Travaux de la commission des affaires sociales



Mardi 30 novembre 2004

- Présidence de M. Nicolas About, président -

PJLF 2005 - Crédits consacrés à la santé - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Gilbert Barbier sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés à la santé).

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a rappelé que, depuis un an, de nombreuses réformes sont intervenues dans le domaine de la santé : lois relatives à la bioéthique, à la politique de santé publique, à la réforme de l'assurance maladie et volet « santé » de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

Ces réformes sont complétées par un ensemble de plans de mobilisation nationale qui traduit la politique volontariste menée actuellement par le Gouvernement : le plan de lutte contre le cancer, le plan national santé environnement, le plan pour limiter l'impact de la violence sur la santé, un nouveau plan quinquennal de lutte contre la drogue et la toxicomanie, le plan national « maladies rares » et le programme national de lutte contre les infections nosocomiales.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a souligné que l'ensemble de ces mesures trouve, pour partie du moins, sa traduction budgétaire dans le budget du ministère de la santé, qui s'élèvera à 8,63 milliards d'euros.

Les crédits affectés à la politique de santé publique progressent de 10 %, pour atteindre 209 millions d'euros et sont principalement affectés à trois priorités : la mise en oeuvre de la politique de santé publique, la poursuite du plan de mobilisation nationale contre le cancer et la mise en place d'un nouveau plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Au sein des objectifs de santé publique, la politique de prévention s'organise autour de six déterminants de santé : l'alcool, le tabac, les accidents et la violence (dont la violence routière), les autres pratiques à risque comme la toxicomanie, la nutrition et l'activité physique, l'environnement et le travail. Elle a aussi pour objet de diminuer la forte mortalité due à certaines pathologies : Sida, hépatites, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies rares, santé mentale (dont suicide). Elle a enfin pour but de prévenir et de mieux prendre en charge certaines pathologies de l'âge adulte, comme le diabète ou les pathologies spécifiques du vieillissement, et notamment la maladie d'Alzheimer.

Le plan de lutte contre le cancer mobilise à lui seul près de 81 millions d'euros, soit 21 millions de plus qu'en 2004, pour financer l'Institut national du cancer, poursuivre et généraliser les programmes de dépistage organisé et lutter contre les principaux facteurs de risque - lutte contre le tabagisme notamment.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, s'est félicité ensuite que la lutte contre la drogue et la toxicomanie soit aussi une priorité de la politique de santé publique. Il a rappelé qu'un nouveau plan quinquennal pour la période 2004-2008 a été arrêté par le Premier ministre le 26 juillet dernier.

Ce plan définit des objectifs et des stratégies d'actions spécifiques selon les différents produits consommés. Il accorde surtout une place majeure à la prévention, notamment en direction des jeunes et des adolescents, et prévoit de lancer, en 2005, la première grande campagne d'information tous publics sur les méfaits du cannabis.

La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), qui est chargée de la mise en oeuvre de ces priorités gouvernementales, voit ses crédits maintenus au même niveau qu'en 2004, soit 38 millions d'euros. Elle a également reçu pour mission en 2005 d'accentuer la lutte contre le trafic illégal et de déterminer les mesures nécessaires pour lutter contre les nouvelles formes de trafic organisé.

Puis M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a indiqué que 116 millions d'euros sont destinés à la priorité sanitaire, dont 93 millions pour les six agences nationales qui interviennent en la matière : l'agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS), l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), l'agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), l'établissement français des greffes (EFG), l'institut de veille sanitaire (InVS) et l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Deux autres structures seront installées en 2005 : la Haute autorité de santé, créée par la loi relative à l'assurance maladie et l'agence de la biomédecine instituée par la loi relative à la bioéthique.

Il a rappelé ensuite que le Gouvernement a mis l'accent, cette année, sur deux aspects importants de la prévention des risques :

- la santé environnementale, avec l'adoption, en juin dernier, d'un plan national santé environnement qui identifie 45 actions principales à mettre en oeuvre entre 2004 et 2008, doté de 3,5 millions d'euros en 2005 ;

- la lutte contre les infections nosocomiales, afin de fiabiliser le dispositif de signalement et d'information des patients et de renforcer les actions de formation à destination des professionnels.

Enfin, M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a abordé les thèmes de l'offre de soins et de l'accès aux soins, qui doivent être adaptés aux besoins de la population et valablement répartis sur le territoire, qu'il s'agisse des structures hospitalières ou des soins de ville.

Les financements en sont assurés en partie par l'État et par l'assurance maladie, dans le cadre de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie. L'État conserve toutefois son rôle de stratège : il détermine la rationalisation de l'offre hospitalière dans le cadre du plan Hôpital 2007 et finance les agences régionales de santé qui participent à la gestion des établissements de santé. Il assure également l'organisation et la régulation des professions de santé, autour de trois axes principaux : l'augmentation régulière des numerus clausus des différentes professions de santé ; la volonté confirmée de favoriser la mise en réseau de la médecine de ville et de la médecine hospitalière ; le développement des expérimentations de coopération entre les médecins et les professions de santé.

En conclusion, M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a présenté le document préfigurant la mission « Santé » sur lequel le Parlement sera amené à se prononcer à partir de l'année prochaine, conformément au calendrier retenu pour la mise en oeuvre de la LOLF.

Cette mission sera divisée en quatre programmes : santé publique et prévention, offre de soins et qualité du système de soins, drogue et toxicomanie, conception et gestion des politiques de santé. Il a observé que, désormais, les actions relatives à la sécurité sanitaire ne figureront plus dans le budget de la santé mais dans une mission interministérielle spécifique « Sécurité sanitaire » et il a approuvé le principe d'individualiser les crédits de prévention consacrés à la lutte contre la drogue et à la toxicomanie dans un programme particulier.

Il a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé, ainsi qu'aux articles 77, 78 et 79 rattachés à ce budget.

M. Guy Fischer a considéré que cette présentation budgétaire avait mis en relief un foisonnement de mesures nouvelles qui rend peu crédible la capacité de la politique de santé publique à atteindre les trop nombreux objectifs retenus par le Gouvernement.

Il a observé que, dans le domaine de l'accès aux soins, le plan « Hôpital 2007 » a bouleversé profondément le paysage sanitaire et qu'il s'est traduit par la fermeture de nombreux établissements de proximité.

M. André Lardeux a observé que les nombreux plans présentés par le ministre de la santé répondent au souci de prendre en charge l'ensemble des problèmes de santé publique répertoriés par les groupes d'experts qui ont préparé la loi de santé publique. Il a considéré que cette multitude d'objectifs est susceptible de produire des effets négatifs, notamment lorsqu'il s'agit de répartir les moyens financiers disponibles pour leur mise en oeuvre. Il a exprimé le souhait que les pouvoirs publics concentrent leur action sur un nombre limité de priorités sanitaires, et notamment l'urgente nécessité des mesures destinées à prévenir la survenance d'une épidémie de grippe aviaire.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a précisé que les moyens financiers du ministère de la santé sont, en priorité, concentrés sur quelques grandes pathologies, dont la lutte contre le cancer. Il a indiqué que l'institut de veille sanitaire (InVS) et l'institut Pasteur sont chargés d'une veille spécifique afin de prévenir l'arrivée en France de la grippe aviaire.

M. Alain Vasselle a confirmé la nécessité de mieux identifier les différentes sources de financement de la politique de santé publique. Il a estimé que la transparence des comptes est une condition essentielle pour évaluer cette politique dans son intégralité. Il a appelé au développement d'une politique sanitaire de proximité, en évoquant les difficultés rencontrées par certains départements dans la lutte contre l'échinococcose alvéolaire hépatique (parasite transmis à l'homme par les animaux, notamment le renard) et a voulu connaître les moyens disponibles pour lutter contre cette maladie. Il s'est interrogé ensuite sur les raisons de la présence de nombreux médecins étrangers dans les établissements de santé et si cette situation résultait d'une mauvaise gestion du numerus clausus établi pour limiter le nombre d'étudiants en médecine.

Mme Bernadette Dupont a voulu connaître les moyens consacrés au dépistage du cancer du sein et à la prise en charge du sida.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est interrogée sur les moyens mis en oeuvre par le budget de la santé pour l'acquisition d'appareils modernes d'imagerie fonctionnelle (Pet-scan) destinés au dépistage du cancer. Elle a également voulu connaître les mesures destinées à la lutte contre la bronchiolite et les crédits consacrés au financement des activités psychiatriques et à la périnatalité.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a rappelé que si le budget du ministère de la santé accorde une attention particulière au financement de la lutte contre le cancer, le financement des équipements relève des budgets consacrés par l'assurance maladie au plan « Hôpital 2007 ». De la même manière, le financement des activités psychiatriques est assuré par la dotation globale hospitalière, tout comme le plan périnatalité récemment mis en oeuvre par le ministre de la santé.

M. Michel Esneu a souligné les lacunes de la politique de dépistage systématique du cancer du sein, mise en oeuvre par les pouvoirs publics. Il a souhaité le lancement d'une campagne d'information nationale à destination des médecins généralistes afin que ceux-ci soient régulièrement sensibilisés à la nécessité d'aiguiller leurs patientes vers ce programme de dépistage.

M. Jean-Claude Etienne s'est préoccupé des modalités de participation des collectivités locales au financement de la politique sanitaire. Il s'est surtout soucié des moyens de lutte prévus par le Gouvernement en cas de survenance d'une épidémie de la grippe aviaire sur le territoire national.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis, a rappelé que la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a prévu la mise en oeuvre de plans régionaux de santé publique, auxquels pourront s'associer les collectivités territoriales. Il a confirmé que des mesures de prévention et de veille sanitaires étaient déjà prises pour lutter contre l'apparition de l'épidémie de grippe aviaire. Il a proposé d'interroger le ministre sur cette question à l'occasion de l'examen des crédits de la santé en séance publique.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la santé pour 2005 ainsi qu'aux articles 77 à 79 qui lui sont rattachés.

PJLF 2005 - Crédits consacrés à la solidarité - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés à la solidarité).

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits consacrés à la solidarité s'élèvent à 8,7 milliards d'euros en 2005 et qu'ils progressent à nouveau de 5,2 % par rapport à l'année précédente, hors décentralisation et transferts de compétences entre ministères, afin de financer deux priorités : la cohésion sociale et le handicap. Il convient d'y ajouter les financements apportés par la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), soit 550 millions d'euros en 2005, dont 390 millions qui permettront d'abonder des dispositifs jusqu'ici à la charge de l'État.

Abordant le domaine de la lutte contre les exclusions, il a expliqué que, 1,5 milliard d'euros y sont consacrés et que ces crédits s'élèvent même à près de 7,2 milliards d'euros, si l'on inclut les deux minima sociaux que sont l'allocation de parent isolé (API) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Ces deux minima sociaux augmentent massivement (4 % pour l'AAH et 12 % pour l'API), ce qui montre que le budget est construit sur des hypothèses de progression plus réalistes que celles retenues l'an dernier. Il a toutefois regretté que l'État reste redevable de plus de 177 millions d'euros à la branche famille au titre de ces deux allocations, malgré l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative pour 2004.

Revenant sur la question de l'AAH, il a rappelé que le projet de loi « personnes handicapées » encourage le retour à l'emploi des personnes handicapées, grâce à un cumul plus avantageux de l'AAH avec un revenu d'activité. Le coût de cette mesure s'élève à 43,5 millions d'euros, sans qu'on sache si l'impact de cette mesure a été pris en compte dans la construction du projet de budget pour 2005.

Remarquant la stabilité, à hauteur de 233 millions d'euros, des crédits de l'aide médicale d'État (AME), M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a souligné que la dépense s'établira pourtant vraisemblablement, comme chaque année, entre 490 et 500 millions d'euros. Il a rappelé que le Parlement avait adopté deux réformes de l'AME mais que celles-ci n'étaient toujours pas entrées en vigueur, faute de décrets d'application, alors qu'elles sont susceptibles de permettre 100 millions d'euros d'économies. Il a toutefois reconnu qu'un rebasage de la dotation demeure indispensable, pour éviter un endettement chronique à l'égard de l'assurance maladie.

Dans le domaine de l'hébergement d'urgence et d'insertion, il a expliqué que le projet de budget pour 2005 favorise la création de nouvelles places d'accueil, tout en consolidant le dispositif existant. Il a précisé que l'assainissement budgétaire des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sera poursuivi et la rémunération de l'hôte des maisons relais améliorée.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite fait valoir que le projet de budget pour 2005 poursuit le développement de l'action sociale en faveur des migrants, notamment à travers l'augmentation des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et la création d'une future agence chargée de l'accueil des étrangers et des migrations.

S'agissant des personnes handicapées, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a remarqué que la priorité qui leur est accordée est confirmée, même si la définition des responsabilités respectives de l'État, de l'assurance maladie et de la CNSA dépend de l'adoption du projet de loi « personnes handicapées ».

Les crédits qui leur sont destinés en 2005 s'élèvent à 7,5 milliards d'euros, en progression de près de 5 % par rapport à l'année précédente.

Dans le domaine de l'accueil en établissements, le financement des créations de places sera, en grande partie, assuré par la CNSA, celle-ci prenant intégralement en charge les 3.000 nouvelles places de centres d'aide par le travail et les deux tiers des 6.650 places en établissements pour enfants et adultes lourdement handicapés soit 158 millions d'euros.

Ces dépenses étant normalement financées par l'assurance maladie, il s'est interrogé sur l'ampleur de ce report de charge vers la CNSA, qui est susceptible d'absorber l'intégralité de ses capacités financières si l'ensemble de la dépense devait lui être affecté. Il a estimé qu'une réflexion sur les modalités d'intervention de la Caisse en la matière est indispensable, ce qui suppose de faire des choix cohérents.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite salué le fait que le soutien à la vie à domicile soit devenu une composante à part entière de la politique en faveur des personnes handicapées, grâce au développement des services d'auxiliaires de vie et des sites pour la vie autonome. Il s'est félicité de ce que le Gouvernement ait choisi de ne pas attendre la création de la future prestation de compensation pour améliorer concrètement la situation des personnes handicapées souhaitant vivre à domicile : 180 millions d'euros provenant de la CNSA seront accordés au financement des auxiliaires de vie et 110 millions d'euros aux fonds départementaux de compensation des sites pour la vie autonome.

S'agissant des enfants handicapés, il a salué le fait que, conformément aux dispositions du projet de loi « handicap », le soutien à l'intégration scolaire des enfants handicapés sera désormais à la charge de l'éducation nationale : 800 nouveaux postes d'auxiliaires d'intégration scolaire seront créés à la rentrée 2005, qui s'ajouteront aux 6.000 instaurés en 2004.

Concernant les jeunes adultes maintenus en établissements pour enfants, au titre de l'amendement Creton, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est félicité qu'un dispositif soit enfin prévu par le projet de loi sur le handicap pour planifier les ouvertures de places nécessaires et que l'imbroglio juridique relatif au prix de journée de ces jeunes adultes puisse être prochainement dénoué par voie d'ordonnance.

Il a ensuite souligné la nécessité d'assurer une entrée en vigueur, dans de bonnes conditions, du projet de loi « handicap ». Regrettant qu'il ne puisse être applicable dès le 1er janvier 2005, comme prévu initialement, il s'est engagé à obtenir des précisions sur le montant des ressources de la CNSA mobilisées en 2005 et les actions auxquelles elles seront affectées.

Il a ensuite relevé que l'apparition de la CNSA parmi les financeurs de la politique du handicap justifie une amélioration de la lisibilité du financement de cette politique. Il a donc salué l'initiative du Gouvernement qui, dans le cadre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, a décidé de rattacher le programme consacré au handicap et à la dépendance non pas aux seuls crédits de l'État, mais à l'ensemble de la dépense publique dans ce domaine. Il a également observé la pertinence de la plupart des indicateurs chiffrés de performance.

Abordant enfin l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a indiqué que la dépense prévisionnelle d'aide sociale pour 2004 s'élève à plus de 22 milliards d'euros, soit une progression de 33,7 % par rapport à l'année précédente. Quatre facteurs expliquent cette inflation continue des dépenses : la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI), la poursuite de l'accroissement des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'augmentation des dépenses en faveur des personnes handicapées et, de façon plus préoccupante encore, l'inflation du coût des prestations en établissements et services sociaux et médico-sociaux. Ce dernier facteur donne une acuité particulière à la question de la maîtrise des dépenses de personnel dans ces établissements.

Il a rappelé que l'année 2003 a marqué la fin d'une période de modération salariale forcée et que, en conséquence, le coût de l'application des accords collectifs a été presque multiplié par trois en 2003. Il a ainsi souligné que les engagements conventionnels de l'année 2003 et des années antérieures grèvent d'ores et déjà la masse salariale des établissements médico-sociaux de plus de 116 millions d'euros.

Il a également fait valoir que l'année 2003 a correspondu à la fin des aides à la réduction du temps de travail Aubry I et Aubry II, ce qui a alourdi de plus de 500 millions d'euros les charges des établissements. Ces difficultés mettent en lumière la contrainte à laquelle est soumis le financement des établissements médico-sociaux : la quasi-totalité de leurs ressources provient de fonds publics, mais leur gestion relève du droit privé.

Il a estimé que le dispositif d'agrément des conventions collectives de ce secteur n'incite pas suffisamment à la maîtrise de la masse salariale et qu'il est donc indispensable de parvenir à un système où les partenaires sociaux de la branche soient réellement responsabilisés. Plus largement, il a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur les relations entre financeurs et établissements médico-sociaux et il a proposé de faire reposer le financement des établissements sur un conventionnement pluriannuel.

Approuvant les orientations et les priorités retenues par ce budget, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005.

M. André Lardeux a insisté sur le fait que les crédits de la CNSA devaient être consacrés à des actions nouvelles et non au financement de mesures normalement à la charge de l'État ou de l'assurance maladie. Il a plaidé pour que le budget de cette Caisse soit examiné annuellement par le Parlement, éventuellement sous la forme d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il a précisé que la fraction des prix de journée payée par les conseils généraux au titre des dépenses de personnel représentait 80 % du total et que les salariés des établissements médico-sociaux cumulaient les avantages du secteur public et du secteur privé.

Il a estimé que les gouvernements successifs ont fait preuve de laxisme dans l'agrément des conventions collectives de ce secteur, sans se soucier de leur impact sur l'assurance maladie et les départements. Il a indiqué que, dans son département, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail avait coûté l'équivalent de la création de 200 places nouvelles en établissements pour personnes handicapées.

Il a déclaré qu'il n'était pas opposé à un conventionnement pluriannuel des établissements mais qu'un tel dispositif se heurterait à la règle de l'annualité budgétaire à laquelle les départements restent soumis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a insisté sur le fait que l'année 2005 était une année de transition en matière de handicap. Il a expliqué que le Gouvernement n'avait pas souhaité attendre la parution des décrets d'application de la loi sur le handicap pour affecter les ressources de la CNSA à des actions en faveur du droit à compensation des personnes handicapées. Il a toutefois reconnu que les financements de la caisse devraient être clarifiés en 2006.

M. Alain Vasselle a plaidé pour que, comme en matière de sécurité sociale, les transferts de charges vers la CNSA s'accompagnent des recettes correspondantes. Il a souhaité que le statut des personnels des établissements médico-sociaux soit clarifié et que les partenaires sociaux soient davantage responsabilisés face à l'évolution des salaires.

Il a voulu connaître l'articulation prévue entre l'AAH et la future prestation de compensation, certaines associations faisant courir le bruit que la nouvelle prestation pourrait venir en substitution de l'AAH.

Il s'est enfin insurgé contre l'interprétation erronée du décret concernant le conseil de la vie sociale dans les établissements qui conduit à rendre obligatoire la présidence de ce conseil par une personne handicapée, éventuellement handicapée mentale.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a reconnu qu'un travail pédagogique important devrait être entrepris auprès des associations, des familles et des personnes handicapées elles-mêmes afin d'éviter la propagation de rumeurs infondées concernant notamment le niveau de la prestation de compensation. Il a estimé, par ailleurs, que certaines associations faisaient preuve de mauvaise foi et laissaient se répandre de telles rumeurs en réaction à l'amendement présenté par le président Nicolas About concernant la place des associations gestionnaires et non gestionnaires dans la représentation des personnes handicapées.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est étonnée du fait que les barèmes nécessaires à la mise en oeuvre de la prestation de compensation ne soient pas prêts, alors que des classifications internationales et européennes existent et sont facilement transposables en France.

Mme Bernadette Dupont a rappelé que la convention collective de 1966 applicable dans les établissements médico-sociaux était particulièrement favorable. Elle a pourtant constaté que ces établissements devaient faire face à une pénurie de personnel qui les plaçait parfois dans une situation de maltraitance passive. Elle a estimé que les vives réactions des associations sur la proposition de distinguer entre les gestionnaires d'établissement et les représentants des personnes handicapées s'expliquaient principalement par la crainte des parents d'être exclus à l'avenir de la gestion des établissements.

M. Jean-Pierre Godefroy a également souhaité relayer l'émoi provoqué par ce qui est perçu comme une contestation du rôle des associations. Il a estimé que les inquiétudes de ces associations étaient sincères, à défaut d'être totalement fondées.

Enfin, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la solidarité pour 2005.

Mercredi 1er décembre 2004

- Présidence de M. Nicolas About, président -

PJLF pour 2005 - Crédits consacrés au travail et à l'emploi - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Souvet sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés au travail et à l'emploi).

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a rappelé le montant élevé, plus de 32 milliards d'euros, du budget du travail et de l'emploi, qui résulte, en grande partie, de l'abondement apporté au titre de la compensation par l'État des allègements de cotisations sociales. Les crédits semblent baisser de 0,3 % par rapport à 2004, mais ils progressent en réalité, à périmètre constant, de 1,8 %, c'est-à-dire à un rythme proche de celui des dépenses de l'État. Ce projet de budget permettra de financer l'ensemble des mesures du plan de cohésion sociale.

Puis M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a décrit le contexte dans lequel s'inscrit la politique de l'emploi. Après la conjoncture difficile de 2003, des signes d'amélioration ont été constatés au cours de l'année écoulée, insuffisants toutefois pour faire baisser le chômage. Celui-ci reste au niveau élevé de 9,9 % de la population active, supérieur d'1,8 point à la moyenne de l'Europe des quinze. Sachant que les créations d'emplois suivent toujours la croissance avec retard, l'année 2005 devrait être marquée par une nette amélioration du marché du travail et une franche baisse du chômage, évaluée à 10 % par le Gouvernement.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les difficultés de recrutement que connaissent certains secteurs, qu'il a attribuées à une mauvaise adéquation entre offre et demande de travail. Pour y remédier, le projet de loi de cohésion sociale ouvre l'activité de placement à des acteurs privés, renforce la coordination entre l'État, l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et favorise la complémentarité de ces partenaires par la création des maisons de l'emploi, auxquelles sont consacrés 120 millions d'euros en 2005.

Puis il a exposé l'étendue de la dégradation des comptes de l'UNEDIC, dont la dette est proche de 10 milliards d'euros et qui ne devrait pas revenir à l'équilibre avant fin 2008.

Il a ensuite relevé que le projet de budget prend en compte la réforme des contrats aidés prévue par le projet de loi de cohésion sociale. La fin annoncée des emplois jeunes permet d'économiser 580 millions d'euros, qui seront affectés notamment aux futurs contrats d'avenir. Les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi-consolidés (CEC) seront remplacés par le contrat d'accompagnement vers l'emploi.

Parmi les contrats déjà existants, mais qui seront rénovés, le contrat initiative-emploi (CIE) deviendra le seul contrat aidé dans le secteur marchand et son régime sera assoupli afin qu'il puisse s'adapter aux situations locales ; le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA), qui n'a pas répondu aux attentes, sera désormais ouvert aux titulaires de l'allocation spécifique de solidarité et les droits sociaux des bénéficiaires seront renforcés ; le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) ne comportera plus de volet « emplois d'utilité sociale » et la gestion de son volet « accompagnement » pourrait être transférée à l'État pour conserver un instrument que les régions semblent peu enclines à utiliser.

Enfin, la mesure phare du projet de loi de cohésion sociale consiste en la création du contrat d'avenir qui s'adressera aux bénéficiaires de minima sociaux. Il s'agit d'un contrat d'une durée maximale de trois ans, signé avec des employeurs du secteur non marchand, comportant un accompagnement personnalisé et qui devra déboucher sur une qualification ; 383 millions d'euros sont inscrits dans le projet de budget pour financer cette mesure.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a attiré l'attention sur le mode innovant de gestion de ces crédits : les fonds consacrés aux contrats initiative-emploi et aux contrats d'accompagnement vers l'emploi seront désormais regroupés dans une enveloppe unique régionale, gérée librement par le préfet.

Puis il a abordé la réforme du dispositif d'allégements de charges sociales, qui absorbe plus de la moitié des crédits du travail et de l'emploi.

Soulignant que l'allègement « Fillon » avait permis d'atténuer de 60 % l'impact de l'augmentation rapide du SMIC, décidée par le Gouvernement pour sortir du système aberrant des « SMIC multiples », il a rappelé que la convergence des SMIC sera achevée l'an prochain. Le SMIC horaire aura, au total, progressé de 18 % en trois ans.

Le Gouvernement ne souhaite bien sûr pas remettre en cause la politique d'allègements de charges, qui a produit des résultats positifs, mais il propose de la cibler davantage sur les rémunérations proches du SMIC, là où les créations d'emplois sont le plus sensibles au coût du travail. Le projet de loi de finances prévoit donc de limiter le bénéfice de l'allégement de cotisations aux rémunérations inférieures à 1,6 SMIC, au lieu de 1,7 SMIC actuellement. Cette mesure permettra à l'État d'économiser 1,2 milliard d'euros.

Dans le même objectif et dans l'attente d'une décision au niveau européen, le Gouvernement a décidé de consacrer 550 millions d'euros à une nouvelle aide à l'emploi destinée aux secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, qui rencontrent des difficultés de recrutement particulièrement aiguës.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a abordé l'accompagnement des mutations économiques, qui recouvre trois séries de mesures.

La première est très directement liée aux restructurations de l'appareil productif. Les crédits correspondants augmentent de 21 %, notamment ceux destinés à la prévention des licenciements et au reclassement. Les crédits consacrés au financement de l'allocation temporaire dégressive augmentent aussi fortement (+ 82 %), pour permettre la revalorisation de cette allocation.

La deuxième concerne les mesures d'âge. Depuis quelques années, le Gouvernement s'efforce de restreindre l'accès aux préretraites, compte tenu de leur coût élevé pour les finances publiques. Cette orientation se confirme en 2005 : les préretraites progressives, créées au début des années 1980, vont disparaître, en application de la loi réformant les retraites. Le rapporteur a toutefois observé que la demande de préretraites demeure cependant très forte et que le Gouvernement a dû recourir, en 2004, à deux décrets d'avance pour recalibrer les crédits nécessaires au financement de ce dispositif.

La dernière a trait au financement du régime de solidarité. La contribution de l'État au fonds de solidarité, qui verse notamment l'allocation de solidarité spécifique (ASS), baissera de 90 millions d'euros pour s'établir à 2,5 milliards d'euros en 2005 pour tenir compte de la diminution attendue du nombre d'allocataires.

En conclusion, M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a présenté la maquette budgétaire préparant l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Les crédits du travail seront répartis en cinq programmes (développement de l'emploi ; accès et retour à l'emploi ; accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques ; amélioration de la qualité de l'emploi ; gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail), eux-mêmes subdivisés en une vingtaine d'actions. Plusieurs dizaines d'indicateurs de performance, quantitatifs et qualitatifs, permettront de mieux évaluer l'efficacité des politiques publiques.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a contesté certains indicateurs, pour leur difficulté d'interprétation ou l'absence de mesure réelle de la performance mais, hormis ces réserves, il a porté un jugement globalement positif sur cette nouvelle nomenclature budgétaire.

Il a proposé de donner un avis favorable à l'adoption du budget du travail pour 2005, ainsi qu'aux articles 74 et 76 qui lui sont rattachés, sous réserve qu'un amendement soit apporté à l'article 76 pour en encadrer nettement le champ d'application.

M. Roland Muzeau a considéré que le rapporteur avait reçu une mission difficile : présenter de manière positive la politique du Gouvernement alors que les chiffres disponibles montrent que ses résultats sont catastrophiques. Il a estimé que l'échec patent du RMA validait les critiques émises, dès l'origine, par le groupe communiste républicain et citoyen. Il a insisté sur l'échec, tout aussi évident, du CIVIS. Il a jugé que le contrat initiative emploi n'avait pas eu d'effets positifs à la hauteur des allègements de charges consentis et estimé que le Gouvernement redécouvrait les vertus des contrats aidés dans le secteur non marchand. Il a dénoncé les mesures contenues dans le projet de loi de cohésion sociale qui revient sur des solutions jurisprudentielles plus favorables aux salariés et atteste de l'incapacité du Gouvernement à faire accepter au patronat ses responsabilités en matière sociale. En conséquence, les sénateurs de son groupe s'opposeront à l'adoption de ce budget.

Mme Françoise Henneron a approuvé l'analyse du rapporteur concernant les causes de l'échec du RMA et indiqué que, dans son département, le conseil général boycottait le dispositif.

Mme Gisèle Printz a contesté cette analyse, estimant que l'échec du RMA tenait à ses défauts de conception.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a demandé si les crédits affectés au financement des CES et CEC seraient également fongibles.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis, a indiqué que tel ne sera pas le cas : dans la mesure où ces contrats sont appelés à disparaître, il est seulement prévu de financer, en 2005, la poursuite des contrats déjà en cours. Il a confirmé les prévisions tablant sur une baisse sensible du chômage l'an prochain. Il a précisé, en réponse à une question que M. André Lardeux avait posée lors d'une précédente réunion, que l'ANPE facture désormais plus lourdement ses prestations aux départements, au titre du suivi des titulaires du RMI, parce que l'État ne contribue plus à ce dispositif depuis sa décentralisation.

M. André Lardeux a maintenu que les tarifs pratiqués par l'ANPE sont excessifs et qu'ils conduisent les départements à assurer eux-mêmes le suivi des titulaires du RMI.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles et de l'amendement présenté par le rapporteur.

Elle a adopté sans modification l'article 74 (révision du dispositif des allègements généraux de cotisations sociales patronales).

A l'article 76 (concours de la CNSA au financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés), elle a adopté un amendement limitant, à la seule année 2005, le dispositif proposé et renvoyant le règlement définitif de cette question au projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

Enfin la commission a donné unavis favorable à l'adoption des crédits consacrés au travail, à l'article 74 et à l'article 76 ainsi amendé.

PJLF pour 2005 - Crédits consacrés à la formation professionnelle - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Janine Rozier sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés à la formation professionnelle).

Après avoir rappelé les insuffisances du système de formation professionnelle, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a indiqué que le Gouvernement s'est attaché à le réformer au cours de l'année 2004 : la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a parachevé la décentralisation, en accordant aux régions la pleine responsabilité de la formation professionnelle, des jeunes et des adultes ; la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie a garanti ce droit à la formation à chaque salarié ; le texte habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, actuellement déféré au Conseil constitutionnel, autorise l'adaptation par voie d'ordonnance des règles applicables sur le marché de la formation professionnelle ; enfin, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, en cours d'examen par le Parlement, comporte de nombreuses dispositions sur l'apprentissage et la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. La future loi d'orientation sur l'école devrait clore ce mouvement de réforme.

Elle a justifié l'urgence de ces réformes par la nécessité d'encourager la compétitivité économique de notre pays sur la scène internationale, de donner à chaque salarié de réelles chances de préserver ou d'améliorer ses compétences et à chaque demandeur d'emploi de retrouver sa place sur le marché du travail. Le projet de loi de finances pour 2005 constitue, à cet égard, une étape supplémentaire pour accompagner financièrement la mise en oeuvre de ces réformes.

Procédant ensuite à l'analyse des crédits de la formation professionnelle, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a dénoncé la complexité de la nomenclature budgétaire, qui varie d'une année sur l'autre, ce qui rend difficile la détermination des vrais chiffres de la formation professionnelle et la distinction claire entre les crédits qui relèvent de l'emploi et ceux qui se rapportent à la formation professionnelle. Elle a espéré plus de lisibilité dans la nouvelle présentation budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2003 à partir de l'année prochaine. Mais d'ores et déjà, elle s'est étonnée de la complexité de l'intitulé choisi pour désigner, au sein de la future mission travail, les crédits de la formation, regroupés dans le programme 3 « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques ».

Malgré la baisse apparente de 3 %, le budget de la formation professionnelle augmente, à périmètre constant, de 1,9 % en 2005 par rapport aux crédits votés en 2004. Les dotations allouées à la formation en alternance s'élèvent à 1,9 milliard d'euros, soit une progression notable de 27 %, essentiellement au profit de l'apprentissage, conformément à l'objectif du plan de cohésion sociale de porter à 500.000 le nombre d'apprentis en cinq ans. Des mesures complémentaires, comme la création d'un crédit d'impôt au profit des entreprises qui emploient des apprentis ou l'exonération de cotisations sociales pour l'apprentissage dans la fonction publique (dispositif PACTE), portent à plus de 4 milliards d'euros la totalité des dépenses budgétaires en faveur de l'apprentissage.

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a fait observer que la réussite du programme de développement de l'apprentissage suppose également de stabiliser le droit de la formation, après l'intense activité législative observée cette année, de mobiliser l'éducation nationale, pour que l'apprentissage soit considéré comme une filière de réussite, d'orienter les jeunes vers les métiers offrant des débouchés réels et d'axer la politique de l'emploi sur l'insertion professionnelle des moins de vingt-cinq ans, dont le taux de chômage est le double de la moyenne nationale. Il convient désormais d'anticiper sur le prochain départ à la retraite d'un demi million de petits employeurs et d'artisans et de se préparer à la compétitivité internationale, notamment avec le développement des langues étrangères et des nouvelles technologies.

Par ailleurs, elle a suggéré un assouplissement des modalités d'exécution du contrat d'apprentissage, arguant du fait qu'on ne peut pas encourager les employeurs à embaucher des apprentis si on leur impose, dans le même temps, des contraintes trop lourdes.

Se félicitant des avancées introduites en ce sens par le plan de cohésion sociale, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a néanmoins estimé qu'il faudra veiller à ce que le nouveau crédit d'impôt ne suscite pas de comportements opportunistes de la part de certaines entreprises. A l'inverse, elle a déploré la charge supplémentaire résultant de la création d'une nouvelle contribution à l'apprentissage et de la suppression des exonérations de taxe d'apprentissage pour les entreprises qui n'embauchent pas d'apprentis. Pour cette raison, elle proposera la suppression de l'article 75 rattaché au projet de loi de finances pour 2005.

Concernant les contrats de professionnalisation, qui ont remplacé les contrats de qualification, d'orientation et d'adaptation depuis le 1er octobre 2004, elle s'est félicitée de l'augmentation importante des crédits qui leur sont destinés, tout en estimant que leur succès dépendra, pour beaucoup, du dynamisme du dialogue social de branche et de la capacité des partenaires sociaux à privilégier les publics les plus en difficulté.

Concernant les crédits affectés aux formations des demandeurs d'emploi pris en charge par l'État, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a souligné la légère augmentation des crédits de rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ; elle a regretté, en revanche, la baisse importante des dépenses de fonctionnement mais a noté, avec satisfaction, que les crédits destinés à la validation des acquis de l'expérience, aux ateliers de pédagogie personnalisée et à l'illettrisme augmentent de manière sensible. Quant à la reconduction de la subvention accordée à l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), elle témoigne du souci du Gouvernement d'accompagner efficacement la régionalisation de ses activités et sa mise en concurrence avec les autres organismes de formation, en attendant la signature prochaine de la convention tripartite entre l'État, les régions et l'AFPA. A cet égard, il convient, selon elle, de faire un distinguo plus précis entre ce qui relève des activités de service public faisant l'objet d'une subvention et ce qui relève du financement par le marché, qui doit être ouvert à la concurrence sur le territoire régional.

Abordant alors les crédits consacrés à la décentralisation de la formation professionnelle, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a indiqué que les dotations de l'État aux régions augmentent de plus de 10 % grâce à la hausse des crédits relatifs aux transferts des primes d'apprentissage, à la création d'une nouvelle ressource propre en faveur des régions, à la contribution au développement de l'apprentissage, et surtout à l'importance des crédits destinés au contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS). Sur ce dernier point, elle a néanmoins précisé que des évolutions interviendraient certainement au cours du débat budgétaire. En effet, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a souhaité transférer à l'État la gestion du CIVIS des régions, ce qui entraînerait, si l'Assemblée nationale entérinait cette proposition, la suppression du volet « associations » et la réduction des crédits consacrés aux deux autres volets « accompagnement vers l'emploi » et « création d'entreprise », puisqu'aucun contrat n'a été conclu, en l'absence de décret d'application.

En conclusion, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a salué le volontarisme de ce budget pour 2005 qui lui a semblé à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement dans le plan de cohésion sociale et dans la loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie et sur le dialogue social. Elle a néanmoins appelé à la suppression, par voie d'amendement, de l'article 75 rattaché.

M. Roland Muzeau a considéré que l'intitulé du futur programme 3 relatif aux crédits de la formation professionnelle n'est pas fortuit et qu'il reflète la politique menée par le Gouvernement en matière de restructurations. Il a fait part ensuite de son inquiétude au sujet de l'avenir de l'AFPA et de ses salariés.

Mme Françoise Henneron s'est interrogée sur les raisons des difficultés vécues par les jeunes lorsqu'ils souhaitent trouver une entreprise d'accueil dans le cadre de leurs contrats en alternance.

S'associant à cette observation, M. Claude Bertaud a demandé si des mesures seraient prises pour remédier à ces difficultés, dans le cadre des nouveaux contrats de professionnalisation.

Mme Gisèle Printz a ajouté que le développement de l'apprentissage suppose de trouver des débouchés pour les jeunes ainsi recrutés, mais aussi de disposer de centres de formations et de formateurs en nombre suffisant pour pouvoir accueillir les candidats. Elle a également soulevé la question du contrôle des organismes de formation.

M. Jean-Pierre Godefroy a exprimé ses inquiétudes vis-à-vis de l'amendement adopté par le Sénat, sur proposition de M. Serge Dassault, tendant à inscrire, dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le développement du préapprentissage à quatorze ans. Il a manifesté sa préférence pour les stages de découverte des métiers en entreprise. Il a ensuite souhaité que l'apprentissage soit davantage encouragé dans les métiers de services.

M. Bernard Seillier a précisé que de tels stages de découverte existent déjà et qu'il s'agit bien d'améliorer l'orientation scolaire des jeunes. Il a ajouté, par ailleurs, que de nombreuses initiatives ont été prises par le Gouvernement en matière d'apprentissage, comme l'amélioration de la situation matérielle de l'apprenti, et qu'elles ne nécessitent pas toutes une traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances.

Regrettant également les insuffisances de l'orientation professionnelle des jeunes, Mme Valérie Létard a insisté sur la nécessité de sensibiliser les professeurs à l'orientation des élèves, en particulier vers les métiers de l'artisanat qui, dans les années à venir, connaîtront de fortes pénuries de main-d'oeuvre en raison des nombreux départs à la retraite.

Mme Françoise Henneron a ajouté que la formation en gestion et en nouvelles technologies doit être une priorité pour l'apprentissage, à une époque où il est devenu crucial de s'adapter à la technicisation des métiers.

Considérant que l'orientation professionnelle d'un jeune ne peut être réussie que si ce dernier est affecté dans la filière qui l'attire, M. Nicolas About, président, a souhaité que la future commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale puisse étudier à nouveau l'idée d'une période d'observation dans l'entreprise avant la signature de son contrat d'apprentissage par le postulant.

Mme Brigitte Bout s'est déclarée préoccupée par le sort réservé à la lutte contre l'illettrisme, en particulier chez les détenus.

En réponse, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a exposé le contenu du programme 3, en précisant qu'il se compose de trois « actions » sans rapport véritable avec les restructurations : le soutien à la professionnalisation des actifs, l'amélioration de la qualification des actifs et le développement de la validation des acquis de l'expérience, ainsi que l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques.

S'agissant de l'apprentissage, elle a partagé le souci de ses collègues d'améliorer l'orientation des jeunes et de mieux adapter les formations délivrées dans les centres de formation aux évolutions techniques, notamment par une sensibilisation des professeurs et des familles aux vertus de l'apprentissage. Elle a ajouté que les jeunes sont plus intéressés qu'on ne le croit par l'apprentissage, comme ils l'expriment à l'occasion des stages de découverte des métiers de l'entreprise effectués en période scolaire. Elle a néanmoins considéré que l'entrée en contrat d'apprentissage ne devrait pas commencer avant quinze ans. Le dispositif PACTE, qu'elle a considéré comme une opportunité réelle pour les jeunes désirant entrer dans la fonction publique, devrait faire l'objet d'une discussion entre les syndicats et le ministère de la fonction publique, lors de la négociation du 6 décembre prochain.

Concernant l'AFPA, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a indiqué que ses dirigeants lui ont assuré être satisfaits de la reconduction de leur subvention par l'État et qu'ils avaient conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de la formation des demandeurs d'emploi malgré le plan social qui affecte l'entreprise et les incertitudes liées à la régionalisation de leurs activités.

Dubitatif, M. Roland Muzeau a répliqué que telle n'était pas la position de l'intersyndicale de l'association.

Abordant la lutte contre l'illettrisme, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a affirmé qu'elle reste une priorité du Gouvernement, comme en témoigne l'augmentation des crédits en 2005.

Concernant les difficultés des jeunes en alternance à trouver une entreprise d'accueil, elle a assuré que les entreprises, notamment celles du bâtiment et des travaux publics, sont prêtes à faire des sacrifices pour remédier aux lacunes observées, ajoutant que les jeunes doivent être également soutenus dans leurs démarches de formation par un effort pédagogique important. Elle a espéré que les nouveaux contrats de professionnalisation, nés de la volonté des partenaires sociaux, rencontreront un succès plus grand que les contrats en alternance traditionnels.

La commission a ensuite procédé à l'examen de l'amendement proposé par le rapporteur.

Après avoir rappelé que l'article 75 rattaché avait pour objectif d'interrompre les exonérations de cotisations patronales consenties aux entreprises qui embauchent des apprentis, non pas à l'expiration du contrat mais à la date de l'obtention du diplôme, Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis, a justifié sa proposition de suppression en invoquant la nécessité d'alléger les prélèvements sur les entreprises, en particulier les plus petites, puis les incertitudes de gestion qui en résulteraient pour les employeurs, ainsi que le coût administratif de la mesure proposée à la fois pour les employeurs et l'administration, enfin, le signal négatif adressé aux maîtres d'apprentissage les plus performants dans leur mission d'insertion professionnelle des apprentis.

Après que M. Jean-Pierre Godefroy eut indiqué qu'il réservait son vote sur cet amendement et que M. Roland Muzeau eut précisé qu'il ne le votera pas, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2005, et adopté l'amendement de suppression de l'article 75 rattaché au projet de loi de finances pour 2005.

PJLF 2005 - Crédits consacrés à la ville et au logement - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Valérie Létard sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés à la ville et au logement).

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a considéré que, avec un budget de 423 millions d'euros, en hausse de 23 %, la politique de la ville est enfin dotée des moyens d'agir en faveur des quartiers les plus défavorisés.

Elle a rappelé la spécificité du budget de la ville, dont les crédits ne constituent qu'une part minime de l'ensemble des fonds publics qui contribuent à la politique urbaine et qui proviennent de différents ministères, des fonds européens, des collectivités territoriales, de la Caisse des dépôts et consignations et de la dotation de solidarité urbaine. En conséquence de cette pluralité d'intervenants, le ministère de la ville ne dispose que d'une marge de manoeuvre réduite pour mettre en oeuvre une politique globale dans les quartiers.

Elle a indiqué que le budget pour 2005 résulte d'évolutions contrastées : une hausse de 27,2 % de la dotation de solidarité urbaine (DSU), prévue par le projet de loi « cohésion sociale » pour donner aux communes les plus défavorisées les moyens de cofinancer des actions de politique de la ville sur leur territoire, une augmentation de 22,2 % des exonérations fiscales et sociales due à la relance des zones franches urbaines, mais une baisse de 1,6 % des crédits provenant des autres ministères, notamment ceux du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale alloués à l'insertion professionnelle.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a fait valoir que ce projet de budget prépare la nouvelle nomenclature applicable, à partir de 2006, en vertu de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Les crédits de la ville et du logement seront désormais rassemblés en une mission unique « ville et logement », répartie en quatre programmes, dont deux intéressent plus particulièrement la politique de la ville : le programme « rénovation urbaine », incluant la participation de l'État à l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), et le programme « équité sociale et territoriale », ayant pour objectif de réduire les inégalités sociales et économiques dans les quartiers. Elle a signalé que ce dernier programme fera l'objet, en 2005, d'une première expérimentation dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Bretagne et Rhône-Alpes.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a précisé les trois priorités de la politique de la ville pour 2005 : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, les actions de rénovation urbaine et la revitalisation économique des quartiers.

Le plan de cohésion sociale a notamment pour objectif de lutter contre l'échec scolaire, grâce à la création de dispositifs de réussite éducative dans les zones urbaines sensibles rassemblant, autour des enseignants, les différents professionnels de l'enfance ; 1,47 milliard d'euros y sont affectés pour la période 2005-2009, dont 62 millions d'euros pour 2005.

Il propose aussi une réforme de la DSU par un nouveau mode de son calcul, plus favorable aux communes situées en territoire prioritaire de la politique de la ville, et par un abondement exceptionnel et temporaire de cette dotation de 120 millions d'euros par an. En contrepartie, les crédits de fonctionnement des grands projets de ville (GPV) seront supprimés car les villes qui en bénéficient actuellement seront éligibles à la nouvelle DSU. Ayant par ailleurs constaté que les crédits d'investissement de ces GPV ont été majoritairement versés à l'ANRU depuis 2004, elle a estimé que ce transfert n'est pas illogique dès lors que les deux dispositifs concernent les mêmes territoires, mais qu'il appelle à une montée en puissance plus rapide de cette agence.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a rappelé à cet égard que, depuis la loi d'orientation pour la ville du 1er août 2003, la politique de la ville est fortement orientée vers le financement d'opérations de renouvellement urbain, via l'ANRU.

Cette agence, créée pour la période 2004-2008, devait être dotée de 1,2 milliard d'euros chaque année par ses différents partenaires (l'État, l'union d'économie sociale pour le logement, la Caisse des dépôts et consignations, les organismes HLM et les collectivités territoriales) mais sa mise en oeuvre a été trop lente pour respecter cet engagement.

Elle s'est réjouie donc que le Sénat ait reporté la fin de l'activité de l'ANRU à 2011 et qu'il ait doté l'agence de 4 milliards d'euros supplémentaires de l'État sur la période, lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a indiqué que la dernière priorité de la politique de la ville concerne la revitalisation économique des quartiers sensibles, qui présentent systématiquement un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes. L'effort portera désormais sur les zones franches urbaines (ZFU), dont le bilan est largement positif grâce à un régime d'exonérations sociales avantageux.

Abordant ensuite le budget du logement, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a considéré qu'il marque le renouveau d'une politique trop longtemps caractérisée, par l'inadéquation des programmes de construction, de réhabilitation et de démolition de logements locatifs sociaux aux besoins. Entre 1996 et 2003, le parc social ne s'est accru que de 44.000 logements par an en moyenne, alors qu'il en aurait fallu le double, les opérations de réhabilitation ont décru, pour ne plus atteindre que 76.000 logements en 2002, et les démolitions n'ont concerné qu'à peine 6.000 logements chaque année. En conséquence, l'offre de logements sociaux est insuffisante et 130.000 locaux vacants ne trouvent plus de locataires du fait de leur vétusté. Le problème est rendu plus aigu par la flambée des loyers et l'augmentation massive du prix de l'immobilier actuellement constatées.

Elle a fait valoir que, dans un contexte pourtant difficile, l'année 2004 a témoigné d'un premier retournement de tendance : 80.000 logements sociaux ont été construits grâce à la mise en place de l'ANRU et à la baisse du taux du livret A. L'année 2005 devrait confirmer cette évolution positive grâce aux 6,5 milliards d'euros de dotations budgétaires, soit une hausse de 3,4 % particulièrement sensible pour la construction de logements locatifs sociaux et pour l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) qui assure leur rénovation.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a indiqué ensuite que, dans sa présentation future, le budget du logement sera divisé en trois programmes : « rénovation urbaine », « développement et amélioration de l'offre de logement » et « aide à l'accès au logement ».

La structure du budget conserve, en 2005, ses grands équilibres, les aides à la personne étant toujours largement majoritaires.

Elle a rappelé la diversité et la complexité de gestion de ces aides, malgré les mesures de simplification dont elles ont fait l'objet, mais qui n'ont pas débouché encore sur la création d'une aide unique, déterminée en fonction des ressources du ménage, de sa dépense de logement et de la composition de la famille. Elle a également regretté l'application de plusieurs mesures d'économie sur les aides à la personne : l'absence de revalorisation du barème qui devait normalement intervenir au 1er juillet dernier et l'augmentation du minimum de perception de 15 à 24 euros conduisant à l'exclusion d'environ 75.000 familles du bénéfice de ces aides.

S'agissant des aides à la pierre, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a estimé que, bien qu'elles ne représentent qu'une part minoritaire des crédits du logement, elles constituent désormais des leviers essentiels de la nouvelle politique du logement, tant pour le parc social que pour l'habitat privé. Le plan de cohésion sociale prévoit la construction de 500.000 logements locatifs sociaux, grâce à une contribution de l'État de 2,37 milliards : 442 millions d'euros en 2005, effectivement inscrits dans le projet de loi de finances, et 482 millions d'euros pour les quatre années suivantes.

En matière de parc privé, elle s'est réjouie de ce que l'ANAH soit fortement sollicitée par le plan de cohésion sociale, après plusieurs années de réductions budgétaires sévères qui l'ont obligée à limiter son champ d'action. Entre 2005 et 2009, l'agence devrait doubler son activité, financer 200.000 logements à loyer maîtrisé et permettre la remise sur le marché de 100.000 logements vacants, grâce à une augmentation de dotation de l'État de 70 millions d'euros en 2005, puis de 140 millions d'euros par an à compter de 2006.

Elle a présenté ensuite la réforme du prêt à taux zéro (PTZ), proposé par le projet de loi de finances qui revalorise son montant, applique un plafond de ressources plus favorable aux ménages modestes et aux familles, soit 240.000 bénéficiaires potentiels, et l'ouvre aux locaux anciens sans condition de travaux.

En conclusion, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a estimé que l'enjeu majeur de l'année 2005 demeure la présentation au Parlement du projet de loi « habitat pour tous », pour définir une nouvelle politique en faveur de l'accession sociale à la propriété. Elle s'est déclarée très favorable à la mise en oeuvre prochaine d'initiatives innovantes en la matière, au moment où la flambée des prix de l'immobilier rend cette faculté quasi impossible pour les ménages modestes.

M. Roland Muzeau a indiqué que les nouvelles règles applicables au versement des aides au logement pénalisent 200.000 familles, ce dont l'ensemble des associations familiales se sont émues. Il a souhaité que d'autres solutions soient trouvées, notamment celle d'un versement annuel lorsque le montant mensuel de l'aide est inférieur à un certain seuil.

M. André Lardeux s'est inquiété de la création d'une aide au logement unique qui pourrait pénaliser certains bénéficiaires des allocations de logement familiale et sociale. Il a constaté que les crédits affectés à la construction de logements très sociaux, via les prêts locatifs aidés-insertion (PLA-I), étaient rarement consommés compte tenu de la réticence de nombreux élus à l'accueil de publics très défavorisés sur le territoire de leur commune.

Abordant la question de l'accession sociale à la propriété, M. Michel Esneu a indiqué que l'estimation faite par les Domaines du prix de vente des logements sociaux sur la base des prix actuels de l'immobilier ne permet pas aux actuels locataires de ces logements de s'en porter acquéreur. S'agissant de l'accès des ménages modestes au secteur locatif privé, il a considéré que le principe du versement d'une caution constitue un obstacle considérable et a souhaité que ce privilège des bailleurs soit supprimé au profit du seul état des lieux.

M. Alain Gournac a fait valoir que l'amendement qu'il avait proposé au projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les modalités de versement des aides au logement reste d'actualité et il a souhaité qu'il soit à nouveau discuté à l'occasion de la discussion du budget du logement. Il a également estimé qu'il faut faciliter l'accès au logement social des plus défavorisés, regrettant à cet égard que les organismes HLM préfèrent garder dans leur parc les ménages les plus aisés pour limiter les risques d'impayés.

Mme Janine Rozier a rappelé que de nombreux logements ont fait l'objet ces dernières années d'opérations de réhabilitation sans résultat durable, alors que les crédits ainsi utilisés auraient pu servir à la construction de nouveaux logements. Elle s'est également étonnée de la présence, dans le parc social, d'habitants dont les revenus sont largement supérieurs au plafond requis pour les locataires.

Mme Michèle San Vicente a répondu à Mme Janine Rozier que certains locaux ont, au contraire, été démolis alors qu'ils auraient pu tout aussi bien être rénovés. Elle a regretté le manque de lisibilité du budget de la ville et considéré qu'il se réduit désormais aux opérations de rénovation urbaine, au financement des dispositifs de réussite éducative et à la dotation de solidarité urbaine, sans vision politique d'ensemble. Elle s'est interrogée sur le risque de voir les crédits de l'ANRU orientés de manière privilégiée vers le financement d'opérations de réhabilitation et de construction de logements intermédiaires.

M. Alain Gournac a soulevé deux problèmes relatifs à l'occupation du parc social, celui de la sous-occupation des grands logements par des ménages qui n'ont plus d'enfant à charge et celui des logements qui ne sont utilisés que quelques mois par des familles qui possèdent des résidences secondaires.

En réponse, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a partagé le souci de M. Roland Muzeau en considérant regrettables les récentes mesures sur les aides au logement.

Elle a indiqué à M. André Lardeux que l'objectif de simplification des aides au logement ne tient pas tant à la création d'une aide unique qu'à la mise en oeuvre de modalités de calcul plus cohérentes. Concernant la construction de logements en PLA-I, elle a considéré qu'il s'agit de la conséquence d'une mauvaise application des programmes locaux de l'habitat (PLH) et a estimé que cet outil, et plus généralement l'article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU), devront faire l'objet d'une réforme dans la prochaine loi Habitat pour tous.

Approuvant M. Michel Esneu, elle a précisé qu'à peine 7.000 logements HLM sont vendus chaque année, les bailleurs souhaitant conserver les logements les plus récents qui pourraient intéresser des acheteurs. Sur le problème des cautions, elle a reconnu qu'il n'existe pas de solution alternative autre que le recours exceptionnel des caisses d'allocations familiales et des fonds de solidarité pour le logement (FSL). Elle a souhaité qu'une réflexion soit menée sur ce sujet, notamment sur l'éventualité de créer un fonds de garantie spécifique.

Elle a indiqué à Mme Janine Rozier que l'objectif de l'ANRU est de démolir les logements vacants pour lesquels une réhabilitation serait inutile et que, pour éviter les dégradations à l'avenir, les organismes HLM sont invités à signer des conventions de rénovation de patrimoine et de gestion urbaine de proximité avec les partenaires de la politique de la ville.

Enfin, elle a reconnu, avec Mme Michèle San Vicente, que la politique de la ville est effectivement majoritairement orientée vers la rénovation urbaine mais que l'accompagnement social des populations n'est pas pour autant oublié puisqu'il est prévu dans le cadre de chaque dispositif.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la ville et au logement pour 2005.

Table ronde - reconnaissance de la Nation et contribution nationale

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de MM. Paul Blanc, secrétaire, puis de Bernard Seillier, vice-président, la commission a organisé une table ronde sur le projet de loi n° 356 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Étaient présents M. Boussad Azni, président du Comité national de liaison des harkis (CNLH), Mme Andrée Bonhomme, présidente du Rassemblement et coordination des rapatriés et spoliés d'outre-mer (RECOURS), MM. Philippe Nouvion, secrétaire général du Rassemblement et coordination des rapatriés et spoliés d'outre-mer (RECOURS), vice-président du Haut conseil des rapatriés (HCR), Yves Sainsot, président de l'Association nationale des Français d'Afrique du nord, d'outre-mer et leurs amis (ANFANOMA) et Alain Vauthier, président du Haut conseil des rapatriés (HCR).

Après avoir rappelé que la commission procèdera à l'examen de ce projet de loi le 8 décembre 2004 et qu'il sera discuté en séance publique le jeudi 16 décembre prochain, M. Paul Blanc a souligné le grand intérêt qu'il suscite parmi nos concitoyens. Il a précisé que son département, les Pyrénées-orientales, avait accueilli en 1962 une très importante population rapatriée, et que les conditions dramatiques de son arrivée en métropole étaient restées gravées dans sa mémoire. L'organisation de cette table ronde a précisément pour but d'entendre les observations de quelques-unes des personnes les plus impliquées dans ce débat.

M. Alain Gournac, rapporteur, a invité les intervenants à faire part à la commission des réactions générales que leur inspire ce projet de loi et d'indiquer les améliorations qu'ils souhaiteraient apporter à sa rédaction.

M. Boussad Azni, président du Comité national de liaison des harkis (CNLH), vice-président du Haut conseil des rapatriés, a considéré que le projet de loi comporte tout à la fois des avancées et des insuffisances. Au titre des éléments positifs, il a cité les dispositions de l'article 2, prévoyant l'augmentation du montant de l'allocation de reconnaissance, éventuellement versée sous forme de capital, qui ont recueilli un large accord parmi les harkis. Il a en revanche regretté que le texte ne reconnaisse pas expressément la part de responsabilité de l'État dans les événements ayant conduit au retour en métropole des populations d'Algérie. Il a également déploré qu'un amendement déposé en première lecture à l'Assemblée nationale avec l'objectif d'étendre, aux enfants de harkis, le bénéfice de l'allocation forfaitaire se soit vu opposer les dispositions de l'article 40 de la Constitution. Après avoir constaté que le projet de loi s'adresse principalement aux rapatriés dits de la « première génération », il a rappelé que leurs nombreux enfants mineurs avaient été eux aussi obligés de vivre dans des camps militaires jusqu'en 1975 et que cette relégation en marge de la société française se traduit, aujourd'hui encore, par des besoins spécifiques en termes d'emploi, de logement et de formation.

M. Alain Gournac, rapporteur, s'est félicité, à ce titre, que l'Assemblée nationale ait adopté, en première lecture, un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur ces questions.

M. Boussad Azni a estimé quela date limite du 9 janvier 1973 pour les déclarations recognitives de nationalité française pose un problème pour de nombreuses veuves d'anciens supplétifs de l'armée française, et qu'elle devrait être repoussée en conséquence jusqu'au 31 décembre 1994. Il a rappelé que toutes les femmes de harkis n'ont pas entrepris, en même temps que leurs maris, les démarches nécessaires et qu'au décès de ceux-ci, elles se sont trouvées privées de toute indemnisation. Il a indiqué qu'il conviendrait de se fonder sur les numéros de rapatriement de ces épouses pour tenir compte des retours tardifs, jusqu'en 1973, d'anciens prisonniers arrêtés et détenus par le Front de libération nationale (FLN) algérien.

Mme Andrée Bonhomme, présidente du Rassemblement et coordination des rapatriés et spoliés d'outre-mer (RECOURS) a jugé indispensable la modification de l'article premier afin que soit reconnue la responsabilité de l'État. Elle a estimé que cette absence de reconnaissance jette une ombre sur l'ensemble du texte et que les différentes lois d'indemnisation successives n'ont pas permis de résoudre le problème de la réparation du préjudice subi par les Français dépossédés de leurs biens dans les territoires anciennement placés sous souveraineté, protectorat ou tutelle de la France.

M. Philippe Nouvion, secrétaire général du Rassemblement et coordination des rapatriés et spoliés d'outre-mer (RECOURS), vice-président du Haut conseil des rapatriés (HCR) a considéré choquant que, plus de quarante-deux ans après les événements, le dossier de l'indemnisation des rapatriés n'ait toujours pas été réglé de façon satisfaisante. Il a formulé le voeu que les Français actuellement évacués de Côte-d'Ivoire dans des circonstances dramatiques bénéficient de plus de sollicitude. Il a rappelé que l'appréciation de la dette de la Nation à l'égard des rapatriés d'Afrique du Nord se fonde sur des événements tragiques et que ces populations ont été très souvent abandonnées à leur sort après la signature des accords d'Evian. Il a indiqué qu'il avait lui-même été enlevé et torturé par le FLN le 23 juillet 1962, sans que les autorités françaises n'interviennent pour le faire libérer. Il a considéré que les parlementaires doivent avoir présent à l'esprit le souvenir de tous ces événements.

Après avoir indiqué que les personnes rapatriées s'étaient peu mobilisées lors du vote des premières lois d'indemnisation, car elles devaient alors pleinement se consacrer aux problèmes quotidiens de leur réinstallation, il a contesté les reproches traditionnels formulés à l'encontre des rapatriés : la supposée richesse des Français d'Algérie n'est pas cohérente avec le niveau de vie moyen en Algérie, qui était inférieur de 20 % à la métropole au moment de l'indépendance ; la prédominance généralement avancée des colons dans l'ensemble de la population locale s'est révélée inexacte dans la mesure où ils étaient moins de 20.000, dont 13.000 ne possédaient que des exploitations agricoles d'une surface inférieure à 17 hectares.

Il a considéré qu'au regard de l'acuité et du caractère singulier des injustices subies par les rapatriés, il est inacceptable d'affirmer, d'une part, que les difficultés budgétaires actuelles de la France lui interdisent de réaliser l'effort d'indemnisation de grande ampleur qui lui incombe pourtant, d'autre part, que le présent projet de loi règle une fois pour toutes la question des rapatriés.

Après avoir relaté les souvenirs très précis qu'il conserve de l'arrivée des rapatriés d'Afrique du Nord, M. Paul Blanc a signalé la grande qualité de l'ouvrage de l'historien Arthur Comte, « L'oeuvre coloniale de la France », qui retrace les événements tragiques de cette époque.

M. Yves Sainsot, président de l'Association nationale des Français d'Afrique du nord, d'outre-mer et leurs amis (ANFANOMA) a indiqué que, s'il ne peut faire abstraction de son expérience personnelle, il désire néanmoins appréhender les dispositions de ce projet de loi avec recul et sur la base d'une réflexion rationnelle. S'agissant de l'article premier, il a observé que le Gouvernement, par crainte notamment des conséquences financières d'éventuelles nouvelles demandes d'indemnisation, refuse d'envisager une reconnaissance de la responsabilité de la France dans les événements de 1962.

Il a considéré, tout en le regrettant, que si cette position peut apparaître cohérente, elle s'avère franchement injustifiable s'agissant des victimes de la rue d'Isly (200 personnes blessées et entre 80 et 100 tuées à Alger le 26 mars 1962), après que les soldats français eurent ouvert le feu sur des manifestants d'origine européenne. Il a estimé que, dans ce cas plus que dans tous les autres, l'oeuvre de réconciliation nationale passe par une reconnaissance de la responsabilité de la France et que le code des pensions civiles et militaires de retraite fournit le cadre juridique approprié pour cela.

S'agissant des problèmes matériels des populations rapatriées qui demeurent encore en suspens aujourd'hui, il a tout particulièrement insisté sur le caractère insuffisant des indemnisations reçues et sur la nécessité d'appréhender avec bienveillance la reconstitution des carrières des retraités. Sur la question des indemnisations, après avoir noté que seulement 160.000 demandes avaient été déposées pour une population totale d'un million de rapatriés, il a considéré qu'un tiers seulement des personnes de souche européenne a bénéficié d'une aide et que les personnes les plus démunies, au demeurant fort nombreuses, sont largement demeurées à l'écart de ces soutiens financiers. Il en a conclu que le dossier des indemnisations est loin d'être clos.

Sur la question des problèmes administratifs rencontrés par les rapatriés retraités, M. Yves Sainsot a indiqué qu'il était bien normal que des personnes évacuées en urgence, contraintes à tout abandonner derrière elles et en situation de danger de mort n'aient pas eu alors la présence d'esprit et la possibilité matérielle de rassembler et d'emporter les pièces justificatives attestant de la réalité de leurs cotisations à l'assurance vieillesse. Il est convenu que des mesures à caractère réglementaire ont été prises dans les années 1960 pour faire face à ce cas de figure, en prévoyant qu'une déclaration sur l'honneur pouvait suppléer à l'absence de ces documents. Mais les organismes de retraite ont ensuite progressivement refusé d'appliquer ces dispositions, qui n'étaient qu'une faculté et non une obligation. Il a jugé affligeant que la mise en évidence de quelques cas de fraude ait ainsi conduit à pénaliser l'ensemble des rapatriés de bonne foi.

Il a par ailleurs évoqué le sort des anciens supplétifs d'ascendance européenne de l'armée française qui, s'ils n'ont pas été confrontés aux mêmes difficultés d'intégration sur le sol métropolitain que leurs frères d'armes musulmans, n'en ont pas connu moins souvent, eux aussi, la pauvreté.

M. Boussad Azni a déclaré que la demande principale des harkis ne porte pas sur des réparations financières, mais qu'elle réside dans un besoin absolu de reconnaissance et de dignité.

S'adressant à l'ensemble des intervenants, M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître leurs réactions sur la création d'une future fondation consacrée à l'histoire de la présence française en Afrique du Nord.

M. Yves Sainsot, président de l'Association nationale des Français d'Afrique du Nord, d'outre-mer et leurs amis (ANFANOMA) a estimé cette initiative intéressante, même si ses contours manquent de précision et qu'il convient d'agir rapidement, dans la mesure où les personnes qui ont vécu les événements de l'époque, atteignent aujourd'hui, pour les plus jeunes d'entre elles, l'âge de soixante-dix ans.

M. Jean-Pierre Séroin, vice-président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R), président de la Maison des agriculteurs français d'Algérie (MAFA) a regretté que ce projet de loi ne fasse pas mention du drame des personnes disparues. Il a considéré que, si la rédaction des articles premier et premier bis du projet de loi représente bien une avancée en termes de reconnaissance des souffrances éprouvées et des sacrifices endurés par les populations civiles rapatriées de toutes confessions, il aurait été légitime d'admettre la responsabilité des autorités françaises de l'époque, sans que celle-ci n'ouvre nécessairement la voie à des recours contentieux.

Il s'est félicité de la perspective de voir restituées aux rapatriés les sommes qui ont été prélevées sur les indemnisations par l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, au titre des lois des 15 juillet 1970 et 2 janvier 1978. Toutefois, si ces fonds devaient finalement être remboursés prochainement à leurs valeurs nominales, sans être actualisés à un niveau raisonnable, les rapatriés seraient alors les victimes d'une nouvelle injustice. Après avoir approuvé l'exonération de ces restitutions de l'assiette de l'impôt sur le revenu, il a souhaité que figure dans le projet de loi l'engagement d'adopter ultérieurement une nouvelle loi d'indemnisation.

M. Alain Gournac, rapporteur, a fait observer qu'un amendement en ce sens a déjà fait l'objet d'une discussion en première lecture à l'Assemblée nationale, et s'est vu opposer à cette occasion les dispositions de l'article 40 de la Constitution.

M. Jean-Pierre Séroin a précisé que sa motivation est d'éviter que ce projet de loi ne soit interprété comme la fin du dossier de l'indemnisation des rapatriés, dans la mesure où les dispositions proposées par ce texte ne règlent pas la totalité des problèmes demeurant en suspens.

M. Alain Vauthier, président du Haut conseil des rapatriés (HCR), directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM), a indiqué que le HCR est une instance de dialogue rattachée au Premier ministre. Il a observé que ce projet de loi reprend la plus grande partie des propositions émises par le député Michel Diefenbacher dans son rapport intitulé «  Parachever l'effort de solidarité nationale envers les rapatriés, promouvoir l'oeuvre collective de la France outre-mer ». Il a relevé que l'action des pouvoirs publics en faveur des Français rapatriés ne se limite pas aux seules dispositions du projet de loi et qu'il convient également de reconnaître l'apport du travail de mémoire mené avec l'éducation nationale, la création à venir d'un mémorial de la France d'outre-mer ainsi que l'institution d'une Journée nationale du souvenir des morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc fixée au 5 décembre.

M. Alain Gournac, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons conduisant certaines associations de rapatriés à demander que soit modifiée la date limite du 9 janvier 1973 pour les déclarations recognitives de nationalité française.

M. Alain Vauthier a indiqué qu'après les accords d'Evian, les autorités françaises avaient distingué les Français ayant un statut civil de droit commun de ceux relevant du droit local et, aux termes d'une ordonnance du 21 juillet 1962, il fut demandé aux seconds, qui étaient revenus en métropole, de souscrire une déclaration recognitive de nationalité française. Initialement fixé à l'année 1967, le délai pour remplir cette condition a été finalement repoussé jusqu'au 9 janvier 1973, afin de tenir compte de la date tardive de rapatriement en France du dernier ancien supplétif qui était encore détenu dans les prisons algériennes. Il a admis que ces modalités peuvent poser des difficultés, en particulier pour les femmes d'anciens harkis, mais il a considéré que tous ces cas individuels font l'objet d'un examen attentif et bienveillant. Modifier la date du 9 janvier 1973 pourrait conduire à ce que des tiers bénéficieront à tort des dispositions réservées aux harkis.

M. Jean-Pierre Séroin a estimé que les dispositions de l'article 6 du projet de loi apparaissent trop restrictives.

M. Boussad Azni a considéré que les trois lois d'indemnisation des rapatriés n'ont concerné que de façon marginale les harkis et leurs enfants, mais qu'il n'entend pas pour autant avancer a posteriori de nouvelles revendications financières, indignes au regard de l'importance du préjudice moral subi, qui était et reste incalculable. Il a estimé que les harkis ont fait l'objet d'un véritable génocide de la part du FLN après les accords d'Evian. Il a précisé que sa demande de report du 9 janvier 1973 au 31 décembre 1994 de la date limite de déclaration recognitive de nationalité française devrait concerner exclusivement les personnes ayant été dûment enregistrées comme rapatriées à l'époque, et ne devrait donc pas susciter un risque « d'effet d'aubaine ». Il a enfin souhaité que les services de la mission interministérielle aux Harkis soient rattachés à l'avenir au ministère des affaires sociales.

Après avoir entendu le besoin exprimé par les différents intervenants d'une quatrième loi d'indemnisation, M. Guy Fischer a tout d'abord estimé qu'au-delà des différentes lectures historiques possibles de la guerre d'Algérie, prévaut désormais l'expression d'une certaine concorde nationale fondée sur la reconnaissance du préjudice subi par toutes les victimes.

Il a regretté que les personnes les plus modestes aient été celles le moins bien soutenues sur le plan financier et indiqué que, tel qu'amendé en première lecture à l'Assemblée nationale, le présent projet de loi ne pourra pas être voté par les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Il a déploré en particulier le remplacement de la date du 19 mars correspondant à la date du cessez-le-feu en Algérie, par celle du 5 décembre, alors même que cette nouvelle date ne revêt en elle-même aucune valeur historique particulière.

Il a considéré que ce projet de loi correspond en partie à une volonté d'affichage de la part du Gouvernement, indiqué que les contours de la fondation à créer méritent d'être précisés et estimé, d'une façon générale, que les débats relatifs à la guerre d'Algérie apparaissent encore dans toute leur complexité, quarante-deux ans après les faits.

Mme Marie-Thérèse Hermange a considéré que si l'idée d'une fondation dédiée à la mémoire de la présence française en Afrique du Nord lui paraît judicieuse, il faut que le Gouvernement apporte des précisions sur le contenu qu'il envisage de lui donner. Elle s'est également interrogée sur la référence faite à deux protocoles franco-tunisiens de 1960 et 1963, dans le cadre de l'article 5 du projet de loi qui expose les modalités de restitution aux rapatriés des sommes précédemment prélevées au titre des différentes lois d'indemnisation.

Sur ce dernier point, M. Alain Vauthier a précisé que les dispositions de l'article 5 du projet de loi visent tous les rapatriés d'Afrique du Nord, y compris ceux de Tunisie et du Maroc et même, le cas échéant, ceux d'Indochine.

Mme Valérie Létard s'est enquise des difficultés rencontrées par les rapatriés en matière de logement.

Après avoir rappelé les conditions particulièrement rudimentaires, voire misérables, de leur installation en métropole, ainsi que leur relégation jusqu'en 1975 dans d'anciens bâtiments militaires, M. Boussad Azni a indiqué que les harkis ont fait l'objet de mesures ciblées d'aide à l'accession à la propriété, sans pour autant qu'elles règlent véritablement les problèmes de logement qu'ils rencontrent : les familles d'anciens supplétifs de l'armée française comptent en effet en moyenne 40 % de chômeurs ; elles ont eu le plus souvent recours à l'emprunt à des taux élevés, ce qui a conduit à un très fort taux de surendettement ; elles résident encore pour la plupart dans des cités HLM délabrées, et parfois dans les deux anciens camps militaires qui existent toujours.

Mme Valérie Létard s'est inquiétée du fait que les logements sociaux occupés par les harkis ne soient pas considérés comme des logements locatifs à prendre en compte dans le cadre des dispositions de la loi de 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, lorsqu'ils ont été donnés à leurs bénéficiaires ou achetés grâce à des subventions de l'État.

M. Philippe Nouvion s'est ému de l'opposition exprimée par M. Guy Fischer au remplacement de la date du 19 mars par celle du 5 décembre pour l'hommage aux morts pour la France de la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie : il a considéré que la date du 19 mars 1962 représentait une abomination et que toute autre date commémorative lui était préférable. Il a interpellé M. Guy Fischer en déclarant que le bilan de la colonisation française devait aussi être apprécié au regard des cent millions de morts des régimes communistes du XXe siècle.

M. Guy Fischer a rejeté ces considérations et jugé qu'elles manifestent une volonté de le prendre à partie au nom d'un a priori anticommuniste. A l'inverse, il a fait valoir qu'il a veillé, lors de son intervention, à s'exprimer avec pondération sur des questions particulièrement sensibles.

M. Bernard Seillier a estimé que les événements de la guerre d'Algérie constituaient une mémoire historique très douloureuse pour tous les Français et a souligné la très grande émotion qui a empreint l'ensemble des débats de cette table ronde.