Joseph Caillaux est élu député de la Sarthe en 1898. Ses portefeuilles successifs au ministère des finances, et la défense acharnée de ses convictions pour instaurer un impôt progressif sur le revenu, lui valent très tôt l'inimitié d'une partie de la classe politique.
Les rangs de ses opposants gonflent encore lorsque le président Fallières l'appelle, en juin 1911, à former un nouveau gouvernement. Clemenceau, notamment, lui reproche la convention qu'il a conclue avec l'Allemagne pour résoudre la crise marocaine déclenchée par le « coup d'Agadir. »
Les violentes attaques de la presse nationaliste entraînent la chute de son ministère en janvier 1912. Caillaux est néanmoins rappelé au ministère des finances en 1913 mais le scandale de l'assassinat du directeur du Figaro, par sa femme Henriette, l'oblige à démissionner.
Bien que la conjugaison de ces événements porte atteinte à sa popularité, il est réélu député à la veille du déclenchement du premier conflit mondial.
Plus que jamais opposé à la guerre, il se montre favorable à une « négociation armée », à l'inverse de son vieil adversaire Clemenceau. Lorsque ce dernier retrouve la présidence du Conseil, il ne lui pardonne pas cette volonté de rapprochement avec l'Allemagne.
Soupçonné d'être impliqué dans les affaires « Bolo Pacha » et « Bonnet Rouge », Caillaux vient clamer son innocence à la Chambre qui, à sa demande, vote la levée de son immunité parlementaire en décembre 1917. Dès lors, ses opposants n'auront de cesse de le faire condamner.
Le 14 janvier 1918, il est arrêté pour « intelligence avec l'ennemi en temps de guerre. » Très vite, les accusations de trahison et de complot contre la sûreté de l'État sont portées contre lui. Afin d'étayer la thèse d'une vaste machination visant à organiser une paix négociée avec l'Allemagne, qui lui permettrait d'accéder au pouvoir, tout élément présumant de sa culpabilité vient artificiellement gonfler un dossier vide.
Ses adversaires tentent difficilement de réunir les preuves de sa culpabilité en dénonçant les origines d'un supposé enrichissement personnel, en évoquant ses relations équivoques avec des agents de l'ennemi et des personnalités douteuses, en s'inquiétant de ses voyages à l'étranger et en épluchant ses notes de travail.
Le 23 octobre 1919, après de longs mois d'instruction, le procès s'ouvre au Palais du Luxembourg. A l'issue de 31 audiences, le seul chef d'accusation réuni contre lui se limite à l'entretien d'une « correspondance avec des sujets d'une puissance ennemie. »
Le 23 avril 1920, Joseph Caillaux est condamné à une peine de 3 ans d'emprisonnement, couvrant la période de détention provisoire qu'il a déjà effectuée. La Haute Cour le prive en outre de ses droits politiques et lui interdit de séjourner dans les lieux indiqués par le Gouvernement.
Cette condamnation, faisant figure de compromis, n'écarte cependant Caillaux de la scène politique que temporairement, puisqu'il sera élu sénateur de la Sarthe en 1925, retrouvera le ministère des finances dans le cabinet Painlevé et présidera la commission des finances du Sénat jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.