Louis Malvy, député radical-socialiste du Lot, est choisi en 1914 comme ministre de l'Intérieur, poste qu'il conserve dans les ministères Briand et Ribot jusqu'en 1917. Cette année là, Léon Daudet, directeur du journal royaliste L'Action française, adresse au Président de la République Raymond Poincaré une lettre accusant Malvy de trahison. A la demande de ce dernier, la lettre est lue devant les députés par Paul Painlevé, président du Conseil et ministre de la Guerre, le 4 octobre 1917.
Malvy y est accusé d'avoir fourni des renseignements à l'Allemagne sur les projets militaires et diplomatiques français, en particulier le projet d'attaque du Chemin-des-Dames, et d'avoir favorisé les mutineries militaires de juin 1917.
Malvy sait qu'il a de nombreux ennemis. Ses adversaires politiques, au nombre desquels on trouve Clemenceau, lui reprochent la nonchalance de son action comme ministre de l'Intérieur. Une violente campagne de presse s'étant déclenchée contre lui, il compte y mettre un terme en provoquant un débat devant la Chambre des députés, non « pour se disculper d'actions aussi folles que grotesques », explique-t-il, mais pour que le nouveau gouvernement dise « si l'union sacrée peut être exploitée contre ceux-là même qui l'ont le plus scrupuleusement respectée ».
Espérant être lavé de tout soupçon, il demande la constitution d'une commission de 33 membres chargés d'examiner s'il y a lieu de le mettre en accusation pour crimes commis dans l'exercice de ses fonctions ministérielles. Mais la commission n'a pas juridiquement le pouvoir de juger et ne peut, après avoir voté la mise en accusation, que renvoyer l'affaire devant le Sénat constitué en Haute Cour de justice. Malvy ayant démissionné en septembre 1917, c'est la première fois que cette juridiction d'exception est saisie d'une inculpation contre un ancien ministre. Aussi, est-il nécessaire de voter une loi définissant la procédure à suivre. Ce texte est promulgué le 5 janvier 1918.
Dès lors, le procès peut avoir lieu. Les débats occupent une douzaine d'audiences sous la présidence d'Antonin Dubost, président du Sénat. Le procureur général Merillon reproche à l'accusé sa complaisance envers Vigo, dit Almereyda, et envers Sébastien Faure, l'un directeur du journal le Bonnet rouge et l'autre anarchiste fiché par la police. Il relève aussi la faiblesse de l'accusé à l'égard de la propagande pour la paix au sein de l'armée et dénonce son laxisme face aux grèves ouvrières. Enfin, il met en cause l'attitude de Malvy dans l'affaire de l'espion allemand Lipscher, ainsi que son peu d'empressement à faire arrêter les criminels figurant dans le carnet B, sur lequel sont portés les individus considérés comme dangereux en cas de conflit armé.
Malvy se défend d'avoir pratiqué une politique personnelle au sein du gouvernement. Il invoque la politique d'union sacrée, difficilement compatible, selon lui, avec l'application du carnet B ou la répression contre la classe ouvrière. Il est couvert par les anciens présidents du Conseil qui l'ont compté au sein de leur cabinet.
La Haute Cour rend son arrêt définitif le 6 août 1918. Elle déclare Malvy innocent du crime de trahison mais le reconnaît coupable de forfaiture pour « avoir méconnu, violé et trahi les devoirs de sa charge ». Créant une nouvelle incrimination, la Haute Cour doit aussi définir la peine qui s'appliquera. Ce sera le bannissement, pendant une durée de 5 ans.
Cette condamnation n'interrompt pas la carrière politique de Malvy : les électeurs du Lot lui renouvelleront constamment leur confiance en maintenant son mandat de député de 1924 jusqu'à la seconde guerre mondiale. En outre, il exercera à la Chambre les responsabilités de président de la commission des finances et redeviendra même, en 1926, ministre de l'Intérieur.