Mme Marie-France BEAUFILS, rapporteure spéciale
PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION
« REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS »
I. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS EN 2014
101,9 milliards d'euros de crédits sont demandés, pour 2014, au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Ce montant est supérieur de 6 % aux crédits demandés en loi de finances initiale pour 2013.
Évolution des crédits de la mission de la LFI 2013 au PLF 2014
(en euros)
Programmes et actions |
AE = CP |
Variation 2013-2014 |
||
2013 |
2014 |
Écart |
||
200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État |
85 240 591 000 |
90 622 984 000 |
5 382 393 000 |
6,3% |
11 - Remboursement et restitutions liés à la mécanique de l'impôt |
65 050 000 000 |
63 950 000 000 |
-1 100 000 000 |
-1,7% |
12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques |
6 632 540 000 |
13 846 300 000 |
7 213 760 000 |
108,8% |
13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État |
13 558 051 000 |
12 826 684 000 |
-731 367 000 |
-5,4% |
201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux |
10 922 900 000 |
11 317 074 000 |
394 174 000 |
3,6% |
01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale |
5 979 000 000 |
6 358 000 000 |
379 000 000 |
6,3% |
02 - Taxes foncières |
856 900 000 |
912 258 000 |
55 358 000 |
6,5% |
03 - Taxe d'habitation |
3 697 000 000 |
3 641 816 000 |
-55 184 000 |
-1,5% |
04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux |
390 000 000 |
405 000 000 |
15 000 000 |
3,8% |
Total mission |
96 163 491 000 |
101 940 058 000 |
5 776 567 000 |
6,0% |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Cependant, il faut noter que s'agissant des impôts locaux, les tendances réellement observées sont inverses à celles ressortant du tableau en raison d'une réévaluation des dépenses en cours d'exercice ( cf. infra ).
La hausse des restitutions au titre des impôts d'Etat est au contraire accentuée par rapport à ce qui ressort du tableau, en raison d'une sous-exécution assez marquée en 2013 ( cf. infra ).
A. DES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES EN VOIE D'AMÉLIORATION
1. Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat » : une logique pertinente mais insuffisamment précise
La maquette du programme 200 permet d'identifier les restitutions en fonction d'un critère fonctionnel : mécanique de l'impôt, politiques publiques, gestion des produits de l'Etat. Celui-ci permet une analyse pertinente des enjeux de la mission.
Cependant, votre rapporteure spéciale regrette que les sous-actions relevant des « remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques » ne fassent pas l'objet d'une déclinaison détaillée par dépense fiscale . Ainsi, par exemple, il est impossible d'identifier au sein des restitutions d'impôt sur les sociétés (IS) celles qui sont imputables au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), au crédit d'impôt recherche (CIR) ou encore le crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage.
2. Le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » : une demande de modifications de la maquette qui n'est toujours pas mise en oeuvre
À l'occasion de l'examen du PLF 2010, en réponse à une question de votre rapporteure spéciale, il lui a été indiqué qu' « une réflexion [était] engagée sur les possibilités d'aménager l'architecture du programme 201, qui se heurte aujourd'hui à des difficultés techniques liées au mode de restitution des données par les applications de gestion ».
Lors de l'examen du PLF 2013, les réponses au questionnaire budgétaire précisaient que la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) avaient « engagé un travail pour modifier les nomenclatures des programmes 200 et 201 à échéance du projet de loi de finances pour 2014 ».
Votre rapporteure spéciale regrette que le calendrier indiqué ne soit pas respecté s'agissant des impôts locaux. En effet, il a été indiqué à votre rapporteure spéciale que « le chantier, qui suppose une lourde coordination informatique, n'est pas perdu de vue par la DGFiP ». Cette réponse ne satisfait nullement votre rapporteure spéciale : la DGFiP doit non seulement s'engager sur un calendrier mais également le respecter .
3. Des indicateurs de performance peu pertinents
Les indicateurs de performance retenus ne concernent que les délais de traitement des demandes (taux de réclamations contentieuses en matière d'impôt sur le revenu et de contribution à l'audiovisuel public traitées dans le délai d'un mois). Il s'agit donc exclusivement de mesurer la qualité de service.
Selon les projets annuels de performance, les prévisions et la cible proposées permettent « d'allier réalisme et ambition ».
Au contraire, votre rapporteure spéciale regrette l'absence d'ambition s'agissant du volet performances de cette mission : la célérité de la réponse de l'administration ne saurait constituer l'unique objectif à cette mission qui devrait permettre de procurer une vision d'ensemble du système fiscal.
Ainsi, les indicateurs pourraient utilement chercher à mesurer l'adéquation entre les dispositifs prévus avec les objectifs affichés. L'efficacité socio-économique des dégrèvements et leur contribution aux politiques publiques auxquelles ils se rattachent, pourraient être mesurées. Certes, le responsable de programme n'a pas de prise sur de tels indicateurs, mais ils auraient le mérite d'étoffer les informations relatives à une mission dont le montant des crédits est de plus de 100 milliards d'euros.
Cette demande, déjà formulée en 2013, n'a pas trouvé de réponse.
Par ailleurs, les prévisions de dépenses pourraient être justifiées de façon plus détaillée et systématique, afin de renforcer la qualité de l'information contenue dans le projet annuel de performance.
4. Une question budgétaire et comptable à laquelle une réponse mériterait d'être apportée
Les modalités comptables d'inscription des restitutions d'acomptes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) posent question.
À ce jour, ces restitutions sont inscrites comme dépenses du programme 201 de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Elles font donc peser une charge sur le budget général, alors que les acomptes versés créent un excédent de recettes sur le compte d'avances aux collectivités territoriales. Cette situation résulte du fait que la CVAE est le premier impôt auto-liquidé transitant via le compte d'avances.
En effet, les remboursements et dégrèvements d'impôts sur rôle augmentent à la fois les recettes et les dépenses du compte d'avances aux collectivités, tandis que les restitutions d'acomptes de CVAE (qui viennent en déduction des montants versés aux collectivités) ne diminuent pas les recettes du compte d'avances aux collectivités, qui enregistre donc le solde brut versé par les entreprises.
Il en résulte, structurellement, un excédent qui va s'accumuler d'année en année sur le compte d'avances.
Selon les informations recueillies par votre rapporteure spéciale, la DGFiP étudie « la possibilité d'un traitement budgétaire et comptable alternatif ».
B. LES ÉVOLUTIONS DE LONG TERME DE LA MISSION
Après une hausse importante des remboursements et dégrèvements entre 2007 et 2009, ceux-ci ont très fortement diminué entre 2010 et 2012, en raison du repli du plan de relance mais aussi de la réforme de la fiscalité directe locale.
Depuis 2011, une séquence marquée par une relative stabilité pourrait s'être ouverte.
Il faut souligner que les montants des années 2013 et 2014 sont évaluatifs, tandis que ceux des années précédentes correspondent aux dépenses effectivement constatées.
Évolution des remboursements et dégrèvements depuis 2001, en valeur absolue et en proportion des recettes fiscales brutes
(échelle de gauche : en milliards d'euros ; échelle de droite : en %)
Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire
C. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS EN 2014
En 2014, les dépenses de remboursements et dégrèvements sont évaluées à 101,9 milliards d'euros, soit une augmentation de 6 % par rapport à la LFI 2013. Il faut souligner qu'entre la LFI 2012 et la FLI 2013, la variation était estimée à + 12,4 %. Ce ralentissement du rythme de progression s'explique avant tout par la dynamique des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État.
Toutefois, la prise en compte des montants révisés pour l'année 2013 fait au contraire apparaître une accélération de la progression des remboursements et dégrèvements, avec une hausse de 15,9 %.
1. Impôts d'État
Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmentent de 5,4 milliards d'euros par rapport à la LFI pour 2013, et de 14,6 milliards d'euros si l'on se réfère à l'évaluation révisée du présent projet de loi de finances.
Cette forte hausse résulte essentiellement de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) , qui peut donner lieu à des restitutions d'impôt sur les sociétés (IS) ou d'impôt sur le revenu (IR) au titre des « politiques publiques ».
Les deux autres actions du programme, qui portent sur les restitutions liées à la « mécanique de l'impôt » et à la « gestion des produits de l'Etat », sont également en hausse par rapport au révisé pour 2013 (respectivement de 9,2 % et 16,8 %), mais demeurent sujettes aux aléas de la conjoncture économique et des contentieux « précompte » et « OPCVM ».
2. Une diminution des crédits de remboursements et dégrèvements d'impôts locaux par rapport à l'évaluation révisée
Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux augmentent de 394 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2013, et diminuent de 344 millions d'euros si l'on se réfère à l'évaluation révisée du présent projet de loi de finances.
Entre 2009 et 2012, l'évolution à la baisse s'expliquait par le fait que la réforme de la fiscalité directe locale avait déjà produit la plupart de ses effets. En effet, le dégrèvement au titre du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée est en voie de disparition progressive, et sa baisse est donc de plus en plus faible (de 9,2 milliards d'euros entre 2011 et 2012 à 25 millions d'euros entre 2013 et 2014).
La baisse entre 2013 et 2014, moindre par rapport aux années antérieures, s'explique par les diminutions d'autres remboursements et dégrèvements, notamment le dégrèvement relatif aux restitutions de CVAE (cf. infra ).