La loi du 10 avril 1889 et les modifications ultérieures
L'article 12 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, dispose que le Sénat peut être constitué en cour de justice pour juger toute personne prévenue d'attentat commis contre la sûreté de l'Etat. Un décret du président de la République, rendu en conseil des ministres, est nécessaire pour constituer le Sénat en Haute Cour.
D'après le même article, une loi doit déterminer les modes d'accusation, d'instruction et de jugement. Votée le 9 avril 1889 et promulguée le lendemain, la loi du 10 avril 1889 se borne à tracer les grandes lignes de la procédure suivie devant la Haute Cour, laissant au Sénat le soin de combler les lacunes à l'aide des dispositions du code d'instruction criminelle.
Les premiers articles de la loi du 10 avril 1889 précisent que la cour n'a pas l'obligation de tenir ses séances au Palais du Luxembourg, bien qu'elle y siège dans les faits. Les sénateurs-juges doivent être présents aux audiences, toute absence faisant l'objet de motifs d'excuse.
Les articles suivants se réfèrent à l'instruction, confiée à une commission composée de neuf sénateurs. Une fois terminée, celle-ci laisse place au procès proprement dit. Les débats, dirigés par le président du Sénat, sont publics. Au commencement de chaque audience, il est procédé à l'appel nominal. Les sénateurs qui n'auront pas été présents à toutes les audiences ne peuvent pas concourir au jugement.
Après l'audition des témoins, le réquisitoire du ministère public, les plaidoiries des défenseurs et les observations des accusés qui ont les derniers la parole, le président déclare les débats clos et la cour se retire en chambre du conseil pour délibérer.
Les délibérations de la Haute Cour
Pour chaque accusé, les questions sur la culpabilité et sur l'application de la peine sont formulées par le président et mises aux voix séparément. Le vote a lieu par appel nominal en suivant l'ordre alphabétique, le sort désignant la lettre par laquelle on commence ; les sénateurs votent à haute voix ; le président vote le dernier.
L'arrêt définitif est lu en audience publique par le président. Il est notifié sans délai par le greffier à l'accusé.
Lorsque la cour se réunit pour juger le président de la République ou les ministres, pour des crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions, la mise en accusation est prononcée par la Chambre des députés. Dans ce cas, il convient d'appliquer les dispositions complémentaires de la loi du 5 janvier 1918.
D'après cette loi, les audiences demeurent publiques, mais le Sénat peut prononcer le huis clos lorsque la publicité des débats lui paraît dangereuse pour la sûreté de l'Etat. La Chambre des députés a la possibilité de désigner un commissaire pour la représenter devant la Haute Assemblée. Celui-ci suit l'accusation et formule toutes observations ou conclusions jugées utiles.
Enfin, ces lois de procédure sur l'organisation du Sénat en cour de justice sont complétées par la loi du 6 janvier 1920. L'unique modification apportée par ce texte concerne le cas de renouvellement partiel de la Haute Assemblée : les sénateurs élus en cours de procès sont appelés à composer de plein droit la Cour de justice, ce qui n'était pas le cas auparavant.