La réforme régionale en Italie - Un exemple de décentralisation
Compte rendu de la mission effectuée à Rome et à Palerme du 17 au 20 juin 2002 par une délégation du groupe interparlementaire France-Italie du Sénat
Table des matières
- COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
- PROGRAMME DE LA MISSION À ROME ET À PALERME
-
INTRODUCTION
- I. LES QUATRE PHASES DU PROCESSUS DE RÉFORME
- II. LE FÉDÉRALISME ADMINISTRATIF PRÉVU PAR LA LOI DE 1997
- III. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION D'ÉTAT
- IV. LE SYSTÈME DES CONFÉRENCES ÉTAT-COLLECTIVITÉS LOCALES
- V. LES RÉFORMES DE L'ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
- VI. LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE DU GOUVERNEMENT RÉGIONAL
- VII. LA RÉFORME DU TITRE V DE LA CONSTITUTION
- VIII. LES PROJETS DU GOUVERNEMENT BERLUSCONI
- CONCLUSION
-
ANNEXE I
L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES RÉGIONS ITALIENNES -
ANNEXE II
LE STATUT SPÉCIAL DE LA SICILE
COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
• M. Philippe FRANÇOIS Sénateur de Seine-et-Marne
• Mme Janine ROZIER Sénateur du Loiret
• M. André VANTOMME Sénateur de l'Oise
• M. Yann GAILLARD Sénateur de l'Aube
• M. Bernard PIRAS Sénateur de la Drôme
PROGRAMME DE LA MISSION À ROME ET À PALERME
(17
juin 2002 - 20 juin 2002)
Lundi 17 juin 2002
17 h 30 |
Arrivée de la délégation à
l'aéroport de Rome-Fiumicino
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Soirée libre. |
Mardi 18 juin 2002
9 h 00 Entretien avec M. Maurizio Baldassari, Vice-ministre au Ministère de l'Économie et des Finances. |
10 h 00
Entretien au Sénat sur la réforme
régionale :
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12 h 15 Déjeuner offert par la Sénatrice Alberti Casellati. |
16 h 30 Entretien avec M. Alberto Gagliardi, Secrétaire d'État au Ministère des Affaires régionales. |
17 h 30 Entretien avec M. Aldo Brancher, Secrétaire d'état au Ministère des Réformes institutionnelles et de la dévolution. |
18 h 30 Entretien avec le Sénateur Alessandro Forlani, membre de la Commission des Affaires étrangères et du groupe interparlementaire France-Italie. |
20 h 30
Palais
Farnèse.
|
Mercredi 19 juin 2002
10 h 30 Arrivée de la délégation à l'aéroport de Palerme. |
12 h 00 Rencontre avec la Préfecture avec SE. Dott. Renato Profili, Préfet de Palerme. |
15 h 00 Rencontre à la Région Sicile avec On. Giuseppe Castiglione, Vice-Président. |
16 h 00
Rencontre à l'Université de Palerme avec :
|
18 h 00
Rencontre à l'Assemblée Régionale
sicilienne
avec :
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21 h 00 Dîner offert par l'Assemblée régionale sicilienne. |
Jeudi 20 juin 2002
15 h 30 |
Départ de la délégation de l'aéroport de Palerme. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
A l'heure où le Gouvernement français engage une nouvelle
étape de la décentralisation au travers d'une réforme
constitutionnelle, il a paru intéressant aux membres du groupe
interparlementaire France-Italie d'étudier le processus de
régionalisation de l'autre côté des Alpes.
En effet, l'organisation régionale italienne présente de
nombreuses similitudes avec celle de notre pays. Si l'État italien a
réalisé son unité plus tardivement que l'État
français, il n'en a pas pris pour autant une forme
fédérale. La transposition du modèle administratif
français par la Maison de Savoie, puis le renforcement du pouvoir de
Rome par le régime fasciste ont abouti à un système
relativement centralisé. De toutes les grandes démocraties
occidentales, l'Italie est sans doute la plus proche de la France en
matière d'organisation territoriale.
La Constitution italienne de 1948 reconnaît deux catégories de
régions : quinze régions à statut ordinaire
(Piémont, Lombardie, Vénétie, Ligurie, Emilie-Romagne,
Toscane, Marches, Ombrie, Latium, Abruzzes, Campanie, Molise, Calabre,
Basilicate, Pouilles) et cinq régions à statut spécial
disposant de pouvoirs législatifs et administratifs forts larges. Ces
régions autonomes ont clairement été créées
dans le but de prévenir tout séparatisme, deux d'entres elles
étant des îles (la Sicile et la Sardaigne), les trois autres
étant des régions frontalières abritant des populations
non italophones (le Val d'Aoste, le Trentin-Haut-Adige et le
Frioul-Vénétie julienne).
Bien que prévues dès la Constitution de 1948, les régions
à statut ordinaire n'ont effectivement été mises en place
qu'au début des années 1970, en même temps que les
régions françaises. Elles constituent le pivot de l'organisation
territoriale italienne.
Au cours de la dernière décennie, l'un des thèmes majeurs
du débat politique italien a été la modification du
système des collectivités locales dans un sens plus
« fédéral ». Ce courant de pensée, qui
transcende les majorités successives, se trouve personnalisé dans
le gouvernement de M. Silvio Berlusconi par M. Umberto Bossi, Ministre
chargé des réformes institutionnelles et de la dévolution.
Les réformes intervenues de manière échelonnées
dans le temps ont été tant législatives que
constitutionnelles, la dernière en date ayant même
été approuvée par référendum.
Afin de prendre la mesure de ce débat, une délégation du
groupe interparlementaire France-Italie s'est rendue en Italie du 17 au 20 juin
2002. À Rome, la délégation a eu des entretiens avec
les principaux protagonistes de la réforme régionale, au
Sénat et dans les ministères compétents.
À Palerme, elle a eu des entretiens avec les principaux
représentants de la région Sicile, qui est
considérée comme la plus autonome des cinq régions
à statut spécial.
I. LES QUATRE PHASES DU PROCESSUS DE RÉFORME
1.
En premier lieu, au début des années
1990,
le législateur avait encore à appliquer les dispositions de la
Constitution relatives aux collectivités locales
infra-régionales. En effet, après la phase de mise en place des
régions à statut ordinaire, réalisée avec
déjà plus de vingt ans de retard dans les années 1970, il
fallait encore mettre en oeuvre le chapitre relatif aux communes et aux
provinces, régies jusqu'alors par la législation
préconstitutionnelle des textes uniques de 1915 et 1934.
Le texte général sur l'organisation et les compétences des
collectivités locales infra-régionales prévu par l'article
128 de la Constitution n'a été adopté qu'avec la loi
n° 142 de 1990, c'est-à-dire près de quarante ans
après l'entrée en vigueur de la Constitution de la
République
Il s'agissait donc de combler cette lacune importante qui pénalisait
fortement l'administration locale et la plaçait dans une position
d'infériorité par rapport aux régions qui, à
compter de leur création en 1970, se sont considérablement
renforcées au fil des ans.
L'autonomie normative reconnue aux collectivités territoriales
infra-régionales a été renforcée par l'octroi d'une
autonomie statutaire et réglementaire ; une organisation
différenciée est prévue, en particulier pour les zones
métropolitaines, les petites communes et les zones de montagne ;
les différentes formes d'association des collectivités locales
sont rendues plus autonomes ; les contrôles externes sur
l'activité des communes et provinces ont été
allégés, en particulier le contrôle préventif de
légalité sur leurs actes.
2.
La seconde phase de la réforme a jeté les bases d'une
transformation du rôle des administrations locales dans une optique plus
politico-institutionnelle. La réforme du système électoral
des communes et des provinces réalisée par la loi n° 81 de
1993 prévoit l'élection directe des maires et présidents
de provinces, ainsi que le renforcement considérable de l'organe
exécutif par rapport à l'organe représentatif.
Leur élection directe a eu pour effet de conférer une meilleure
visibilité aux chefs des administrations locales, qui se sont
retrouvés dotés d'un poids croissant au niveau national, surtout
s'ils représentent de grandes villes, en raison de la force
conférée par leur légitimité populaire. Le
renforcement du poids politique et institutionnel des maires a progressivement
creusé un écart avec les régions, cantonnées par le
texte constitutionnel de 1948 au principe de l'élection indirecte du
président de la région et de ses adjoints par le conseil
régional. Par comparaison, les gouvernements régionaux se sont
trouvés politiquement pénalisés par un manque de
légitimité populaire.
C'est pourquoi en 1995, dans la perspective des élections
régionales et étant donné l'impossibilité de
modifier dans les délais utiles la Constitution pour permettre
l'élection directe des présidents de région, la loi
électorale a été modifiée afin d'accorder une
priorité au candidat placé en tête de liste, même si
cette priorité n'était pas contraignante pour le conseil
régional. Cette législation, qui n'a pas été
suffisante pour rééquilibrer la situation par rapport aux maires,
n'a eu qu'un rôle transitoire dans l'attente de la réforme
constitutionnelle intervenue ultérieurement.
3.
Dans une troisième phase, la loi n° 59 de 1997 a
transféré de nouvelles fonctions et tâches administratives
aux régions et aux autres collectivités locales. Face à
l'impossibilité de réaliser une réforme constitutionnelle
dans une optique véritablement fédérale, le gouvernement
Prodi issu des élections de 1996 a essayé de pousser le plus loin
possible la décentralisation des pouvoirs de l'État en faveur des
collectivités territoriales.
La voie choisie consista donc à réaliser, à travers des
réformes législatives ordinaires, tout ce qui était
possible dans le cadre constitutionnel en vigueur. La perspective d'une
réforme visant à transformer la Constitution républicaine
dans une optique fédérale n'était pas tout à fait
abandonnée mais, en attendant, on a préféré miser
sur une réforme globale du système administratif italien,
fondé sur une nouvelle répartition des compétences
administratives de l'État, des régions et des
collectivités locales, selon un modèle inspiré du
fédéralisme administratif allemand.
4.
Le processus de réforme constitutionnelle a été
relancé et confié à une Commission bicamérale
présidée par d'Alema. Bien qu'il n'ait pas abouti dans toute
l'ampleur souhaitée, ce processus a néanmoins
débouché sur les lois constitutionnelles relatives à la
forme de gouvernement et l'autonomie statutaire des régions et à
la réécriture du titre V de la Constitution relatif aux
régions et aux collectivités locales.
L'enchaînement des étapes de ce processus a abouti à une
inversion du rapport naturel entre réforme constitutionnelle et
réforme législative. En effet, compte tenu du caractère
novateur de la loi n° 59 de 1997, la réforme du titre V de la
Constitution approuvée par référendum le 18 octobre 2001
se présente plus comme le renforcement et la confirmation de choix
déjà faits par le législateur ordinaire que comme une
innovation constitutionnelle.
II. LE FÉDÉRALISME ADMINISTRATIF PRÉVU PAR LA LOI DE 1997
L'un des
principaux éléments de transformation du système des
pouvoirs territoriaux en Italie est le nouveau régime de partage des
compétences administratives entre État et collectivités
autonomes découlant de la loi n° 59 de 1997.
La Constitution de 1948 définit les domaines dans lesquels les
régions ont un pouvoir législatif concurrent (article 117) et,
sur la base du principe de parallélisme, prévoit des
compétences correspondantes en matière administrative (article
118). En outre, elle prévoit, en ce qui concerne la compétence
administrative, que les fonctions des communes et provinces sont
déterminées par une loi générale de l'État
(article 128) ou leur sont attribuées directement par l'État
lorsqu'il s'agit de matières relevant des régions mais
caractérisées par leur caractère purement local. Le
principe est donc celui d'une compétence administrative des
régions dans les domaines où elles ont une compétence
législative, mais restreinte par l'attribution directe par l'État
de certaines fonctions aux collectivités locales infra-régionales.
L'application des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir
administratif des régions est intervenue dans les années 1970,
avec deux procédures de transfert de fonctions réalisées
en 1972 et 1977. Le premier transfert consistait principalement dans
l'attribution de fonctions administratives de l'État aux régions
qui venaient de naître. Le second transfert a élargi
l'interprétation des domaines de compétences régionaux et
attribué directement certaines fonctions aux communes.
En revanche, la procédure de délégation des fonctions des
régions aux autres collectivités locales a été
plutôt restreinte, ce qui a eu pour conséquence non
négligeable le maintien d'une concentration des compétences
administratives au niveau des régions. Quant à la
compétence administrative des communes et provinces en ce qui concerne
les matières ne relevant pas des régions, elle est restée
en grande partie indéterminée jusqu'à l'intervention de la
loi générale de 1990.
La loi n° 59 de 1997 opère un mode de partage de la
compétence administrative très innovant, qui présente de
nombreuses analogies avec les systèmes de partage propres aux ordres
juridiques fédéraux. En effet, cette loi attribue aux
collectivités locales une compétence résiduelle par
rapport aux domaines réservés à la compétence
administrative exclusive de l'État.
En d'autres termes, la loi de 1997 renverse la perspective de la
répartition des compétences administratives entre les
différents acteurs, en ne réservant à l'État qu'un
nombre limité de domaines (parmi lesquels beaucoup de ceux typiques des
États fédéraux : affaires étrangères et
commerce extérieur, défense, rapports avec les confessions
religieuses, monnaie, système financier, douanes, ordre public,
administration de la justice, poste et télécommunications,
enseignement universitaire, etc.), tous les autres domaines étant
attribués aux régions, provinces et communes. La nouveauté
la plus importante est certainement le renversement de la répartition de
l'ensemble des attributions administratives des collectivités
territoriales, qui se voient reconnaître une compétence
résiduelle incluant de nouveaux domaines comme l'industrie,
l'énergie, la protection civile et l'enseignement secondaire.
De la détermination des domaines de compétence régionale
prévue par l'article 117 de la Constitution, on est passé
à la détermination des domaines de compétence
administrative exclusive de l'État, en abandonnant le principe du
parallélisme entre pouvoir législatif et pouvoir administratif
des régions. On a alors parlé d'un système visant la
réalisation du fédéralisme administratif, qui a d'ailleurs
éveillé quelques doutes quant à sa
constitutionnalité. Mais la Cour constitutionnelle, saisie sur le
recours de certaines régions, a validé le mode de
répartition des fonctions administratives déterminé par la
loi n° 59 de 1997, considérant que le législateur a
utilisé correctement les instruments prévus par la Constitution,
qui prévoit la possibilité d'étendre les
compétences régionales au-delà de la liste des domaines de
l'article 117 au travers de la délégation par l'État
d'autres fonctions administratives.
Le renversement du système de partage des compétences n'a pu
être réalisé au travers d'une loi ordinaire que pour le
domaine administratif, mais pas pour le domaine législatif, car la liste
des compétences régionales définies à l'article 117
ne peut être modifiée que par une révision
constitutionnelle.
La loi n° 59 de 1997 a confié aux régions une grande part de
la procédure de répartition des fonctions. Dans une
première étape, le gouvernement a déterminé par des
décrets d'exécution les fonctions à répartir
directement entre régions, provinces et communes, lorsqu'elles
concernent des domaines non prévus par l'article 117 de la Constitution,
et les fonctions à attribuer globalement aux régions et autres
collectivités locales lorsqu'il s'agit de domaines
énumérés à l'article 117. Dans une deuxième
étape, il en est résulté pour les régions
l'obligation de procéder elles-mêmes, dans un délai de six
mois, à la répartition des compétences entre les autres
collectivités territoriales.
Ainsi les régions deviennent, à tout le moins dans les domaines
strictement régionaux, des acteurs de la répartition des
fonctions. C'est une innovation parce que l'ordre juridique constitutionnel
italien se caractérisait par le fait que jusqu'alors l'État se
réservait le pouvoir de déterminer les fonctions des
collectivités locales. La reconnaissance d'un tel rôle aux
régions leur donne la possibilité d'organiser la
répartition des compétences administratives d'une manière
propre à chacune.
Par ailleurs, la réforme du titre V de la Constitution est venue
confirmer la nouvelle répartition des attributions en rappelant que les
communes sont les titulaires naturels de toutes les fonctions administratives,
sauf lorsque celles-ci sont attribuées sur la base du principe de
subsidiarité aux autres niveaux de l'administration territoriale.
III. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION D'ÉTAT
La
réforme intervenue à la fin des années 1990 se
caractérise également par une importante réorganisation,
sur la base d'une délégation spécifique de la loi
n° 59 de 1997, des ministères et de la présidence du
Conseil des ministres. Ce processus est lié à l'attribution des
fonctions administratives de l'État aux collectivités
territoriales. Il s'agit d'un autre élément nouveau, car les
premiers transferts de fonctions administratives aux régions, dans les
années 1970, n'avaient pas touché de manière significative
l'administration de l'État.
La réforme de l'administration d'État se caractérise pour
l'essentiel par une importante diminution du nombre des ministères,
conséquence à la fois des transferts de fonctions aux
collectivités territoriales et du regroupement de certaines structures
administratives intervenant dans des domaines connexes. En ce qui concerne la
présidence du Conseil, l'objectif prioritaire était de la
recentrer sur ses tâches spécifiques confiée par la
Constitution, à savoir la direction de la politique
générale du Gouvernement et le maintien de l'unité
d'action politique et administrative par la coordination de l'activité
des ministres. Par conséquent, les organismes de gestion
opérationnels qui avaient été rattachés au fil du
temps à la présidence du Conseil ont été
renvoyés vers les ministères compétents.
En ce qui concerne l'administration périphérique de
l'État, la réforme prévoit la transformation des
préfectures en bureaux territoriaux du gouvernement. Outre le
renforcement du rôle du responsable du bureau d'État en
matière de coordination intersectorielle, une réorganisation de
l'administration périphérique est intervenue dans certains
secteurs particulièrement concernés par le transfert de
compétences administratives aux collectivités territoriales,
impliquant le transfert des structures concernés (par exemple en
matière de travaux publics, d'accès à l'emploi et
d'éducation).
IV. LE SYSTÈME DES CONFÉRENCES ÉTAT-COLLECTIVITÉS LOCALES
La
nouvelle organisation des rapports entre centre et périphérie
s'est traduit aussi par le renforcement des organes institutionnels de
coordination État-collectivités locales. En l'absence d'une
seconde chambre parlementaire des régions et des autonomies locales, un
système de coordination entre État et régions d'abord et
entre État et les autres collectivités territoriales s'est mis en
place et a évolué.
Suite à la création des régions, un nombre assez
élevé d'organismes sectoriels se sont constitués, auxquels
a succédé une conférence État-régions
formalisée législativement en 1988 dans le cadre de la nouvelle
organisation de la présidence du Conseil des ministres. Le poids
politique et institutionnel croissant des autres collectivités
territoriales a ensuite favorisé l'instauration en 1996 d'un organe de
liaison État-autonomies locales. Le modèle italien se
caractérise donc par un double système de relations
État-régions d'une part, État-collectivités
territoriales d'autre part, avec l'institution de deux organes
différents de coordination entre les exécutifs des divers niveaux
territoriaux.
La réforme du système administratif engagée par la loi
n° 59 de 1997 a entraîné une réforme de ces organes.
Le décret législatif 281 de 1997 a consolidé les
conférences, en renforçant leur rôle au travers de la mise
en place de nouvelles procédures visant à favoriser les ententes
et les accords entre l'État et les collectivités locales. Par
ailleurs, ce même décret introduit un organe unique, la
conférence unifiée, qui est la fusion de la conférence
État-régions et de la conférence État-autonomies
locales, appelés à donner un avis dans les domaines
d'intérêt commun des régions, provinces et communes.
Étant donné l'imbrication de plus en plus grande des
compétences des différents niveaux de gouvernement territorial et
le large éventail des fonctions qui lui sont attribuées, la
conférence unifiée a acquis ces dernières années un
poids croissant en tant qu'organe de concertation entre les
collectivités territoriales et le gouvernement. Le système des
conférences contribue, même à cadre constitutionnel
inchangé, à transformer la forme du gouvernement national. Le
consensus au sein des conférences à propos des actes du
gouvernement, y compris des projets de loi, finit par emporter la
décision, même au sein du Parlement où il devient de plus
en plus difficile de ne pas tenir compte des positions exprimées par les
pouvoirs territoriaux.
V. LES RÉFORMES DE L'ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
La loi
n° 142 de 1990 a engagé une réforme de l'organisation
juridique des collectivités locales, qui a fait depuis l'objet de
plusieurs modifications.
Avec la loi n°127 de 1997, les contrôles préalables de la
légalité des actes des communes, provinces et régions ont
été presque totalement éliminés, tandis que le
secrétaire communal, qui était jusqu'alors fonctionnaire du
ministère de l'Intérieur, n'appartient plus à
l'administration d'État. Il se trouve engagé dans un rapport de
confiance avec l'exécutif local, auprès de qui il est
appelé à exercer une activité de consultation juridique et
administrative et non plus de contrôle.
La loi n° 256 de 1999 vise à renforcer les collectivités
locales en affirmant le principe de subsidiarité et en
élargissant leur autonomie normative, statutaire, administrative et
fiscale. Ce texte comporte également de nouvelles dispositions relatives
aux associations de communes et aux zones métropolitaines. L'idée
que l'union de communes doit nécessairement précéder la
fusion des collectivités locales concernées est
abandonnée.
VI. LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE DU GOUVERNEMENT RÉGIONAL
Une
première réforme a été réalisée par
la loi constitutionnelle n° 1 du 22 novembre 1999, qui donne une
réponse immédiate à l'exigence de renforcer le poids
politique et institutionnel des régions en prévoyant
l'élection directe du président de l'exécutif
régional (la giunta), comme pour les provinces et les communes, et
accorde à chaque région la possibilité de
déterminer sa forme de gouvernement au travers de son nouveau statut.
Deux considérations contradictoires ont motivé cette
réforme constitutionnelle. D'une part, la volonté d'introduire en
vue des élections régionales du printemps 2000 un système
d'élection du président de l'exécutif régional qui
lui donne une légitimité populaire ; d'autre part, le
désir de laisser à chaque région la possibilité de
choisir la forme de gouvernement qui lui convient le mieux, et en premier lieu
en ce qui concerne le mode de désignation de l'exécutif
régional. La loi constitutionnelle n° 1 de 1999 constitue un
compromis entre ces deux objectifs.
Elle attribue aux régions une large autonomie dans la définition
de leur forme de gouvernement et la détermination des principes
fondamentaux relatifs à leur organisation et leur fonctionnement. Les
statuts régionaux ne sont plus soumis à l'approbation du
Parlement et au contrôle préventif du gouvernement, qui peut
uniquement introduire un recours devant la Cour constitutionnelle. En outre, la
loi constitutionnelle prévoit que le système électoral et
le système d'inéligibilité et d'incompatibilité du
président, des autres membres de l'exécutif et des conseillers
régionaux sont réglés par une loi régionale,
même si celle-ci doit respecter les principes fondamentaux établis
par une loi nationale.
La large autonomie normative attribuée aux régions par la loi
constitutionnelle s'est accompagnée d'une période transitoire
durant laquelle s'est appliquée, jusqu'à l'approbation des
nouveaux statuts régionaux, l'élection directe du
président de région. Cette solution de compromis a permis que
tous les présidents de régions soient élus au suffrage
direct lors des élections de 2000, jetant ainsi une base essentielle
pour la transformation globale de la forme de gouvernement régional.
Une autre nouveauté est le pouvoir donné au président de
région de nommer et de destituer les membres de l'exécutif
régional, qui se trouvent ainsi engagés dans un rapport de
confiance avec lui. Mais, à la différence d'un système
véritablement présidentiel, la loi constitutionnelle n° 1 de
1999 lie le destin de l'exécutif à celui du Conseil
régional. En effet, le Conseil régional peut à la
majorité absolue retirer sa confiance à l'exécutif, mais
entraîne alors sa propre dissolution et de nouvelles élections. De
même, la démission ou l'empêchement du président ont
pour conséquence le renouvellement du Conseil régional.
La nature transitoire des nouvelles normes constitutionnelles nécessite
d'attendre les nouveaux statuts des régions encore en phase
d'élaboration afin de savoir si les choix définitifs de chacune
d'elles confirmeront ou infirmeront le principe d'élection directe du
président de région, avec la possibilité d'avoir des
formes de gouvernement différents d'une région à
l'autre.
VII. LA RÉFORME DU TITRE V DE LA CONSTITUTION
Après l'échec de la Commission bicamérale
pour
les réformes constitutionnelle instituée dans le but de
réformer toute la partie II de la Constitution, les gouvernements
d'Alema et Amato ont relancé un processus de réforme
constitutionnelle portant sur le titre V de la Constitution. Les travaux se
sont basés sur des projets de loi gouvernementaux et plusieurs
propositions d'initiative parlementaire.
Une fois la réforme constitutionnelle votée, la requête de
l'organisation d'un référendum confirmatif sur la base de
l'article 138 de la Constitution a été faite tant par les
députés de l'opposition, qui contestaient sa pertinence, que par
les députés de la majorité, qui ont souhaité sa
légitimation par le peuple.
Le nouvel article 114 affirme que la République est constituée
des communes, des provinces, des villes métropolitaines, des
régions et de l'État. Par ailleurs, le modèle italien de
fédéralisme est confirmé avec le maintien, d'un
côté, d'un rapport distinct entre l'État et les
régions et, de l'autre côté, entre l'État et les
autres collectivités locales. A la législation nationale ont
été réservé le régime électoral, les
organes et les fonctions fondamentales des communes, provinces et villes
métropolitaines, ce qui exclut par conséquent la
possibilité pour les régions d'organiser ces collectivités
territoriales, à la différence de ce qui existe dans certains
régimes fédéraux. Le nouveau texte constitutionnel
confirme également la distinction entre régions ordinaires et
régions à statut spécial.
Plusieurs nouveautés assez importantes dans le nouveau titre V de la
Constitution méritent d'être signalées.
Le système de répartition des compétences
législatives entre l'État et les régions est sensiblement
modifié. Le nouvel article 117 fixe une liste des compétences
exclusives du législateur national, une liste des compétences
partagées entre l'État et les régions, et octroie aux
régions toute matière qui ne figure pas sur les deux listes
précédentes. Cette logique est typique des États
fédéraux.
La liste des compétences de l'État, considérée par
certains comme trop restreinte, reprend celles qui sont traditionnellement
réservées au pouvoir fédéral : politique
étrangère, rapports avec l'Union européenne, immigration,
cultes, défense et armée, monnaie, finances et
détermination des niveaux essentiels des prestations sociales. La
fixation des compétences de l'État a entraîné une
confrontation non seulement entre les partis politiques, mais également
avec certaines régions, dont les gouvernements appartiennent à
l'opposition par rapport au pouvoir central. Celles-ci ont demandé un
transfert de pouvoirs plus important, notamment dans les domaines de la
santé, de l'ordre public et de l'éducation. Ces demandes
s'appuyaient parfois sur des procédures de consultation populaire, comme
en Lombardie.
Pour ce qui concerne la compétence administrative, la réforme
constitutionnelle confirme pour l'essentiel ce qui a déjà
été réalisé par la loi ordinaire. Après
avoir constitutionnalisé les principes de subsidiarité, de
différenciation et d'adéquation, le nouvel article 118 affirme
que les fonctions administratives sont attribuées aux communes, sauf si,
pour en assurer l'exercice uniforme, elles doivent être attribuées
à d'autres niveaux administratifs. La compétence
générale des communes comme niveau de base de l'administration se
trouve ainsi confirmée par la Constitution.
En matière de finances locales également, les innovations
constitutionnelles se présentent comme la confirmation d'un processus
déjà entamé par la législation ordinaire. Pendant
longtemps, les ressources des collectivités territoriales provenaient en
grande partie de transferts de l'État, dont l'emploi était
largement prédéterminé. Un tel système de
financement ne répondait guère aux exigences d'autonomie de la
Constitution de 1948, dont l'article 119 prévoit pour les régions
des ressources propres, et correspondait à une vision uniforme des
collectivités territoriales et à une conception égalitaire
des prestations publiques.
Un renforcement de l'autonomie financière des collectivités
territoriales est intervenu au cours des années 1990. En ce qui concerne
plus particulièrement les finances des régions, le décret
législatif n° 446 de 1997 est venu élargir leurs
capacités financière en raison des nouvelles fonctions
administratives qui leur ont été attribuées par la loi
n° 59 de 1997, avec l'instauration d'un impôt régional sur le
revenu des personnes physiques et d'un impôt régional sur le
secteur privé.
Le décret législatif n° 56 de 2000 portant dispositions en
matière de fédéralisme fiscal constitue une innovation
considérable dans le système des finances régionales. Ce
décret prévoit en particulier la substitution de la plupart des
transferts de l'État par une participation des régions à
la répartition du produit de la TVA ; l'institution d'un fonds
national de péréquation alimenté par la TVA ;
l'attribution aux régions de transferts de l'État calculés
sur la base de leur population et de leurs capacités contributives par
habitant. Mis en oeuvre de manière graduelle, le nouveau régime
sera opérationnel en 2013.
La réforme constitutionnelle s'inscrit dans la continuité de ce
processus. Le nouvel article 119 affirme l'autonomie financière non
seulement des régions, comme c'était déjà le cas
auparavant, mais aussi des communes, des provinces, et des villes
métropolitaines. Parallèlement au renforcement de l'autonomie
financière des collectivités territoriales, un fonds de
péréquation est institué, dont le produit est libre
d'affectation et qui est réglé par une loi de l'État dans
le but d'assurer un financement supplémentaire aux territoires ayant une
plus faible capacité fiscale par habitant.
VIII. LES PROJETS DU GOUVERNEMENT BERLUSCONI
S'inscrivant dans la continuité de ses
prédécesseurs, le Gouvernement Berlusconi a
présenté un projet de loi constitutionnel dit « de
dévolution », qui tend à transférer de nouvelles
compétences législatives aux régions dans trois nouveaux
domaines, où elles interviendraient à titre principal :
l'enseignement, la santé publique et la sécurité publique.
Ce texte constitutionnel a déjà reçu l'avis favorable des
régions réunies au sein de la Conférence unifiée,
mais doit encore être discuté au Parlement.
Par ailleurs, le Gouvernement a présenté un projet de loi relatif
aux modalités de désignation de la Cour constitutionnelle. Ce
texte prévoit que les quinze membres de la Cour comporteraient
désormais cinq membres désignés par une assemblée
composée de conseillers issus de tous les conseils régionaux (en
conséquence, le Président de la République ne
désignerait plus que deux membres au lieu de cinq et le Conseil de la
magistrature trois membres au lieu de cinq, seul le Parlement continuant de
désigner cinq membres comme auparavant).
Enfin, il est de nouveau question de créer une « Chambre
régionale et des autonomies locales », qui se substituerait au
Sénat pour venir assurer un lien parlementaire entre l'État et
les collectivités territoriales.
CONCLUSION
L'un des
traits caractéristiques du système régional italien est
son adaptation à la diversité des situations, sans souci excessif
d'uniformité. Ainsi, la variété de la taille des
régions, qui va des 200.000 habitants du Val d'Aoste aux
6 millions d'habitants de la Lombardie, épouse au plus près
les réalités géographiques et historiques de l'Italie. De
même, la diversité des statuts régionaux en cours
d'élaboration est une éventualité admise, puisque chaque
région est libre de voter le sien différemment de celui de ses
voisines.
Les Italiens se sont également efforcé d'apporter une
réponse aux particularismes les plus marqués, en créant
cinq régions à statut spécial avant même que soient
effectivement mises en place les régions ordinaires. Il y avait une
urgence particulière à agir en Sicile, qui se trouvait en 1946 en
situation pré-insurrectionnelle. Certains de nos interlocuteurs nous ont
d'ailleurs poliment laisser entendre qu'ils ne comprenaient pas pourquoi la
France n'avait pas depuis longtemps réglé le problème de
la Corse en lui accordant un statut de large autonomie. Mais, aujourd'hui, face
à l'évolution des régions ordinaires vers plus
d'autonomie, les régions à statut spécial ont le sentiment
de perdre progressivement ce qui faisait leur spécificité.
L'Italie demeure un État unitaire mais, pour reprendre l'expression de
l'un de nos interlocuteurs, elle semble « sur le chemin vers le
fédéralisme ». De fait, tous les partis politiques
italiens adoptent désormais des positions fédéralistes,
à l'exception de Refondation communiste. L'un des signes que
l'organisation régionale italienne obéit à une inspiration
de nature fédérale est le fait que les régions sont
dotées d'un pouvoir législatif. Les compétences exclusives
de l'État font l'objet d'une liste nominative, tandis que les
régions, au-delà d'une liste de compétences
partagées pour lesquelles l'État fixe les principes
généraux, détiennent de manière résiduelle
la compétence législative générale. En
complément logique de ce partage des compétences, les
régions ont la possibilité de contester devant la Cour
constitutionnelle les lois de l'État qui empièteraient sur leurs
propres compétences. De même, les régions ont la charge de
transposer les directives communautaires intervenant dans leurs domaines de
compétence.
Le régionalisme italien se caractérise aussi par une certaine
personnalisation du pouvoir. Une réforme récente a prévue
l'élection du Président de région au suffrage universel
direct. Et les autres membres de la Junte, le gouvernement régional,
procèdent du Président. Auparavant, les exécutifs
régionaux étaient faibles et ne duraient que neuf mois en moyenne.
Sans être dans un système fédéral, la participation
des régions au processus de décision étatique est
assurée. En effet, elles sont représentées au sein de la
Conférence unitaire, dont les avis font autorité. Il existe par
ailleurs au sein du Parlement une commission bicamérale pour les
affaires régionales, composée de 20 députés et 20
sénateurs, avec la possibilité d'une participation des
représentants des régions et des autres collectivités
locales. Par ailleurs, le Gouvernement de M. Silvio Berlusconi défend un
projet de représentation des régions au sein de la Cour
constitutionnelle, ainsi qu'un projet de réforme du Sénat, qui
dispose aujourd'hui de prérogatives identiques à celles de la
Chambre des députés. Dans une logique très
fédéraliste, celui-ci serait transformé en Chambre des
régions, basée sur trois circonscriptions : Nord, Centre et
Sud.
Enfin, comme en France, ce sont les finances qui constituent le nerf de la
guerre de la réforme régionale. Les régions italiennes se
sont vu transférer le produit d'impôts d'État perçus
sur leur territoire, et accorder la possibilité de créer des
impôts nouveaux. Malgré tout, leurs recettes ne semblent pas
croître au rythme de leurs charges. Dans ce domaine, le point de vue des
régions les plus riches n'est pas celui des régions les plus
pauvres. L'écart Nord Sud ne s'est pas résorbé en Italie,
et plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné la
nécessité de concilier le fédéralisme et le
principe de solidarité.
ANNEXE I
L'ORGANISATION ET LE
FONCTIONNEMENT DES RÉGIONS ITALIENNES
I -
L'ORGANISATION DE LA RÉGION
L'organisation administrative des régions est définie par les
articles 120, 121, 122 et 123 de la Constitution. Chaque région à
statut ordinaire peut se doter de statuts qui lui sont propres. Cependant,
elles sont toutes organisées autour de trois organes : le
Président de la Junte, la Junte et le Conseil régional.
A) LE PRÉSIDENT DE LA JUNTE
C'est la personnalité la plus importante de la région, dont il
est le représentant. Il est notamment chargé de la direction de
la politique mise en oeuvre par la Junte. Il est élu au suffrage
universel direct, sauf si les statuts particuliers en décident
autrement. Il procède à la nomination, ou à la
révocation, des membres de la Junte.
Le Président de la Junte promulgue les lois régionales et les
règlements. Il a la charge des fonctions administratives qui sont
déléguées par l'État aux régions et doit se
conformer en la matière aux directives du Gouvernement.
B) LA JUNTE RÉGIONALE
C'est l'organe exécutif des régions.
Autrefois élus par le Conseil régional, les membres de la Junte
sont désormais nommés, ou révoqués, par leur
Président.
La Junte dispose de compétences administratives générales.
Elle prépare et exécute le budget régional et met en
oeuvre les décisions émanant des délibérations du
Conseil régional.
Elle peut aussi proposer des textes de loi ou des règlements à
vocation purement régionale. La Junte ne dispose cependant pas du
pouvoir réglementaire, qui relève exclusivement du Conseil
régional (sauf dans certaines régions à statut
spécial, comme la Sicile, le Frioul-Vénétie-Julienne ou le
Trentin-Haut-Adige).
C) LE CONSEIL RÉGIONAL
Il est
composé d'un nombre de membres variant entre 30 et
80 conseillers, parmi lesquels est élu leur Président.
Selon la Constitution, le Conseil régional exerce le pouvoir
législatif dont sont investies les régions et assume les
fonctions administratives qui lui sont attribuées par la loi. Le Conseil
régional a également la faculté d'adresser des
propositions de loi à la Chambre des députés.
Il dispose d'un important pouvoir de censure politique envers le
Président de la Junte, qui s'exerce par le dépôt d'une
motion de défiance à laquelle doivent souscrire au moins un
cinquième de ses membres. Cette motion doit être approuvée
par la majorité absolue des membres du Conseil trois jours après
son dépôt. Si la défiance est votée, elle
entraîne la démission de la Junte et la dissolution du Conseil
régional.
Le Conseil régional peut approuver ou modifier le texte statutaire. Le
visa du Commissaire du Gouvernement n'est pas requis. Cependant, le
Gouvernement peut soulever l'inconstitutionnalité des statuts devant la
Cour constitutionnelle dans les trente jours suivant sa publication. Ce
recours n'a pas d'effet suspensif.
Ces statuts peuvent être soumis à l'approbation d'un
référendum populaire. Il suffit pour cela qu'un cinquième
des électeurs de la région ou des membres du Conseil
régional en fassent la demande. Celle-ci doit être formulée
dans les trois mois suivant la publication des statuts. Le texte soumis
à référendum doit obtenir la majorité des voix
exprimées pour être promulgué.
II - LES COMPÉTENCES DE LA RÉGION
Le nouvel article 117 de la Constitution précise que le pouvoir
législatif est exercé par l'État et les régions
dans le respect de la Constitution et des dispositions relatives à
l'application du droit communautaire ou international. Il énonce
également que le pouvoir réglementaire de l'État est
limité aux domaines pour lesquels il détient l'exclusivité
législative. Les régions jouissent quant à elles du
pouvoir réglementaire pour l'ensemble des autres secteurs. Il est
précisé que la loi de l'État s'applique lorsque aucune loi
régionale n'est en vigueur.
L'article 117 recense par ailleurs l'ensemble des compétences exclusive
de l'État (la politique étrangère, la défense
nationale, le système fiscal et monétaire, l'épargne, la
sécurité nationale, l'immigration, les normes
générales sur l'instruction, la sécurité sociale,
les lois électorales, etc.) et celles relevant plus
particulièrement des régions.
Ces compétences régionales s'exercent essentiellement dans les
domaines des transports, des travaux publics, de l'organisation
hospitalière, de la culture, du tourisme, de l'urbanisme et de la police
locale. Les régions ont également pour mission d'organiser au
niveau territorial les fonctions administratives.
D'autres compétences, dites concurrentes, sont partagées entre
l'État et la région : l'enseignement, la
sécurité du travail, la tutelle de la santé, les relations
internationales, le commerce extérieur, etc... Dans ce cas, le pouvoir
législatif est exercé par la région dans le respect des
principes fondamentaux édictés par l'État.
Les régions peuvent procéder à l'application des accords
internationaux et des actes de l'Union européenne qui empiètent
sur leurs domaines de compétence. Elle peuvent également conclure
des accords avec des pays ou des collectivités territoriales
étrangères.
III - LE FONCTIONNEMENT DE LA RÉGION
A) LES PERSONNELS
Les personnels des régions ont le statut d'agents contractuels. Ils sont
recrutés par concours et rémunérés sur le budget de
leur collectivité d'emploi. Le recrutement s'effectue en fonction d'un
état précisant pour chaque type d'emploi le nombre de postes mis
à la disposition de l'administration.
Par ailleurs, les pactes de stabilité imposent aux collectivités
territoriales de respecter les directives budgétaires définies
dans les lois de finances. Des interdictions de recruter peuvent en
résulter.
B) RESSOURCES FINANCIÈRES
L'autonomie financière accordée aux régions se
concrétise par la libre administration de leurs dépenses et de
leurs recettes.
Les finances de la régions sont essentiellement alimentées par
des subventions versées par l'État dans le cadre de fonds de
péréquation. Des impôts spéciaux à
caractère local complètent ce dispositif.
Les régions perçoivent en outre des financements de la
communauté européenne destinés à la
réalisation de projets de cohésion à caractère
économique et social.
IV - LE CONTRÔLE DE LA RÉGION PAR L'ÉTAT
A) LE CONTRÔLE DES LOIS RÉGIONALES
Après leur approbation par le Conseil régional, le texte de loi
est adressés au Commissaire du Gouvernement. Celui-ci dispose de trente
jours pour apposer au texte son visa qui lui confèrera valeur
légale.
Le contrôle porte, d'une part, sur la légalité du texte
quant aux compétences mises en oeuvre par la région, d'autre
part, sur l'adéquation du texte avec la politique économique et
social de l'État. En cas de désaccord, le Gouvernement peut
demander à la région de réexaminer son texte. Si le
désaccord persiste, le contentieux peut être tranché soit
par le Parlement, si le texte est jugé inopportun, doit par la Cour
constitutionnelle, si le texte est présumé illégal.
Le contrôle des lois adoptées par les régions à
statut spécial se déroule selon la même procédure,
sauf dans le cas de la Sicile où il n'existe qu'un contrôle de
légalité, et pas d'opportunité.
B) LE CONTRÔLE DES ACTES ADMINISTRATIFS DE LA RÉGION
Les actes administratifs de la région étaient
contrôlés par une commission ad hoc instituée au sein de
chaque région. Cette commission, dont les membres était
nommés par un décret du Président du Conseil des
ministres, était présidée par le Commissaire du
Gouvernement ou son représentant. Elle était composée d'un
magistrat de la Cour des Comptes, de trois fonctionnaires d'état, dont
deux issus du ministère de l'Intérieur, et de deux experts
administratifs choisis par le Conseil régional.
Cette commission exerçait un contrôle de légalité et
un contrôle d'opportunité. Mais le contrôle sur le fond
revêtait un caractère d'exception, et ne concernait que les
dispositions expressément encadrées par la loi. La commission ne
pouvait pas intervenir directement sur l'acte administratif, mais seulement
demander à la région de réexaminer son texte.
La récente réforme constitutionnelle a abrogé l'article
125 de la Constitution, relatif à cette commission de contrôle
administratif. Seul subsiste en conséquence le contrôle de
gestion.
C) LE CONTRÔLE DU CONSEIL RÉGIONAL
Le Gouvernement peut proposer la dissolution du Conseil régional dans
des hypothèses telles que l'adoption d'actes illégitimes violant
la loi ou la Constitution, l'impossibilité de faire fonctionner la
région par absence d'une majorité.
La dissolution est prononcée par décret motivé du Chef de
l'État, qui doit être précédé d'une
délibération du Conseil des ministres et d'un rapport
émanant d'une commission parlementaire bicamérale. L'avis de
cette commission parlementaire est consultatif.
La dissolution du Conseil régional n'entraîne pas le transfert des
pouvoirs régionaux à l'État. Une commission extraordinaire
est mise en place, qui a pour mission d'organiser de nouvelles élections
dans les trois mois.
ANNEXE II
LE STATUT
SPÉCIAL DE LA SICILE
Allocution de M. Vincenzo Leanza, président de la
Commission de l'Assemblée régionale sicilienne pour les
changements du Statut.
L'autonomie spéciale de la région Sicile est née au
lendemain de la seconde guerre mondiale dans un climat où l'ancienne
tradition parlementaire et constitutionnelle de l'île ainsi que sa
vocation naturelle à l'indépendance, par ailleurs stimulée
par des facteurs géographiques, historiques, culturels et politiques,
ont trouvé un terrain fertile pour une insertion particulière de
la Sicile dans le giron de l'État unitaire.
A ce propos, je soulignerais que la Charte constitutionnelle de la
région, le Statut spécial, n'a pas été
imposée d'en haut par l'Assemblée nationale constituante mais,
bien qu'il s'agisse formellement d'un acte étatique, est issue d'un
projet rédigé par l'organe consultatif régional
formé par 24 membres choisis parmi les représentants des
organisations politiques, économiques et syndicales siciliennes de
l'époque.
Les caractéristiques particulières du Statut n'ont pas
d'équivalent dans les autres formes de collectivités locales
prévues et garanties par la Constitution. Les régions ordinaires
relèvent d'un modèle pyramidal, caractéristique de la
suprématie étatique. Les cinq régions à statut
spécial (outre la Sicile, il s'agit du Frioul, de la Sardaigne, du Val
d'Aoste et du Trentin) se sont vu attribuées des « formes et
des conditions particulières d'autonomie ». Telle est la
formule de l'article 116 de la Constitution, toujours en vigueur.
Parmi ces cinq régions à statut spécial, l'autonomie
sicilienne est la plus avancée, avec des caractéristiques
particulières qui concernent, d'abord, les organes institutionnels
mêmes de la région (Assemblée et Président) et
deviennent évidentes dans la définition de la fonction
législative exclusive, des garanties juridictionnelle et de l'autonomie
financière.
J'illustrerai brièvement les caractéristiques actuelles de
l'autonomie spéciale de la région Sicile et les
éléments du Statut. Mais, en ma qualité de
Président de la Commission spéciale instituée au mois
d'octobre dernier par une loi régionale avec pour tâche de
réformer le Statut lui-même, il me faut souligner la grande
importance de la mission qui a été confiée à cette
Commission, qui devra intervenir dans toute une série de matières
d'importance vitale pour l'institution régionale. D'abord la forme de
gouvernement, le mode d'élection de l'Assemblée régionale
sicilienne, les règles du référendum, de l'initiative
législative, mais aussi le système des fonds régionaux,
les relations avec les collectivités locales et avec l'Union
européenne. Le travail de mise à jour et de
réécriture du Statut régional devra porter sur les points
névralgiques de la configuration même de l'entité
régionale, à un moment où le fédéralisme et
la décentralisation des pouvoirs sont à l'ordre du jour dans
toute l'Italie. La Sicile est appelée à confirmer les motifs de
sa spécificité et à en renforcer les contenus.
Mais , pour avoir une idée de la répartition des
compétences opérée par le Statut en vigueur, je crois
qu'il faut commencer par les organes de la région :
Assemblée, députés, Président de la région
et Gouvernement régional, et par les fonctions qui leur ont
été attribuées en 1946.
L'organisation de la région a été conçue et est
encore inspirée d'une forme de gouvernement de type parlementaire,
même si elle a d'une certaine manière été
tempérée par les récentes modifications statutaires
introduites par la loi constitutionnelle n°2 de 2001, qui prévoit
l'élection directe du Président de la région, introduisant
ce que les spécialistes appellent une forme de gouvernement
néoparlementaire.
L'Assemblée régionale sicilienne a des fonctions essentiellement
législatives et politiques. Lui ont aussi été
attribuées d'importantes fonctions consultatives concernant les actes de
gouvernement (tels que les avis sur les nominations et sur les programmes),
ainsi que des fonctions de contrôle sur l'action de la junte.
Quant à son organisation interne, l'Assemblée dispose de la
pleine autonomie réglementaire, de son propre organe de gestion et
d'administration, le Conseil de la présidence, de l'autonomie
administrative et financière. Très important est le rôle
des Commissions, qui ont le pouvoir de rapporter les propositions de loi
à approuver en séance plénière. Une fonction
délicate et de premier plan revient au Président de
l'Assemblée, et ces dernières années à la
Conférence des présidents des groupes parlementaires, qui
établissent le calendrier et le programme des travaux, en faisant des
choix qui déterminent les priorités à aborder.
En ce qui concerne les députés, ceux-ci ne peuvent pas être
poursuivis pour les votes émis et les opinions exprimés dans
l'exercice de leur mandat, ils sont titulaires du pouvoir de contrôle
(à travers les questions et les interpellations) et d'adresse politique
(à travers les motions), outre naturellement leur pouvoir d'initiative
des lois (partagé avec le Gouvernement, le peuple et les Conseils
communaux et provinciaux, selon les dispositions du nouvel article 12 du
Statut).
A ce propos, rappelons que la possibilité du référendum
populaire a récemment été aussi introduite, qui faisait
auparavant défaut dans le Statut.
Je m'arrêterai brièvement au Gouvernement, à qui revient la
compétence administrative et réglementaire. L'occasion se
prête à souligner, en marge de notre propos, que les
règlements devront être un instrument de simplification dans le
nouveau systèmes des sources de droit que nous imaginons pour le Statut
à réécrire. La Junte régionale est composée
du Président, qui en est le chef, et des assesseurs
préposés chacun à une branche particulière de
l'administration.
Il faut préciser que la nature du Gouvernement, qui dispose du pouvoir
d'initiative législative, a changé à la suite des
modifications introduites par la loi constitutionnelle n°2 de 2001.
Celle-ci a modifié les modalités de formation du Gouvernement,
qui n'est plus élu par l'Assemblée en son sein, mais est
l'émanation du Président de la région qui nomme et peut
révoquer à tout moment ses propres assesseurs. Ceux-ci, depuis
2001, peuvent être choisis en dehors de l'Assemblée (dans
l'exécutif actuel, ils sont ainsi quatre à venir de
l'extérieur). Ceci est la conséquence du nouvel ordre
institutionnel qui accentue, pour des raisons de stabilité et de
fonctionnalité, le rôle de l'exécutif.
Il n'est pas nécessaire de souligner que le Président tire sa
force de l'investiture populaire que lui donne l'élection directe. Il en
découle pourtant, conformément au principe de l'équilibre
des pouvoirs, la possibilité de sa destitution à la suite d'une
motion de défiance approuvée par une majorité
qualifiée de l'Assemblée. Dans ce cas, on procède aux
nouvelles élections concomitantes du Président de la
région et de l'Assemblée régionale sicilienne.
Une autre particularité de la fonction de Président est le droit
d'intervenir avec voix délibérative sur les matières qui
intéressent la région lors des réunions du Conseil
des ministres. De surcroît, aux termes de l'article 31 du Statut, le
Président assure le maintien de l'ordre public. Cette disposition n'a
pas encore été suivie de mesures d'application.
Le Statut est mis en application par des normes approuvées par une
commission paritaire constituée de représentants de l'État
et de représentants de la région.
Tout à fait importante est la fonction législative exclusive
conférée à l'Assemblée par l'article 14 du Statut
dans certaines matières dans lesquelles elle peut
légiférer sur son territoire sans autres limites que celles des
lois constitutionnelles de l'État.
Parmi les matières de compétences législative exclusive,
il me faut évoquer l'agriculture et les forêts, l'industrie,
l'urbanisme, les travaux publics, le tourisme, la surveillance
hôtelière, la tutelle des paysages et la conservation des
antiquités et des oeuvres artistiques.
La matière du régime des collectivités locales, que le
Statut attribue au pouvoir législatif exclusif, mérite une place
à part. En effet, la Sicile l'a exercée avec ampleur et a souvent
dans ce domaine précédé des choix importants faits
ultérieurement au niveau national. Je fais allusion à la loi
régionale n°9 de 1986 qui a institué les Libres
coopératives régionales et surtout à la loi
régionale n°7 de 1992 qui a introduit en Sicile, avant le reste du
pays (avec la loi n°81 de 1993) l'élection des maires au suffrage
universel direct.
Pour compléter cette vue panoramique des compétences
législatives de la région, il me faut encore citer la
compétence dite concurrente qui, tout en respectant les limites
générales de la compétence exclusive, se déploie
dans les matières énumérées par l'article 17 du
Statut et dans les principes généraux définis par la
législation de l'État.
Il s'agit du type de compétence que la Constitution prévoyait
jusqu'à la fin de l'année dernière pour les régions
ordinaires. Le nouveau texte de l'article 117 de la Constitution, tel que
réformé par la loi constitutionnelle n°3 de 2001, renverse
le modèle précédent en s'inspirant d'un critère de
type fédéraliste. En effet, dans le nouvel article 117 les
matières de compétences exclusivement étatiques sont
énumérées, tout comme celles de compétence
régionale concurrente, et surtout une compétence
législative régionale résiduelle est introduite dans
toutes les matières non expressément réservées
à l'État.
La portée novatrice pour toutes les régions de cette nouvelles
organisation ne saurait échapper : la région Sicile devra
donc en tenir compte dans le travail de révision du Statut que la
Commission que j'ai l'honneur de présider devra accomplir. Il faut par
ailleurs souligner que pour les cinq régions spéciales, l'article
116 de la Constitution maintient dans sa nouvelle formulation le formes et
conditions particulières d'autonomie déjà prévues
en 1948.
Les finances de la région méritent un développement
à part puisque, à la différence de celles des
régions ordinaires, elles ont hérité du Statut un
régime de séparation.
L'article 36 du Statut établit que les besoins financiers de la
région sont couverts, outre par les revenus patrimoniaux de la
région, par des impôts décidés par celle-ci. Les
impôts sur la production et sur les tabacs sont réservés
à l'État, tandis que reviennent à la région tous
les impôts du Trésor perçus en Sicile.
Le Statut prévoit ensuite, à l'article 38, une contribution que
l'État doit verser chaque année à des fins de
péréquation au titre de la solidarité nationale. Ce n'est
pas ici le lieu pour exposer le contentieux relatif à ce fonds, qui a
été toujours plus réduit et vidé de contenu. Il
suffit de souligner que la conception qui inspire le Statut est celle d'un
fédéralisme solidaire - à laquelle devront se
rattacher les réformes institutionnelles en cours de discussion dans le
pays - qui trouve ses fondements historiques et culturels dans la question
méridionale et dans l'écart existant entre le Nord et le Sud de
l'Italie.
Un dernier mot sur les garanties juridictionnelles. Le Statut, en effet, avait
prévu un organe juridictionnel, la Haute Cour, chargé de se
prononcer sur la constitutionnalité des lois émanant de
l'Assemblée régionale et sur les lois et règlement
émanant de l'État au regard du Statut sicilien.
La Haute Cour a été déclarée absorbée par la
Cour constitutionnelle par un arrêt de 1957. Toutefois, j'ai voulu la
citer parce qu'il s'agissait d'une particularité autonomiste qui en dit
long sur le rôle que la Sicile avait à cette époque au sein
du pays.
Un rôle de guide justifié, comme je l'ai déjà dit,
par des raisons historiques, culturelles et politiques que la Sicile revendique
encore, en dépit de processus de nivellement subi par rapport aux autres
régions italiennes.