ARTICLE 86 QUATER : RÉCUPÉRATION DES SOMMES INDÛMENT VERSÉES AUX BÉNÉFICIAIRES DE L'AME

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 2 NOVEMBRE 2010

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 10, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

L'amendement est ainsi rédigé :

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 86, insérer la division et l'article suivants :

Santé

L'article L. 252-3 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale peuvent obtenir le remboursement des prestations qu'elles ont versées à tort. En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. »

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour présenter cet amendement.

M. Claude Goasguen. Ne croyez pas, chers collègues, que nos affirmations sont le fruit de notre imagination ; elles sont fondées sur des rapports explicites que vous pouvez contester, comme tout rapport.

Il n'empêche que le document évoqué par Dominique Tian et moi-même est un rapport officiel de la RGPP, qui vaut ce qu'il vaut mais que l'Assemblée nationale a reçu.

M. Jean Mallot. Personne ne prétend le contraire !

M. Claude Goasguen. Alors n'allez pas raconter que nous inventons des chiffres pour le plaisir.

M. Jean Mallot. Ces chiffres se rapportent à des contrôles ciblés ! C'est la lecture que vous en faites qui est inventée !

M. Claude Goasguen. Ne caricaturez pas non plus, en mettant d'un côté ceux qui défendraient les bons et de l'autre, nous, qui défendrions les méchants.

Nous souhaitons que l'AME fonctionne convenablement, à l'instar des systèmes qui existent dans les pays européens voisins. La norme européenne est désormais acceptée par l'ensemble des pays de l'Union.

Cela étant, j'ai cosigné cet amendement n° 10 comme certains de mes collègues, notamment notre ami Jean Leonetti, l'un des plus experts d'entre nous, qui vient de montrer sa science devant l'Assemblée nationale.

Cet amendement propose simplement que les organismes mentionnés doivent pouvoir obtenir le remboursement de prestations versées à tort. Cela me paraît très simple.

Pour être franc, je crains que son application ne soit un peu difficile. Je maintiens que la plupart des caisses départementales seraient bien en peine d'effectuer un quelconque contrôle dans la mesure où elles disposent d'assez peu d'effectifs. Mon cher collègue Sirugue, vous étiez présent lors des auditions et nous n'avons pas encore examiné le cas de la Seine Saint-Denis.

Dans un tel contexte, ce type d'amendement revêt un côté un peu fallacieux. Nous espérons que cela fonctionnera, que les décrets paraîtront.

Rappelons que nous attendons les décrets sur l'AME depuis dix ans. Je me souviens de quelques-uns de vos prédécesseurs, madame Bachelot, promettant des décrets que l'on attend toujours.

M. Jean Mallot. Vous êtes au Gouvernement depuis 2002 !

M. Claude Goasguen. Eux-mêmes sont partis de l'autre côté de l'Atlantique, le décret en poche sans doute, oubliant de le déposer en partant.

M. Jean Mallot. Vous voulez parler de Douste-Blazy ?

M. Claude Goasguen. Il est possible que ce soit celui que vous citez.

Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'un amendement de forme et de fond, qui implique un certain contrôle de l'AME.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales . Pour ma part, je voterai ces amendements, notamment pour des raisons humanitaires. De plus en plus souvent, nos consulats rejettent la demande de parents ou de grands-parents qui souhaitent venir en France à l'occasion d'une naissance. Or ces refus sont précisément motivés par les abus, qu'il est de notre devoir de contrôler. Nous sommes nombreux à avoir reçu dans nos circonscriptions des familles en situation légale qui aimeraient recevoir leurs parents d'Afrique du Nord, notamment d'Algérie, et qui ne le peuvent pas.

M. Louis Giscard d'Estaing. C'est exact !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Il serait bon, madame la ministre, que le comité d'évaluation et de contrôle soit informé de l'évolution de la situation : les consulats permettront-ils aux familles de se retrouver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En matière de fraudes, tout dépend de la base qui est envisagée. On a cité le chiffre de 49 %, mais ce ne sont évidemment pas 49 % des bénéficiaires de l'AME qui sont fraudeurs.

M. Jean Mallot. Merci de le dire, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les services exercent des contrôles sur les personnes qui leur ont été signalées, par exemple parce que leur train de vie permet de supposer qu'ils ont des revenus supérieurs à ceux qui donnent droit à l'AME. Chacun a eu vent de cette légende urbaine du bénéficiaire de l'AME roulant en Mercedes - sans vouloir faire de publicité, et qui plus est pour une marque allemande (Sourires) , mais ces images d'Épinal, que Michel Heinrich m'en excuse, traversent l'inconscient ou la conscience populaire. Quand les organismes considèrent qu'il y a suspicion de fraude, ils exercent des contrôles qui, à 49 %, un sur deux simplement, s'avèrent positifs : ce ne sont donc pas 49 % des bénéficiaires de l'AME qui sont des fraudeurs. Cela prouve en tout cas que la détection des fraudeurs par les services est fondée sur des éléments parfois imprécis mais qui se révèlent souvent exacts.

Je suis favorable à l'amendement de Claude Goasguen. Les services de l'assurance maladie ont simplement à leur charge l'instruction des dossiers et l'admission au dispositif de l'AME par délégation du représentant de l'État au directeur de la caisse d'assurance maladie. Nous examinons bien le projet de loi de finances et non pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale : ce sont des crédits d'État, et non pas des crédits d'assurance maladie, qui sont concernés. Certes, les organismes d'assurance maladie sont imparfaits, mais ils ont capitalisé des compétences en la matière. Je veux donc accepter cet amendement tout à fait pertinent qui va donner une base légale à la récupération des indus par les caisses. Nous ne pouvons le faire que par la loi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Cet amendement pour le moins curieux dit tout et son contraire. S'il ne concernait des gens en grande précarité, on le trouverait assez amusant, voire risible.

M. Claude Goasguen. Eh bien riez, ne vous gênez pas !

Mme Catherine Lemorton. Monsieur Goasguen, Christophe Sirugue et moi-même assistons aux mêmes auditions que vous, mais nous n'en faisons pas tout à fait la même lecture. M. Chadelat a bien dit qu'il n'y avait pas à aller chercher d'enrichissement personnel chez les bénéficiaires de l'aide médicale d'État. Votre amendement prévoit que les sommes indûment versées seront récupérées, mais, comme vous savez que, au fond, l'opposition a raison, vous précisez : « En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. »

De plus, l'exposé sommaire contient des erreurs : « Cet amendement propose donc de modifier le 2° du II de cet article pour permettre aux caisses de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME en cas de fraude. » Or, qu'ils soient fraudeurs ou non, les bénéficiaires de l'AME ne font pas l'avance des prestations de soins.

M. Claude Goasguen. Merci du renseignement !

Mme Catherine Lemorton. Il n'y a donc pas d'enrichissement personnel et il n'est pas possible d'aller rechercher sur leur compte en banque les sommes dont on veut qu'ils les remboursent.

M. Claude Goasguen. Cela ne veut pas dire qu'on ne leur demande pas d'argent !

Mme Catherine Lemorton. En réalité, ces sommes ont été versées aux professionnels de santé.

En fonction de quels critères définissez-vous le fraudeur ? Est-ce bien celui qui a fait une fausse déclaration de revenus ?

M. Jean Leonetti. C'est n'importe quoi !

Mme Catherine Lemorton. Non, monsieur Leonetti, ce n'est pas n'importe quoi. C'est l'amendement qui est n'importe quoi !

M. le président. Madame Lemorton, il faut conclure.

Mme Catherine Lemorton. Je repose donc ma question à propos de l'exposé qui, plus que sommaire, est faux, puisqu'il propose de « permettre aux caisses de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME en cas de fraude », alors que ces bénéficiaires ne peuvent pas bénéficier de remboursements. Madame Bachelot ne peut être que d'accord avec moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Si l'on en arrive à de tels imbroglios, c'est parce que, dès le début, la situation n'est pas claire.

M. Claude Goasguen. Ça, c'est sûr !

M. Jacques Domergue. Ce que nous voulons, c'est réduire les fraudes et réserver l'AME à ceux qui en ont réellement besoin. Quand Mme la ministre dit qu'il n'y aura pas de contrôle de l'assurance maladie et que ce sont les seuls médecins qui prendront la responsabilité de décider si les soins doivent être prodigués, elle rejette l'entière responsabilité sur les médecins, mais tous les médecins ici présents vous le diront, ceux-ci ont besoin d'un cadre.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial . Il faut les encadrer !

M. Jacques Domergue. Puisque, avec l'amendement n° 7, nous avons rejeté la notion d'urgence, quand le médecin constate qu'il y a des soins à prodiguer, il ne peut décider qu'une chose : de prodiguer des soins. Les seuls soins qui peuvent être différés, ce sont les soins non urgents. Autrement dit, s'il y a une aberration de cet amendement, c'est de vouloir contrôler des gens qui sont insolvables, alors que, à l'origine, l'AME devait être réservée à ceux qui, entrés irrégulièrement dans notre pays, subissent des conditions d'urgence mettant en jeu leur pronostic vital ou menaçant leur entourage d'une contamination. Il est donc nécessaire de recadrer le dispositif - j'espère que le rapport qui nous sera remis à la fin du mois permettra de le faire -, mais il ne faut pas renvoyer en permanence la responsabilité au médecin, car, si celui-ci a en face de lui quelqu'un qui est réellement malade, il ne pourra que le soigner.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial . Il est bien normal de soigner un malade, si le médecin pense que c'est nécessaire !

M. Jacques Domergue. Il convient de fixer une règle : si les soins sont réservés aux urgences et que le cas qui se présente au médecin n'est pas urgent, la personne retournera se faire soigner dans son pays. C'est tout à fait normal.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. L'amendement de M. Goasguen paraît parfaitement rédigé.

Mme Catherine Lemorton. Mais non !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. « Les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale peuvent obtenir le remboursement des prestations qu'elles ont versées à tort. » À aucun moment il n'est dit qu'elles ont été versées au bénéficiaire.

Mme Catherine Lemorton et M. Jean Mallot. Si, dans l'exposé sommaire !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. « En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. » Les organismes demanderont donc le remboursement non pas aux professionnels de santé, mais à la personne qui aura fait de fausses déclarations. L'amendement de M. Goasguen ne présente pas la moindre difficulté.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 10.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 100

Nombre de suffrages exprimés 100

Majorité absolue 51

Pour l'adoption 76

Contre 24

(L'amendement n° 10 est adopté.)

Voir les débats sur l'ensemble des crédits de la mission « Santé »

- mardi 2 novembre 2010 ;

- mardi 2 novembre 2010 (suite) .