MM.Thierry Foucaud et Gérard Longuet, rapporteurs spéciaux
DEUXIÈME PARTIE
OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
GÉRARD LONGUET
I. UN SYSTÈME SCOLAIRE PARMI LES PLUS INÉGALITAIRES DE L'OCDE ET DONT LES RÉSULTATS NE SONT PAS À LA HAUTEUR DES MOYENS QUI LUI SONT CONSACRÉS
A. UNE INSUFFISANTE MAÎTRISE DES APPRENTISSAGES FONDAMENTAUX
La maîtrise des savoirs fondamentaux fait l'objet d'évaluations régulières. Depuis 2013, les compétences 1 et 3 du socle commun sont évaluées selon un cycle triennal (CE1, entrée en 6 e et 3 e ).
Les dernières évaluations réalisées en novembre 2015 mesuraient la proportion d'élèves entrant en 6 e maîtrisant les compétences 1 et 3 du socle, dont les contenus sont rappelés dans le tableau infra .
On constate ainsi que seuls 82 % des élèves maîtrisaient la compétence 1 et 72 % la compétence 3 .
Ces résultats sont globalement comparables à ceux de 2014 pour les élèves de CE1 (respectivement 81,7 % et 82,6 %) et à ceux de 2013 pour les élèves de 3 e (respectivement 79,2 % et 78,3 %).
Par ailleurs, des différences importantes existent en fonction du sexe, du « profil » de l'élève et de l'établissement d'appartenance .
L'évaluation réalisée en 2015 auprès des élèves de 6 e montre ainsi que les filles sont plus nombreuses à maîtriser la compétence 1 que les garçons (86 % contre 78,4 %). Il n'existe en revanche pas de différence notable s'agissant de la compétence 3.
Par ailleurs, la proportion d'élèves maîtrisant ces deux compétences est significativement moins élevée parmi les élèves « en retard » que parmi les élèves « à l'heure » (près de 40 points d'écart).
Les résultats enregistrés parmi les élèves des REP (réseaux d'éducation prioritaire) et des REP + (réseaux d'éducation prioritaire renforcés) sont également inférieurs à ceux des établissements hors REP et REP +.
Enfin, les établissements privés affichent les proportions plus élevées d'élèves maîtrisant les compétences évaluées.
Proportion d'élèves de début de sixième qui maîtrisent les compétences 1 et 3 du socle commun
(novembre 2015)
Source : réponse au questionnaire budgétaire
B. UN SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS QUI MAINTIENT VOIRE AGGRAVE LES INÉGALITÉS SOCIALES
Selon l'enquête PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) réalisée en 2012, le système scolaire français enregistre des résultats stables en compréhension de l'écrit et en sciences, mais en dégradation par rapport aux éditions précédentes en culture mathématique (- 16 points par rapport à 2003).
Si la France parvient à créer une « élite » scolaire dont le niveau continue de progresser, dans le même temps, la part des élèves rencontrant des difficultés ne cesse de croître .
Ainsi, en compréhension de l'écrit, la part des élèves français en difficulté est passée de 15,2 % à 18,9 % entre 2000 et 2012, alors que sur la même période la part des faibles niveaux a diminué en moyenne dans les pays de l'OCDE. Parallèlement, la proportion d'élèves dans les hauts niveaux est passée de 8,5 % à 12,9 % alors qu'elle reste stable dans la moyenne des pays de l'OCDE.
En culture mathématique, la part des élèves de 15 ans qui ne possèdent pas les compétences et connaissances mathématiques leur permettant de faire face aux situations de la vie courante est passée de 16,6 % à 22,4 %, alors que sur la même période cette part est restée quasi stable en moyenne dans l'OCDE.
La dispersion des résultats des élèves français est plus importante en 2012 qu'en 2003 : l'écart entre les 25 % les plus « faibles » et les 25 % les plus « performants » a ainsi crû de 10 points, plaçant notre pays parmi les pays les plus inégalitaires selon ce critère . Dans le même temps, l'Allemagne est parvenue à réduire cet écart de 10 points.
L'édition 2012 de l'enquête PISA souligne que ces écarts s'expliquent notamment par l'importance du poids des déterminismes sociaux en France. Ainsi, si les scores enregistrés par les élèves issus des catégories sociales les plus favorisées classent la France parmi les pays les plus performants, les scores des élèves issus de milieux socio-professionnels défavorisés la placent en bas du classement international .
C. UNE AUGMENTATION CONTINUE DES MOYENS CONSACRÉS À L'ÉDUCATION DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS
En euros constants, entre 1980 et 2015, la dépense intérieure d'éducation, qui mesure l'effort financier en faveur de l'éducation tous financeurs confondus (État, collectivités territoriales et ménages), est passée de 66,4 milliards d'euros à 130,8 milliards d'euros .
Sur la même période, rapportée par élève, cette dépense est passée, en euros courants, de 4 680 euros à 8 440 euros (+ 80 %).
Évolution de la dépense intérieure d'éducation*
1980 |
2000 |
2013 |
2014 |
2015p** |
|
Dépense intérieure d'éducation (DIE)* |
|||||
- aux prix courants (n milliards d'euros) |
25,7 |
94,5 |
126,9 |
129,1 |
130,8 |
- aux prix 2015 (n milliards d'euros) |
66,4 |
117,4 |
128,4 |
130,0 |
130,8 |
DIE*/PIB en % |
5,7 % |
6,4 % |
6,0 % |
6,0 % |
6,0 % |
Dépense moyenne par élève |
|||||
- aux prix courants (en euros) |
1 810 |
6 250 |
8 290 |
8 370 |
8 440 |
- aux prix 2015 (en euros) |
4 680 |
7 760 |
8 380 |
8 430 |
8 440 |
Champ : France métropolitaine + Dom (y compris
Mayotte).
* hors dépenses pour les formations de type extrascolaire.
** données provisoires.
Source : MENESR-DEPP
En 2013, les pays de l'OCDE consacraient en moyenne 5,3 % de leur PIB à l'enseignement, ce pourcentage variant de 3,5 % pour le Luxembourg à 6,7 % pour le Royaume-Uni.
Le niveau de dépense français se situait dans la moyenne de l'OCDE (5,3 %) devant l'Italie (4 %), l'Allemagne (4,3 %) et le Japon (4,5 %) mais derrière la Corée du Sud (5,9 %), les États-Unis (6,2 %) et le Danemark (6,4 %).
Le coût par élève ou étudiant est cependant plus élevé en France (10 907 dollars) que dans la moyenne des pays de l'OCDE (10 493 dollars) et que dans la moyenne des pays de l'Union européenne (10 548 dollars).
Cette évolution globale masque en outre des différences importantes entre les niveaux d'éducation .
La dépense par élève dans le premier degré est ainsi inférieure de près d'un tiers à celle dans le second degré (6 190 euros dans le premier degré contre 9 700 euros dans le secondaire).
Évolution de la DIE par niveau d'enseignement (aux prix 2015)
Primaire |
Secondaire |
Supérieur |
Total |
|||||
Total
|
Par élève (en euros) |
Total
|
Par élève (en euros) |
Total
|
Par élève (en euros) |
Total
|
Par élève (en euros) |
|
2013 |
41,8 |
6 140 |
57,2 |
9 570 |
29,5 |
11 830 |
128,4 |
8 380 |
2014 |
42,3 |
6 180 |
57,7 |
9 620 |
30,0 |
11 830 |
130,0 |
8 430 |
2015p* |
42,5 |
6 190 |
58,3 |
9 700 |
30,1 |
11 680 |
130,8 |
8 440 |
Champ : France métropolitaine + Dom y compris
Mayotte.
* données provisoires.
Source : ministère de
l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la
recherche (MENESR-DEPP)
Ainsi, si la dépense d'éducation en faveur du premier degré est ainsi inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE (7 201 dollars contre 8 477 dollars dans le reste de l'OCDE), cette situation s'inverse s'agissant du second degré (11 482 dollars contre 9 811 dollars).