Les incidents s'enchaînent. Buffet, Brunet et Dubuc sont tour à tour exclus des débats pour plusieurs audiences, alors qu'une insolence à l'égard du Président vaut à Cailly trois mois de prison. Déroulède, lui, récolte deux ans de prison pour avoir déclaré au procureur général : « Le Président de la République est indigne de la République, et vous, vous déshonorez la France », avant d'ajouter à l'attention des sénateurs : « Taisez-vous, bandits, misérables ! ».
Les dernières audiences s'ouvrent avec le réquisitoire du procureur général, constamment interrompu. Cailly, l'enfant terrible, s'écrie : « Mais taisez-vous, laissez-moi donc écouter la grande éloquence de M. Le procureur ». Sur quoi, blessé, le procureur se rasseoit. Une voix alors s'élève : « Il s'asseoit sur son éloquence ! ». Il n'en faut pas plus pour divertir l'assistance. Après l'annonce par le procureur général de l'abandon de l'accusation contre six des inculpés, dont Brunet et Cailly, ces deux derniers sont expulsés des audiences jusqu'au jour de l'arrêt pour avoir une fois de plus joué les trublions.
Les plaidoiries de la défense concluent le procès. Guérin s'attaque à ses juges plus qu'il ne se défend : « Je me suis demandé si, du jour où l'on devenait magistrat, on ne cessait d'être un homme » et, rappelant les excès de la Commune, il se demande si les cerveaux des meneurs ne siègent pas sur les bancs de la Haute Cour. Echappant de justesse à l'expulsion, l'incorrigible Guérin continue sur le même ton en s'en prenant au gouvernement et aux Juifs.
De ces 46 audiences tumultueuses ne résulteront que trois condamnations : celle de Buffet, Déroulède et Guérin, « avec circonstances atténuantes ».
C'est l'occasion pour chacun de se laisser aller à une dernière bravade. Buffet : « Vous m'avez condamné, merci ! », Déroulède : « Vive l'armée de la France ! Vive la République du peuple ! » et Guérin : « Je ne vous demande pas de pitié ; ne me demandez pas de regrets ! ».