M. François PATRIAT, rapporteur spécial

III. UN BUDGET QUI NE COMPORTE AUCUNE MESURE NOUVELLE ET NE RÉPOND PAS AUX BESOINS DE LA CRISE

A. L'ABSENCE DE RELAIS POUR LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN À L'EMPLOI NON RECONDUITS

1. La fin des effets du plan de relance de 2009

Le plan de relance pour le soutien à l'emploi a orienté vers la politique de l'emploi des crédits considérables : 1,2 milliard d'euros en 2010 (703 millions d'euros en 2009). Etant arrivés à leur terme en 2010, les dispositifs anciennement gérés directement par la mission « Plan de relance » (programme 316) en 2009 et 2010, et qui étaient encore actifs en 2011, ont été rattachés aux programmes 102 et 103 de la mission « Travail et emploi » dans la loi de finances pour 2011.

Ces crédits correspondaient au financement de dispositifs en extinction, à l'exception de ceux relatifs aux écoles de la deuxième chance (E2C), car ce dispositif est le seul à avoir été pérennisé au sein du programme 102.

Il ne subsiste donc plus dans le projet de loi de finances pour 2012 que les dotations qui serviront à couvrir les restes à payer 7 ( * ) sur les dispositifs d'allocations AFDEF (56,95 millions d'euros) et AER (12,28 millions d'euros) ainsi que les crédits relatifs aux écoles de la deuxième chance, pour un montant de 93,23 millions d'euros.

2. Le prolongement des mesures du plan pour l'emploi de 2011

Après l'enveloppe de 350 millions d'euros de crédits ouverts sur l'exercice 2011 , le prolongement des mesures du plan pour l'emploi s'établit pour 2012 à 148 millions d'euros. Il concerne le programme 102 et se répartit entre les mesures suivantes :

- la fin des 50 000 contrats aidés du secteur non marchand (CUI CAE 8 ( * ) ) pour 110 millions d'euro ;

- la rémunération de fin de formation (R2F), sur la base d'une hypothèse de 30 000 entrées dans le dispositif en 2011, pour un montant de 38 millions d'euros.

Le coût 2012 des mesures en faveur de l'emploi

Source : DGEFP

Le poids très élevé du coût des deux plans de 2009 et 2011 explique le fort impact à la baisse subi par contrecoup par le budget pour 2012, avec l'arrêt brutal de ces politiques de soutien de l'emploi.

B. DES BESOINS INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE

1. Des besoins sous évalués
a) Les contrats aidés

Le solde net négatif des masses affectées aux contrats aidés (1,9 milliard d'euros pour 2012 au lieu de 2 milliards en 2011, soit moins 116 millions d'euros) est présenté par le Gouvernement comme une réduction globale des crédits « assez marginale par rapport aux masses financières en jeu » mais il traduit le fait que l'objectif pour 2012 (340 000 contrats aidés) se situe en deçà de ce qu'il est pour 2011 (390 000 contrats aidés financés par l'Etat au titre de la LFI 2011 et du plan pour l'emploi décidé en cours d'année).

Pourtant l'exécution des contrats aidés excède régulièrement la programmation initiale comme cela fut le cas en 2010 en raison du plan de relance. Pour le premier semestre 2011, la consommation des crédits des contrats aidés est d'ores et déjà supérieure à 50 % de la dotation de l'année (un milliard d'euros consommés sur 1,8 milliard pour les seuls CUI CAE).

Cette ligne budgétaire présente donc un risque fort de sous-budgétisation pour 2012.

b) Les nouveaux contrats de sécurisation professionnelle (CSP)

La loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 précitée a procédé à la fusion, au sein d'un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP), de deux dispositifs d'accompagnement des restructurations économiques : le contrat de transition professionnelle (CTP) et la convention de reclassement personnalisé (CRP) 9 ( * ) .

Mis en place à titre expérimental, par l'ordonnance n° 2006-339 du 23 mars 2006, le contrat de transition professionnelle (CTP) s'adressait aux salariés dont le licenciement économique est envisagé dans les entreprises de moins de mille salariés 10 ( * ) . La convention de reclassement personnalisé (CRP) permettait, dans des conditions fixées par les partenaires sociaux, aux salariés d'entreprises de moins de mille salariés, licenciés pour motif économique, de bénéficier pendant douze mois d'un ensemble de mesures favorisant leur reclassement professionnel. Ce dispositif était financé par l'employeur, l'Unedic et l'Etat, ce dernier participant à hauteur de 915 euros par nouveau bénéficiaire.

La fusion de ces deux dispositifs au sein du contrat de sécurisation des parcours professionnel 11 ( * ) constitue une avancée en matière de simplification et de rationalisation des dispositifs de reclassement professionnel. Toutefois les crédits affectés au CSP pour 2012 s'établissent à 87,2 millions d'euros, montant qui ne couvre pas le niveau de consommation des crédits cumulés en 2010 par les CRP (59,47 millions d'euros) et les CTP (143,22 millions d'euros). Or, il est à craindre que la montée probable du chômage en 2012 ne contraigne le Gouvernement à revoir à la hausse cette prévision.

2. Des besoins non satisfaits
a) Le chômage partiel de longue durée

Afin de tenir compte des conséquences de la crise, qui conduit notamment à l'augmentation des cas d'activité partielle, les partenaires sociaux et l'Etat ont mis en place depuis 2008 des modes complémentaires d'indemnisations afin de sauvegarder les emplois, notamment dans l'industrie.

Le tableau ci-dessous récapitule le nombre d'heures et les montants autorisés ainsi que la dépense de l'Etat au titre de l'allocation spécifique de chômage partiel.

Evolution du montant consommé de l'allocation spécifique de chômage partiel

Années

Heures autorisées

Montant autorisé
(en euros)

Montant consommés
(en euros)

2008

35 299 271

84 298 669

14 600 000

2009

258 819 516

897 480 388

268 336 279

2010

131 869 896

478 869 157

189 138 687

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Au total, plus de 646 345 salariés en 2010 ont été concernés par une ou plusieurs autorisations de chômage partiel. En nombre d'heures autorisées, le principal secteur utilisateur est l'industrie, notamment le secteur des biens intermédiaires, et plus particulièrement le secteur automobile (45,1 millions d'heures).

La LFI pour 2011 a ouvert 40 millions d'euros au titre des différents dispositifs d'indemnisation du chômage partiel (allocation spécifique, activité partielle de longue durée et conventions de chômage partiel) sur le programme 103, et dès la fin juin 30 millions d'euros avaient déjà été consommés.

Compte tenu de l'intérêt stratégique de maintenir les emplois industriels, en soutenant l'activité partiel lorsque l'économie ralentit, l'ouverture pour 2012 d'une dotation de 30 millions d'euros au titre de la seule allocation spécifique de chômage partiel présente un risque important de sous-budgétisation.

Par ailleurs, l'article 62 bis (nouveau), adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, supprime l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi (ASFNE) destinée aux préretraites versées dans le cadre de plans sociaux, entraînant le risque d'aggraver la situation des salariés les moins formés.

b) La formation professionnelle des publics handicapés

Depuis 2011, le financement des parcours de formation qualifiante pour les demandeurs d'emploi handicapés est assuré par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapée (AGEFIPH) conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2011.

Ce transfert de compétence a eu pour finalité de décharger l'Etat de tâches de gestion qui peuvent être assumées par l'organisme destinataire des fonds collectés. De ce point de vue, il s'agissait d'une mesure de rationalisation administrative permettant pour l'Etat un allègement équivalent à 15,5 ETPT en 2011 puis 26 ETPT en 2012 et 74 ETPT en 2013.

Toutefois, le gain le plus notable de l'Etat ressortissait au transfert à l'AGEFIPH du marché de la formation professionnelle conclu avec l'AFPA, pour un montant de 30,5 millions d'euros en 2011, et plus de 60 millions d'euros à partir de 2012.

Pour pallier au manque de moyens, l'Etat a développé une politique de transferts de charges qui se poursuit en 2012 et qui n'est accompagnée par aucune compensation financière.


* 7 Des restes à payer subsistent sur l'allocation équivalent retraite (AER) et l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (AFDEF) en 2012 du fait de la durée de maintien des bénéficiaires au sein de ces dispositifs :

- l'AFDEF présente un mécanisme en trois temps séparés par des délais parfois importants, entre la prescription de la formation au bénéficiaire, la date d'entrée en formation et l'entrée en indemnisation. Ainsi, une formation prescrite en 2009 peut démarrer en 2010 et ne donner lieu à un paiement qu'en 2011 ou plus tard ;

- la durée moyenne de l'AER par bénéficiaire est de trois ans.

* 8 Contrat unique d'insertion - Contrat d'accompagnement dans l'emploi.

* 9 Dans un référé transmis à votre commission des finances le 28 janvier 2011, la Cour des comptes avait préconisé la fusion de ces dispositifs, devenus très proches dans leurs objectifs. La gestion des CTP était néanmoins plus onéreuse compte tenu de la dualité de ses gestionnaires, une partie du dispositif étant gérée par une société filiale de l'AFPA, la société de gestion du contrat de transition professionnelle (SGCTP) dite « Transitio », et l'autre par Pôle emploi pour le reste des bassins d'emplois concernés.

* 10 Le CTP a d'abord été créé dans sept bassins d'emplois (Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié, Toulon, Valenciennes et Vitré). Une filiale de l'AFPA, la société de gestion du CTP (SGCTP) dénommée « TRANSITIO », était chargée de sa mise en oeuvre sur ces bassins d'emploi. L'article 19 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie a ensuite prolongé cette expérimentation jusqu'au 1 er décembre 2010 et l'a étendue à trente trois nouveaux bassins d'emplois gérés par Pôle Emploi. La possibilité d'adhérer au CTP a été prorogée, en loi de finances pour 2011, jusqu'au 31 mars 2011 afin d'aligner le terme de l'expérimentation sur la date d'extinction des CRP.

* 11 Comme la CRP ou le CTP, le CSP s'adresse aux salariés qui disposent des droits suffisants pour prétendre à l'allocation de retour à l'emploi (ARE) dont le licenciement économique est envisagé dans une entreprise non soumise à l'obligation de proposer un congé de reclassement. Le CSP, d'une durée maximale de 12 mois, a pour objet le suivi d'un parcours de sécurisation professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics. Pendant la durée de ce contrat, et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce une activité rémunérée, le titulaire du CSP, qui avait un an d'ancienneté dans son entreprise au moment de son licenciement, perçoit une « allocation de sécurisation professionnelle » égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 mois précédant la conclusion du CSP.