III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)
Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, propose de créer une nouvelle composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), assise sur certaines installations de stockage et de transport du gaz naturel, dont le produit fiscal reviendrait majoritairement aux communes d'implantation.
I. LES HUIT COMPOSANTES ACTUELLES DE L'IFER
Ainsi qu'il a été exposé dans le commentaire de l'article 59 du présent projet de loi de finances, une nouvelle imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) a été créée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, introduite par l'article 2 de la loi de finances pour 2010 1 ( * ) , et de son remplacement par la contribution économique territoriale (CET). Cette nouvelle imposition répondait à un objectif de neutralisation de l'avantage fiscal , estimé à environ 1,6 milliard d'euros, et de l'effet d'aubaine dont auraient bénéficié quelques « grands gagnants » de la réforme de la taxe professionnelle (TP). L'IFER est perçue par les collectivités territoriales ou leurs groupements intercommunaux à compter de 2011 2 ( * ) .
L'IFER, prévue par l'article 1635 0 quinquies du code général des impôts, comporte ainsi huit composantes dont les tarifs sont spécifiques et qui sont assises sur les éléments suivants, relevant des secteurs de l'énergie, des télécommunications et des transports ferroviaires :
- les installations éoliennes terrestres et « hydroliennes » (article 1519 D), dont l'article 59 du présent projet de loi de finances relève le tarif de 2,913 euros par kilowatt de puissance électrique installée à 5 euros ;
- les centrales nucléaires et thermiques à flamme (article 1519 E) ;
- les centrales de production photovoltaïques et hydrauliques (article 1519 F) ;
- les transformateurs électriques (article 1519 G) ;
- les stations radioélectriques (article 1519 H). L'article 60 quinquies du présent projet de loi de finances propose de mettre en place une franchise d'imposition pour les soixante premières stations radioélectriques dont disposent les éditeurs de radios indépendantes à vocation locale, régionale ou thématique ;
- le matériel roulant utilisé sur le réseau ferré national pour le transport de voyageurs (article 1599 quater A) et sur les lignes de transport en commun d'Ile-de-France (article 1599 quater A bis ) ;
- et les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre (article 1599 quater B). L'article 60 du présent projet de loi de finances prévoit d'élargir l'assiette de cette composante à certains équipements de commutation et de diminuer fortement le tarif appliqué aux répartiteurs principaux.
II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général, et Michel Bouvard, et avec l'avis défavorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui crée une nouvelle composante de l'IFER assise sur les réseaux et installations de gaz naturel , codifiée dans un article 1519 HA du code général des impôts.
A. L'ASSIETTE, LES TARIFS ET LA DÉCLARATION
Sont redevables de cette imposition ( alinéa 4 ) les exploitants des installations, ouvrages et canalisations suivants : les installations de gaz naturel liquéfié (dont les terminaux méthaniers 3 ( * ) , les stockages souterrains de gaz naturel, les canalisations de transport de gaz naturel, les stations de compression du réseau de transport de gaz naturel et les canalisations de transport d'autres hydrocarbures.
Les tarifs applicables ( alinéas 6 à 11 ) sont les suivants :
- 2,5 millions d'euros par installation de gaz naturel liquéfié dont les tarifs d'utilisation sont fixés en application de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie ;
- 500 000 euros par site de stockage souterrain de gaz naturel dont les capacités sont soumises aux dispositions des articles 30-2 à 30-4 de la même loi (qui fixent notamment les obligations de stockage, les modalités d'accès aux sites de stockage souterrain et les conditions de refus d'accès) ;
- 500 euros par kilomètre de canalisation de transport de gaz naturel appartenant à un réseau dont les tarifs d'utilisation sont fixés en application de l'article 7 de la même loi, et 500 euros par kilomètre de canalisation de transport d'autres hydrocarbures ;
- 100 000 euros par station de compression utilisée pour le fonctionnement d'un réseau dont les tarifs d'utilisation sont fixés en application du même article 7.
L'IFER sur les installations de gaz naturel est due chaque année par l'exploitant au 31 décembre de l'année d'imposition ( alinéa 5 ), ce qui la différencie des autres composantes pour lesquelles l'imposition est due au 1 er janvier. Le redevable de la taxe déclare , au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1 er mai de l'année d'imposition (comme pour les autres composantes de l'IFER), les ouvrages, les installations et le nombre de kilomètres de canalisations exploitées par commune et par département ( alinéa 12 ).
Le II du présent article prévoit cependant que pour les impositions établies au titre de 2010, les déclarations seront réalisées par les redevables de la taxe au plus tard le 1 er mars 2011. Cette IFER sera donc acquittée rétrospectivement au titre de 2010 dans les deux premiers mois de 2011.
B. LES MODALITÉS DE GESTION ET LA RÉPARTITION DU PRODUIT
Les modalités de gestion sont semblables à celles des autres composantes de l'IFER : le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties, sûretés et privilèges sont donc régis comme en matière de cotisation foncière des entreprises .
Aux termes du 3° du I du présent article ( alinéa 14 ), qui complète le e du A du I de l'article 1641 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 1 er janvier 2011, cette nouvelle composante de l'IFER fait l'objet d'un prélèvement de l'Etat de 2 % au titre des frais de dégrèvement et de non-valeur qu'il prend à sa charge.
Les 4° à 7° du I complètent le I de l'article 1379 et le I de l'article 1586 du même code, dans leur rédaction en vigueur au 1 er janvier 2011, pour préciser les modalités de répartition du produit de cette composante, qui est perçu par les communes et départements .
Les communes ( alinéas 15 et 16 ) perçoivent ainsi l'intégralité du produit afférent aux installations de gaz naturel liquéfié, aux stockages souterrains de gaz naturel et aux stations de compression du réseau de transport de gaz naturel, et la moitié du produit relatif aux canalisations de transport de gaz naturel et d'autres hydrocarbures.
Par coordination, le 7° du I ( alinéas 20 et 21 ) prévoit la même affectation au profit des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui, aux termes du I bis de l'article 1609 nonies C, dans sa rédaction en vigueur au 1 er janvier 2011, se substituent à leurs communes membres pour la perception de l'IFER. De même, le 5° ( alinéa 17 ) insère une référence à la nouvelle composante dans les dispositions relatives aux ressources fiscales des groupements communaux et des EPCI à fiscalité propre, prévues aux I et V de l'article 1379-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 1 er janvier 2011.
Les départements perçoivent le solde, soit la moitié du produit relatif aux canalisations de transport de gaz naturel et d'autres hydrocarbures ( alinéas 18 et 19 ).
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur général approuve la création de cette nouvelle composante , déjà évoquée lors des débats sur la suppression de la taxe professionnelle. Elle vient en effet combler une lacune et les installations concernées répondent aux critères d'imposition à l'IFER : elles constituent un réseau de stockage et de distribution - en particulier s'agissant des canalisations -, ne sont pas délocalisables, sont réparties sur tout le territoire et peuvent comporter des nuisances et contraintes (en particulier au regard des normes de sécurité et de « périmètre Seveso »), qui impliquent de renforcer le lien fiscal avec les collectivités territoriales d'implantation et l'incitation de ces dernières à accueillir de tels équipements.
Lors de la présentation du dispositif à l'Assemblée nationale le 16 novembre 2010, notre collègue député Michel Bouvard a ainsi évoqué les contraintes de sécurité liées aux canalisations, qui conduisent les collectivités, lorsqu'elles veulent utiliser des terrains à proximité de ces installations, à effectuer des travaux de protection qui sont à leur charge.
Il convient de rappeler que cette nouvelle composante n'avait pas été introduite lors de la création de l'IFER par la loi de finances pour 2010, car certains des équipements concernés ont pu être exonérés de TP. Tel était le cas des canalisations et, par délibération des collectivités territoriales et pour une durée de cinq ans, de certaines installations de stockage de gaz liquéfié d'au moins 200 tonnes 4 ( * ) (ancien article 1464 F du code général des impôts).
Il y a cependant une certaine logique à ce que les terminaux méthaniers , par exemple, soient soumis à l'IFER, au même titre que les centrales thermiques ou nucléaires. On ne peut également méconnaître les fortes réticences que les projets de création de tels terminaux suscitent localement.
Le produit fiscal de cette composante serait assez modeste puisqu'il est évalué à 35 millions d'euros , dont les principales entreprises redevables seront Total et Gaz de France. L'essentiel, soit 30 millions d'euros, devrait revenir au bloc communal , les départements étant par nature avant tout concernés par le volet « canalisations ».
En revanche, la répartition du produit afférent aux stockages souterrains gagnerait à être modifiée pour mieux tenir compte de l'intercommunalité et éviter tout effet d'aubaine excessif au profit des communes isolées. Votre commission vous propose donc un amendement qui prévoit d'attribuer ce produit à parité entre la commune d'établissement et l'EPCI dont elle est membre, ou à défaut d'EPCI, au département.
Votre commission des finances vous propose également une modification rédactionnelle tendant à insérer les termes « entreprises de » dans les mentions de l'IFER.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 1 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
* 2 L'IFER est perçue par l'Etat en 2010. Les collectivités qui percevaient la TP sur des installations désormais soumises à l'IFER bénéficient cependant d'une « compensation-relais » à l'euro près en 2010, via la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
La composante afférente aux matériels roulants utilisés pour le transport ferroviaire de voyageurs en Ile-de-France, introduite par la loi relative au Grand Paris (n° 2010-597 du 3 juin 2010) et prévue à l'article 1599 quater A bis, sera quant à elle perçue au profit de la Société du Grand Paris.
* 3 Au nombre de trois sur le territoire, à Fos-sur-mer (Fos Tonkin et Fos Cavaou) et à Montoir-de-Bretagne. Deux autres terminaux sont en projet, près du Havre (Antifer) et de Bordeaux (Verdon), et le projet de Dunkerque est actuellement menacé.
* 4 Ces installations devaient, pour un motif d'intérêt général, avoir fait l'objet d'un transfert à l'intérieur de la même commune ou dans une autre commune.