Après la salle des Séances et la salle de Réunion, une troisième pièce fut bâtie à l’emplacement d’une partie de l’actuelle salle des Conférences, du côté du salon Victor Hugo. Elle ne fut terminée qu’en 1808 ou 1809, bien après les deux salles précédentes. Abritant une magistrale statue de NAPOLÉON, de plus de deux mètres de haute, elle reçut le nom de salle de l’Empereur.


Réalisation de Claude RAMEY (1754-1838), cette statue – aujourd’hui conservée au Louvre – figurait Napoléon en costume de sacre, avec ses divers ornements dont le collier de la Légion d’Honneur. Commandée à la suite d’un concours en 1806, que RAMEY emporta sur ESPERCIEUX, DESEINE et CORBET, il semble qu’elle ne fut terminée qu’en 1813.


Le prêteur Dominique CLÉMENT DE RIS formulait ainsi la commande à RAMEY107   :
Le Sénat nous ayant chargé de faire exécuter en marbre pour être placée dans l'intérieur de son palais, la statue de Sa Majesté l'Empereur et Roi, nous avons cru devoir appeler à concourir à l'exécution d'un monument aussi important, quelques-uns des artistes les plus distingués dont les ouvrages ornent déjà nos salles. Vous êtes de ce nombre, Monsieur, et nous aimons à croire que vous justifierez encore une fois, notre choix.
Nous demandons que l'Empereur soit représenté debout revêtu des habits impériaux qui ont servi au Sacre et que la ressemblance des traits ainsi que la vérité du costume soient fidèlement observées
[…].

Figure 30 : Jean-François CHALGRIN, Salon de l’Empereur (détail). CHALGRIN dessine la statue telle qu’elle sera sculptée par Ramey en 1813. Archives du Sénat, Chalgrin 101. (JPG - 68 Ko)

Figure 30 : Jean-François CHALGRIN, Salon de l’Empereur (détail).
CHALGRIN dessine la statue telle qu’elle sera sculptée par Ramey en 1813.
Archives du Sénat, Chalgrin 101.

Avant même sa livraison, la statue posa problème à CHALGRIN qui ne savait où la disposer du fait de ses dimensions et de son sujet. Pour lui, elle « ne serait pas décemment placée dans la principale cour du palais ; elle ne peut être dans la salle de Réunion, d’autant plus qu’il y a déjà un portrait de Sa Majesté, et que cette pièce ne peut être considérée, dans les moments de cérémonie, que comme un passage puisque c’est là où se tiennent les personnes qui ne peuvent être admises aux séances ; dans la salle d’assemblée elle ne peut pas non plus y être convenablement, attendu que le seul endroit où on pourrait la mettre c’est à la place de la tribune108  ».


Aussi CHALGRIN suggéra-t-il de placer la statue dans la troisième pièce qui prenait place dans l’aile sud, à la suite de la salle des Séances et encore dépourvue de destination définie. Il proposa aux prêteurs de décorer cette salle, outre la statue, des victoires de NAPOLÉON et de la nommer « salle de l’Empereur ou des victoires de Napoléon le Grand109  ».

Figure 31 : Jean-François CHALGRIN, Projet de salle (ou salon) de l'Empereur, jouxtant la salle des séances. À l’emplacement du fauteuil et du dais verts prendra place en 1813 la statue en pied de NAPOLÉON par RAMEY. Au-dessus de la porte de gauche, une allégorie de la Force. Au-dessus de la porte de droite, une allégorie de la Prudence Au-dessus du dais, l’Abondance. Archives du Sénat, Chalgrin 101. (JPG - 64 Ko)

Figure 31 : Jean-François CHALGRIN, Projet de salle (ou salon) de l'Empereur, jouxtant la salle des séances.
À l’emplacement du fauteuil et du dais verts prendra place en 1813 la statue en pied de NAPOLÉON par RAMEY.
Au-dessus de la porte de gauche, une allégorie de la Force. Au-dessus de la porte de droite, une allégorie de la Prudence Au-dessus du dais, l’Abondance.
Archives du Sénat, Chalgrin 101.

Le dessin de CHALGRIN ci-dessus présente la niche dans laquelle se trouvait, à partir de 1813, la statue de l’Empereur, avant l’installation de celle-ci. La niche se situait à l’opposé de la salle des Séances (emplacement actuel de la porte du salon Victor Hugo). Les colonnes de 16 pieds de haut, soit près de cinq mètres, étaient, d’après GRIVAUD DE LA VINCELLE, de couleur vert antique. En outre, le mobilier de la pièce comprenait une trentaine de chaises, fauteuils et canapés.


Le programme pictural est, ici aussi, très fourni. Deux principaux artistes mettent en scène les peintures murales ayant pour thème les victoires napoléoniennes. Antoine-François CALLET (1741-1823) reçoit commande en 1807 et réalise, entre juillet et décembre de la même année, deux allégories : Mars et la Victoire devant faire pendant à La Paix et l’Abondance dans chacune des sous-voussures se trouvant aux extrémités du plafond. Confié à Jean-Simon BERTHÉLEMY (1743-1811) et terminé en même temps que les tableaux de CALLET, il représente, à la voûte, l’Apothéose de Napoléon qui sera transformée sous la Restauration en Apothéose d’Henri IV110  : « Le monarque s’élève dans les cieux, sur un char traîné par deux coursiers blancs ; il laisse à la Terre, pour la consoler, un rameau d’olivier ; la Victoire plane au-dessus de lui ; l’aigle du maître des dieux le suit, en tenant dans ses serres le foudre embrasé, et deux Renommées le précèdent111 . »

Figure 32 : Jean-François CHALGRIN, Détail du plafond de la salle de l'Empereur. Au milieu, l’Apothéose de Napoléon par BERTHÉLEMY, Archives du Sénat, Chalgrin 111. (JPG - 159 Ko)

Figure 32 : Jean-François CHALGRIN, Détail du plafond de la salle de l'Empereur.
Au milieu, l’Apothéose de Napoléon par BERTHÉLEMY,
Archives du Sénat, Chalgrin 111.

Ces décors peints sont mis en valeur par un grand nombre de bas-reliefs aux thèmes variés : végétaux, allégories et trophées de drapeaux112 . La corniche est sculptée de neuf ornements dont : feuilles de persil, oves, Maie-de-cœur, euticules, chapelets de perles, modillons avec palmettes, abeilles et chiffre impérial113.

Les dépenses relatives à l’aménagement de la pièce se présentent comme suit114  :
-    5000 francs pour la maçonnerie de M. LETROSNE ;
-    2 200 francs pour la serrurerie ;
-    5 600 francs pour la marbrerie de CORBEL ;
-    4 212 francs pour celle de MONOT ;
-    10 000 francs pour la peinture de BERTHÉLEMY ;
-    5 500 francs pour la peinture de CALLET ;
-    30 000 francs pour la statue de l’Empereur signée RAMEY ;
-    12 200 francs pour les sculptures d’ornement de DURET et MOSMANN ;
-    5 500 francs pour la peinture en décor de LANGLOIS ;
-    11 384 francs pour la peinture d’impression de VAVIN.

Figure 33 : Jean-François CHALGRIN, Projet de décoration du salon de l’Empereur côté salle des Bustes,
Archives du Sénat, Chalgrin 102.

L’Empereur a-t-il seulement siégé rien qu’une fois au Luxembourg depuis la proclamation de l’Empire ? On l’ignore mais on sait que les deux chambres, à l’inverse du Conseil d’État, perdent au fil du temps une grande partie de leur influence sur le cours des événements. Jean TULARD va même jusqu’à dire que « le Sénat et le Corps législatif ne comptent plus, du moins entre 1804 et 1814115  ». Durant cette période, le Sénat se distingue par ses votes tout à fait dociles aux volontés de NAPOLÉON, notamment en validant chaque levée supplémentaire de troupes demandée par l’Empereur. Le Sénat est donc largement cantonné à son rôle officiel de gardien de la Constitution et le palais à celui de lieu de réunion des fidèles du régime. C’est ainsi que le Sénat reçoit, le 23 avril 1805 un hôte de marque en la personne du pape PIE VII qui a passé l’hiver à Paris à l’occasion de son voyage en France suivant le couronnement de NAPOLÉON (2 décembre 1805). Il visite précisément le musée installé dans l’actuelle Annexe de la Bibliothèque et constate que, parmi les tableaux présentés, figurent en majorité des thèmes religieux116 . L’abbé Francesco CANCELLIERI, membre de la suite du pape, auteur d’un journal du voyage pontifical en France, fournit à cette occasion une description du palais du Luxembourg indiquant que celui-ci est :


« […] conçu d’après [le palais] Pitti de Florence en 1516 par Marie de MÉDICIS, veuve d’HENRI IV. C’est le plus vaste de tous après celui du Louvre. C’est la résidence du Sénat qui tient ses séances dans une grande salle où se trouve le trône impérial. Sur les côtés sont deux tribunes où montent les orateurs. En face et en bas se trouvent, comme au parterre d’un théâtre, les sièges de velours [bleu] turquin (turchino) des sénateurs. La galerie contigüe a une collection de grands tableaux de RUBENS qui étaient dans les Flandres et qui représentent les faits les plus illustres de Marie de MÉDICIS, avec d’autres de RAPHAËL, du CORRÈGE, de LE BRUN et d’autres excellents auteurs. La galerie se termine par la collection des toiles peintes par M. LE SUEUR qui y montre la vie de saint BRUNO et qui y ont été transportés depuis la Chartreuse de Grenoble [sic, recte Paris]. […] Au milieu de la salle se trouve un buste de Le SUEUR, le Raphaël français, monté sur un piédestal. Dans tout ce magnifique appartement on admire les originaux de Joseph VERNET, dans lesquels il a peint la série de tous les ports de France qui a été gravée de façon parfaite sur tant d’eaux fortes. Avec une partie du trésor de la Chartreuse et du jardin de Vendôme on a étendu la vue de ce palais replanté sur un nouveau dessin et embelli par un grand nombre de statues. Désormais, c’est une des plus belles et plaisantes promenades de Paris »117 .

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