MM. Marc Massion et Jean Arthuis, rapporteurs spéciaux

II. LA NÉGOCIATION SUR LE BUDGET 2014 DE L'UNION EUROPÉENNE

Avant 2011, le déroulement de la négociation budgétaire communautaire obéissait traditionnellement à un schéma récurrent. Sur la base de l'avant-projet de budget de la Commission , le Conseil adoptait un projet de budget généralement plus « restrictif » visant à renforcer la discipline budgétaire et à tirer les conséquences de la fréquente sous-exécution des crédits.

Le Parlement européen , jugeant traditionnellement que les politiques communautaires n'ont pas les moyens de leurs objectifs, augmentait sensiblement les montants votés par le Conseil ainsi que ceux prévus par la Commission .

L'issue de la négociation entre les deux branches de l'autorité budgétaire conduisait au vote d' un budget souvent proche des prévisions de la Commission 19 ( * ) .

La négociation budgétaire pour 2014 n'obéit pas exactement au même schéma, ainsi que cela avait également été constaté dans les trois procédures précédentes . Outre la procédure introduite par le traité de Lisbonne vue précédemment, la demande de nombreux États membres d'une discipline budgétaire renforcée conduit ainsi à vouloir faire participer plus directement le budget de l'Union européenne aux efforts d'assainissement des finances publiques nationales.

Il en est résulté le vote, en séance plénière du Parlement européen le 23 octobre 2013, d'un projet de budget quasiment identique à la proposition initiale de la Commission. Il en avait d'ailleurs été ainsi les trois années précédentes. Une telle approche ne suffira pas à empêcher les difficultés incontournables de la négociation entre les deux branches de l'autorité budgétaire lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne. Cette phase devrait normalement aboutir au milieu du mois de novembre 2013.

A. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION, DU CONSEIL ET DU PARLEMENT EUROPÉEN

1. L'avant-projet de budget de la Commission

Il convient de distinguer les évolutions propres à chaque catégorie de crédits (engagement et paiement).

En crédits d'engagement , 142 milliards d'euros sont proposés par l'avant-projet de budget (APB) 2014 de la Commission, rendu public au printemps 2013, soit une baisse de 6 % par rapport au budget 2013. Il s'agit pour l'essentiel de réduire les montants de la rubrique 1b, consacrée à la politique de cohésion (- 13,5 %) et des rubriques 3 et 4 (- 9,4 % et - 12,5 %), mais aussi de renforcer la rubrique 1a « Compétitivité » (+ 3,3 %), les autres rubriques restant relativement stables.

Les crédits de paiement (CP) inscrits à l'APB 2014 affichent pour leur part une hausse de 2,1 % par rapport au budget 2013 et s'élèvent à 136 milliards d'euros . Ils visent à couvrir en paiement les engagements au titre de la rubrique 1b (+ 8 %), à la fois pour la programmation 2007-2013 des fonds structurels mais aussi pour prévoir les mandatements de la nouvelle programmation 2014-2020. Les autres rubriques sont toutes en baisse à l'exception des dépenses administratives (+ 1,2 % pour la rubrique 5).

2. Les « coupes » approuvées à la majorité qualifiée par le Conseil

Adopté par le Conseil à la majorité qualifiée en septembre 2013, le projet de budget proposé par la présidence lituanienne se veut plus « réaliste » .

Pour la quatrième année consécutive et contrairement aux années précédentes, où la position du Conseil était adoptée à l'unanimité, le projet de budget pour 2014 a été à nouveau marqué par une difficulté à concilier les positions divergentes au sein du Conseil , tous les États ne souhaitant pas respecter les contraintes imposées par la discipline budgétaire et la bonne gestion financière. De plus, l'élaboration de la position du Conseil sur le projet de budget 2014 a été marquée par un calendrier tendu et court en raison de l'aboutissement tardif des négociations sur le cadre financier 2014-2020. Au terme du compromis adopté, le projet de budget 2014 révisé par le Conseil procède à des coupes sensibles, réalisées en crédits d'engagement comme en CP.

La hausse des crédits d'engagement est ainsi limitée à 141,8 milliards d'euros , soit un niveau de crédits inférieur de 310 millions d'euros à l'avant-projet de budget de la Commission et une baisse de 6,2 % par rapport à 2013 . Ces réductions se répartissent de manière inégale entre les différentes rubriques, avec un effort particulier exigé sur la rubrique 5, qui regroupe les dépenses administratives (- 153 millions d'euros) et la rubrique 1a consacrée aux dépenses de compétitivité (- 60 millions d'euros).

En CP, les coupes atteignent 1,06 milliard d'euros et concernent aux deux tiers la rubrique 1a, ce qui réduit le montant du projet de budget à 135 milliards d'euros , soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2013 .

Au total, le projet du Conseil exprime, surtout, le choix d'une moindre budgétisation des CP , dont l'impact sur le montant des contributions nationales est direct. En pratique, le recours à des budgets rectificatifs en cours d'année vise souvent à ajuster les ouvertures de CP. Ce sont donc les crédits d'engagement , tels qu'ils sont prévus par le projet de budget adopté par le Conseil, qui apparaissent les plus significatifs des priorités affichées par le budget communautaire , la répartition des CP étant toujours appelée à subir rapidement des modifications.

Répartition des crédits d'engagement entre rubriques
en 2014 selon le projet de budget du Conseil

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2014

3. La position du Parlement européen

Lors de son examen du projet de budget 2014, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2013, la plupart des recommandations de sa commission des budgets (COBU). Celle-ci a, en effet, estimé insuffisant le projet du Conseil et a donc souhaité revenir à des propositions proches de l'APB de la Commission, en particulier au regard des ouvertures de CP.

Il résulte donc de ce vote que les crédits d'engagement seraient portés à 142,62 milliards d'euros , soit une baisse de 5,5 % par rapport à 2013.

Les CP , quant à eux, s'élèvent désormais à 136 milliards d'euros , ce qui représente une hausse de 2,2 % si l'on se rapporte au budget pour 2013 .

Le tableau suivant permet de récapituler ces évolutions.

Tableau comparatif de l'avant-projet de budget pour 2014, du projet adopté par le Conseil et du projet adopté par le Parlement européen

(en millions d'euros)

Source : Parlement européen.

* Il s'agit des chiffres votés lors de la session plénière du Parlement européen en date du 23 octobre 2013 suite aux propositions de sa commission des budgets. Ce tableau ne permet pas de préjuger de l'issue finale des négociations entre le Conseil et le Parlement européen dans la mesure où le comité de conciliation pourrait échouer à définir en novembre 2013 un projet de compromis. Suite à cette absence d'accord, le projet de budget ne serait pas soumis au vote du Parlement européen lors de sa session plénière de novembre et la Commission devrait proposer un nouveau projet.

Les hausses demandées par le Parlement européen correspondent, comme l'année dernière, à une stratégie de quasi-retour à l'APB de la Commission et l'éloignent donc de sa tentative habituelle de saturation des plafonds pluriannuels .

B. LA NÉGOCIATION LORS DE LA PHASE DE CONCILIATION

1. Le rôle essentiel dévolu au comité de conciliation

Le comité de conciliation qui se réunira en novembre 2013 aura pour objectif de définir un projet consensuel .

En amont des réunions formelles du comité, des réunions techniques devraient permettre de parvenir progressivement à un accord politique. En 2012 et en 2010, lors des procédures pour 2011 et pour 2013, il convient d'observer que le comité de conciliation n'était pas parvenu à un accord , ce qui avait conduit la Commission à préparer et à proposer un nouveau projet de budget . Les questions qui feront l'objet d'arbitrages cette année sont sensiblement identiques à celles des années passées.

2. Les termes de la négociation

Comme l'ont montré les difficultés du Conseil à adopter sa position, la façon dont il sera tenu compte du contexte des finances publiques nationales est, à nouveau, le point le plus délicat de la procédure budgétaire . L'augmentation limitée des crédits dans le projet de budget du Conseil répond en effet principalement à un objectif de mise en cohérence du budget communautaire avec les efforts supportés par les budgets nationaux .

Le Parlement européen souhaite, à l'inverse, une approche plus ambitieuse , en particulier pour le financement de la stratégie UE 2020 et de l'action extérieure. Plus le Parlement européen sera tenté de renvoyer l'effort nécessaire de discipline budgétaire sur les États membres, plus ces derniers pourraient en retour s'opposer à l'adoption du budget 2014. Et il n'en reste pas moins que le compromis qui résultera de la négociation sera d'autant plus fragile qu'il reposera sur une base étroite d'États membres.


* 19 La dernière procédure à avoir illustré ce jeu de rôle est celle de 2010. Elle a conduit à proposer, pour l'examen en seconde lecture du projet de budget 2010, un niveau de crédits d'engagement et de CP proche de celui proposé par l'avant-projet de budget (APB) de la Commission le 29 avril 2009 (139 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 1,5 % par rapport au budget 2009 et 122 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 5,3 % par rapport au budget 2009). Adopté à l'unanimité par le Conseil le 10 juillet 2009, le projet de budget s'était voulu plus « réaliste ». Il a donc procédé à d'importantes coupes : la hausse des crédits d'engagement a ainsi été limitée à 138 milliards d'euros, soit un niveau de crédits inférieur de 613 millions d'euros à l'avant-projet de budget de la Commission et, en CP, les coupes ont atteint 1,8 milliard d'euros, ce qui en a réduit le montant à 120,5 milliards d'euros. Lors de son examen en première lecture du projet de budget 2010, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 22 octobre 2009, la plupart des recommandations de sa commission des budgets (COBU) et a porté les crédits d'engagement à près de 142 milliards d'euros, soit une hausse d'environ 4 milliards d'euros par rapport au projet du Conseil, tandis que les CP, quant à eux, se sont élevés à 127,5 milliards d'euros, ce qui représentait une augmentation notable de 7 milliards d'euros.