II. LE FÉDÉRALISME ADMINISTRATIF PRÉVU PAR LA LOI DE 1997
L'un des
principaux éléments de transformation du système des
pouvoirs territoriaux en Italie est le nouveau régime de partage des
compétences administratives entre État et collectivités
autonomes découlant de la loi n° 59 de 1997.
La Constitution de 1948 définit les domaines dans lesquels les
régions ont un pouvoir législatif concurrent (article 117) et,
sur la base du principe de parallélisme, prévoit des
compétences correspondantes en matière administrative (article
118). En outre, elle prévoit, en ce qui concerne la compétence
administrative, que les fonctions des communes et provinces sont
déterminées par une loi générale de l'État
(article 128) ou leur sont attribuées directement par l'État
lorsqu'il s'agit de matières relevant des régions mais
caractérisées par leur caractère purement local. Le
principe est donc celui d'une compétence administrative des
régions dans les domaines où elles ont une compétence
législative, mais restreinte par l'attribution directe par l'État
de certaines fonctions aux collectivités locales infra-régionales.
L'application des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir
administratif des régions est intervenue dans les années 1970,
avec deux procédures de transfert de fonctions réalisées
en 1972 et 1977. Le premier transfert consistait principalement dans
l'attribution de fonctions administratives de l'État aux régions
qui venaient de naître. Le second transfert a élargi
l'interprétation des domaines de compétences régionaux et
attribué directement certaines fonctions aux communes.
En revanche, la procédure de délégation des fonctions des
régions aux autres collectivités locales a été
plutôt restreinte, ce qui a eu pour conséquence non
négligeable le maintien d'une concentration des compétences
administratives au niveau des régions. Quant à la
compétence administrative des communes et provinces en ce qui concerne
les matières ne relevant pas des régions, elle est restée
en grande partie indéterminée jusqu'à l'intervention de la
loi générale de 1990.
La loi n° 59 de 1997 opère un mode de partage de la
compétence administrative très innovant, qui présente de
nombreuses analogies avec les systèmes de partage propres aux ordres
juridiques fédéraux. En effet, cette loi attribue aux
collectivités locales une compétence résiduelle par
rapport aux domaines réservés à la compétence
administrative exclusive de l'État.
En d'autres termes, la loi de 1997 renverse la perspective de la
répartition des compétences administratives entre les
différents acteurs, en ne réservant à l'État qu'un
nombre limité de domaines (parmi lesquels beaucoup de ceux typiques des
États fédéraux : affaires étrangères et
commerce extérieur, défense, rapports avec les confessions
religieuses, monnaie, système financier, douanes, ordre public,
administration de la justice, poste et télécommunications,
enseignement universitaire, etc.), tous les autres domaines étant
attribués aux régions, provinces et communes. La nouveauté
la plus importante est certainement le renversement de la répartition de
l'ensemble des attributions administratives des collectivités
territoriales, qui se voient reconnaître une compétence
résiduelle incluant de nouveaux domaines comme l'industrie,
l'énergie, la protection civile et l'enseignement secondaire.
De la détermination des domaines de compétence régionale
prévue par l'article 117 de la Constitution, on est passé
à la détermination des domaines de compétence
administrative exclusive de l'État, en abandonnant le principe du
parallélisme entre pouvoir législatif et pouvoir administratif
des régions. On a alors parlé d'un système visant la
réalisation du fédéralisme administratif, qui a d'ailleurs
éveillé quelques doutes quant à sa
constitutionnalité. Mais la Cour constitutionnelle, saisie sur le
recours de certaines régions, a validé le mode de
répartition des fonctions administratives déterminé par la
loi n° 59 de 1997, considérant que le législateur a
utilisé correctement les instruments prévus par la Constitution,
qui prévoit la possibilité d'étendre les
compétences régionales au-delà de la liste des domaines de
l'article 117 au travers de la délégation par l'État
d'autres fonctions administratives.
Le renversement du système de partage des compétences n'a pu
être réalisé au travers d'une loi ordinaire que pour le
domaine administratif, mais pas pour le domaine législatif, car la liste
des compétences régionales définies à l'article 117
ne peut être modifiée que par une révision
constitutionnelle.
La loi n° 59 de 1997 a confié aux régions une grande part de
la procédure de répartition des fonctions. Dans une
première étape, le gouvernement a déterminé par des
décrets d'exécution les fonctions à répartir
directement entre régions, provinces et communes, lorsqu'elles
concernent des domaines non prévus par l'article 117 de la Constitution,
et les fonctions à attribuer globalement aux régions et autres
collectivités locales lorsqu'il s'agit de domaines
énumérés à l'article 117. Dans une deuxième
étape, il en est résulté pour les régions
l'obligation de procéder elles-mêmes, dans un délai de six
mois, à la répartition des compétences entre les autres
collectivités territoriales.
Ainsi les régions deviennent, à tout le moins dans les domaines
strictement régionaux, des acteurs de la répartition des
fonctions. C'est une innovation parce que l'ordre juridique constitutionnel
italien se caractérisait par le fait que jusqu'alors l'État se
réservait le pouvoir de déterminer les fonctions des
collectivités locales. La reconnaissance d'un tel rôle aux
régions leur donne la possibilité d'organiser la
répartition des compétences administratives d'une manière
propre à chacune.
Par ailleurs, la réforme du titre V de la Constitution est venue
confirmer la nouvelle répartition des attributions en rappelant que les
communes sont les titulaires naturels de toutes les fonctions administratives,
sauf lorsque celles-ci sont attribuées sur la base du principe de
subsidiarité aux autres niveaux de l'administration territoriale.