Un héritage de la Restauration


Sous la Restauration, le nombre des pairs est en constante augmentation. Ils sont ainsi 380 membres en 1827 à devoir prendre place dans un hémicycle conçu pour 80 sénateurs, aussi leurs réunions ont lieu dans les salons de Boffrand. La transformation de l’hémicycle est d’autant plus nécessaire que les séances deviennent publiques et que la chambre des Pairs fait office de Haute Cour de justice jugeant les procès politiques dont les accusés se trouvent parfois en grand nombre.

Figure 37 : LECORNU, Vue intérieure de la Chambre des Pairs au moment du procès de Louvel, On peut apercevoir l’hémicycle de CHALGRIN transformé en tribunal pour juger l’assassin du duc de BERRY. Bibliothèque du Sénat, GR54 A. (JPG - 137 Ko)

Figure 37 : LECORNU, Vue intérieure de la Chambre des Pairs au moment du procès de Louvel,
On peut apercevoir l’hémicycle de CHALGRIN transformé en tribunal pour juger l’assassin du duc de BERRY.
Bibliothèque du Sénat, GR54 A.

Plusieurs procès relatifs aux insurrections lyonnaise et parisienne d’avril 1834 contraignent le duc DECAZES, grand référendaire, et Adolphe THIERS, ministre de l’Intérieur, à demander la même année l’établissement d’une salle des séances provisoire. Alphonse de GISORS est choisi pour la construction de cette pièce toute entière faite de charpente et de planches, édifiée entre février et avril 1835. De forme rectangulaire, agencement le plus naturel pour la tenue des procès, elle est bâtie en avant du palais, sur le jardin.
Le projet d’une nouvelle salle des Séances est décidé par une loi du 15 juin 1836 135 . Dès septembre suivant, GISORS en débute la construction, les dimensions projetées l’amenant à agrandir le palais. Il repousse la façade de 31 mètres sur le jardin, l’espace ainsi gagné permet d’aménager une bibliothèque entre le nouvel hémicycle et le jardin. Les travaux sont interrompus à deux reprises. La première, en 1839, à l’occasion  du procès de l’insurrection républicaine des 12 et 13 mai 136 , la seconde pour les houleux débats entourant le jugement de la tentative de soulèvement de Louis-Napoléon BONAPARTE – le futur NAPOLÉON III – à Boulogne en 1840 137 . Terminée en janvier 1841, la nouvelle salle est investie pour la première fois par les pairs le 6 novembre 1841, quelques semaines avant l’achèvement des travaux définitifs. Son coût s’élève à trois millions de francs outre les huit cent mille francs pour les peintures et sculptures 138 .

La construction de l’hémicycle actuel


Placée sur la longitude du Méridien de Paris 139 , la salle des séances est constituée de deux hémicycles se faisant face. Un petit (neuf mètres de diamètre), où siège le président de séance et un grand (vingt-huit mètres de diamètre sur dix-sept de profondeur) où siègent les sénateurs.


Le petit hémicycle


•    Cul-de-four du petit hémicycle soutenu par huit colonnes en stuc entre lesquelles sont placées sept statues de grands législateurs : TURGOT (contrôleur général des finances sous Louis XVI (1774-1776), qui rétablit le liberté de commerce des céréales dans le Royaume), par Jean-François LEGENDRE-HÉRAL ; D’AGUESSEAU (chancelier de France en 1717, qui perfectionne la législation), par Hippolyte MAINDRON ; L’HOSPITAL (nommé chancelier de France (1560-1573) par Marie de MÉDICIS) par Achille VALOIS ; COLBERT (intendant des finances (1661-1683), qui engage une codification de la législation) par Jean-Baptiste DEBAY Père ; MOLÉ (Garde des Sceaux de 1651 à 1656) par Jean-Auguste BARRE ; LAMOIGNON DE MALESHERBES (premier président de la Cour des Aides de Paris, qui s’élève contre les lettres de cachet, défend le roi devant la Convention en 1792, est guillotiné en 1794) par Théophile BRA ; PORTALIS (Président des Cinq-Cents, ministre des Cultes et de l’Intérieur en 1804, qui participe à la rédaction du Concordat et du Code civil) par Joseph-Marius RAMUS.
•    De chaque côté de la voûte du petit hémicycle, deux peintures de Merry-Joseph BLONDEL : à gauche, le couronnement de PHILIPPE V LE LONG, à droite, LOUIS XII aux États-généraux de Tours en 1506.


Le grand hémicycle


•    Quatre bustes de maréchaux d’Empire, placés sur des consoles, sont réalisés sous la monarchie de Juillet : MASSÉNA, duc de Rivoli, prince d’Essling par Michel-Louis MERCIER (1841) ; GOUVION-SAINT-CYR par Honoré HUSSON ; MORTIER, duc de Trévise par Jean-Louis BRIAN ; LANNES, duc de Montebello par Jean-Baptiste de BAY. Ces bustes ayant été réalisés en 1841 et 1842 pour GOUVION-SAINT-CYR, témoignent de la volonté du régime de Juillet de marquer la continuité historique depuis la Révolution. Un an plus tôt avait lieu le retour des cendres de NAPOLÉON depuis Sainte-Hélène. Gouvion-Saint-Cyr et Mortier furent du reste pairs de France.
•    Dans les niches latérales : Saint-Louis, par Augustin DUMONT (1846) et Charlemagne (avec le globe), par Antoine ÉTEX (1847).
•    À la voûte, au-dessus des tribunes : allégories de la Prudence (à droite depuis les tribunes), la Vérité (au centre), la Force protectrice par Auguste VAUCHELET (par ailleurs auteur du médaillon du roi de Rome, situé dans le salon des messagers d’État). Elles ont été repeintes par VAUCHELET après l’incendie (voir infra).
•    Médaillons et grisailles de NOLAU et RUBÉ représentant Charles V, Louis XII, Louis XIV et Napoléon dans leurs actes législatifs les plus marquants 140 .

Figure 38 : Statues de l'hémicycle de la salle des Séances, Service de l’Architecture, des bâtiments et des jardins du Sénat, Les sculptures du palais du Luxembourg, 1996. (JPG - 28 Ko)

Figure 38 : Statues de l'hémicycle de la salle des Séances,

Service de l’Architecture, des bâtiments et des jardins du Sénat, Les sculptures du palais du Luxembourg, 1996.

L’incendie  de 1859


Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1859, la toiture de la salle des Séances brûle vers 1h du matin. La plupart des peintures décoratives de la salle, détruites, sont refaites à l’identique. Quatre pendentifs d’Abel DE PUJOL (La Sagesse et la Prudence concourant à la rédaction des lois, La Force s’appuyant sur la Loi, La Justice protégeant l’Innocence et Un guerrier prêtant serment de fidélité à la Patrie) sont remplacés par trois peintures de NAPOLÉON, SAINT-LOUIS et CHARLEMAGNE d’Adolphe BRUNE, retirées depuis lors.

Avant l’incendie, et contrairement à l’usage pour un hémicycle, la salle des Séances disposait de jours verticaux dans la partie supérieure de la voûte. La rénovation de celle-ci après l’évènement et la réorganisation des décorations entraîne leur disparition 141. 

Figure 39 : Gravure de l’hémicycle ravagé en 1859 par un incendie. La voûte sera reconstruite presque à l’identique. Bibliothèque du Sénat, GR032. (JPG - 115 Ko)

Figure 39 : Gravure de l’hémicycle ravagé en 1859 par un incendie.

La voûte sera reconstruite presque à l’identique. Bibliothèque du Sénat, GR032.

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