Pour éviter ce découplage,
l'objectif doit consister à porter rapidement l'effort financier
européen en faveur de l'espace à 12 milliards d'euros et à
amener d'ici sept ou huit ans, l'effort spatial militaire européen
à un niveau équivalent à celui des Américains. Pour
y réussir, il faut au préalable que l'Europe fasse entrer le
spatial dans son domaine de compétence, ce qui n'est pas encore le cas,
l'ESA ne pouvant intervenir dans le domaine militaire. La future constitution
européenne devra donner les moyens à l'Union européenne de
s'investir dans le domaine militaire au travers d'un ministre des affaires
étrangères.
La future constitution européenne devrait donc étendre le champ
de compétence de l'Union et faire du domaine spatial une
compétence partagée. Pourquoi partagée ? Parce que
chaque pays restera libre de développer des programmes nationaux, soit
isolément soit en coopération avec d'autres pays mais avec une
implication financière forte de l'Union européenne ; le programme
Galileo en est un premier exemple puisque la part de l'Union européenne
représente
a priori
la moitié de l'enveloppe du coût
global du projet.
M. Christian Cabal
a reconnu que son optimisme est peut-être
excessif mais il a estimé que c'est effectivement une grande politique
coordonnée qui est maintenant lancée.
Il a rappelé que l'Europe dispose désormais de toute une famille
de lanceurs :
Ariane 5
, digne successeur d'
Ariane 4
dont le dernier tir, deux mois auparavant, a clôturé une fabuleuse
épopée de 120 tirs réussis, plus que pour aucun autre
lanceur de l'histoire de la conquête spatiale. Grâce à la
coopération avec les Russes,
Soyouz
s'intègrera dans la
gamme d'Arianespace et sera tiré de Kourou pour bénéficier
de la position équatoriale et avoir un lanceur de la gamme 4 tonnes
en orbite géo-stationnaire. Un troisième lanceur,
Véga
, en cours de développement avec les Italiens,
permettra de tirer dans la gamme des une tonne et d'effectuer des tirs
scientifiques. Enfin, un petit lanceur russe,
Eurocot
, ancien missile
balistique sous-marin, servira à lancer des petits satellites.
L'Europe aura donc une gamme de lanceurs complète avec Ariane 5, Ariane
générique, Soyouz, Vega et Eurocot.
Pour les satellites, l'ambition est la même. La sonde
Mars-Express
a été lancée en début d'année et devrait
atteindre la planète Mars le 24 décembre. Trois sondes
planétaires volent à l'heure actuelle vers Mars où elles
arriveront entre le 24 décembre et le 15 février, pour
explorer le territoire martien.
Le lancement du programme Galileo a constitué une décision
importante qui démontre, enfin, la volonté d'indépendance
de l'Europe et des pays qui s'associent avec elle, notamment la Chine, le Japon
et la Russie, cette dernière fournissant une partie des satellites.
Les Français, qui sont également les grands spécialistes
européens de l'observation optique, poursuivent des coopérations
bilatérales : avec l'Espagne, l'Italie et la Belgique sur la
série des satellites militaires Hélios ; avec les Allemands dans
le segment des radars ; avec les Italiens sur le programme
Pléiades
; avec les Américains sur les satellites
Skynet,
qui sont fabriqués pour une bonne part par les
Français ; et enfin avec les Canadiens, sur le programme GMES,
extrêmement ambitieux sur le plan environnemental et sur le plan
militaire, qui n'en est qu'aux ébauches et dont une partie reste
secrète.
Toute ces activités sont malheureusement confrontées à des
difficultés d'ordre structurel. L'ESA est une agence
intergouvernementale qui n'implique pas l'Union européenne puisque le
Canada y est associé, mais aussi la Suisse dont la contribution est
importante, puisqu'elle fournit la coiffe de la fusée Ariane.
L'Agence intergouvernementale, l'ESA, est donc autonome et indépendante
et fonctionne avec des contributions qui peuvent être obligatoires ou
facultatives. Le programme Soyouz, par exemple, est un programme facultatif qui
ne concerne qu'un certain nombre de pays. Le coût de Soyouz à
Kourou est de 340 millions d'euros et son financement n'est pas
entièrement bouclé car il manque encore entre 7 et 8 %, dans
l'attente des participations définitives des Italiens et des Espagnols.
L'Union européenne va désormais avoir une compétence dans
le domaine de l'espace dans le cadre du deuxième Traité de Rome
qui pourrait être signé à la fin de l'année et qui
permettra d'avoir une Constitution européenne avec des attributions, un
véritable chef de gouvernement, un ministre des affaires
étrangères et un ministre de la défense. Dans ce cadre, la
règle du financement n'est pas la même que dans celui de l'ESA, il
s'agit d'un financement obligatoire, calculé sur le RNB de chaque membre
et sans juste retour avec des appels d'offres qui ne sont pas limités
à l'Europe. Il va falloir faire cohabiter de façon progressive
ces deux ensembles, sans savoir encore très bien comment faire. Sur le
plan technique, ce ne sera pas simple non plus car l'Union européenne va
forcément être l'organe politique. L'objectif va être
d'obtenir une répartition efficace des moyens européens entre
l'organe politique, l'Union européenne, l'organe technique, l'ESA qui
utilisera les compétences des agences nationales, et les industriels,
qui sont presque totalement intégrés. Arianespace devrait se
limiter aux opérations de commercialisation et de tirs mais
n'interviendra plus du tout dans l'élaboration du lanceur.
Mais le véritable succès de l'Europe ces dernières
années, c'est la restructuration industrielle, que l'on croyait
impossible
a priori
. EADS est devenu le constructeur européen
unique dans le domaine spatial. Dans le domaine des satellites, l'Europe a
trois constructeurs, autant que les Etats-Unis, dont deux assez
importants : Astrium, filiale d'EADS, et
Alcatel Space
,
filiale du groupe Alcatel. Une restructuration est en cours, qui pourrait
déboucher sur la constitution d'un seul constructeur européen de
satellites issu du regroupement attendu entre Astrium et Alcatel.
A l'issue de cette recomposition, le segment spatial européen et ceux
qui s'y associent sera ainsi vraiment en ordre de marche avec le maître
d'ouvrage, les maîtres d'oeuvre, les industriels, les programmes, les
crédits. L'engagement prévisible de la France pourrait être
d'environ 700 millions d'euros chaque année pendant cinq ans pour l'ESA
et à peu près autant pour le CNES. Les Allemands, malgré
leurs difficultés budgétaires, et les Anglais suivent aussi.
En conclusion,
M. Christian Cabal
s'est réjoui qu'un an
à peine après avoir frôlé l'enfer ou le purgatoire,
notamment lors de l'échec d'Ariane 5, l'industrie européenne
soit désormais en ordre de marche et capable de rivaliser avec les
Etats-Unis, grâce notamment à l'appui de l'industrie russe
- le successeur d'Ariane sera un lanceur europano-russe ! - et
il a estimé que le rôle des parlementaires dans cette
réussite n'est pas négligeable, la conférence
européenne interparlementaire ayant eu un rôle d'aiguillon
politique essentiel auprès des gouvernements.
M. Marcel-Pierre Cleach
a remercié le Professeur Cabal
pour son exposé plein d'espoir et d'enthousiasme et fait remarquer que
sa proposition devrait beaucoup intéresser les parlementaires canadiens
lorsqu'elle leur sera transmise par la délégation canadienne
à son retour. Il a souhaité que les relations entre
parlementaires français et canadiens soient animées du même
esprit et fassent les mêmes progrès que ceux du groupe de travail
européen sur l'espace. Il s'est félicité enfin que le
dynamisme et la forte implication de la politique française, ces
derniers mois, sur le problème de l'espace aient participé
à ce redémarrage européen.
M. Christian Cabal
a
souhaité apporter un
complément d'information sur le pas de tir de Soyouz à Kourou,
qui est conçu pour des vols habités. Les Russes vont
peut-être devoir quitter leur base du Kazakhstan d'ici quelques
années. L'installation à Kourou de Soyouz, qui est actuellement
le meilleur et le seul lanceur de vols habités à la suite de
l'arrêt forcé de la navette spatiale américaine, va ouvrir
la possibilité des vols habités aux Européens, qui
disposent d'un corps d'astronautes européens, totalement
indépendant des Américains. C'est un événement
important.
M. Marcel-Pierre Cleach
a vu dans cet accord avec les Russes un
symbole de garantie de paix pour l'avenir car l'idée européenne
est d'abord basée sur la recherche et le maintien de la paix.
Il a proposé alors d'ouvrir le débat.
E. DÉBAT
Mme
Lizza Frulla
s'est inquiétée de l'émergence dans le
domaine spatial de deux grands blocs, l'un européen, l'autre
américain - auquel les canadiens pourraient être
sollicités d'adhérer - qui pourrait conduire à une
certaine forme de surenchère amenant à une militarisation de
l'espace.
M. Christian Cabal
a tenu à la rassurer totalement en
précisant que le programme ABM ne peut se concevoir que dans le cadre de
l'OTAN.
Les Russes auraient effectivement souhaité développer avec les
Européens un tel programme. Mais les Européens n'ont pas voulu
donner suite parce que le programme ABM ne peut se concevoir que dans le cadre
occidental ou avec des alliés présents ou futurs. Pour plus de
clarté, il a précisé que, dans les premiers contrats
développés pour ABM, EADS est partie prenante avec les
Américains de Boeing, que l'Europe participe à ce programme ABM
sur au moins deux secteurs importants, dont celui des satellites «
early warning
» qui permettent la détection la plus
immédiate possible d'un tir dès le décollage du pas de
tirs pour localiser le lanceur, ses caractéristiques offensives ou non,
et sa trajectoire. D'autres coopérations existent avec les Britanniques,
au sujet des problèmes de la rentrée atmosphérique.
Par ailleurs, en raison de son coût, l'Europe n'a pas les moyens de
développer de son coté un programme ABM concurrent. En revanche,
cela implique un accord très large pour mettre au point dans le cadre
d'ABM des capacités d'intercepter d'éventuels lanceurs iraniens,
coréens du nord, voire d'autres pays, soit dès le
décollage, soit en vol le plus tôt possible et de les rendre
inefficaces.
Il a considéré, pour que les choses soient bien claires, que les
activités dans le cadre de l'interparlementaire se font en accord avec
l'administration américaine, qui y délègue d'ailleurs un
observateur. Cela dit, il a estimé que, de leur coté, les
Américains ne font pas de cadeau. Ils ont notamment utilisé tous
les moyens possibles et imaginables pour faire échouer le programme
Galileo. Ils ont fait pression d'abord sur les Allemands pour bloquer Galileo,
ensuite, ils ont tenté de faire renoncer les Italiens.
Il a souligné à ce propos l'extrême complication des
problèmes engendrés par les programmes en coopération. Qui
est le chef de file du programme ? Où se situent les équipes ? Le
projet Galileo a donné le spectacle d'une véritable bagarre. La
France ayant d'emblée renoncé au rôle de chef de file, les
Allemands, les Italiens, et les Espagnols se sont disputés pour savoir
où seraient localisés les centres d'expertise, les centres
techniques, la direction, la société de Galileo. Pour la
première fois de l'histoire, un programme européen était
surfinancé, les participants utilisant la surenchère pour en
avoir le
leadership
et les retombées maximum.
M. Georges Farrah
s'est interrogé, dans une perspective de
long terme, sur les positions de la Chine et du Japon.
M. Christian Cabal
a précisé que la Chine dispose d'une
agence spatiale indépendante et déploie une grande
activité qui va se manifester par l'envoi d'un astronaute dans l'espace
au mois d'octobre 2003. Ce sera la première fois qu'une nouvelle
puissance envoie des hommes dans l'espace.
Le programme spatial chinois, totalement indépendant, est complet avec
un objectif lunaire et un objectif planétaire. Pour des raisons
géostratégiques, la Chine est associée à des
programmes de recherche civile, à quelques éléments de
recherche industrielle, sans grande envergure pour l'instant. Elle va
être également associée à Galileo, pour lequel elle
a payé une droit d'entrée de 500 millions de dollars. La Chine
est donc très active même si ses programmes manquent beaucoup de
maturité et restent très tributaires des technologies russes.
Quant au Japon, il entretient une coopération de plus en plus
étroite avec les Européens, au point d'avoir initié un
accord de
back-up
entre Ariane et H2A. Le Japon mène une
politique extrêmement importante mais, comme toujours, très
discrète. Le budget spatial japonais est supérieur au budget
spatial français, avec environ 1,4 à 1, 5 milliard d'euros
en 2003. Les Japonais ont développé un lanceur H2A, de la classe
Ariane 5, qui est actuellement tributaire de quelques équipements
américains mais dont ils vont se dispenser puisqu'ils vont les acheter
à EADS. Ils ont développé une technique du puzzle, avec
des programmes épars, en apparence, et d'un seul coup, ils les
assemblent. Nous avons ainsi découvert avec un peu de surprise qu'ils
avaient été capables de lancer des satellites d'observation
militaire, au motif que les Coréens du Nord développent des
engins assez offensifs. Les Japonais ont lancé, en un an, un puis deux
satellites d'observation militaire de la catégories Hélios,
là où les européens ont mis dix ans à le faire,
tout comme les Américains d'ailleurs. Quel enseignement en tirer ?
Simplement que les techniques étaient prêtes et qu'ils n'avaient
plus qu'à les assembler.
M. Christian Cabal
s'est dit persuadé que, de la même
façon, les Japonais disposent à peu près certainement de
l'arme nucléaire, en petits morceaux, et qu'il ne leur reste plus qu'a
l'assembler en cas de besoin. En voyage au Japon un mois auparavant, il a
assisté à une grande discussion sur l'art et la manière
d'officialiser la possession d'armes nucléaires tout en
réussissant à ne pas modifier la Constitution.
Il a recommandé de ne pas sous-estimer les Japonais, qui disposent,
à l'heure actuelle, du troisième budget militaire au monde, ainsi
que du troisième budget spatial au monde, et de coopérer
très étroitement avec eux.
M. Marcel-Pierre Cleach
a souligné l'étendue des
perspectives que ce débat venait d'ouvrir, et a remarqué que les
réunions de l'Association, comme d'habitude, débouchent sur des
grandes interrogations, pour ne pas dire de grandes inquiétudes,
participant ainsi de manière exemplaire à l'information
permanente et donc, à terme, au renforcement de la
sécurité commune.
Il a remercié tous les présents d'avoir participé et suivi
ce débat.
*
* *
IV. JUSTICE ET SÉCURITÉ PUBLIQUE
M. Marcel-Pierre Cleach a ensuite proposé d'aborder la seconde partie de la matinée, consacrée au thème « Justice et Sécurité », et a présenté les intervenants : le sénateur de la Seine et Marne, Jean-Jacques Hyest, M. Bernard Pagès Procureur de la République à Nanterre, le lieutenant-colonel Dupouy, commandant une unité de Gendarmerie à Bastia, qui devrait rejoindre prochainement l'ambassade de France au Canada, et enfin le Sénateur Beaudoin, qui n'a pas besoin d'être présenté.
A. INTERVENTION DE M. JEAN-JACQUES HYEST, SÉNATEUR, RAPPORTEUR POUR LA SECTION FRANÇAISE, SUR LES PRINCIPALES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE FRANÇAISE
M. Jean-Jacques Hyest a précisé que son propos introductif avait pour objectif de présenter les principales orientations de la politique suivie par le Gouvernement depuis un peu plus d'un an.
Crise de l'institution judiciaire et hausse de la délinquance
Au cours
des campagnes pour les élections présidentielle et
législative de mai et juin 2002, le thème de la justice et de la
sécurité a tenu une place très importante.
L'actuelle majorité a fait un double constat : la crise de l'institution
judiciaire et la nécessité de lutter contre la hausse de la
délinquance et de la criminalité.
En matière de justice, les points les plus problématiques
étaient :
-
- l'insuffisance des moyens matériels et financiers de la justice
malgré une hausse de son budget de près de 18 % entre 1998 et
2002, se traduisant par un engorgement et une trop grande lenteur des
procédures ;
- l'incapacité du système judiciaire à faire face à la montée de la délinquance des mineurs et à l'augmentation de la « judiciarisation » des litiges de la vie quotidienne ;
- une insuffisante prise en compte des victimes ;
- et, enfin, une surpopulation des prisons, conjuguée à de nombreuses difficultés dans l'application des peines.
Les mesures adoptées depuis mai 2002
Fort de
ce constat, la nouvelle majorité a pris une série de mesures
regroupées dans deux textes principaux : deux lois d'orientation et de
programmation sur la justice et la sécurité intérieure,
définissant les grandes lignes de l'action du Gouvernement dans les cinq
années à venir. Ces textes ont ensuite été
déclinés dans plusieurs lois votés au Parlement au cours
de l'année passée.
En matière de justice, la loi d'orientation et de programmation
permettra d'accroître de manière très sensible les moyens
de la Chancellerie. 3,65 milliards d'euros sur cinq ans ont été
débloqués. Plus de 10 000 emplois nouveaux seront
créés, ainsi que 3 300 postes de juges de proximité. Ces
moyens nouveaux ont pour objectif de réduire le délai de
traitement des affaires, d'améliorer le fonctionnement concret de la
justice et de construire ou de rénover tribunaux et prisons. L'orateur
n'a pas insisté sur ces points car la délégation a
rencontré la veille M. Pierre Bédier et devait être
reçue à la Cour d'appel d'Angers pour s'entretenir avec des
magistrats des conditions d'exercice de leur métier.
Le second point très important est la création d'une justice de
proximité assurée par des magistrats non professionnels pour les
petits délits en matière civile ou pénale. Il s'agit en
réalité de la « re-création » des
« juges de paix » qui existaient avant 1958. Ces juges de
proximité seront sélectionnés en fonction de leur
expérience professionnelle et de leurs connaissances juridiques.
Un troisième ensemble de dispositions a été pris en
matière pénale : droit pénal des mineurs, procédure
pénale et aide aux victimes. Parmi les mesures les plus «
médiatiques », notons la création de « centres
éducatifs fermés » pour les mineurs et l'attribution, dans
certaines conditions, de l'aide juridictionnelle aux victimes.
Enfin, en matière d'application des peines,
M. Hyest
a
simplement mentionné la création du « bracelet
électronique », qui est directement inspiré de
l'expérience canadienne.
Il s'est voulu plus synthétique à propos de la
sécurité intérieure. Deux mesures principales ont
été prises. La première est la réorganisation du
dispositif de sécurité intérieure. Au niveau national, ont
été créés un Conseil de sécurité
intérieure auprès du Président de la République et
un ministère de la sécurité intérieure à qui
ont été confiées la police et la direction
opérationnelle de la gendarmerie, auparavant du ressort du
ministère de la défense. Chaque force, qu'il s'agisse de la
police ou de la gendarmerie, est en train de se réorganiser à
travers notamment des redéploiement territoriaux afin de tenir compte
des évolutions de la population et de la délinquance et, surtout,
la création de forces communes d'intervention et d'investigation, les
GIR (groupements d'intervention régionaux), au niveau régional.
Ces mesures de réorganisation sont soutenues par une dotation
financière très importante : 5,6 milliards d'euros
supplémentaires sur cinq ans et la création de 13 500 emplois.
Les problématiques judiciaires et de sécurité sont, en
France, d'une très grande actualité et correspondent aux
priorités du Gouvernement qui a pris de nombreuses mesures pour
améliorer la situation. Ces questions continuent d'ailleurs de susciter
un très vif débat pour savoir qu'elles sont les meilleures
solutions à apporter. L'expérience canadienne en la
matière, qui a constitué une importante source d'inspiration,
suscite en France un très grand intérêt.
Il a laissé ensuite la parole à son homologue, l'Honorable
Gérald Beaudoin.
B. INTERVENTION DE L'HONORABLE GÉRALD BEAUDOIN, SÉNATEUR, RAPPORTEUR POUR LE GROUPE CANADIEN, SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE AU CANADA
L'honorable Gérald Beaudoin
,
Sénateur,
rapporteur pour le groupe canadien
, s'est d'abord
référé à la Charte canadienne des droits et
libertés, qu'il considère comme le plus grand
événement sur le plan constitutionnel au Canada depuis l'adoption
du fédéralisme, et s'est avoué très
impressionné par le débat européen en cours sur le
confédéralisme et le fédéralisme, à son avis
la plus belle période européenne depuis des siècles, qui
est en train de changer complètement le système européen,
avec des incidences indirectes sur le plan mondial. Les Américains l'ont
fait en 1787, sous la direction de Georges Marshall, qui est, à son
avis, le plus grand juge de tous les temps, puisqu'il a créé le
contrôle de la constitutionnalité des lois, un trait de
génie qui a changé toute l'histoire du monde.
Le système de justice pénale au Canada est essentiellement
composé d'un ensemble de processus qui interagissent pour s'occuper des
auteurs d'actes criminels. Les processus diffèrent selon les
catégories de délinquants : jeunes contrevenants,
délinquants adultes, délinquants dangereux, délinquants
souffrant de troubles mentaux, délinquants autochtones,
délinquants engagés dans le crime organisé, etc. La liste
n'est pas exhaustive. À la différence de ce qu'on observe dans
beaucoup d'autres pays, les compétences législatives et
gouvernementales à l'égard d'un grand nombre de ses
éléments ne relèvent pas d'un seul ordre de gouvernement.
La notion de sécurité publique a fait l'objet
d'interprétations variées et complexes. Pour assurer la
sécurité publique, il ne faut pas compter exclusivement sur la
répression, le châtiment, bien qu'on y ait eu recours lorsqu'il y
avait lieu, par exemple dans des initiatives récentes comme celles qui
portent sur le crime organisé et le terrorisme.
Les efforts de prévention du crime, axés sur les causes profondes
de l'activité criminelle et des comportements antisociaux, ont
été une importante priorité dans la protection de la
sécurité publique au niveau des collectivités. Les
programmes de réadaptation proposés aux délinquants pour
les aider à résister à la tentation de récidiver
sont au coeur d'une grande partie des efforts des autorités
correctionnelles visant aussi bien les jeunes contrevenants que les
délinquants adultes.
Enfin, les efforts de justice réparatrice - prévoyant que les
délinquants assument la responsabilité de leurs actes, fassent
amende honorable et restituent aux victimes ce qu'ils leur doivent - sont une
autre façon d'assurer la sécurité dans la
collectivité. Cette démarche trouve son origine dans les
traditions et approches autochtones ou fondées sur la foi en
matière de règlement des différends. Elle a suscité
la controverse.
Les diverses initiatives fédérales récentes illustrent ces
différentes façons d'aborder la sécurité et la
sûreté publiques.
L'honorable Gérald Beaudoin
a
proposé de traiter en premier du contexte constitutionnel dans lequel
ces initiatives ont été prises, pour ensuite donner un certain
nombre d'exemples concernant la prévention du crime, les jeunes
contrevenants, les peines, l'incarcération et la réadaptation des
délinquants adultes.
Contexte constitutionnel
Les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 décrivent les compétences accordées aux assemblées législatives et aux gouvernements aux échelons fédéral et provincial. Le paragraphe 91-27 donne au Parlement du Canada la compétence en matière de droit pénal, sauf en ce qui concerne la procédure pénale et l'établissement des tribunaux de juridiction pénale. Le paragraphe 92-14 confie aux assemblées législatives provinciales l'administration de la justice, y compris « la création, le maintien et l'organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle ». Le paragraphe 91-28 donne au Parlement du Canada la compétence à l'égard des « pénitenciers », où les délinquants purgent des peines de deux ans ou plus. Enfin, le paragraphe 92-6 confère aux assemblées législatives provinciales la compétence sur les « prisons publiques et maisons de réforme », où sont purgées les peines d'au plus deux ans moins un jour.
Prévention du crime
Les
conséquences du crime pour la sécurité et la
sûreté publiques préoccupent vivement les Canadiens. Les
mesures classiques visant à renforcer la sécurité publique
et à réduire le nombre de victimes s'appliquent une fois que le
mal est fait. Elles comprennent la détection du crime, les
enquêtes, les arrestations, les procédures judiciaires et la
détermination de la peine. Depuis un certain nombre d'années,
plusieurs croient que cette approche fondée sur la réaction ne
suffit pas à réprimer la criminalité et à
réduire le nombre de victimes. Nombreux sont ceux qui, prenant comme
point d'appui un modèle médical, ont préconisé
l'élaboration de programmes de prévention pour réduire la
fréquence des comportements criminels.
Depuis 1994, la
Stratégie nationale sur la sécurité
communautaire et la prévention du crime
s'appuie sur une approche de
développement social afin de réduire l'incidence des
comportements criminels en mettant l'accent sur les facteurs sous-jacents,
comme les familles dysfonctionnelles, les taux d'échec scolaire, la
toxicomanie, l'analphabétisme, le sous-financement des
collectivités, le chômage et la pauvreté, autant
d'éléments qui minent la sécurité de la
collectivité. Il s'agit donc d'une approche axée sur la
collectivité, encourageant les approches locales, inter-institutions,
publiques et privées de la prévention. Elle comprend un
Centre
national de prévention du crime
, qui conseille le gouvernement, qui
diffuse de l'information et qui permet de constituer une base de données
sur les pratiques exemplaires de prévention du crime.
Outre le Centre, la stratégie comprend quatre programmes de financement
: programme d'action des entreprises ; programme de mobilisation des
collectivités ; fonds d'investissement dans la prévention du
crime ; programme de partenariat en prévention du crime. En ce qui
concerne les éléments essentiels des projets financés en
vertu de la Stratégie, notons qu'ils sont fondés sur la
collectivité, répondent aux besoins locaux et comprennent une
composante d'évaluation qui permet de mesurer leur efficacité et
de voir s'ils atteignent les objectifs définis.
Cette brève description donne une idée de l'engagement des
autorités fédérales à l'égard de la
prévention du crime comme stratégie de réduction du
comportement criminel et du nombre de victimes. Des initiatives analogues
existent aux niveaux provincial et local. Comme ces stratégies ne sont
en place que depuis assez peu de temps, il est trop tôt pour dire quels
sont leurs effets sur la criminalité. Par contre, elles marquent une
nette évolution par rapport à l'approche classique,
réactive, des problèmes de justice pénale.
Jeunes contrevenants
C'est en
1908 que le Canada s'est donné une première loi portant
exclusivement sur les jeunes contrevenants : la Loi sur les jeunes
délinquants. Elle a été remplacée en 1982 par la
Loi sur les jeunes contrevenants.
Cette nouvelle loi a elle-même fait l'objet de profondes modifications
dans les années 1980 et 1990. Avant de décrire la loi la plus
récente que le Parlement a adoptée au sujet des jeunes
contrevenants,
le sénateur Beaudoin
a rappelé quelques
principes de base :
-
- premièrement, les lois sur les jeunes contrevenants au Canada ont
toujours porté surtout sur la procédure, c'est-à-dire
qu'elles prévoient les modalités que le système de justice
pénale doit respecter à l'égard des jeunes contrevenants.
Les infractions pour lesquelles ils peuvent être inculpés et
condamnés et purger une peine relèvent du Code criminel et
d'autres lois qui s'appliquent aux délinquants adultes ;
- deuxièmement, bien que ces lois soient adoptées par le Parlement fédéral, leur application courante relève de tribunaux et d'autres institutions de compétence provinciale ;
- troisièmement, les lois sur les jeunes contrevenants adoptées par le Parlement ne s'appliquent qu'aux jeunes âgés de 12 à 18 ans. Les enfants de moins de 12 ans ne peuvent être inculpés d'une infraction pénale, tandis que les jeunes de plus de 18 ans sont inculpés et traités comme des adultes. Ces trois éléments sont des constantes de toutes les lois sur les jeunes contrevenants adoptées par le Parlement, y compris de la plus récente.
Le Parlement a adopté la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2003.
Cette mesure législative a également été au centre d'une vive controverse. Des provinces comme l'Alberta et l'Ontario la critiquaient, lui reprochant d'être trop indulgente à l'égard des auteurs de crimes graves et des récidivistes. Par contre, le Québec, qui a une approche originale visant à garder le plus grand nombre possible de jeunes contrevenants à l'extérieur du système de justice pénale, déplorait que la nouvelle Loi compromette sa propre démarche et assujettisse un trop grand nombre de jeunes au système de justice pénale. Cette province est allée jusqu'à demander à la Cour d'appel du Québec de se prononcer sur la constitutionnalité de la nouvelle Loi. Le tribunal a jugé que certains de ses éléments étaient incompatibles avec la Charte des droits.
Tous ceux qui critiquent la nouvelle Loi s'entendent pour dire qu'elle est excessivement complexe et qu'elle sera difficile à appliquer par ceux qui doivent s'en servir concrètement. Le problème du sous-financement et du niveau des ressources disponibles fait toujours l'objet de mécontentement chez bon nombre de ceux qui s'occupent du système de justice pénale pour les jeunes.
Malgré sa complexité et la controverse qui l'a entourée, la nouvelle Loi ne marque pas une rupture radicale par rapport au dispositif législatif qu'elle remplace. Elle prévoit néanmoins un certain nombre de moyens de rechange pour réagir à certaines infractions et traiter avec les délinquants qui ont maille à partir avec le système de justice pénale pour les jeunes, des cas les plus anodins jusqu'aux plus graves.
Dans le cas des infractions mineures, les policiers jouissent d'une discrétion expresse et plus claire, qui leur permet de s'occuper des jeunes contrevenants sans les engager dans un système de justice pénale aux lourdes procédures. Elle prévoit également la possibilité de mesures de justice réparatrice comme les cercles de détermination de la peine et de guérison, des comités de justice communautaires et des conférences de « groupe familial » ou de concertation familiale. Ces techniques fondées sur la foi religieuse et la tradition autochtone visent à amener le jeune contrevenant à prendre conscience des conséquences de son comportement criminel et à présenter des excuses à la victime.
La Loi prévoit également des dispositions à l'égard des infractions plus graves et des récidivistes en permettant que les infractions soient considérées comme des infractions d'adulte.
Ces deux démarches étaient possibles sous le régime de la Loi antérieure, mais la nouvelle Loi renforce les dispositions à cet égard et facilite leur utilisation lorsque les circonstances s'y prêtent.
Détermination de la peine
Le
Canada a un code pénal (le Code criminel) depuis 1892, année de
son adoption par le Parlement. À l'époque, il contenait un
certain nombre de dispositions portant sur la définition de la
responsabilité pénale, les moyens de défense, les
éléments des infractions pénales et la
détermination de la peine, ainsi que sur les procédures et les
appels. Le Code a fait l'objet de révisions en profondeur au milieu des
années 1950, mais ces révisions se fondaient essentiellement sur
les principes généraux qui se trouvaient dans le Code depuis le
début. Malgré un certain nombre d'efforts avortés au fil
des ans, le code pénal du Canada n'a pas fait l'objet d'une nouvelle
codification reflétant l'évolution de la réalité
sociale depuis la fin du XIXe siècle.
Une exception, cependant, à ce constat général : les
dispositions sur la détermination de la peine. Le Parlement en est venu
à adopter au milieu des années 1990 un projet de loi qui
proposait une nouvelle codification complète des mesures du Code
criminel sur la détermination de la peine. Le projet de loi est
entré en vigueur en 1996.
Avant d'aborder divers aspects de cette nouvelle codification, il importe de
bien saisir les éléments principaux du régime de
détermination de la peine proposé aux juges. La gamme des peines
possibles comprend l'absolution inconditionnelle, l'absolution conditionnelle,
les mesures de rechange, les ordonnances de service communautaire, la
probation, le sursis au prononcé de la peine, la condamnation à
l'emprisonnement avec sursis, la restitution, l'indemnisation, les amendes et
l'emprisonnement. Le juge qui prononce la peine peut imposer deux ou plusieurs
peines, selon la nature de l'infraction et selon le délinquant, en
fonction de la durée de la peine permise par le Code.
Le Code prévoit fort peu de peines minimum. La plus connue est la peine
minimum d'emprisonnement à vie que peut entraîner le meurtre au
premier ou au deuxième degré. Dans tous les autres cas, un
maximum est fixé, mais aucun minimum : quatorze jours, six mois, deux
ans, cinq ans, sept ans, quatorze ans, à vie.
Les modifications apportées au Code en 1996 ont réorganisé
cette partie de la loi, codifié les préceptes applicables sous la
forme de principes généraux et prévu de nouveaux types de
peine.
L'objectif et les principes énoncés dans le Code reposent sur des
pratiques établies depuis longtemps et une solide jurisprudence. Les
peines visent à protéger la société en
dénonçant les conduites illégales, en dissuadant les
délinquants et d'autres personnes de commettre des infractions, en
isolant au besoin les délinquants de la société, en
facilitant la réadaptation des délinquants, en réparant le
préjudice causé à la victime ou à la
collectivité, et en aidant le délinquant à assumer la
responsabilité du tort causé à la victime et à la
collectivité.
Le principe fondamental de la détermination de la peine contenu dans le
Code veut que la peine imposée par le juge soit proportionnelle à
la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité
du délinquant. Ce principe fondamental est étayé par
d'autres principes : le rôle des circonstances aggravantes dans
l'établissement de la durée de la peine, la similitude des peines
imposées dans des circonstances similaires, l'imposition de peines qui
ne sont pas exagérément sévères ou longues, la
modération dans la privation de liberté, le recours, autant que
possible, à toutes les autres mesures avant le recours à
l'incarcération, notamment en ce qui concerne les délinquants
autochtones.
Pour respecter ces objectifs et ces principes, les juges doivent
considérer chacun d'eux et voir comment ils s'appliquent dans un cas
donné pour arriver à déterminer la peine qui convient. En
outre, ils doivent rédiger les motifs de leurs décisions en
expliquant la façon dont ils ont appliqué les objectifs et
principes à la détermination de la peine choisie.
Deux questions en cause dans ces mesures relativement nouvelles sur la
détermination de la peine ont donné lieu à des
controverses et des litiges : la modération dans l'imposition de peines
d'incarcération aux délinquants autochtones et les condamnations
à l'emprisonnement avec sursis. La Cour suprême du Canada a
été saisie de ces deux questions et elle a maintenu les
dispositions en cause.
Le Parlement a adopté le principe de la modération dans
l'incarcération des délinquants autochtones pour réduire
le taux d'incarcération disproportionné des Autochtones dans
certaines régions du Canada. D'aucuns ont critiqué cette
approche, disant qu'elle établit un processus distinct, fondé sur
la race, pour la détermination de la peine des délinquants
autochtones, ce qui vaudra à ceux-ci un traitement plus indulgent. Cette
disposition n'est qu'une des nombreuses dispositions qui guident les juges pour
qu'ils imposent la peine qui convient dans un cas donné.
La condamnation à l'emprisonnement avec sursis est une nouvelle mesure
qui a suscité la controverse et semé la confusion. Il s'agit
d'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans à purger dans la
collectivité si cela ne présente aucun risque. La seule
restriction qui s'applique est que l'infraction en cause n'entraîne pas
une peine minimum. Le Parlement du Canada a adopté cette mesure pour
réduire le taux d'incarcération au Canada.
Cette mesure a été dénoncée par un certain nombre
de provinces et d'organisations non gouvernementales parce qu'elle peut
s'appliquer à la plupart des infractions pénales. Selon les
critiques, elle ne devrait pas s'appliquer dans les cas où il y a perte
de vie ou violence grave, ni aux autres infractions graves ou lorsqu'il y a
récidive. Ils ajoutent qu'on ne peut la distinguer de la probation ou du
sursis au prononcé de la peine, ce qui sème la confusion.
Lorsqu'elle a étudié la question, la Cour suprême du Canada
a dit que la condamnation à l'emprisonnement avec sursis doit contenir
un élément punitif comme l'assignation à résidence
ou d'autres conditions pour pouvoir s'appliquer légitimement et se
distinguer d'autres mesures analogues.
Incarcération et réadaptation des délinquants
L'honorable Gérald Beaudoin
a rappelé que le
Parlement et le gouvernement fédéral ont compétence
à l'égard des délinquants condamnés à des
peines de prison de deux ans ou plus.
Le Parlement a adopté en 1992 la Loi sur le système correctionnel
et la mise en liberté sous condition. Cette loi a modernisé et
rationalisé le système déjà en place. Elle n'a pas
établi de nouvelles institutions ni de nouvelles formes de
libération sous condition de délinquants renvoyés dans la
collectivité selon une formule ou une autre. Elle constitue le fondement
législatif du Service correctionnel du Canada, de la Commission
nationale des libérations conditionnelles et de l'Enquêteur
correctionnel (ombudsman qui reçoit les plaintes des détenus).
Le Service et la Commission sont guidés dans leurs activités
courantes par l'objectif et les principes prévus dans la Loi. Aussi bien
dans le processus correctionnel que dans celui des diverses formes de mise en
liberté sous condition, les deux institutions sont assujetties au
principe primordial de la protection de la collectivité dans tout ce
qu'elles font. Toutes leurs activités - admission, classification,
transfèrement, traitement, réadaptation, formation,
éducation, réinsertion sociale - sont soumises à
cette considération première.
Le Service a des établissements de trois niveaux de
sécurité
- maximale, moyenne et minimale - ainsi
que des centres résidentiels communautaires (maisons de transition). Les
détenus font l'objet d'une évaluation qui permet d'établir
leur niveau de sécurité. Ils doivent être classés au
niveau de sécurité qui convient pour être accueillis dans
un établissement donné.
Plusieurs types de liberté sous condition sont à la disposition
des détenus : placement à l'extérieur, permission de
sortir, semi-liberté et liberté conditionnelle totale. Le
détenu doit présenter un faible risque de récidive pour
obtenir l'une de ces formes de liberté sous surveillance de
l'autorité habilitée à les accorder, le Service
lui-même ou la Commission nationale des libérations
conditionnelles. Bien que la réadaptation et la réinsertion
sociale soient des éléments et objectifs importants de ces mises
en liberté sous condition, la protection de la collectivité
demeure primordiale.
Le Service correctionnel du Canada est chargé du fonctionnement des
établissements pénitentiaires classiques mais il a aussi, au
cours des dix dernières années, amorcé des initiatives
nouvelles qui ont elles-mêmes donné lieu à des controverses.
Pour répondre aux besoins particuliers du petit nombre de
délinquantes sous responsabilité fédérale, le
Service exploite à leur intention quelques établissements
correctionnels de taille restreinte disséminés aux quatre coins
du Canada plutôt qu'un grand établissement central. Ces
établissements offrent des services et des programmes axés sur
les femmes, au lieu des approches classiques du modèle correctionnel
masculin.
Le réseau correctionnel fédéral se caractérise dans
certaines régions par un nombre disproportionné de détenus
autochtones. Beaucoup restent sous garde après leur date
d'admissibilité à la libération conditionnelle pour un
certain nombre de raisons, dont une préparation incomplète au
retour dans la collectivité, l'absence de programmes adaptés dans
la collectivité ou le fait que certains programmes disponibles ne sont
pas adaptés à leur culture. Devant cette situation, le Service a
conçu un certain nombre de programmes expressément
destinés aux délinquants autochtones incarcérés
dans ses établissements. En outre, il a ouvert ces dernières
années plusieurs établissements à sécurité
minimale, comme les pavillons de ressourcement, pour utiliser les coutumes et
traditions autochtones afin de faciliter la réinsertion sociale des
détenus.
Comme l'un de ses objectifs consiste à soutenir la réinsertion
sociale des délinquants, le Service a implanté ces
dernières années quelques établissements à
sécurité minimale qui présentent l'aspect de maisons en
rangée dans les quartiers de banlieue. Un certain nombre de
délinquants doivent y vivre ensemble et se charger de leurs besoins
courants au moyen d'un budget pré-établi. On essaie ainsi de
faire vivre les détenus dans un cadre contrôlé qui est le
plus près possible du mode de vie qui sera le leur lorsqu'ils
retourneront dans la société sous une forme quelconque de
liberté sous condition ou à la fin de leur peine. Cette
initiative prête particulièrement à controverse chez ceux
qui critiquent le système correctionnel fédéral.
Le
sénateur Beaudoin
a tenu à préciser, en
conclusion, que chacune de ces initiatives innovatrices est administrée
dans le respect de la valeur primordiale qu'est la sécurité
publique. Les détenus qui passent d'un niveau de sécurité
à un autre ou participent à ces initiatives originales doivent le
mériter car ils peuvent perdre ce privilège s'ils enfreignent les
règles.
ANNEXES
I. COMPOSITION DES DÉLÉGATIONS
DÉLÉGATION CANADIENNE
L'honorable Louise BACON,
Sénateur
(Parti Libéral) de
la Durantaye, présidente du groupe canadien, chef de la
délégation.
Mme Madeleine DALPHOND-GUIRAL,
Députée (Bloc
Québécois) de Laval-centre, vice-présidente du groupe
canadien
L'honorable Gérald A. BEAUDOIN,
Sénateur (Parti
Progressiste Conservateur) de Rigaud, vice-président du groupe canadien
L'honorable Shirley MAHEU,
Sénateur (Parti Libéral) de
Rougemont, membre du comité exécutif du groupe canadien
M. Gérard BINET,
Député (Parti Libéral)
de Frontenac-Mégantic
M. Georges FARRAH,
Député (Parti Libéral) de
Bonaventure-Gaspé-Îles de la Madeleine-Pabok
Mme Lisa FRULLA,
Députée (Parti Libéral) de Verdun-
Saint-Henri-Saint Paul-Pointe Saint Charles
M. Yvon GODIN,
Député (Nouveau Parti
Démocratique) d'Acadie-Bathurst
M. Maurice VELLACOT,
Député (Alliance Canadienne) de
Saskatoon-Wanuskewin
DÉLÉGATION FRANÇAISE
M. Marc LAFFINEUR,
Député (UMP) du Maine-et-Loire,
président de l'Association interparlementaire France-Canada,
M. Marcel-Pierre CLÉACH,
Sénateur (UMP) de la Sarthe,
membre de la section française, président du Groupe
Sénatorial France-Canada.
M. Jérôme BIGNON,
Député (UMP) de la
Somme, membre de la section française, président du Groupe
d'amitié France-Canada de l'Assemblée nationale.
M. Bruno BOURG-BROC,
Député (UMP) de la Marne, membre de
la section française
M. Georges COLOMBIER,
Député (UMP) de l'Isère,
membre de la section française
M. Bernard DEROSIER,
Député (Soc) du Nord, membre de la
section française
M. Louis DUVERNOIS,
Sénateur (UMP) des Français de
l'Etranger, membre de la section française
Mme Gisèle GAUTIER,
Sénateur (UC) de Loire-Atlantique,
membre du Groupe Sénatorial France-Canada.
M. Jean-Jacques HYEST,
Sénateur (UMP) de Seine-et-Marne, membre
du Groupe Sénatorial France-Canada.
M. Joseph-François KERGUÉRIS,
Sénateur (UC) du
Morbihan, membre du Groupe Sénatorial France-Canada.
M. Jean-Pierre KUCHEIDA,
Député (Soc) du
Pas-de-Calais membre de la section française
M. Marc Le FUR,
Député (UMP) des Côtes-d'Armor,
membre de la section française
M. François LONCLE,
Député (Soc) de l'Eure,
ancien ministre, membre de la section française
Mme Monique PAPON,
Sénateur (UMP) de Loire-Atlantique, membre de
la section française.
II. PROGRAMME DE LA 32ÈME SESSION
Lundi 7 juillet
8h15/35
Arrivée à Roissy-CDG en provenance de
Montréal et Toronto
10h30
Installation à l'hôtel du Louvre
Journée libre
Mardi 8 juillet
9h00
Ouverture de la 32
ème
session ; Séance de travail sur
le thème :
« Elargissement et intégration
européenne »
(rapporteurs : M. Georges Colombier pour
la section française ; M. Georges Farrah, pour le groupe canadien)
11h00 Séance de travail sur le thème :
« Bioéthique et nouvelles technologies de
reproduction »
(rapporteurs : M. Marc Laffineur, pour la section
française ; Mme Madeleine Dalphond-Guiral, pour le groupe canadien)
13h00 Déjeuner au Petit-Hôtel
de l'Assemblée
nationale
15h00
Entretien avec M. Pierre Bédier, Secrétaire
d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice
17h00 Entretien avec M. Jean-Louis Debré, Président de
l'Assemblée nationale
20h00 Dîner à la Résidence de l'Ambassadeur du Canada,
S.E.M. Raymond Chrétien
Mercredi 9 juillet
9h00
Séance de travail sur
la « Coopération spatiale
franco-canadienne »
(rapporteurs : M. Cléach, pour la
section française ; Mme Lizza Frulla, pour le groupe canadien.)
11h00 Séance de travail sur le thème :
« Justice et
sécurité publique »
(rapporteurs : M. Jean-Jacques
Hyest, pour la section française ; l'honorable Gérald Beaudoin,
pour le groupe canadien)
13h00 Déjeuner au Ministère des Finances offert par M. Alain
Lambert, ministre-délégué au Budget
15h00 Entretien de M. Cléach et de Mme Bacon avec des
représentants de l'ONG « Ensemble contre la peine de
mort »
16h00 Entretien avec M. Christian Poncelet, Président du Sénat
17h50 Départ en TGV pour Angers
19h35 Installation à l'hôtel de France à Angers
20h30 Dîner au Conseil Général de Maine-et-Loire
Jeudi 10 juillet
10h00
Visite de l'Abbaye de Fontevraud, sous la conduite de M. Guy Massin Le
Goff, Conservateur des Antiquités et Objets d'Art
13h00 Déjeuner à Chênehutte-les-Tuffeaux
16h00 Accueil et présentation de l'Ecole Supérieure et
d'application du Génie d'Angers par le Général de division
Bezacier; visite du centre national de formation dans des opérations de
déminage post-conflictuel
19h00 Tour de ville et arrêt à la Mairie d'Avrillé,
rencontre avec la presse locale
19h30 Apéritif-dînatoire chez M. Laffineur
21h30 Spectacle
« Le vent des Peupliers »
donné dans le cadre du Festival d'Anjou au Château du
Plessis-Macé
Vendredi 11 juillet
9h30
Visite guidée du château d'Angers et de la tapisserie de
l'Apocalypse
11h15 Rencontre, au Palais de Justice d'Angers, avec Mme Linden,
première présidente de la Cour d'appel, et M. Sabouraut,
procureur général de la République
12h45 Déjeuner
14h33 Départ du TGV pour Saint-Nazaire
16h15 Visite guidée des Chantiers de l'Atlantique
18h30 Départ pour Vannes
19h30 Installation à l'hôtel Mercure de Vannes
20h30 Dîner à Saint-Goustan, port d'Auray
Samedi 12 juillet
10h30
Embarquement pour un tour du golfe du Morbihan
12h15 Arrêt à l'île aux Moines
13h00 Déjeuner
16h/17h Retours à Vannes
19h00 Réception à l'hôtel de ville offerte par le Maire de
Vannes, M. François Goulard, député du Morbihan
20h30 Dîner
Dimanche 13 juillet
9h00
Départ pour les marais salants de Guérande
10h30 Arrêt à Saillé, visite commentée d'une saline
12h00 Déjeuner au Croisic en présence de M. Christophe Priou
maire du Croisic et député de Loire -Atlantique
13h54 Départ en TGV pour Paris
18h00 Réception dans les jardins de l'Hôtel de Brienne
donnée par Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de la
Défense, en présence du Président de la République
et du Premier ministre auxquels les membres de la délégation
canadienne sont présentés
Lundi 14 juillet
9h00
Installation dans la tribune « Brest », sur les
Champs-Elysées
10h20 Défilé militaire
12h30 Déjeuner
Après-midi libre
20h30 Dîner de clôture de la 32
ème
session
23h30 Feu d'artifice du 14 juillet
Fin de la 32
ème
session
Mardi 15 juillet
10h50 départ du vol AC871 pour Montréal
L'Association interparlementaire France-Canada, créée en 1965, a
pour objet de prendre « toutes les initiatives susceptibles de
favoriser le renforcement des liens entre les Parlements des deux pays. A cet
effet, elle veillera à l'établissement de mécanismes de
coopération parlementaire structurés et efficaces »,
selon l'article 2 de ses statuts.
Elle est composée de députés et de sénateurs des
deux Parlements, qui se réunissent, alternativement en France et au
Canada, en session annuelle consacrée à des sujets
d'intérêt commun.
La 32
e
session annuelle, qui s'est tenue en France, du 8 au 14
juillet 2003, a ainsi traité de quatre thèmes :
« Elargissement et intégration européenne »,
« Bioéthique et nouvelles technologies de
reproduction », « Coopération spatiale
franco-canadienne » et « Justice et sécurité
publique ».
* 1 ALENA : Accord de libre-échange Nord-américain entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis
* 2 68 % du commerce extérieur des 10 pays candidats se fait déjà avec l'UE
* 3 PAC : Politique agricole communautaire
* 4 CIG : conférence intergouvernementale
* 5 Le Conseil européen est composée des Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres.
* 6 "La prorogation est la cérémonie qui met fin à une session du Parlement. Elle a pour effet d'abolir toute affaire en cours dans l'une ou l'autre des deux chambres".