I. LES QUATRE PHASES DU PROCESSUS DE RÉFORME
1.
En premier lieu, au début des années
1990,
le législateur avait encore à appliquer les dispositions de la
Constitution relatives aux collectivités locales
infra-régionales. En effet, après la phase de mise en place des
régions à statut ordinaire, réalisée avec
déjà plus de vingt ans de retard dans les années 1970, il
fallait encore mettre en oeuvre le chapitre relatif aux communes et aux
provinces, régies jusqu'alors par la législation
préconstitutionnelle des textes uniques de 1915 et 1934.
Le texte général sur l'organisation et les compétences des
collectivités locales infra-régionales prévu par l'article
128 de la Constitution n'a été adopté qu'avec la loi
n° 142 de 1990, c'est-à-dire près de quarante ans
après l'entrée en vigueur de la Constitution de la
République
Il s'agissait donc de combler cette lacune importante qui pénalisait
fortement l'administration locale et la plaçait dans une position
d'infériorité par rapport aux régions qui, à
compter de leur création en 1970, se sont considérablement
renforcées au fil des ans.
L'autonomie normative reconnue aux collectivités territoriales
infra-régionales a été renforcée par l'octroi d'une
autonomie statutaire et réglementaire ; une organisation
différenciée est prévue, en particulier pour les zones
métropolitaines, les petites communes et les zones de montagne ;
les différentes formes d'association des collectivités locales
sont rendues plus autonomes ; les contrôles externes sur
l'activité des communes et provinces ont été
allégés, en particulier le contrôle préventif de
légalité sur leurs actes.
2.
La seconde phase de la réforme a jeté les bases d'une
transformation du rôle des administrations locales dans une optique plus
politico-institutionnelle. La réforme du système électoral
des communes et des provinces réalisée par la loi n° 81 de
1993 prévoit l'élection directe des maires et présidents
de provinces, ainsi que le renforcement considérable de l'organe
exécutif par rapport à l'organe représentatif.
Leur élection directe a eu pour effet de conférer une meilleure
visibilité aux chefs des administrations locales, qui se sont
retrouvés dotés d'un poids croissant au niveau national, surtout
s'ils représentent de grandes villes, en raison de la force
conférée par leur légitimité populaire. Le
renforcement du poids politique et institutionnel des maires a progressivement
creusé un écart avec les régions, cantonnées par le
texte constitutionnel de 1948 au principe de l'élection indirecte du
président de la région et de ses adjoints par le conseil
régional. Par comparaison, les gouvernements régionaux se sont
trouvés politiquement pénalisés par un manque de
légitimité populaire.
C'est pourquoi en 1995, dans la perspective des élections
régionales et étant donné l'impossibilité de
modifier dans les délais utiles la Constitution pour permettre
l'élection directe des présidents de région, la loi
électorale a été modifiée afin d'accorder une
priorité au candidat placé en tête de liste, même si
cette priorité n'était pas contraignante pour le conseil
régional. Cette législation, qui n'a pas été
suffisante pour rééquilibrer la situation par rapport aux maires,
n'a eu qu'un rôle transitoire dans l'attente de la réforme
constitutionnelle intervenue ultérieurement.
3.
Dans une troisième phase, la loi n° 59 de 1997 a
transféré de nouvelles fonctions et tâches administratives
aux régions et aux autres collectivités locales. Face à
l'impossibilité de réaliser une réforme constitutionnelle
dans une optique véritablement fédérale, le gouvernement
Prodi issu des élections de 1996 a essayé de pousser le plus loin
possible la décentralisation des pouvoirs de l'État en faveur des
collectivités territoriales.
La voie choisie consista donc à réaliser, à travers des
réformes législatives ordinaires, tout ce qui était
possible dans le cadre constitutionnel en vigueur. La perspective d'une
réforme visant à transformer la Constitution républicaine
dans une optique fédérale n'était pas tout à fait
abandonnée mais, en attendant, on a préféré miser
sur une réforme globale du système administratif italien,
fondé sur une nouvelle répartition des compétences
administratives de l'État, des régions et des
collectivités locales, selon un modèle inspiré du
fédéralisme administratif allemand.
4.
Le processus de réforme constitutionnelle a été
relancé et confié à une Commission bicamérale
présidée par d'Alema. Bien qu'il n'ait pas abouti dans toute
l'ampleur souhaitée, ce processus a néanmoins
débouché sur les lois constitutionnelles relatives à la
forme de gouvernement et l'autonomie statutaire des régions et à
la réécriture du titre V de la Constitution relatif aux
régions et aux collectivités locales.
L'enchaînement des étapes de ce processus a abouti à une
inversion du rapport naturel entre réforme constitutionnelle et
réforme législative. En effet, compte tenu du caractère
novateur de la loi n° 59 de 1997, la réforme du titre V de la
Constitution approuvée par référendum le 18 octobre 2001
se présente plus comme le renforcement et la confirmation de choix
déjà faits par le législateur ordinaire que comme une
innovation constitutionnelle.