M. Philippe DOMINATI, rapporteur spécial

III. LA QUESTION DES EFFECTIFS NE PARVIENT PLUS À OCCULTER LE RISQUE DE « PAUPÉRISATION » DES FORCES DE L'ORDRE ET L'ABSENCE DE DYNAMIQUE DE RATIONALISATION DES MISSIONS

Les inquiétudes exprimées depuis plusieurs semaines par les policiers à travers le pays traduisent la place centrale désormais occupée par des problématiques très éloignées de la question des effectifs.

Outre la continuité de la chaine pénale, deux thématiques sont régulièrement mises en avant lors des manifestations : la faiblesse des moyens de fonctionnement et d'investissement et l'existence de nombreuses « tâches indues » qui éloignent policiers et gendarmes du terrain.

Or, sur ces deux sujets, le Gouvernement a pris conscience très tardivement de l'ampleur du problème.

A. LE RISQUE DE « PAUPÉRISATION » DES FORCES DE L'ORDRE

1. Une prise de conscience tardive

L'an passé, votre rapporteur spécial soulignait le risque de « paupérisation » des forces de l'ordre , la part des dépenses de personnel au sein des deux programmes ayant atteint « un niveau critique (87,6 %) qui ne permet pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes » 23 ( * ) .

Ce diagnostic reposait notamment sur la forte augmentation de la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses depuis 2009 , la dynamique des dépenses de titre 2 ayant exercé une pression baissière sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Avant l'amendement déposé par le Gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre, les moyens de fonctionnement et d'investissement étaient ainsi inférieurs de 336 millions d'euros en 2016 par rapport à 2009 , pour des effectifs comparables .

Comparaison des équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) et des crédits de fonctionnement et d'investissement en 2009 et 2016 avant l'amendement déposé à la suite des attentats du 13 novembre 2015

(en ETPT, en millions d'euros)

2009

2016

Écart

ETPT

244 304

244 420

116

Moyens de fonctionnement, d'investissement et d'intervention

2 562

2 226

- 336

Dépenses de personnel / Total des dépenses

84,4 %

87,6 %

3,2 pts

Note de lecture : les effectifs pour 2016 correspondent au plafond d'emplois prévu dans le bleu budgétaire, augmenté des 900 créations de postes financées par l'amendement gouvernemental déposé à l'Assemblée nationale au titre du PLIC.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'importance de ce phénomène peut également être illustrée par une comparaison internationale avec les forces de police anglaises.

À cet égard, il convient en préambule de rappeler la difficulté de ce type d'exercice , compte tenu des différences de périmètres qui peuvent exister. L'objectif est donc moins d'arriver à une estimation précise du différentiel de moyens entre les forces françaises et anglaises que de dégager des grandes tendances.

Compte tenu de la précision des documents budgétaires publiés par la police métropolitaine de Londres , cette dernière constitue le point de départ de la comparaison.

Pour la France, il semble préférable de retenir pour la comparaison les données de la police , dans la mesure où celles de la gendarmerie sont artificiellement augmentées des dépenses liées aux logements de fonction.

D'après les documents budgétaires, les dépenses de personnel pour la police métropolitaine de Londres représentent 78 % du total des dépenses , soit 12 points de moins que pour les forces de police françaises.

Budget 2014-2015 de la police métropolitaine de Londres

(en millions de livres)

2015

Dépenses de personnel

2 468

Autres dépenses

698

Total des dépenses

3 166

Part des dépenses de personnel dans le total des dépenses

78 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commissioner of Police of the Metropolis, « Statement of Accounts 2014/15 », p. 6)

Cet écart pourrait toutefois traduire des différences de périmètre . Ces dernières peuvent être particulièrement importantes s'agissant des dépenses de personnel, en raison notamment du poids des contributions aux systèmes de pension .

Le ratio « dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel » semble ainsi constituer un indicateur plus fiable pour compléter cette première analyse.

Pour la police française , les crédits de fonctionnement et d'investissement demandés s'élèvent à 1,1 milliard d'euros dans le présent projet de loi de finances, pour un plafond d'emplois de 149 079 ETPT, soit environ 7 400 euros par personnel .

Pour la police londonienne, les effectifs s'élèvent à 46 600 d'après le Metropolitan Police Service , dont 31 000 officiers de police.

S'agissant des dépenses de fonctionnement et d'investissement, il a été choisi de ne retenir parmi les crédits hors dépenses de personnel que les quatre postes budgétaires suivants, afin de ne pas les surestimer :

Décomposition des crédits exécutés pour la police métropolitaine de Londres hors dépenses de personnel

(en milliers de livres)

Dépenses prises en compte

Dépenses liées aux employés (ex : formation)

24 233

Dépenses liées aux locaux

169 111

Dépenses liées au transport

62 045

Équipements et services (ex : informatique)

357 786

Total

613 175

Dépenses exclues

Dépenses discrétionnaires liés aux pensions

51 093

Dépenses liées au financement du capital

33 785

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Commissioner of Police of the Metropolis, « Statement of Accounts 2014/15 », p. 6)

Pour la police londonienne, le montant des dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel s'élèverait donc à 13 158 livres, soit 14 303 euros au taux de change actuel .

Évaluation des dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel pour la police métropolitaine de Londres

(en livres)

Dépenses de fonctionnement et d'investissement

613 175 000

Effectifs

46 600

Ratio « dépenses de fonctionnent et d'investissement par personnel » en livres

13 158

Ratio « dépenses de fonctionnent et d'investissement par personnel » en euros

14 303

Source : commission des finances du Sénat

Au total, le ratio d'investissement et de fonctionnement semble donc deux fois plus élevé pour un policier londonien (14 303 euros) que pour un policier français (7 400 euros).

À cet égard, la chambre des communes a publié en 2011 un rapport évaluant ce ratio pour quatre forces de police représentatives du Royaume-Uni :

- la police métropolitaine de Londres ;

- la police de Manchester (population urbaine de 2,6 millions d'habitants) ;

- la police de Gwent (population rurale de 560 000 habitants) ;

- la police de Leicestershire (population mixte de 970 000 habitants).

Évaluation du ratio « dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel » pour quatre forces de police anglaises en 2011

(en livres, en euros)

Londres

Manchester

Gwent

Leicestershire

Ratio en livres

14 551

9 302

9 611

9 257

Ratio converti en euros

16 354

10 455

10 802

10 404

Source : commission des finances du Sénat (d'après : House of Commons, Home Affairs Committee, « New Landscape of Policing », 2011, p. 136)

Les résultats obtenus suggèrent que la police londonienne fait figure d'exception parmi les forces anglaises : les dépenses de fonctionnement et d'investissement par personnel sont significativement plus élevées dans la capitale que sur le reste du territoire.

Toutefois, même par rapport aux trois autres forces de police anglaises, le différentiel avec la police française reste important : le ratio français représente seulement 70 % de ceux de Manchester, Gwent et Leicestershire.

Dans ce contexte, si le renforcement des effectifs demeure une priorité, il n'est pas étonnant que le Gouvernement soit désormais contraint de prêter une attention toute particulière aux moyens d'investissement et de fonctionnement.

À cet égard, le discours du Président de la République devant les parlementaires réunis à Versailles après les attentats du 13 novembre 2015 constitue indéniablement une rupture . En effet, les deux tiers des crédits ouverts par l'amendement du Gouvernement adopté en séance publique par le Sénat pour mettre en oeuvre les engagements pris à cette occasion étaient fléchés vers les dépenses de fonctionnement et d'investissement, alors même que ces dernières ne représentent que 12 % du total des dépenses des deux programmes.

À titre d'illustration, ces crédits d'investissement et de fonctionnement ont permis d'abonder le programme « Police nationale » de 116,4 millions d'euros en 2016 afin de financer principalement :

- le surcoût lié aux effectifs (26,15 millions d'euros) au titre de l'habillement, de la formation et du fonctionnement opérationnel des services ;

- l'équipement de la DGSI (5 millions d'euros) ;

- le renforcement des moyens de protection et d'armement (20,7 millions d'euros) ;

- le renouvellement automobile (21,7 millions d'euros) ;

- le renforcement des moyens d'investigation de la police technique et scientifique (4,42 millions d'euros) ;

- des travaux immobiliers (19 millions d'euros) ;

- la modernisation des systèmes d'information et de communication (7,4 millions d'euros) ;

- le renforcement de la vidéoprotection et la lutte anti-drone de la préfecture de police (9,45 millions d'euros).

2. Une prise de conscience insuffisante

Le présent projet de loi de finances traduit néanmoins les hésitations du Gouvernement en la matière : alors que les dépenses de personnel sont en forte hausse (4 %), les crédits de paiement demandés au titre de l'investissement et du fonctionnement sont en légère baisse.

Évolution des crédits hors dépenses de personnel depuis 2015

(en millions d'euros, en %)

Exécution 2015

LFI 2016

LFI 2017

Comparaison
2015-2017

Évolution
2016-2017

Police nationale

AE

1 016

1 099

1 234

21,4 %

12,3 %

CP

1 010

1 102

1 100

8,9 %

- 0,2 %

Gendarmerie nationale

AE

1 254

1 477

1 524

21,6 %

3,2 %

CP

1 239

1 319

1 318

6,4 %

- 0,1 %

Total

AE

2 270

2 576

2 758

21,5 %

7,1 %

CP

2 249

2 421

2 418

7,5 %

- 0,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette légère baisse des crédits de fonctionnement et d'investissement peut certes être relativisée du fait de l'augmentation des autorisations d'engagement par rapport à 2016 (+ 7,1 %) et de la hausse importante des crédits de paiement par rapport à 2015 (+ 7,5 %).

Toutefois, force est de constater que la part des dépenses de personnel au sein des deux programmes est de nouveau orientée à la hausse (+ 0,5 point).

Évolution de la part des dépenses de personnel
dans le total des dépenses depuis 2016

(en millions d'euros, en %)

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Police nationale

Dépenses de personnel

8 848,4

9 185,6

3,8 %

Autres dépenses

1 101,8

1 100,1

- 0,2 %

Part des dépenses de personnel

88,9 %

89,3 %

-

Gendarmerie nationale

Dépenses de personnel

6 976,2

7 271

4,2 %

Autres dépenses

1 319,3

1 318,2

- 0,1 %

Part des dépenses de personnel

84,1 %

84,7 %

-

Total

Dépenses de personnel

1 5824,6

1 6456,6

4,0 %

Autres dépenses

2 421,1

2 418,3

- 0,1 %

Part des dépenses de personnel

86,7 %

87,2 %

-

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette forte dynamique des dépenses de personnel s'explique non seulement par la nécessité de financer les créations d'emplois prévues par les différents plans annoncés en 2015 mais également par de nouvelles mesures catégorielles liées principalement :

- à la transposition au sein des deux forces des mesures du protocole « parcours professionnels, carrières, rémunérations » (PPCR) de la fonction publique ;

- à la mise en oeuvre des protocoles pour la valorisation des carrières et des compétences signés en avril 2016 dans le cadre de la feuille de route sociale du Président de la République.

Le ministère de l'intérieur évalue le coût de l'ensemble des nouvelles mesures catégorielles en direction des policiers et gendarmes à 865 millions d'euros sur la période 2012-2020 24 ( * ) .

Dans le cadre du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, le montant des nouvelles mesures catégorielles s'élève à 77,4 millions d'euros pour le programme « Police nationale » et à 77,6 millions d'euros pour le programme « Gendarmerie nationale », soit un total de 155 millions d'euros en 2017.

Il peut être noté que la Cour des comptes s'est inquiétée de cette dynamique dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques pour 2016 25 ( * ) .

Confronté aux revendications des policiers, le Gouvernement a une nouvelle fois été contraint d'annoncer un plan de renforcement des moyens des forces de sécurité intérieure au cours de la discussion budgétaire.

Le 26 octobre dernier, le ministre de l'intérieur a ainsi présenté un « plan pour la sécurité publique » visant à accélérer « la modernisation des équipements de la sécurité publique, c'est-à-dire de tous les policiers et de tous les gendarmes directement mobilisés sur le terrain pour assurer au quotidien la protection des Français », pour un montant de 250 millions d'euros 26 ( * ) .

En outre, le Premier ministre Manuel Valls a affirmé le 7 novembre, en clôture de la réunion entre procureurs et préfets sur la lutte contre la radicalisation, qu'un « nouveau plan » devra être mis en place lors du prochain quinquennat « pour conforter les moyens de la police, de la gendarmerie et des services de renseignement », précisant même que « la modernisation et le renouvellement des équipements nécessiteront un effort supplémentaire de 450 millions d'euros par an , soit 2,3 milliards d'euros de 2017 à 2022 » 27 ( * ) .

S'il est aisé de s'engager sur des perspectives aussi lointaines, les déclarations concernant le financement du plan pour la sécurité publique, qui doit être mis en oeuvre dès 2017, sont longtemps restées ambiguës. Dans son discours, le ministre de l'intérieur évoque ainsi « une enveloppe globale de 250 millions d'euros, rendue possible par les décisions budgétaires prises par le Gouvernement, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2017 » 28 ( * ) .

Cela pouvait laisser entendre qu'une fraction du plan de 250 millions d'euros correspondrait en réalité à des mesures déjà prévues et financées dans le cadre du projet de loi de finances déposé début octobre.

En effet, des dépenses supplémentaires fléchées vers la sécurité publique étaient inscrites dans le projet de loi de finances 2017 au titre du « pacte de sécurité » annoncé à la suite des attentats du 13 novembre 2015. À titre d'exemple, des crédits d'investissement et de fonctionnement étaient prévus pour équiper les 1 300 policiers recrutés au titre du « pacte de sécurité » par la direction centrale de la sécurité publique et la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (équivalent parisien de la sécurité publique).

C'est bien cette interprétation qui a clairement été retenue par le Gouvernement, dans la mesure où le ministre de l'intérieur a annoncé devant les députés le dépôt, d'ici la fin de la discussion budgétaire, d'un amendement venant abonder la mission « Sécurités » à hauteur de seulement 100 millions d'euros.

Autrement dit, sur les 250 millions d'euros supplémentaires annoncés par le Gouvernement, seulement 100 millions d'euros correspondent réellement à des mesures nouvelles.

D'après les informations recueillies lors des auditions, la répartition serait la suivante :

- pour la police, 76 millions d'euros en crédits d'investissement et de fonctionnement (16 millions d'euros pour l'immobilier d'urgence et 60 millions d'euros pour l'équipement) ;

- pour la gendarmerie, 24 millions d'euros en crédits d'investissement et de fonctionnement (4 millions d'euros pour l'immobilier d'urgence et 20 millions d'euros pour l'équipement).

Votre rapporteur spécial regrette cet artifice budgétaire , qui non seulement démontre que le Gouvernement n'a toujours pas pris la mesure du problème mais risque en outre de renforcer la défiance des forces de police et de gendarmerie à l'égard des institutions.

B. L'ABSENCE DE DYNAMIQUE DE RATIONALISATION DES MISSIONS

1. La dynamique engagée lors du quinquennat précédent n'a pas été poursuivie

Si la question des moyens demeure centrale, il est possible de renforcer la capacité opérationnelle des deux forces à effectifs et budget constants via :

- la réduction des « tâches indues » incombant aux forces de police et de gendarmerie, qui permet de libérer du temps pour les missions de lutte contre la délinquance ;

- la recherche d'une meilleure complémentarité et d'une plus grande mutualisation entre les forces de police et de gendarmerie.

Sur ces deux plans, le précédent quinquennat avait été marqué par d'importantes réformes , avec notamment ;

- le transfert de la gendarmerie nationale du ministère de la défense vers le ministère de l'intérieur au 1 er janvier 2009 ;

- la rationalisation des zones de compétences de la gendarmerie et de la police ;

- la mutualisation de la maintenance automobile et des services chargés des transmissions et des systèmes d'information ;

- la décision prise en 2010 de confier progressivement à l'administration pénitentiaire les missions de transfèrements judiciaires.

L'an passé, votre rapporteur spécial constatait à regret l'interruption de cette dynamique , aucun chantier majeur n'ayant été engagé depuis 2012 29 ( * ) .

Les mesures annoncées après une manifestation de plusieurs milliers de policiers sur la place Vendôme laissaient toutefois espérer un changement de stratégie du Gouvernement en la matière, avec l'engagement :

- d'un « plan interne de simplification » visant à réduire les tâches indues ;

- de nouveaux redéploiements des zones de compétences entre les deux forces.

2. Les annonces successives du Gouvernement concernant la diminution des « tâches indues » peinent à se concrétiser

Un an après ces annonces, forces est de constater que rien n'a véritablement évolué pour les forces de l'ordre.

S'agissant des zones de compétences , il a été indiqué à votre rapporteur spécial lors des auditions que le ministère a finalement renoncé à mettre en oeuvre de nouveaux redéploiements.

S'agissant des tâches indues , la situation ne semble pas davantage avoir progressé.

Compte tenu des échéances électorales à venir, les procurations auraient dû constituer un chantier prioritaire pour le ministère de l'intérieur. En effet, le traitement des procurations par les policiers et les gendarmes avait mobilisé 737 ETP en 2012. Alors que la dématérialisation permettrait de soulager les forces de sécurité de cette tâche, l'inspection générale de l'administration (IGA) indiquait dans un rapport d'octobre 2014 que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 semblait « enlisé » et même « à l'arrêt » 30 ( * ) .

Interrogé sur ce point, le directeur général de la police nationale a indiqué qu'aucun progrès n'avait été réalisé en la matière depuis la parution du rapport. Les différentes élections prévues l'an prochain devraient donc de nouveau mobiliser près de 1 000 ETP au sein des forces de police et de gendarmerie, dans un contexte sécuritaire pourtant très dégradé.

Par ailleurs, la poursuite de la reprise des transfèrements judiciaires par l'administration pénitentiaire, dont l'achèvement est prévu pour 2019, continue de peser sur les forces de l'ordre , dans la mesure où les emplois transférés budgétairement ne s'accompagnent pas d'une diminution de même ampleur des missions exercées.

En effet, lorsque l'administration pénitentiaire oppose une « impossibilité de faire » aux magistrats, ces derniers peuvent adresser aux forces de police et de gendarmerie des réquisitions d'extraction . Ainsi, une étude menée par la Gendarmerie nationale a mis en évidence que 37 000 « heures gendarmes » ont été consacrées en 2015 aux transfèrements judiciaires dans les zones où ces missions ont théoriquement été transférées à l'administration pénitentiaire, ce qui représente l'équivalent de 4 625 patrouilles.

Certainement conscient de l'absence de progrès réalisés depuis l'an passé, le ministre de l'intérieur a fait de la diminution des tâches indues le deuxième volet du « plan pour la sécurité publique », avec l'annonce :

- du remplacement de nombreuses gardes statiques « de bâtiment publics, en particulier devant les préfectures et les tribunaux, » par des gardes dynamiques ;

- de la reprise de certaines missions de garde statique par des sociétés de gardiennage ;

- de la diminution des missions de transport des personnes interpellées vers les hôpitaux, notamment dans les cas d'ivresse publique, dans le cadre d'un partenariat avec la médecine de ville.

Si votre rapporteur spécial souscrit bien évidemment aux orientations annoncées, il sera toutefois particulièrement vigilant s'agissant de leur mise en oeuvre.


* 23 Rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 19.

* 24 Déclaration de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, à l'Élysée le 26 octobre 2016, à l'issue de la présentation des mesures du plan pour la sécurité publique aux organisations syndicales représentatives de la Police Nationale.

* 25 Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, 29 juin 2016, p. 190.

* 26 Déclaration précitée de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, le 26 octobre 2016.

* 27 AEF, « Manuel Valls : "Les efforts en matière de sécurité devront être poursuivis durant les cinq prochaines années" », dépêche n° 549069, 8 novembre 2016.

* 28 Déclaration précitée de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, le 26 octobre 2016.

* 29 Rapport n° 164 (2015-2016) de Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances et déposé le 19 novembre 2015, p. 21-22.

* 30 IGA, « Moderniser l'organisation des élections », octobre 2014, p. 28.