V. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)

Commentaire : le présent article modifie les dispositifs de péréquation départementale et régionale portant sur le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises adoptés en loi de finances pour 2010.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UNE PÉRÉQUATION VISANT À REMÉDIER À LA RÉPARTITION « MICRO » DE LA CVAE

L'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2010 relatives à la réforme de la taxe professionnelle a notamment été l'occasion d'un débat sur les modalités de répartition du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au profit des collectivités territoriales.

Le projet initial du Gouvernement prévoyait une répartition dite « macro » de la CVAE . L'intégralité de son produit national était réparti au profit des collectivités territoriales en fonction de critères déterminés par décret qui devraient prendre en compte, d'une part, la population du département et, d'autre part, les bases imposables à la cotisation foncière des entreprises (CFE).

L'Assemblée nationale, suivant l'avis de sa commission des finances, a opté pour une répartition dite « micro » du produit de la CVAE aux trois catégories de collectivités territoriales. Ainsi, chaque collectivité bénéficiait du produit de la CVAE résultant de l'imposition des entreprises sur son territoire. L'objectif de cette modification était de renforcer le lien entre les entreprises et les collectivités territoriales en « territorialisant » la CVAE.

Le Sénat, quant à lui, avait opté pour une approche mixte , conformément aux préconisations de sa commission des finances. La répartition dite « micro » était conservée pour le « bloc communal » , tandis que la répartition « macro » proposée par le Gouvernement était préférée pour les départements et les régions , compte tenu des charges récurrentes et prévisibles que supportent ces collectivités. La proposition de la commission des finances du Sénat divergeait toutefois de celle envisagée initialement par le Gouvernement car les critères de la répartition étaient des critères de charges, péréquateurs et en lien avec les compétences exercées par ces collectivités.

Le « quatre quarts » proposé pour les départements prenait en compte les bases de valeur ajoutée, la population, les bénéficiaires des minima sociaux et de l'allocation personnalisée d'autonomie et, enfin, la longueur de voirie de chaque département. Celui envisagé pour les régions comportait également les bases de valeur ajoutée et la population, auxquelles s'ajoutaient les effectifs scolarisés en lycées et les stagiaires de la formation professionnelle ainsi que la superficie de chaque région.

La commission mixte paritaire (CMP) réunie sur le projet de loi de finances pour 2010 a choisi un retour à une répartition « micro » du produit de la CVAE pour les trois catégories de collectivités territoriales . Il en est résulté un risque de grandes inégalités entre les collectivités territoriales riches en bases de valeur ajoutée et les autres.

C'est pour remédier à cet inconvénient que le Parlement a adopté, en lecture des conclusions de la CMP , deux amendements proposés par le Gouvernement visant à créer :

- d'une part, deux dispositifs de péréquation dits « sur flux cumulés » de la CVAE, l'un pour les départements, l'autre pour les régions ;

- d'autre part, deux dispositifs de péréquation sur le stock de la CVAE, l'un pour les départements, l'autre pour les régions .

B. LES DISPOSITIFS DE PÉRÉQUATION PRÉVUS PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2010

1. Les deux dispositifs de péréquation sur flux cumulés aux effets limités

Les dispositifs de péréquation sur flux cumulés, codifiés à l'article 1648 AA du code général des impôts, sont identiques pour les départements et les régions .

Ils prévoient le calcul, chaque année, de la différence entre le produit de la CVAE perçu l'année précédente par la collectivité territoriale et le produit de CVAE perçu par elle en 2011 . Un prélèvement, égal à la moitié de la différence ainsi constatée, est opéré lorsque :

- pour une région, la différence est positive et que son potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne ;

- pour un département, lorsque la différence est positive et que son potentiel financier par habitant est supérieur à la moyenne 5 ( * ) .

Les ressources des deux fonds départemental et régional sont réparties au profit, respectivement, des départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne et des régions dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne , au prorata du produit de l'écart à cette moyenne par la population du département ou de la région. Le critère de répartition est donc un critère de richesse de la collectivité territoriale. Rien ne justifiait toutefois de choisir le potentiel fiscal pour les départements et le potentiel financier pour les régions.

Le rapport « Durieux-Subremon » 6 ( * ) a étudié l'impact de ces dispositifs de péréquation. Il conclut à la faiblesse des effets péréquateurs pour les régions , les mécanismes de péréquation sur flux n'entraînant une réduction que de 0,6 % des inégalités de potentiel fiscal entre les régions entre 2010 et 2015. Ainsi, « en 2015, seule la région Ile-de-France et la région Rhône-Alpes devraient abonder le fonds régional de péréquation sur flux, à hauteur de 50 millions d'euros, alors que 22 régions en bénéficient en contrepartie pour des montants très faibles (de plusieurs dizaines à quelques millions d'euros) ».

Les conclusions du rapport pour le dispositif de péréquation sur « flux cumulé » des départements ne sont que légèrement plus optimistes . Ainsi, le mécanisme de péréquation sur flux réduirait de 2,5 % les inégalités de potentiel fiscal entre les départements entre 2010 et 2015. Le rapport relève qu'en « 2015, neuf départements devraient abonder le fonds départemental de péréquation sur flux pour un montant total de 123 millions d'euros (principalement Paris pour 65 millions d'euros et les Hauts-de-Seine pour 52 millions d'euros) et 75 départements devraient bénéficier de ce fonds pour des montants unitairement faibles (le maximum étant perçu par l'Hérault avec moins de 8 millions d'euros) ».

2. Deux dispositifs de péréquation sur stock peu opérants

Les deux dispositifs de péréquation sur stock, codifiés à l'article 1648 AB du code général des impôts, prévoyaient, pour les départements comme pour les régions, de prélever, chaque année un quart de la recette de CVAE perçue par chaque département et par chaque région au profit de deux fonds de péréquation - départemental et régional.

C'est donc le stock de la CVAE et non son flux, qui sert à alimenter la péréquation. Ce dispositif revient en quelque sorte à une répartition dite « macro » de la CVAE à hauteur d'un quart de son produit, tandis que les trois quarts demeurent répartis selon des règles dites « micro ».

La répartition des montants alimentant les deux fonds ne se fait pas, pour la péréquation sur stock, en fonction de critères de richesse mais en fonction de critères de charges qui reprennent, en les adaptant, les propositions formulées par le Sénat.

Ainsi, pour les régions , les ressources sont réparties :

- pour le tiers, au prorata de la population de chaque région ;

- pour le tiers, au prorata de l'effectif des élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et de celui des stagiaires de la formation professionnelle de chaque région ;

- enfin, pour le tiers restant, au prorata de la superficie de chaque région, qui n'est retenue que dans la limite du double du rapport entre le nombre d'habitants de la région et la densité de population moyenne de l'ensemble des régions.

Par ailleurs, pour les départements , la répartition se fait :

- pour le tiers, au prorata de la population de chaque département ;

- pour le tiers, au prorata du nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- pour le dernier tiers, au prorata de la longueur de la voirie départementale de chaque département.

Les effets de ces dispositifs de péréquation sur stock, alimentés par un quart du produit départemental et régional de la CVAE, auraient pu être importants. Toutefois, leur articulation avec l'impératif d'une compensation à l'euro près des effets de la réforme les rend, en pratique, peu opérants .

En effet, le prélèvement et la redistribution de 25 % de la CVAE intervient avant la mise en oeuvre de la garantie de ressources via les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les fonds de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Par conséquent, en 2011, l'effet des fonds de péréquation sur stock est totalement annulé par l'intervention postérieure de la compensation à l'euro près.

Ce n'est qu'à compter de 2012 qu'ils commenceront à produire un effet, grâce à la croissance de la CVAE. En effet, le prélèvement de 25 % de la CVAE en 2012 sera, du fait de la croissance du produit global, plus élevé qu'en 2011, et sa redistribution pourra donc ne pas être intégralement annulée par l'intervention de la compensation à l'euro près.

Ainsi, comme le relevait le rapport « Durieux-Subremon », « l'alimentation de cette péréquation repose donc sur le même fondement que celle du fonds de péréquation de la croissance de la CVAE créé par la loi de finances pour 2010 c'est-à-dire sur la croissance de la ressource de CVAE après 2010 (« le flux ») et non sur la richesse constatée (« le stock »). Les deux mécanismes dits sur « stock » et sur « flux » ont donc un fonctionnement similaire, l'un sur des critères de charges, l'autre sur un critère de ressources ».

Le rapport évaluait les effets péréquateurs de ces dispositifs comme légèrement supérieurs à ceux des dispositifs de péréquation sur « flux cumulés » . Ainsi, pour les régions, ils permettraient une réduction de 4,6 % des inégalités de potentiel fiscal entre 2010 et 2015 et, pour les départements, une réduction de 3,4 % de ces inégalités.

Au total, tous mécanismes confondus, le dispositif actuellement applicable permettrait de réduire les inégalités entre les régions de 7 % entre 2010 et 2015 et celles entre les départements de 6,7 % sur la même période .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de simplifier l'architecture actuelle des dispositifs de péréquation avec la mise en place d'un unique « fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des régions et de la collectivité territoriale de Corse » ( I ) et d'un unique « fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des départements » ( II ).

Ces fonds se substituent totalement aux dispositions actuelles, qui sont supprimées par le IV du présent article.

Le III du présent article supprime, par coordination, les dispositions articulant le mécanisme de compensation à l'euro près avec celui des fonds de péréquation sur stock.

A. LE FONDS DE PÉRÉQUATION RÉGIONAL

Le I du présent article prévoit de créer une section 4 « Péréquation des recettes fiscales » au sein du chapitre II « Modalités particulières de financement » du titre III du livre III de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, consacré aux recettes des régions. Cette section serait composée d'un article L. 4332-9 nouveau unique créant un « fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des régions et de la collectivité territoriale de Corse ».

1. Des prélèvements sur « flux cumulés »

Le II de l'article L. 4332-9 prévoit que le fonds serait alimenté par des prélèvements sur le flux cumulé de la CVAE c'est-à-dire sur la différence, chaque année, entre le produit de la CVAE reçu par la région (ou la collectivité territoriale de Corse 7 ( * ) ) et le produit de cette même cotisation reçu en 2011.

Un prélèvement est alors opéré si, d'une part, cette différence est positive, c'est-à-dire si le produit de CVAE de la région a crû depuis 2011 , et si, d'autre part, le potentiel fiscal par habitant de la région concernée est supérieur au potentiel fiscal par habitant moyen de l'ensemble des régions, c'est-à-dire si la région peut être considérée comme plus riche que la moyenne des régions.

Le prélèvement est égal à la moitié du produit de CVAE excédant celui de l'année 2011 .

Un dispositif protecteur a été prévu pour éviter que, du fait de ce prélèvement, une région ne voie son potentiel fiscal passer en-deçà du niveau moyen des potentiels fiscaux régionaux. Ainsi, le prélèvement n'est opéré que dans la limite du nombre d'habitants de la région multiplié par l'excédent de potentiel fiscal par habitant de cette région.

L'article précise que le prélèvement sera effectué sur les douzièmes prévus par l'article L. 4331-2-1, c'est-à-dire sur les taxes et impositions perçues par voie de rôle pour les régions.

2. Des reversements en fonction de critères de ressources et de charges

Les régions éligibles aux reversements sont celles dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,85 fois le potentiel fiscal par habitant moyen de l'ensemble des régions.

Les reversements en provenance du fonds régional sont opérés au profit des régions éligibles en cumulant les critères de ressources et de charges.

Pour ce qui est du critère de ressources , la moitié des reversements en provenance du fonds bénéficie aux régions au prorata de l'écart relatif entre leur potentiel fiscal par habitant et le potentiel fiscal par habitant moyen de l'ensemble des régions.

En ce qui concerne les critères de charges , qui correspondent à l'autre moitié des ressources du fonds :

- un sixième des ressources sont reversées au prorata de la population ;

- un sixième au prorata de l'effectif des élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et de celui des stagiaires de la formation professionnelle de la région ;

- et un sixième en fonction de la superficie, retenue dans la limite du double du rapport entre, d'une part, leur population et, d'autre part, la densité de population moyenne de l'ensemble des régions. Cette limitation du critère superficiaire devrait, d'après les informations transmises par le Gouvernement, concerner en 2012 la Corse, le Limousin et la Guyane.

Enfin, il est prévu que les reversements interviennent par douzièmes, que la population à prendre en compte est celle résultant du recensement et servant à la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et que les modalités d'application du dispositif soient précisées par décret en Conseil d'Etat.

B. LE FONDS DE PÉRÉQUATION DÉPARTEMENTAL

Le II du présent article prévoit de créer un chapitre V « Péréquation des recettes fiscales » au sein du titre III du livre III de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, consacré aux recettes des départements. Cette section serait composée d'un article L. 3335-1 unique créant un « fonds national de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des départements ».

Les dispositions prévues pour le fonds départemental sont identiques à celles applicables au fonds régional, à l'exception de trois éléments :

- les départements seront éligibles aux reversements si leur potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal par habitant moyen des départements ;

- pour les régions, l'éligibilité nécessitait un potentiel fiscal inférieur à 0,85 fois la moyenne 8 ( * ) . La condition est donc assouplie pour les départements ;

- le critère de charges relatif aux effectifs des lycées est remplacé par un critère de charge au prorata de l'effectif du nombre de bénéficiaires de minima sociaux 9 ( * ) au cours de l'année précédant celle du prélèvement et de la population âgée de plus de 75 ans , la pondération restant d'un sixième ;

- enfin, le critère de charges relatif à la superficie est remplacé par un critère de charges au prorata de la longueur de la voirie départementale rapportée au nombre d'habitants de chaque département , la pondération demeurant également d'un sixième. Le choix de rapporter la longueur de la voirie départementale résulte des calculs opérés par la mission « Durieux-Subremon » qui concluait au fait que ce choix renforcerait, quoique faiblement, le caractère péréquateur du dispositif proposé. Le Gouvernement a donc fait le choix de le mettre en oeuvre.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis défavorable du Gouvernement , un amendement proposé par sa commission des finances, à l'initiative de notre collègue député Michel Bouvard , visant à ce que les régions et les départements ne contribuent aux fonds de péréquation de CVAE que sur la part de leur CVAE excédant l'augmentation moyenne de la CVAE de leur catégorie de collectivités territoriales.

Ainsi, le flux ne serait plus prélevé sur la différence entre le produit de CVAE d'une région en année n avec le produit de cette région en 2011, comme le prévoit le texte actuel, mais en comparant le produit de CVAE de cette région en année n, multiplié par l'accroissement moyen de la CVAE des régions entre les années 2010 et n , avec le produit de cette région en 2011.

Cette modification revient à sanctuariser au profit de chaque région et de chaque département la part de CVAE correspondant à la hausse moyenne nationale. La péréquation ne serait plus opérée que sur le surplus de CVAE par rapport à l'augmentation moyenne de cette ressource fiscale pour l'ensemble des collectivités territoriales.

La commission des finances de l'Assemblée nationale a défendu cet amendement en arguant de la nécessité de préserver la territorialisation de l'impôt . Toutefois, le dispositif proposé par le projet de loi de finances initial ne va pas à l'encontre de la territorialisation. Il se contente de prélever, au sein d'une ressource territorialisée, une part de l'accroissement de cette ressource au profit d'un dispositif de péréquation. L'argument de la territorialisation pourrait être opposé à tous les dispositifs de péréquation horizontale puisque ceux-ci ont, par nature, pour effet, de prélever une ressource fiscale là où elle se trouve pour l'affecter à une collectivité qui ne devrait pas en bénéficier selon le strict principe de territorialisation.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général relève que ces deux fonds de péréquation , à la différence du fonds de péréquation des DMTO des départements, prévu par l'article 61 du présent projet de loi, n'ont vocation à produire des effets qu'en 2013, sur la base de l'écart entre les ressources de CVAE de l'année 2011 et celles de l'année 2012 .

A. DES SIMULATIONS IMPOSSIBLES À ÉTABLIR DÈS LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES

D'après les évaluations préalables jointes au présent projet de loi de finances, les fonds de péréquation tels que prévus dans le projet de loi initial monteraient progressivement en puissance sur la période :

- pour les régions, le fonds serait alimenté à hauteur de 40 millions d'euros sur la base de l'écart entre la CVAE de 2011 et de 2012 pour atteindre 174 millions d'euros en 2015. Quatre régions seraient contributrices en 2015 (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Haute-Normandie et Alsace). Ainsi, au niveau des régions, les inégalités seraient réduites de 20 % en 2015 par rapport à 2010 ;

- le fonds de péréquation des départements s'élèverait à 94 millions d'euros sur la base de l'écart entre la CVAE de 2011 et de 2012 et atteindrait 423 millions d'euros en 2015. Vingt-cinq départements seraient contributeurs. Au niveau des départements, les inégalités seraient réduites de 13 % en 2015 par rapport à 2010 .

Ces simulations sont toutefois à prendre avec beaucoup de précaution. En effet :

- les données utilisées sont celles de la mission « Durieux-Subremon » . Ce sont donc des simulations de produit de CVAE loin d'être définitives ;

- les services du ministère de l'Intérieur indiquent par ailleurs que le calcul du potentiel fiscal effectué par la mission ne prend pas en compte les produits de compensations d'exonérations, ce qui fausse les estimations ;

- enfin, les projections de ces fonds ne peuvent être faites que sur des hypothèses de croissance de CVAE , par définition très théorique puisque nous ne disposons pas encore des données définitives concernant la CVAE pour 2010, année de sa création.

Par ailleurs, la modification adoptée à l'Assemblée nationale conduira nécessairement à réduire très fortement le montant faisant l'objet d'une péréquation. Celui-ci sera d'autant plus faible que la croissance de la CVAE sera peu différente pour une collectivité de la croissance moyenne de la CVAE. Simuler les effets du dispositif voté à l'Assemblée nationale reviendrait à faire des hypothèses de croissance de CVAE pour chaque région et chaque département, ce qui produirait des données sans aucune fiabilité .

Il paraît donc assez illusoire de vouloir mettre en place dès le présent projet de loi de finances un dispositif définitif dont on ne peut pas mesurer de manière tangible les effets sur les finances des collectivités territoriales.

B. UN DISPOSITIF SATISFAISANT DANS SES PRINCIPES

Sur les principes, le dispositif proposé par le présent article paraît satisfaisant à plusieurs égards :

- il ne porte que sur les flux de CVAE, et non sur ses stocks, ce qui permet d'appliquer la règle de la compensation à l'euro près des pertes subies par les régions et les départements du fait de la réforme de la taxe professionnelle. Toute péréquation sur flux aurait, dans ce cas précis, empêché la mise en oeuvre de la réforme dans de bonnes conditions ;

- ses reversements sont fonction de critères à la fois de ressources - le potentiel fiscal - et de charges , qui reprennent largement les propositions formulées par la commission des finances dans le cadre de l'examen de la réforme de la taxe professionnelle ;

- enfin, il apporte une simplification bienvenue au système des quatre fonds créés par la loi de finances pour 2010.

Les questions de principe qui peuvent encore faire l'objet d'un débat sont les suivantes :

- faut-il prendre en compte le potentiel fiscal des collectivités territoriales ou leur potentiel financier ? Si le potentiel financier peut sembler plus représentatif de la richesse réelle d'une collectivité, il inclut des dotations de l'Etat, elles-mêmes déjà partiellement versées en application de principes de péréquation verticale, ce qui reviendrait à faire de la péréquation sur de la péréquation.

- faut-il fixer un objectif de péréquation chiffré , par exemple, une réduction de 10 % des écarts de potentiel fiscal ou privilégier une approche pragmatique en créant un fonds et en constatant a postériori ses effets péréquateurs ?

C. LA NÉCESSITÉ DE PRENDRE LE TEMPS D'AFFINER LE DISPOSITIF

Pour ce qui est de l'appréciation concrète des effets du dispositif, tout jugement paraît aujourd'hui prématuré . Comme le montrent les simulations du fonds de péréquation des DMTO créé par l'article 61 du présent projet de loi de finances, il est nécessaire de disposer de données fiables pour prendre les bonnes décisions, au risque de produire des effets pervers qui ne seraient pas anticipés.

Il est donc préférable, à ce stade, de ne pas préjuger du montant et du rythme d'évolution de la CVAE par région et par département pour les deux prochaines années et d'attendre que les données relatives à la CVAE soient disponibles pour appréhender de manière satisfaisante les effets des deux fonds.

Le présent article a l'avantage de poser les principes qui serviront à la réalisation des simulations, celles-ci permettant d'ajuster ce dispositif qui ne produira ses premiers effets qu'en 2013 , sur la base de l'écart entre les années 2011 et 2012.

D. LA MODIFICATION PROPOSÉE

Outre un ajustement de coordination avec l'amendement adopté à l'article 61 du présent projet de loi de finances, votre commission des finances vous propose d'adopter un amendement de principe, visant à ce que les prélèvements et les reversements des fonds de péréquation de CVAE se fassent en fonction du potentiel financier de ces collectivités, et non de leur potentiel fiscal .

En effet, le potentiel financier est plus représentatif de la richesse réelle des collectivités territoriales puisqu'il intègre des dotations de l'Etat.

Par ailleurs, malgré la montée en puissance de dispositifs de péréquation verticale, des inégalités historiques majeures subsistent dans la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, notamment au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il paraît donc logique et nécessaire de prendre en compte ces inégalités dans le fonctionnement des fonds de péréquation.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 5 Il résulte d'une erreur contenue dans l'amendement proposé en lecture des conclusions de CMP par le Gouvernement que le dispositif prévu pour les départements prévoit un prélèvement pour les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur, et non supérieur, à la moyenne.

* 6 « Evaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle sur la fiscalité des collectivités territoriales et sur les entreprises », Inspection générale des finances et Inspection générale de l'administration, établi sous la supervision de Bruno Durieux et Patrick Subremon, mai 2010.

* 7 Pour l'application de l'ensemble du dispositif, la collectivité territoriale de Corse est assimilée à une région.

* 8 Cet abaissement à 0,85 fois le potentiel moyen a été opéré par cohérence avec le critère d'éligibilité à la péréquation régionale de la part péréquation de la DGF.

* 9 D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, il s'agira des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH), de l'allocation pour tierce personne (ACTP) de la prestation spécifique dépendance (PSD), des bénéficiaires de l''aide sociale aux personnes âgées et des bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance.