II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE
Article 86 quater (nouveau)
L'article L. 252-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale peuvent obtenir le remboursement des prestations qu'ils ont versées à tort. En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. »
III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011) ANNEXE 26
Commentaire : le présent article, inséré à l'Assemblée nationale, vise à donner aux caisses d'assurance maladie la possibilité de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME.
I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit à l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Claude Goasguen, avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à prévoir que les caisses générales de sécurité sociale et les caisses primaires d'assurance maladie puissent obtenir le remboursement des prestations qu'elles ont versées à tort dans le cadre de l'AME . En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite.
L'auteur de l'amendement justifie cette mesure par le fait que le code de l'action sociale et des familles ne prévoit la délégation du pouvoir du représentant de l'Etat au directeur de la caisse d'assurance maladie que pour prononcer l'admission à l'AME, et non pour récupérer les sommes indûment versées.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances renvoie à ses observations générales formulées dans le cadre de l'examen de l'article 86 bis rattaché à la présente mission.
Plus spécifiquement, il convient de rappeler, comme l'avait souligné la mission d'audit précitée de 2007, que le public concerné par cette mesure est une population souvent très précaire ne disposant pas toujours d'une adresse fixe et dont la solvabilité est faible . Le risque que les sommes indues ne puissent être récupérées est donc important.
Décision de la commission : sous réserve de ces observations, votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.
IV. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 4 DÉCEMBRE 2010
Séance du samedi 4 décembre 2010
Article 86 quater (nouveau)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II-39 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° II-158 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° II-215 rectifié est présenté par MM. Teulade, Daudigny, Godefroy, Le Menn et Gillot, Mmes Printz, Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-289 rectifié est présenté par M. Collin et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° II-39.
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d'État, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, par cet amendement, les sénatrices et sénateurs écologistes demandent la suppression de l'article 86 quater , qui prévoit la récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME.
Cette disposition procède, une nouvelle fois, d'une stigmatisation des étrangers en situation irrégulière. Celle-ci laisse entendre que le coût de l'AME et son augmentation sont dus à l'utilisation frauduleuse, par les bénéficiaires, de ce dispositif.
Ce postulat est inexact, puisqu'il suffit d'examiner la politique d'immigration de la France depuis quelques années pour s'en rendre compte.
Si l'AME a augmenté, ce n'est pas parce que l'État français à ouvert grand ses frontières, mais au contraire, parce qu'il les a fermées de manière quasi hermétique.
Cette fermeture des frontières, assortie d'une politique restrictive en matière d'octroi de visas et d'asile, a eu un effet immédiat : l'augmentation du nombre d'étrangers sans papiers en France.
À cela s'ajoute l'exclusion d'une partie des ressortissants européens du bénéfice de la sécurité sociale, comme c'est le cas, par exemple, pour les Roumains.
L'augmentation du nombre de prises en charge au titre de l'AME est donc avant tout une conséquence de la politique inique du Gouvernement en matière de régularisations.
C'est pour toutes ces raisons que le coût de l'AME croît, et non pas parce que l'étranger est un profiteur !
J'ajoute que le fait d'exiger le remboursement des sommes versées à tort est tout à fait ridicule et inapproprié. L'AME, ce n'est pas une prestation sociale versée à l'étranger. Les bénéficiaires ne touchent jamais une somme d'argent, puisque le prix de la prestation est directement versé aux professionnels de la santé.
Dans ces conditions, demander le remboursement, à des personnes en situation de grande précarité et insolvables, de sommes qu'elles n'ont jamais perçues est donc non seulement honteux, mais également pour le moins absurde.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° II-158.
Mme Marie-France Beaufils. Cet article prévoit que les caisses primaires d'assurance maladie peuvent obtenir le remboursement des sommes versées à tort à des bénéficiaires de l'AME. La notion de « sommes versées à tort » vise, en réalité, les sommes qu'auraient pu percevoir des fraudeurs.
Pour notre part, et il est important de le préciser, les étrangers en situation irrégulière qui perçoivent indûment des prestations au titre de l'AME ne constituent qu'une minorité. La fraude n'est pas plus développée qu'ailleurs et, naturellement, il convient de la sanctionner lorsqu'elle est avérée, car elle porte atteinte au système tout entier.
Or cet article, juxtaposé aux précédents, donne l'impression que les députés qui en ont proposé l'insertion ont une vision déformée de la réalité, tendant à voir derrière chaque bénéficiaire de l'AME un fraudeur potentiel.
On doute, d'ailleurs, comme pour l'ensemble de ces articles, qu'il puisse être opérant.
Notre collègue Jean Desessard vient de le rappeler, l'article 86 quater précise que, en cas de précarité, la dette pourrait être remise ou réduite. Autant dire que cette possibilité sera systématiquement utilisée, puisque, ne l'oublions pas, l'AME est destinée à des personnes dont les revenus n'excèdent pas 634 euros.
Aussi proposons-nous, par cet amendement, de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° II-215 rectifié.
M. Yves Daudigny. La fraude, même si elle est totalement inacceptable, est, c'est bien connu, l'argument régulièrement évoqué lorsque l'on veut justifier des mesures d'encadrement qui ont en fait d'autres buts inavoués : des restrictions, des économies, etc.
Les deux derniers rapports, de 2003 et de 2007, de l'IGAS et de l'IGF ont conclu que l'AME est un dispositif maîtrisé, avec des potentialités de fraude de la part des bénéficiaires qui apparaissent limitées, et qu'il remplit des objectifs de santé publique essentiels.
Curieusement, ces rapports n'empêchent pas les auteurs des articles remettant en cause l'AME d'entretenir un climat de suspicion, ni ceux qui les ont votés d'utiliser ce dispositif comme un instrument de la politique de l'immigration et non comme l'outil de santé publique qu'il devrait être.
Les effets délétères de telles mesures sont évidents, en premier lieu pour les personnes concernées, d'autant plus que celles-ci sont davantage touchées que la moyenne par des affections graves, mais également pour l'ensemble de la population, d'un point de vue sanitaire tout autant qu'économique.
L'article 86 quater prévoit la récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME par les caisses primaires d'assurance maladie, les CPAM. Outre le coté stigmatisant et inutilement suspicieux d'une telle mesure, faut-il rappeler, mes chers collègues, que le public concerné est précaire et qu'il se trouve souvent en France dans le dénuement le plus total ? (M. Alain Gournac s'exclame.)
Même si une somme se révélait avoir été indûment perçue, ce qui reste peu probable compte tenu du caractère exigeant de la procédure et de la surveillance soigneuse du dispositif par les CPAM, la récupération se heurterait inévitablement à l'insolvabilité des personnes.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° II-289 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Tous les dispositifs d'aide peuvent donner lieu à des fraudes et l'AME ne fait pas exception à la règle.
Il s'agit ici de pouvoir récupérer, en cas de fraude, une somme qui a été versée à tort. Or les directeurs des caisses primaires d'assurance maladie sont les plus à même de recouvrer ces indus, comme le prévoit cet article.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je suis heureuse d'entendre mes collègues de gauche affirmer qu'ils ne sont pas favorables à la fraude et qu'il faut la réprimer.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Toutefois, leurs amendements n'ont dès lors plus de raison d'être, puisque c'est bien de sanctionner la fraude qu'il s'agit ici.
Lorsque la sécurité sociale verse une prestation indue à l'un de nos concitoyens, quel qu'il soit, elle est en droit de lui en réclamer le remboursement. Je ne vois pas pourquoi il en irait différemment pour les étrangers.
Mme Évelyne Didier. Les rétrocommissions aussi, il faut les réclamer !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Je veux simplement indiquer à nos collègues que la commission des affaires sociales s'était prononcée pour le maintien de cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-39, II-158, II-215 rectifié et II-289 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 86 quater .
(L'article 86 quater est adopté.)