L'initiative législative
Comme le député, le sénateur est avant tout un législateur chargé de voter les lois de la République. Il dispose de l'initiative législative, qui peut se traduire par le dépôt de propositions de loi (les textes déposés par le gouvernement sont appelés projets de loi). De nombreuses propositions de loi sont déposées chaque année par les sénateurs. Leur examen a souvent lieu lors de la semaine mensuelle d'initiative parlementaire. Le gouvernement dispose, deux semaines par mois, d'un droit de priorité dans la fixation de l'ordre du jour des assemblées et y inscrit d'abord ses projets de lois.
Pour qu'un projet ou une proposition de loi soit adopté, il faut que le texte soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, l'Assemblée nationale et le Sénat, sauf si le gouvernement donne le "dernier mot" à l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire.
L'initiative législative s'exprime également par le droit d'amendement qui permet aux sénateurs - comme aux députés et au gouvernement - de modifier les textes de loi, que ce soit au moment de l'examen en commission ou en séance publique.
Les propositions de loi sont naturellement discutées en premier lieu par l'assemblée à laquelle appartient son (ou ses) auteur(s).
Quant aux projets de lois, ils peuvent être examinés d'abord par les sénateurs ou par les députés, à l'exception des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, qui doivent toujours être déposés par le gouvernement devant l'Assemblée nationale, tandis que les projets de loi relatifs à l'organisation des collectivités territoriales sont déposés en premier lieu au Sénat.
Le domaine de la loi
Les lois sont votées par le Parlement. Elles traitent des problèmes essentiels, ceux qui concernent tous les Français et qui ne peuvent se résoudre sans l'avis des représentants du peuple. Le domaine de la loi est défini par l'article 34 de la Constitution :
La loi fixe les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l'amnistie, la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
- l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
- le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérants des collectivités territoriales ;
- la création de catégories d'établissements publics ;
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État;
- les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
- de l'organisation générale de la défense nationale ;
- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
- de l'enseignement ;
- de la préservation de l'environnement ;
- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
- du droit du travail, du droit syndical et de la Sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Les lois de financement de la Sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu des prévisions de recettes sociales, fixent les objectifs de dépenses de la Sécurité sociale, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'Etat.
La loi devant le Sénat
Quand un texte est soumis aux sénateurs, il peut provenir de plusieurs sources différentes. Pour l'essentiel, il s'agit :
- d'un projet de loi déposé par le gouvernement devant l'Assemblée nationale, voté par elle et transmis au Sénat ;
- d' un projet de loi déposé par le gouvernement devant le Sénat ;
- d'une proposition de loi due à l'initiative d'un ou plusieurs sénateurs ;
- d'une proposition de loi déposée par un ou plusieurs députés, votée par l'Assemblée nationale puis transmise au Sénat.
Le texte déposé est aussitôt enregistré, imprimé et distribué pour qu'il puisse être porté à la connaissance de tous les sénateurs. Il est renvoyé pour étude devant la commission permanente ou plus rarement devant une commission spécialement constituée pour l'examen de ce texte.
Le texte de la commission
Avant d'être examiné en séance plénière, tout projet ou toute proposition de loi est transmis à une commission chargée de l'étudier, de proposer des modifications et d'élaborer le "texte de la commission" qui sera discuté en séance publique. Dans le cas des projets de loi de finances, lois de financement de la sécurité sociale et projets de révision de la Constitution, la discussion porte sur le texte déposé par le Gouvernement.
Suivant son objet, le texte est soumis à l'une des sept commissions permanentes. Deux solutions sont possibles : ou bien on saisit une commission permanente au fond et les autres pour avis, ou bien on crée une commission spéciale réunissant des sénateurs appartenant aux commissions permanentes intéressées par le texte.
La commission désigne parmi ses membres un (ou plusieurs) rapporteur(s) qui aura par la suite un rôle très important. Dès sa nomination, le rapporteur reçoit et écoute les auteurs du texte qui lui expliquent pourquoi ils ont pris l'initiative de le rédiger et dans quel esprit ils l'ont conçu. Le rapporteur recueille aussi les observations des personnes concernées par son application éventuelle. Le rapporteur, en étudiant le texte, s'en fait une idée précise et envisage toutes les modifications qui lui paraissent nécessaires. Ce travail préalable d'étude et de consultation est toujours important.
Les 7 commissions permanentes du Sénat :
- La commission des Affaires économiques
- La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées
- La commission des Affaires sociales
- La commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication
- La commission de l'aménagement du territoire et développement durable
- La commission des Finances
- La commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale
L'étude du texte par la commission
Quand le rapporteur a fini son travail de préparation, la commission examine le projet ou la proposition.
Le rapporteur intervient tout d'abord pour exposer à ses collègues l'objet du texte et souligner les modifications les plus importantes qu'il apporte à la législation existante. Les sénateurs qui ont des considérations d'ordre général à exprimer sur le texte interviennent ensuite.
Puis le texte est examiné article par article : à chaque article, la commission examine des propositions de modifications (amendements). La commission vote sur chaque amendement, chaque article, puis décide d'adopter ou de repousser l'ensemble du texte tel qu'il résulte des débats. Les amendements adoptés par la commission sont intégrés au "texte de la commission" qui sera examiné en séance publique.
Le rapporteur rédige un rapport, imprimé et diffusé à tous les sénateurs qui se veut le reflet des discussions en commission.
les sénateurs ont la possibilité de déposer une seconde fois « en séance » des amendements qu'ils estiment indispensables et qui n'auraient pas été satisfaits en commission. Dans une ultime séance, la commission examine ces amendements qui portent nécessairement sur le « texte de la commission », et donne son avis.
Si le texte a été renvoyé à une commission spéciale ou à d'autres commissions saisies pour avis, le travail d'examen, d'amendement et de rapport s'effectue exactement dans les mêmes conditions, mais les commissions saisies pour avis n'examinent que la partie du texte qui les intéresse.
L'examen du texte en séance publique
Une fois adopté le "texte de la commission" est discuté et voté par les sénateurs en séance publique. Il faut pour cela que le projet ou la proposition de loi soit inscrit à l'ordre du jour.
La discussion en séance suit un scénario très précis dans lequel interviennent un certain nombre d'acteurs dont le rôle est strictement défini. Voici quels sont ces intervenants :
- le représentant du gouvernement, qui est le ministre ou le secrétaire d'État spécialement concerné par le texte en question. Son rôle consiste à donner la position du gouvernement ;
- le rapporteur désigné par la commission, dont le rôle reste fondamental pendant tout le débat ;
- éventuellement, le ou les rapporteurs désignés par les commissions saisies pour avis ;
- les sénateurs qui ont désiré s'exprimer dans le débat ;
- enfin, le président de séance qui est le Président du Sénat ou l'un des Vice-présidents. Il dirige les débats, donne la parole à ceux qui l'ont demandée et fait procéder aux votes.
Le gouvernement, représenté par le ministre concerné, présente le projet qu'il défend. Le rapporteur résume les grandes lignes du texte en discussion, dégage ce qu'il apporte de nouveau et expose la position de la commission.
À ce stade de discussion, chaque sénateur - notamment, s'il s'agit d'une proposition de loi, l'auteur de celle-ci - a le droit d'intervenir pour donner son propre avis.
La règle habituelle est que chaque groupe politique délègue un de ses membres pour expliquer sa position aux autres sénateurs.
Sitôt achevée la discussion générale, on passe à la discussion du texte lui-même. Le président de séance appelle successivement les différents articles et pour chacun d'eux les amendements proposés. L'objet de chaque amendement est exposé par son auteur. Celui-ci peut être le rapporteur (au nom de la commission), un sénateur ou le représentant du gouvernement. Une discussion s'engage, au cours de laquelle les uns et les autres donnent leur avis. Puis on passe au vote. Chaque sénateur peut être pour, contre ou s'abstenir. Les Secrétaires - c'est-à-dire des sénateurs choisis par leurs collègues pour remplir ces fonctions - font le décompte des voix. Selon le cas, le président déclare l'amendement adopté ou rejeté. Il en est ainsi du premier au dernier article du texte.
Puis vient le vote sur l'ensemble du texte. Le président met aux voix l'ensemble de la proposition ou du projet avec les amendements déjà acceptés. Avant de voter, chaque sénateur a le droit de présenter très rapidement ses explications de vote. Généralement, ce sont les représentants des groupes politiques qui le font au nom de leurs membres.
La Constitution prévoit qu'une loi, pour être adoptée, doit avoir été votée dans des termes rigoureusement identiques au Sénat et à l'Assemblée nationale. Or, à partir d'un projet identique, les deux assemblées votent souvent des textes différents. Il faut pour les mettre d'accord une procédure de conciliation. La procédure normale consiste à renvoyer le texte du Sénat à l'Assemblée nationale et vice versa jusqu'à ce que l'accord soit parfait.
La navette
Cette "navette" peut durer très longtemps. Aussi existe-t-il une procédure plus rapide utilisée à l'initiative du gouvernement.
C'est le système dit de la "commission mixte paritaire" dont voici le principe : lorsqu'après deux lectures dans chaque assemblée, sénateurs et députés ne sont toujours pas d'accord sur toutes les dispositions du texte, le gouvernement peut demander la réunion d'une commission groupant 7 sénateurs et 7 députés. C'est pourquoi on l'appelle "mixte" et "paritaire". En font pratiquement toujours partie, pour chaque assemblée, le président de la commission compétente et le rapporteur du texte. Si le gouvernement estime que le texte doit être voté rapidement, il engage la "procédure accélérée", ce qui lui permet de demander la réunion de la commission paritaire après une seule lecture dans chaque assemblée. La commission mixte paritaire se réunit et cherche à établir, à partir des points de convergence, un texte commun. Quand elle y arrive, et c'est le cas le plus fréquent, le nouveau texte est soumis aux deux assemblées successivement. Si elles le votent, ce texte devient loi.
Si, en revanche, la "commission mixte paritaire" ne parvient pas à établir un texte commun ou si le texte commun n'est pas approuvé par l'une des deux assemblées, la navette reprend. Le gouvernement, pour y mettre fin, peut demander à l'Assemblée nationale de statuer en dernier ressort. Dans ce cas, c'est le texte tel qu'il est adopté par l'Assemblée nationale qui devient loi.
Dans un domaine important, le Sénat est dans une situation de totale égalité avec l'Assemblée nationale : il s'agit de la modification de la Constitution. Dans le cas d'un projet de révision constitutionnelle, le gouvernement ne peut passer outre à l'opposition du Sénat. La navette se poursuit jusqu'à l'adoption d'un texte identique par les deux assemblées.
La promulgation du texte
Une fois adopté, le texte est transmis au Président de la République qui a la responsabilité de le promulguer. La promulgation est un acte signé par le Président de la République qui donne force exécutoire à la loi votée.
Le Conseil Constitutionnel peut être saisi de la constitutionnalité d'un texte adopté par le Parlement. Le cas échéant, les dispositions du texte qui seraient jugées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel ne seraient pas promulguées.
Le Président de la République peut aussi, avant de promulguer la loi, demander aux deux assemblées une nouvelle délibération. Dans ce cas, la procédure parlementaire recommence.
Une fois signée, la loi est publiée au Journal Officiel de la République française. C'est par ce moyen qu'elle est portée à la connaissance de la population. Elle n'est applicable que le lendemain de cette publication. Pour qu'elle soit effectivement appliquée, il faut souvent attendre que le gouvernement prenne les décrets d'application. Ceux-ci définissent les modalités pratiques des dispositions votées par le législateur.